Pour les démocrates en général et pour les Juifs progressistes en particulier, la lutte contre le fascisme est prioritaire. Elle s’intensifie en France à partir de 1934.
Fin 1935, un vaste Mouvement populaire juif démocratique est lancé à l’initiative des Juifs communistes immigrés. Leurs associations, déjà très actives, sont de plus en plus dynamiques : dispensaire, colonies de vacances, mouvement des femmes, chorale, culture, sport, entraide…
En mai 1936, la France est en effervescence, une coalition des partis de gauche forme le Front Populaire soutenu massivement par les Juifs immigrés.
Mais, en Espagne, la guerre civile va déchirer le pays. La République est en péril. Dès la fin du mois de juillet, les Juifs immigrés militants sont nombreux à rejoindre les combattants républicains espagnols puis à s’engager dans les Brigades Internationales. Leur objectif : voler au secours de la République espagnole attaquée par Franco avec l’appui d’Hitler et de Mussolini.
Toujours très investis dans le combat antifasciste, ils manient les armes, comme tous les autres brigadistes, aux côtés des républicains espagnols.
Ces militants ont déjà lutté, en Europe de l’Est, contre des régimes autoritaires et anticommunistes pour défendre ce qu’ils appelaient l’« émancipation humaine ». Ils ont affronté la haine anti-juive dans leurs différents pays d’origine bien avant la montée antisémite des années 1930 en Europe et ont acquis la pratique de la clandestinité.
En Espagne, ils se mêlent aux autres combattants, mais certains souhaitent témoigner de la participation spécifique des Juifs yiddishophones à la défense de la République et intègrent la compagnie Botwin qui rassemble des Juifs de plusieurs pays et arbore sur son drapeau la devise internationaliste, « Pour votre liberté et la nôtre ».
Le texte est rédigé en espagnol, en polonais et en yiddish.
En septembre 1937, à l’initiative des organisations progressistes juives, se tient, à Paris, le Congrès Mondial pour la défense de la culture yiddish, alors à son apogée mais menacée par le contexte politique européen. Les participants, de toutes tendances, unis par la conscience d’un danger commun, aboutissent à un consensus sur la défense de la culture yiddish face à l’antisémitisme et au fascisme.
FASCISME
Le fascisme est une idéologie autoritaire et anti-démocratique née en Italie en 1919 et mise en œuvre par Mussolini.
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Le fascisme naît officiellement à Milan le 23 mars 1919. Dans une Italie en crise économique, le dilemme réside alors entre révolution sociale ou régime autoritaire.
Au pouvoir, après la marche sur Rome du 27 octobre 1922, Mussolini et ses Faisceaux italiens de combat (« fasci » en italien) usent de la violence et suppriment toute vie démocratique (lois fascistissimes de 1925).
Le fascisme est un mode de contrôle politique qui émerge dans les sociétés industrielles capitalistes : il s’appuie sur les couches sociales frappées par la crise et se prétend la solution historique face à un système capitaliste en déroute.
Ce régime, à parti unique, entend dépasser la lutte des classes en instaurant des structures verticales réunissant en même temps patrons et ouvriers et en supprimant les structures horizontales, comme les syndicats.
Plusieurs variantes de régimes fascistes sont apparues en fonction des conditions politiques, économiques et matérielles de chaque pays.
Dans sa forme nazie, le fascisme, outre une politique des boucs émissaires, s’accompagne de xénophobie, de racisme et d’antisémitisme. Le génocide dont les Juifs ont été principalement les victimes, pendant la Seconde Guerre mondiale, en est la démonstration.
Références
— Portis Larry,2010, Qu’est-ce que le fascisme ? Éditions d’Alternative Libertaire.
— Paxton Robert O., 2004, Le Fascisme en action, Éditions du Seuil.
LE RÉSEAU ASSOCIATIF JUIF LIÉ À LA M.O.I.
Par le biais de diverses organisations dont les responsables appartiennent à la section juive, l’influence de la M.O.I., avant-guerre, s’étend bien au-delà de ses propres membres. Les militants M.O.I. réellement actifs sont environ 200, ils habitent principalement à Paris.
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Au sein des syndicats affiliés à la CGTU (Confédération générale du travail unitaire), existe une douzaine de sections juives (cuirs et peaux, habillement, textile, boulangerie etc.) regroupées dans une « Commission intersyndicale juive ».
La Kultur Ligue ( Ligue culturelle) dont le nom nom officiel est : « Ligue juive d’enseignement », est fondée en 1918 à Kiev et voit le jour à Paris en 1923.
Son but : propager la culture yiddish, créer une bibliothèque, une université ouvrière.
L’Arbeter Orden (l’Ordre ouvrier), une société d’aide mutualiste, est créé en 1933. Il organise une permanence juridique, fonde un dispensaire et une association : « Les Amis de l’enfant ouvrier juif » qui anime une colonie de vacances.
Les fondateurs du YASK (club sportif ouvrier juif), qui comptera en 1934 cinq cents adhérents, sont des jeunes de la Kultur Ligue. D’autres membres de la Kultur Ligue fondent le AYK (club de jeunes travailleurs) qui devient une tribune du militantisme politique et social.
De nombreuses troupes de théâtre naissent dans les années vingt. En 1934, est créé le Pariser Yidisher Arbeter Teater (PYAT) : le théâtre juif de la rue de Lancry, à Paris, propose tout le répertoire yiddish.
D’autres militants animent des “Patronati”, comités d’aide aux prisonniers politiques en Pologne et en Palestine sous mandat britannique.
L’association des “Amis de La Naïe Presse" diffuse le journal, le soutient et entretient des liens avec le lectorat.
Par ailleurs, le “Mouvement des Femmes juives contre le Fascisme et la guerre” est organisé en 1935.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions Sociales
FRONT POPULAIRE
En France, le Front populaire de 1936 et les grèves qui succèdent à la victoire électorale aboutissent à d’importantes réformes sociales comme les congés payés. Réformes honnies par la droite extrême qui en viendra à revendiquer le slogan « plutôt Hitler que le Front populaire ». En 1938, c’en est fini du Front populaire et de l’espoir démocratique et antifasciste qu’il a généré.
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À la suite du krach boursier d’octobre 1929, la crise économique mondiale se fait sentir en France à partir de 1931. Face à ce climat et à l’instabilité politique, l’extrême droite française connaît une véritable explosion.
Le 6 février 1934, la journée des « Ligues » (différents mouvements d’extrême droite) a lieu devant l’Assemblée Nationale, manifestation analysée comme une tentative de coup d’état fasciste.
Le gouvernement Daladier démissionne le 7 février.
Le 9 février, à l’appel du Parti communiste, une manifestation est organisée contre le fascisme. Interdite, elle se solde par des heurts violents (neuf morts et des centaines de blessés).
En juillet 1934, un « pacte d’unité d’action » entre le Parti communiste, le Parti socialiste et le Parti radical est conclu pour un « Front populaire de la liberté, du travail et de la paix ». C’est une alliance défensive contre le fascisme et contre la misère.
Lors des élections législatives, en avril-mai 1936, le Front populaire obtient la majorité absolue. Léon Blum, leader du Parti socialiste, forme un gouvernement constitué de socialistes et de radicaux, les communistes le soutiennent sans y participer.
Un puissant mouvement de grèves aboutit à la signature des « Accords de Matignon » entre les syndicats et Léon Blum, le 7 juin 1936 : augmentation de salaire, durée du travail fixé à 40 heures hebdomadaires, obtention de 15 jours de congés payés, établissement des conventions collectives au sein des entreprises.
Des réformes de structures sont aussi réalisées : démocratisation de la Banque de France, nationalisation des chemins de fer aboutissant à la création de la SNCF.
Parallèlement, un effort important est fait en matière d’éducation et de culture.
Les militants de la section juive de la M.O.I., enthousiastes, soutiennent le Front populaire.
Mais les difficultés surgissent : la guerre civile espagnole, qui oppose le fascisme franquiste aux républicains, a éclaté en 1936. Léon Blum accepte un traité de « non-intervention » voulu par la plupart des ministres radicaux et une partie des ministres socialistes.
Cet abandon le sépare du Parti communiste.
La situation économique se dégrade : fuite des capitaux, dépenses de réarmement. Un antisémitisme virulent s’exprime, envers Léon Blum en particulier et l’ensemble des Juifs en général, notamment envers les Juifs progressistes.
À l’automne 1938, le 30 septembre, les « Accords de Munich » sont signés, Hitler a les mains libres à l’Est, la guerre se prépare et conduit à la remise en cause des avancées sociales du Front populaire.
C’en est fini du rassemblement démocratique antifasciste.
Références
— Diatkine Daniel & Gayman Jean-Marc, 1997, Histoire des faits économiques, tome2,
Croissance et crises en France de 1895 à 1974, Paris, Nathan.
— Tartakowsky Danielle, 2004, Le Front Populaire : la vie est à nous, Paris, Gallimard,
Coll. « Découvertes Gallimard.
JUIFS IMMIGRÉS ET FRONT POPULAIRE
Les Juifs progressistes immigrés en France s’engagent spontanément dans le Front populaire en 1936, aux côtés des travailleurs français, contre le fascisme et pour la justice sociale.
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Les élections de mai 1936 permettent aux Juifs immigrés, récemment naturalisés, de participer directement à la vie du pays. Les Juifs du 4ème arrondissement de Paris, votent pour le candidat communiste. 10 députés du Front populaire sont élus dans la capitale grâce à l’apport des voix juives.
La victoire du Front populaire galvanise les Juifs progressistes et ils défilent en masse au cimetière du Père Lachaise, en souvenir des communards assassinés, sous une banderole inédite « Contre tous les nationalismes, pour l’union des travailleurs immigrés et français ».
La formule est reprise dans tous les journaux.
La Naïe Presse, journal progressiste juif en yiddish, émanation de la section juive de la M.O.I., gagne encore de nouveaux lecteurs.
Des grèves éclatent un peu partout en France.
Les 22 sections juives qui comptent 13000 syndiqués s’investissent dans le mouvement social.
Les ouvriers juifs sont partie prenante des deux millions de grévistes, ils occupent les usines aux côtés de leurs camarades. Dans tous les secteurs d’activité, les progrès sont considérables : salaires, horaires, conventions collectives et, bien sûr, congés payés.
Pour les travailleurs juifs, le rapprochement avec les ouvriers français est une victoire à la fois morale, sociale et politique.
Mais les immigrés non naturalisés se sentent en insécurité et en novembre 1936, La Naïe Presse appelle à l’union des juifs immigrés avec les Juifs « autochtones » dans la lutte contre le fanatisme et le sectarisme.
Une commission de juristes juifs propose un « statut juridique de l’immigré » pour protéger les travailleurs car la situation générale du pays est inquiétante.
Une pause dans les réformes sociales est officiellement déclarée.
Le « Mouvement populaire juif » (qui regroupe plusieurs tendances), créé en 1935 à l’initiative de la section juive de la M.O.I. et de la Ligue Internationale Contre l’Antisémitisme (LICA), s’inscrit toujours vigoureusement dans la lutte antifasciste.
Le marasme économique va conduire à la démission du chef du gouvernement, Léon Blum (qui n’obtient pas les pleins pouvoirs pour sa réforme), et à la fin du Front populaire en avril 1938. L’espoir démocratique est anéanti avec le triomphe des nationalistes franquistes en Espagne.
La victoire du fascisme annonce le pire pour l’Europe, pour la France...
Références
— Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions sociales.
— Diamant David, 1979, Combattants juifs dans l’armée républicaine espagnole 1936-1939, Éditions du Renouveau.
JUIFS DANS LA GUERRE D'ESPAGNE
Les Juifs immigrés progressistes s’engagent en nombre dans la guerre civile espagnole (1936-1939) en faveur des républicains et contre les forces fascistes.
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En France, dès juillet 1936, les Yaskistes (issus du Yask, association sportive de Juifs immigrés progressistes), décident de rejoindre l’armée républicaine espagnole.
Le premier groupe organisé de volontaires juifs part de Paris le 8 août 1936.
Le 22 octobre, à l’initiative des communistes, des Brigades internationales sont créées. Les volontaires, venus de nombreux pays, sont enrôlés en France. Les antifascistes juifs, français ou étrangers, comptent parmi les premiers recrutés. Un Comité juif pour l’aide à l’Espagne républicaine est fondé à Paris. Il prend en charge les nouveaux arrivants.
Le recrutement et le convoiement des volontaires s’effectuent sous l’égide de la M.O.I. (Main-d’Oeuvre Immigrée) qui informe politiquement les futurs combattants sur la lutte antifasciste grâce à l’expérience des Juifs immigrés d’Europe de l’Est.
Pendant toute la durée de la guerre civile espagnole, les organisations juives progressistes en France viennent régulièrement en aide aux combattants juifs par l’envoi de ravitaillement, de vêtements ou d’argent.
Le 7 août 1937, paraît, en yiddish, le premier numéro du journal du front Les combattants de la liberté.
La compagnie Botwin, spécifiquement juive, est créée le 12 décembre 1937. Les Juifs souhaitent montrer qu’ils savent combattre, eux aussi, quand il s’agit de défendre la liberté et la démocratie. Le 30 décembre, paraît le premier numéro d’un deuxième journal du front en yiddish, Botwin. 5 autres numéros suivront.
La Naïe Presse manifeste sa solidarité avec le peuple espagnol.
La participation des Juifs (environ 8000 répartis dans différentes brigades) à la guerre civile espagnole contre les forces fascistes participe de leur attachement à l’idéal révolutionnaire universaliste et laïque qui les anime. Beaucoup sont tués. La guerre s’achève en avril 1939 avec la victoire des fascistes. Les combattants républicains qui se sont réfugiés en France, sont parqués dans des camps d’internement par le gouvernement français et seront bientôt livrés aux nazis.
Références
— Diamant, David, 1979, Combattants juifs dans l’armée républicaine espagnole, 1936-1939, Paris, Éditions du Renouveau.
— Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions sociales.
BRIGADES INTERNATIONALES
Pendant la guerre civile espagnole, entre 1936 et 1938, les Brigades Internationales, formées de volontaires antifascistes venant de 53 pays différents, combattent les forces antirépublicaines du général Franco.
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Les Brigades Internationales (BI), composées de combattants volontaires antifascistes venus de nombreux pays, sont créées, par décret du gouvernement espagnol, le 22 octobre 1936. L’objectif : Voler au secours de la république espagnole en danger.
Après un bref entraînement, les premières unités participent à la défense de Madrid, assiégée par les troupes du général nationaliste Franco depuis le 8 novembre.
Les motivations des volontaires sont diverses : par exemple, les Italiens, les Allemands et les Hongrois, venus de pays totalitaires, poursuivent en Espagne le combat antifasciste. Chez les Français, outre la proximité géographique, s’impose la fraternité unissant les Fronts populaires français et espagnol.
La gauche et l’extrême gauche sont très représentées.
Les brigadistes français sont les plus nombreux. Les volontaires sont groupés par langues : les Franco-Belges sont réunis dans le bataillon Commune de Paris, les Polonais, Tchèques et Hongrois sont rassemblés dans le bataillon Dombrowski (dont la compagnie Naftali Botwin, composée de Juifs).
Au début de 1937, les B.I. subissent des pertes énormes lors de l’encerclement de Madrid par les nationalistes. Dans la phase défensive finale de la guerre, elles tentent de rétablir le contact avec la Catalogne.
Le gouvernement républicain espagnol, dans l’espoir de mettre fin à la guerre civile et d’obtenir la levée de l’embargo sur les armes, applique la décision de la Société des Nations et dissout les Brigades Internationales le 21 septembre 1938. En vain ; victimes de la « non-intervention », les républicains perdent la guerre, le 28 mars 1939, face aux forces nationalistes espagnoles soutenues par le nazi allemand Hitler et le fasciste italien, Mussolini.
On compte environ 35000 brigadistes sur toute la durée de la guerre civile. 15000 sont tués.
Si beaucoup de brigadistes rescapés regagnent leur pays, nombre d’autres, originaires des pays fascistes rejoignent l’Armée populaire espagnole. En 1939, avec la chute de la Catalogne, ils se réfugient en France. Comme le demi-million d’Espagnols fuyant la répression franquiste, ils subissent l’internement dans les camps d’Argelès-sur-Mer, Saint-Cyprien, Agde et Gurs. Dès l’armistice du 22 juin 1940, les brigadistes allemands et autrichiens sont livrés aux nazis.
Sous l’Occupation allemande en France, forts de leur expérience militaire en Espagne, des brigadistes seront des cadres actifs des FTPF et des FTP-M.O.I.
Référence
Delperrié de Bayac Jacques, 1968, Les Brigades Internationales, Paris, Ed. Fayard.
Francisco Franco
Francisco Franco naît en1892 à El Ferrol (Espagne). Général, il combat les républicains espagnols dans une répression sanglante, engageant le pays dans une atroce guerre civile. À la suite d’un coup d’état qu’il organise en 1939, il instaure un régime dictatorial qui ne prendra fin qu’au moment de sa disparition en 1975.
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Franco intègre rapidement l’armée, et participe à la guerre du Rif entre 1912 et 1916, ainsi qu’à la répression des violentes grèves aux Asturies pendant l’été 1917. Alors que l’Espagne proclame la République en 1931, Franco est nommé gouverneur militaire puis commandant général aux Baléares, et intervient à nouveau contre la révolte fomentée aux Asturies. En 1935, il devient chef d’état-major des armées, mais le « Frente popular » (Front populaire espagnol) nouvellement élu en 1936, l’envoie en mission sur les îles Canaries. Le général Franco fonde la « Phalange espagnole traditionaliste » et les « Juntes d’offensive nationale-syndicaliste ». Il souhaite ainsi unifier la totalité des partis qui le soutiennent dans la guerre civile espagnole (Phalange espagnole, Carlistes, Traditionalistes) et former un parti unique national en Espagne. Il organise la rébellion qui va mener à la guerre civile espagnole. S’il est soutenu, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, par l’Allemagne d’Hitler et l’Italie de Mussolini, Franco bénéficie également des positions non interventionnistes de la France et de l’Angleterre. En 1939, celui qui se fait désormais appeler le « Caudillo » en souvenir des chevaliers espagnols ayant repoussé les Arabes hors d’Espagne au Moyen Âge, marche sur Barcelone puis Madrid, et renverse le régime en place. Il instaure une dictature totalitaire, l’État franquiste, jusqu’en 1975, période néfaste au développement économique espagnol. À son décès en novembre 1975, Juan Carlos 1er accède au trône d’Espagne et rétablit un régime démocratique ouvert sur l’extérieur avec une monarchie constitutionnelle.
Référence
Preston Paul, 2016, Une guerre d’extermination Espagne 1936-1945, traduit de l’anglais par Laurent Bury et Patrick Hersant. Édition Belin
Adolf Hitler
Adolf Hitler naît en Autriche, à Braunau am Inn, le 20 avril 1889. Il achève ses études à 16 ans et entreprend sans succès une carrière d’artiste peintre. À Vienne, il s’imprègne des théories politiques liées au pangermanisme antisémite. À la fin de la Première Guerre mondiale, il vit l’armistice comme une trahison nationale. Au début de 1919, Hitler est recruté au sein de l’armée comme propagandiste anti bolchévique. En 1920, il prend la direction du Parti ouvrier allemand national-socialiste. Ses thèmes : ultranationalisme, antisémitisme, antiparlementarisme, anticommunisme, dénonciation du « diktat » du Traité de Versailles (traité de paix entre l’Allemagne et les alliés). Hitler porte à son paroxysme l’exaltation des foules qu’il fanatise. Il tente un coup d’État le 8 novembre 1923 mais échoue. En prison, il rédige Mein Kampf (Mon combat) qui paraît en 1925. À la faveur d’une situation économique et sociale difficile, Hitler, qui se consacre à la glorification du nazisme, est nommé chancelier par le Président Hindenburg, le 30 janvier 1933. Dans la nuit du 30 juin 1934, dite « la Nuit des longs couteaux », il ordonne à l’armée d’exécuter nombre d’opposants politiques. À la mort d’Hindenburg, le 2 août 1934, Hitler lui succède à la présidence du Reich et s’octroie les postes de chancelier et de Führer (« le guide »). Il édicte des mesures raciales anti-juives radicales rassemblées dans les lois de Nuremberg, en 1935. Les Juifs, les opposants politiques et les démocrates sont envoyés dans des camps de concentration. Se fondant sur l’idée d’appartenance des Allemands à une supposée « race » supérieure, la « race aryenne », Hitler se lance dans une politique dictatoriale de conquêtes territoriales et annexe les pays germanophones limitrophes : l’Autriche, la Tchécoslovaquie. En 1940, les armées allemandes envahissent le Danemark et la Norvège puis les Pays-Bas, la Belgique et la France. Hitler devient le maître d’une grande partie de l’Europe. En 1941, il envahit l’URSS. À partir de 1942, il applique la « solution finale » qui doit aboutir à l’extermination des Tziganes et de tous les Juifs du continent européen. Près de 6 millions de Juifs sont assassinés. Le 30 avril 1945, les troupes de l’Armée rouge pénètrent dans Berlin. L’Europe est en ruines mais les alliés remportent la guerre. Hitler met fin à ses jours dans son bunker. Le nazisme, symbole du « mal absolu » est vaincu.
Référence :
Kersaudy François, 2013, Hitler, Édition Perrin.
Benito Mussolini
Dictateur italien, Benito Mussolini, né le 29 juillet 1883 à Predappio (Italie), est mort le 28 avril 1945 à Mezzegra (Italie). Il est le fondateur du fascisme et s’allie avec Hitler durant la Seconde Guerre mondiale.
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Après une jeunesse et une scolarité tumultueuses, Mussolini se fait remarquer par des penchants violents qui l’empêchent d’entamer une carrière d’instituteur. Militant socialiste radical, il s’exile en Suisse. Après une courte expérience de maçon qu’il valorisera plus tard dans sa mythologie personnelle pour se présenter comme un homme du peuple, Mussolini devient rédacteur en chef du journal du parti socialiste, Avanti !. En 1912, il est poursuivi pour incitation à la violence. Pendant la Première Guerre mondiale, il soutient l’interventionnisme aux côtés des alliés. Cela lui vaut d’être exclu du parti socialiste. L’Italie s’engage alors dans la guerre et Mussolini part au front de 1915 à 1917.
Il travaille ensuite au journal Popolo d’Italia ; il y dénonce le règlement du conflit, désavantageux pour son pays. Il fonde les Faisceaux italiens de combat en 1919, un groupe nationaliste qu’il transforme en Parti national fasciste en 1921. Trente cinq de ses membres sont alors élus à la Chambre des députés. Fort de sa popularité croissante, le Duce (le guide) durcit la ligne de son parti et la répression se fait plus violente, notamment contre les communistes.
En 1922, ses hommes marchent sur Rome et Mussolini prend la tête du gouvernement. Il met alors en place une dictature militaire au sein de laquelle il a les pleins pouvoirs et réprime sévèrement les opposants. Il va s’employer à faire de l’Italie un état totalitaire. Il entre en guerre aux côtés des nazis en 1940 mais connaît rapidement une défaite cuisante. En juillet 1943, il est destitué par le Conseil, congédié par le roi Victor Emmanuel II qui ordonne son arrestation et son emprisonnement : le régime fasciste est renversé. Mussolini est exécuté en 1945.
Référence
Musiedlak Didier, 2004, Mussolini, Presses de Sciences Po, 436 pages.
COMBAT ANTIFASCISTE DES JUIFS IMMIGRÉS
Le combat, en France, des Juifs immigrés progressistes contre le fascisme s’exprime très activement dès 1934.
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Après la manifestation nationaliste, xénophobe et antisémite, du 6 février 1934, la riposte s’organise. Dans le 11ème arrondissement de Paris, les progressistes juifs élèvent des barricades.
Louis Gronowski, alors rédacteur en chef de La Naïe Presse, quotidien juif progressiste en yiddish, émanation de la section juive de la M.O.I., salue l’unité d’action à gauche et le combat commun « contre le nazisme allemand et le fascisme français ». Les intellectuels antifascistes constituent un Comité de vigilance et les organisations ouvrières juives fondent la section juive du Comité.
Les partis de gauche soulignent l’importance des travailleurs immigrés dans l’essor de l’économie. Une grande manifestation rassemble, le 14 juillet 1935, communistes, socialistes et radicaux. Les organisations ouvrières juives appellent tous les Juifs à défiler.
Le 9 octobre 1935, à l’initiative de la section juive de la M.O.I. et de la LICA (Ligue Internationale Contre l’Antisémitisme) le « Mouvement populaire juif »est créé et regroupe des tendances diverses, des communistes à la droite républicaine. L’événement est historique selon les observateurs. Les militants, ouvriers ou étudiants, s’organisent dans tous les domaines.
Les artistes et les intellectuels juifs animent l’Université ouvrière et mènent des débats sur tous les sujets.
Le bouillonnement intellectuel et social des Juifs immigrés est intense mais l’hostilité de la mouvance conservatrice des Israélites (Juifs français de longue date) demeure malgré la menace fasciste.
Les lois antisémites de Nuremberg, en septembre 1935, modifient les comportements des deux côtés. Les progressistes juifs immigrés d’Europe de l’Est se rapprochent des Juifs français qui souhaitent une alliance.
À l’appel régulier de La Naïe Presse, les « masses juives » s’insurgent contre l’injustice sociale. Elles participent avec une grande détermination à l’incessante lutte antifasciste, depuis la manifestation du 9 février 1934 contre l’extrême droite jusqu’à la bataille des élections démocratiques de mai 1936 et à l’engagement armé en faveur de la République espagnole.
Le Congrès mondial pour la défense de la culture juive qui se tient à Paris en 1937 a pour objectif majeur la lutte contre l’antisémitisme et le fascisme grandissants.
Références
— Album du 20ème anniversaire de la Presse Nouvelle (Naïe Presse) 1934-1954,1954, Edition La Presse Nouvelle
— Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions sociales
YIDDISH
La langue yiddish, dérivée de l’allemand, est enrichie d’éléments romans et d’un vocabulaire hébreu, araméen et slave. Elle est parlée par les communautés juives d’Europe centrale et orientale à partir du Moyen Age. La langue yiddish a évolué au cours des siècles et produit une riche littérature. Elle s’écrit avec l’alphabet hébraïque. L’extermination de 6 millions de Juifs d’Europe pendant la Seconde Guerre mondiale a conduit à la lente extinction de cette langue et de cette littérature.
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Les origines du yiddish remontent à l’an mille.
Dans leur errance, les Juifs ont suivi la route des légions romaines et traversé la France pour se fixer dans les régions rhénanes.
Ils parlent, alors, des dialectes romans et leur langage se mêle peu à peu aux dialectes germaniques du Moyen Âge.
Aux éléments germaniques de base, ils incorporent des éléments romans et y ajoutent des termes hébreux et araméens.
Peu à peu, à partir du 14ème siècle, naît une véritable langue, autonome, avec des sons nouveaux, apparentée par sa grammaire à l’allemand mais évoluant selon ses lois propres.
Une création littéraire importante en témoigne dès le Moyen Âge.
Après 1348-1349, à la suite de massacres qui les déciment en partie (on les rend responsables de la Grande Peste !) un exode massif conduit les Juifs vers Prague et la Pologne.
Ce transfert de populations juives du centre vers l’est européen place le yiddish hors de l’orbite germanique.
Cette langue s’épanouit dans les pays slaves et devient totalement originale et indépendante.
La prononciation se transforme au contact des apports polonais, ukrainiens ou tchèques mais le changement fondamental concerne la syntaxe. Les modes slaves, germaniques et hébraïques se croisent. Le yiddish se libère des formes compliquées.
Au milieu du 18ème siècle, les hébraïsants, hostiles au « jargon », se rallient peu à peu au yiddish. Au 19ème siècle, les écrivains de langue yiddish fondent une langue moderne et annoncent la littérature yiddish classique.
À Wilno (l’actuelle Vilnius), le YIVO, Centre culturel et scientifique juif, fixe la langue.
Jusqu’en 1939, une littérature yiddish, foisonnante et diverse, témoigne de l’extraordinaire vigueur de cette langue, à la fois outil de lutte et moyen de communication.
Références
— Cerf Cécile, (1959), La langue yidich, Cop. by Europe et les Editeurs Français Réunis, revue EUROPE, septembre 1959, pages 18 à 27.
— Cerf Cécile, (1974), Regards sur la littérature yidich, Académie d’Histoire, Paris
N. B : L’orthographe anglo-saxonne, « yiddish » prévaut désormais.
COMPAGNIE BOTWIN
Pendant la guerre civile espagnole, une compagnie des Brigades Internationales (formées pour secourir la République espagnole en danger) prend, le 12 décembre 1937, le nom de Naftali Botwin, en hommage à un jeune militant juif polonais fusillé en 1925. Cette compagnie, spécifiquement juive, met en lumière la participation des Juifs originaires d’Europe de l’Est à la lutte antifasciste en Espagne.
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Environ 6 à 8000 Juifs, originaires d’Europe de l’Est, rejoignent, par idéal démocratique, les Brigades Internationales formées pour secourir la République espagnole menacée par les nationalistes.
Les Juifs, qui ont combattu le fascisme dans leurs différents pays d’origine, sont sensibles au danger que représente pour eux l’offensive du général Franco. Ils sont conscients, en outre, que se joue le destin de l’Europe dans cette guerre civile. Ils combattent dans diverses unités mais les Juifs yiddishophones souhaitent la création d’une unité militaire spécifique pour exprimer leur solidarité dans la lutte. Le 12 décembre 1937, la seconde Compagnie de la brigade Dombrowski prend le nom de Naftali Botwin, en hommage à un jeune militant juif polonais : le 28 juillet 1925, à Lvov, Naftali Botwin a abattu un informateur de la police secrète infiltré dans le Parti communiste. Pendant son procès, Botwin plaide coupable. Il est fusillé le 6 août 1925.
La « compagnie Botwin » adopte pour devise : « Pour notre liberté et la vôtre » et publie, notamment, un journal en yiddish intitulé Botwin. La puissance militaire de la coalition fasciste (Espagne, Italie, Portugal et Allemagne) est écrasante. « La Botwin » est en grande partie décimée durant l’offensive de février 1938 en Extremadure. Karl Gutman, son premier commandant, tombe au combat. Emmanuel Mink en sera le dernier avant la chute de la République espagnole, le 21 septembre 1938.
Les brigadistes, survivants du conflit, sont internés dans des camps du sud de la France, les Juifs seront déportés ensuite vers les camps d’extermination par les nazis et leurs collaborateurs français.
La plupart des Juifs immigrés rescapés poursuivent le combat antifasciste dans la Résistance. En France, ils luttent particulièrement au sein de la section juive de la M.O.I.
Références
— Diamant David, 1979, Combattants juifs dans l’armée républicaine espagnole, Ed. Renouveau.
— Wuzek-Gruszow Larissa & Wuzek Efraïm, 2012, La compagnie Botwin – Combattants juifs dans la guerre d’Espagne, Syllepse.
CONGRÈS JUIF MONDIAL POUR LA DÉFENSE DE LA CULTURE YIDDISH
En 1937, le Congrès juif mondial pour la défense de la culture yiddish réunit, à l’initiative des progressistes juifs, des délégations du monde entier pour riposter au fascisme, au nazisme et à l’antisémitisme.
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Dès 1933, l’idée d’un Congrès juif mondial pour riposter au nazisme est proposée par plusieurs personnalités sionistes. En France, le journal en langue yiddish, La Naïe Presse soutient cette initiative dans son numéro du 7 mai 1936. Les lois nazies antijuives de Nuremberg, édictées en Allemagne, privent les Juifs de tous leurs droits, civils et civiques. L’antisémitisme n’épargne pas la France et il s’aggrave en Europe de l’Est. Des pogroms ravagent la Pologne.
L’urgence d’un Congrès juif mondial s’impose.
Un premier congrès, sioniste, a lieu à Genève en août 1936 et se solde par un échec en raison de la désunion ouverte des participants.
Les Juifs progressistes de France, de leur côté, ne désarment pas. Ils prennent prétexte de l’Exposition universelle prévue en 1937 à Paris et relancent l’idée d’un Congrès mondial pour la défense de la culture juive face au fascisme et au nazisme.
Dans l’optique des progressistes, la culture juive est liée au yiddish, langue du peuple et de la littérature, et non à l’hébreu, langue de la religion et de la tradition.
Les questions à examiner par le Congrès concernent la politique, la philosophie, la presse, l’éducation, les arts, la science, la langue, la littérature… En France, le réseau associatif social et culturel de la section juive de la M.O.I., très actif, dynamise la préparation de l’événement.
Le 15 septembre 1937, la séance inaugurale de ce premier Congrès mondial pour la défense de la culture juive, se tient à Paris.
Les cinq continents sont représentés. Des intellectuels et des artistes juifs, parmi les plus prestigieux, débattent dans une totale liberté d’expression. Les séances abordent tous les grands problèmes du temps et la place de la culture yiddish dans une vision globale et humaniste de la société.
Mais l’époque est sombre. La délégation soviétique est la grande absente du Congrès ; les défenseurs de la culture juive sont visés par les purges staliniennes qui font, alors, de nombreuses victimes en URSS.
La barbarie nazie va bientôt s’étendre à l’Europe entière et anéantir une culture yiddish rayonnante.
Références
— Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Paris, Messidor/Éditions sociales.
— Brossat Alain, Klingberg Sylvia,1983, Le Yiddishland révolutionnaire, Paris, Éd. Balland