La loi du 2 juin 1941 aggrave la loi du 3 octobre 1940 et institue le second statut des Juifs qui leur interdit l’accès à l’université et l’exercice de nombreuses professions. Les Juifs de nationalité française n’échappent pas à l’internement administratif.
La loi est également applicable en Algérie et dans toute l’Outre-mer.
Par cette même loi du 2 juin 1941, publiée le 14 juin, le gouvernement de Vichy reprécise sa nouvelle définition du Juif, quelle que soit sa religion, converti ou non, ou son absence totale de religion.
Effectivement, est juif ou juive, selon la loi « Celui ou celle, appartenant ou non à une confession quelconque, qui est issu d’au moins trois grands-parents de race juive ou de deux seulement si son conjoint est lui-même issu de deux grands-parents de race juive ».
Tout l’arsenal législatif repose sur le concept nazi de « race juive ».
Simultanément, un deuxième recensement frappe les Juifs. Leur vie quotidienne est difficilement supportable. Ils sont fichés, épiés, menacés, dénoncés, dépouillés de leurs biens et privés de leur travail pour beaucoup.
La stratégie pernicieuse de persécution, dite de « segmentation », tranche par tranche, qui commence par les hommes étrangers, avant les femmes, les vieillards, les enfants, entretient les illusions et incite même certains Juifs français à se croire protégés.
Un centre de Résistance juive autonome est créé en zone sud par la direction de « Solidarité » qui joue, très tôt, un rôle d’entraide considérable. Jacques kaminski, Sczmulek Farber et Jacques Ravine , qui ont franchi clandestinement la ligne de démarcation, en sont les animateurs. Ils établissent des contacts avec les Juifs des principales villes du sud.
À la mi-juin 1941, ils rencontrent les organisations démocratiques non juives. Ils s’emploient, parallèlement, à détruire, auprès des Juifs réfugiés en zone sud, les illusions de sécurité.
SECOND STATUT DES JUIFS
Les Juifs sont exclus de toute l’administration publique et de tout pouvoir politique. La liste des interdits professionnels est considérablement allongée. Les numérus clausus sont renforcés pour les professions libérales – avocats, médecins, notaires, éditeurs – et pour les étudiants. Ils sont fixés entre 2 à 3 % de l’effectif des non-juifs.
Avec ces nouvelles mesures, les contrevenants français risquent des sanctions et, notamment, l’internement administratif jusque-là réservé aux seuls Juifs étrangers.
À cette loi, s’ajoute l’ordonnance allemande d’aryanisation (spoliation et confiscation des biens juifs) qui s’applique également en Algérie et en outre-mer.
Ce second statut vise particulièrement les familles juives les plus anciennes et les plus assimilées. Elles sont, en effet, les plus touchées par les numérus clausus et par l’atteinte au droit de propriété. Leur sort, désormais, se rapproche de celui des Juifs étrangers ou dénaturalisés.
Référence
Lubetzki J., 1945, La Condition des Juifs en France sous l’Occupation allemande. 1940-1944. Centre de Documentation Juive Contemporaine
INTERNEMENT ADMINISTRATIF
"SOLIDARITÉ"
L’action sociale n’y est jamais séparée de l’action politique et la mission de « Solidarité » est quadruple :
1. Aider matériellement les familles des combattants juifs, morts, prisonniers ou internés dans les camps du régime de Vichy.
2. Empêcher l’isolement de la population juive.
3. Préciser la position politique du Parti communiste en général et à l’égard des Juifs en particulier.
Selon le PCF, l’éradication de l’antisémitisme suppose l’instauration du communisme. Dans la conjoncture présente, le Parti estime que la « question juive » est du ressort de la section juive de la M.O.I. et de « Solidarité ».
4. Diffuser l’information sur l’ensemble de la situation.
L’importance de la presse n’a jamais échappé aux communistes. Les anciens rédacteurs de La Naïe Presse (dont L. Gronowski, ex-rédacteur en chef) se remobilisent.
Le journal reparaît clandestinement en septembre 1940, sous un titre yiddish, déjà utilisé brièvement en octobre 1939, Unzer Wort. Par la suite, la version française aura pour titre Notre Voix ou encore Notre Parole, la parole de l’opposition des Juifs communistes au pétainisme et à l’antisémitisme.
En novembre 1940, cinquante groupes de « Solidarité » fonctionnent à Paris.
Très rapidement, proches de « Solidarité », se créent des sections d’intellectuels juifs, d’artistes, de médecins, de juristes.
Des organisations comme l’Union des femmes juives, l’UFJ, qui, au début 1941 ou l’Union des Jeunesses Communistes juives, l’ UJCJ, vont jouer, auprès de « Solidarité » un rôle spécifique dans la lutte contre Vichy et, plus tard, contre l’occupant.
Ces organisations s’engagent précocement dans la Résistance. Dès l’été 1941, elles fournissent des combattants à la lutte armée qui débute et la soutiennent politiquement et matériellement.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions Sociales.
Sczmulek Farber
Szmul Cynamon
(1898-1979)
Szmulek Cynamon Farber naît en Pologne, à Wloclawek, le 24 septembre 1898.
Il est le fils aîné d’une famille nombreuse.
Szmulek Farber commence à militer en Pologne. En 1920, il part à Berlin puis en Palestine, alors sous mandat britannique. Poursuivi par les autorités britanniques, il revient en Europe.
En 1929 il s’installe à Paris où il adhère au Parti communiste.
À partir de 1930, il devient responsable du travail des jeunes au sein de la section juive de la M.O.I.
En 1934, il rejoint le secrétariat de la Kultur Ligue (organisation culturelle de la section juive de la M.O.I.).
Au début de la guerre, il est membre de la commission régionale du travail qui réunit les Juifs communistes. Il souhaite s’engager dans la Légion étrangère, mais est déclaré inapte.
Durant l’exode, il part à Toulouse puis revient à Paris.
Sa compagne, membre du réseau de Renseignement antinazi, l’ « Orchestre rouge », est arrêtée en Belgique en 1941 et y meurt en prison.
En janvier 1942, il quitte Paris pour Lyon, devient membre du secrétariat pour la zone sud, de la section juive clandestine de la M.O.I. Il y est responsable de l’organisation du secteur Jeunes.
En automne 1942, Szmulek Farber contribue, à Marseille, à la création des groupes de combat de l’UJRE.
En août 1944, il participe à l’insurrection de Villeurbanne.
Il est homologué FFI sous le nom de Szmul Cynamon.
À la Libération, il est l’un des fondateurs de la Commission centrale de l’enfance (CCE) et se consacre, notamment, à la collecte de fonds pour les orphelins de la Shoah.
Il meurt le 18 octobre 1979 à Bobigny.
Références
— Diamant David, 1971, Les Juifs dans la Résistance française 1940-1944, Ed. Le Pavillon, Roger Maria Éditeur.
— Le Maitron, par Lynda Khayat
— Photo : Archives nationales. Fichier central de la Sûreté nationale. Le Maitron. DR
Jacques Ravine
(1906-1984)
Jakob Szpejter, dit Jacques Ravine, naît en 1906 à Luck (Russie) ; cette ville est intégrée à la Pologne après la Première Guerre mondiale.
Jakob Szpejter y suit des études supérieures en électricité. En 1926, il adhère au Parti communiste et prend des responsabilités au niveau de la ville puis, en 1929-1930, au niveau de la région.
Il rejoint la France en 1931, fuyant la répression polonaise contre les communistes.
En France, jusqu’en 1935, il est secrétaire de la Kultur Ligue (organisation culturelle de la section juive de la M.O.I.).
Après deux années passées au Brésil, où il rejoint sa famille et milite au Parti communiste brésilien, il revient en France.
En 1937, pendant six semaines, il suit la formation de l’école centrale du PCF pour la Main-d’œuvre immigrée (M.O.I.)
Il devient ensuite, de 1937 à 1939, l’un des secrétaires des « Amis de La Naïe Presse », journal en yiddish de la section juive de la M.O.I.
De novembre 1939 à l’occupation, en 1940, il est responsable de la trésorerie des groupes clandestins juifs de la M.O.I. à Paris.
De 1940 à mai 1941 il est secrétaire de l’organisation « Solidarité » (organisation d’entraide et de Résistance de la section juive clandestine de la M.O.I.).
Puis à partir de mai 1941, jusqu’à septembre 1943, il devient responsable du secteur juif de la M.O.I., en zone sud.
Il est arrêté à Marseille, en novembre 1941, et condamné à sept mois de prison pour usage de faux-papiers. Grâce à l’aide de militants de Marseille, il parvient à sortir de prison et reprend, à Lyon, la direction du groupe juif de la M.O.I. en zone sud.
Il est envoyé à Paris pour une entrevue avec Louis Gronowski (responsable national de la M.O.I.) et Adam Rayski (responsable du Mouvement National Contre le Racisme (MNCR) et de la presse juive de la M.O.I. Il repart à Lyon et occupe le poste de responsable de la M.O.I. en zone sud.
De 1944 à 1947, il est secrétaire de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE).
Il meurt en 1984 à Paris.
Références
— Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1989, Le sang de l’étranger. Ed. Fayard
— Le Maitron, par Zoé Grumberg
— Photo : La Presse Nouvelle Magazine, n° 377. Juin 2020. (DR)