La guerre entre l’Allemagne et l’URSS se poursuit sur le front de l’Est. Au début du mois de juillet 1941, inspirés par le collaborationniste Jacques Doriot, les fascistes français forment une Légion des volontaires français contre le bolchévisme (LVF) pour affronter l’armée soviétique aux côtés des Allemands.
Les nazis et leurs collaborateurs poursuivent leur action répressive. Ils ont compris le danger que représente l’information diffusée par la Résistance.
Le 13 août 1941, une ordonnance allemande interdit aux Juifs de posséder un récepteur radio : Il faut les empêcher d’écouter les émissions de Radio Londres et de Radio Moscou opposées au régime de Vichy et au nazisme dont Radio Paris est le porte-parole. Radio Londres scande inlassablement « Radio-Paris-ment-Radio-Paris-est-allemand ».
Le PCF met en œuvre une politique nouvelle appelant, notamment, au développement de protestations anti-hitlériennes. Ainsi, des manifestations, loin d’être le fait du seul Parti communiste, se déroulent le 14 juillet 1941. De nombreux jeunes Juifs, immigrés ou enfants d’immigrés, se joignent à leurs camarades d’origine française.
Vichy et les nazis frappent sur tous les fronts : le 13 août 1941, à Paris, lors d’une nouvelle manifestation, organisée par les Jeunesses communistes, Samuel Tyszelman, dit familièrement Titi, est arrêté par la police française.
La nuit suivante, à Paris, porte d’Orléans, deux résistants des Bataillons de la jeunesse exécutent un officier allemand.
Le 15 août, les nazis proclament que toute activité communiste est passible de la peine capitale. Titi est condamné à mort pour « activité en faveur de l’ennemi » et « participation à une manifestation communiste dirigée contre les troupes d’occupation allemandes ».
Samuel Tyszelman, communiste et désigné comme Juif, est fusillé le 19 août en même temps qu’Henri Gautherot, un autre participant à la manifestation du 13 août. Tyszelman devient le symbole de l’unité de lutte entre militants, qu’ils soient juifs ou non.
LÉGION DES VOLONTAIRES CONTRE LE BOLCHÉVISME (LVF)
Le recrutement s’avère difficile d’autant que les Allemands, méfiants vis-à-vis de volontaires sans expérience militaire, refusent près de 70 % des candidats. Sur 100 000 combattants prévus, 12000 sont enrôlés sous l’uniforme de l’armée allemande. Cette faiblesse traduit le rejet des Français envers l’armée nazie. Avec moins de 6500 combattants engagés, la France fournit le plus modeste contingent de volontaires de toute l’Europe collaborationniste. Ce contingent est composé de fascistes convaincus mais également d’aventuriers, de marginaux et de délinquants car la solde payée par l’État allemand est attractive (très supérieure à un salaire ouvrier français).
Après une semaine de combats meurtriers devant Moscou en décembre 1941, la LVF, réorganisée au printemps 1942, loin du front, cantonnée à la répression, affronte les partisans de la région de Briansk, aidant l’armée allemande (la Wehrmacht) et la Waffen SS (organisation nazie dévouée à Hitler) à incendier des villages entiers.
Un exemple : du 16 au 18 décembre 1942, en Pologne, à Kruszyna, huit légionnaires LVF participent à un pogrom et à l’assassinat de 113 Juifs.
En juillet 1944, Heinrich Himmler, haut dignitaire nazi, ordonne l’intégration des volontaires étrangers dans la Waffen-SS, où combattent déjà quelques Français depuis le 23 juillet 1943.
Fin 1943, au cours d’un meeting au Vélodrome d’Hiver de Paris, les membres de la LVF prêtent serment à Adolf Hitler. La dissolution officielle de la LVF a lieu le 1er septembre 1944. Le millier de légionnaires est affecté à la 33e Division SS Charlemagne, anéantie en Poméranie, début 1945.
Références
— Brunet Jean-Paul, 1986, Jacques Doriot. Du communisme au fascisme, Fayard.
— Ferro Marc, 1987, Pétain, Paris, Fayard.
— Carrard Philippe, 2011, Nous avons combattu pour Hitler, Paris, Armand Colin.
RADIO LONDRES
À la mi-journée et le soir, les émissions de la radio anglaise, BBC, sont introduites par une musique extraite de la 9ème symphonie de Beethoven, suivie de la voix du speaker : « Ici Londres, les Français parlent aux Français. ». Malgré les brouillages, la surveillance stricte de la police et des mouchards et la confiscation des postes de radio (les Juifs sont dépossédés de leurs récepteurs dès 1941 par une ordonnance allemande), 70 % des Français écoutent la BBC à l’été 1944. Radio Londres sert aussi à diffuser les messages codés en direction des Résistants, par exemple ceux qui informent des parachutages (« La cuisinière tient sa cuisine propre », « Les carottes sont cuites »…) ou ceux qui annoncent les débarquements (« Les sanglots longs des violons de l’automne… », suivis de « blessent mon cœur d’une langueur monotone », ou « Le premier accroc coûte deux cents francs »), que seuls les destinataires peuvent décrypter. L’humoriste Pierre Dac, résistant juif alsacien, est un des grands noms de Radio Londres. Il s’en prend, entre autres cibles, et avec une ironie cinglante, à Philippe Henriot, la voix de la propagande vichyste.
Référence
Luneau Aurélie, 2005, Radio Londres 1940-1944 : Les voix de la liberté. Librairie académique Perrin.
RADIO MOSCOU
À partir d’août 1941, l’écrivain français Jean-Richard Bloch est une des voix de la France depuis Moscou.
C’est sur les ondes de Radio Moscou qu’est annoncée, le 24 août 1941, la création du Comité antifasciste juif d’Union soviétique. Un appel aux Juifs du monde entier est diffusé en trois langues : russe anglais et yiddish. Il révèle l’existence des massacres de masse perpétrés contre les Juifs en Europe de l’Est. Artistes et écrivains soviétiques (parmi eux, Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman) invitent les Juifs à accroître leur lutte contre le nazisme et à soutenir l’Union soviétique dans ce combat. L’écrivain David Bergelson s’adresse en yiddish, à l’ensemble des Juifs et les appelle à la résistance contre les nazis qui menacent l’« existence même du peuple juif ».
Le message est capté par la section juive de la M.O.I., aussi bien à Paris qu’à Lyon, et il est aussitôt diffusé dans sa presse clandestine.
Le destin particulier des Juifs dans cette guerre est mis en lumière pour la première fois.
Une émission nocturne de Radio Moscou est destinée aux maquisards français, dont beaucoup sont communistes. Outre l’information générale sur les opérations militaires du front germano-soviétique, Radio Moscou évoque également la tactique et les méthodes de guérilla de la Résistance française.
Par ailleurs, une émission hebdomadaire d’une demi-heure conçue par les représentants de la mission diplomatique et militaire à Moscou est diffusée par le mouvement France combattante du général de Gaulle.
Référence
Ehrenbourg Ilya, Grossman Vassili (et un collectif), 1995, Le Livre noir Arles, Actes Sud.
RADIO PARIS
Disposant de moyens financiers importants, cette radio allemande en langue française recrute de nombreux journalistes collaborationnistes et antisémites. La Résistance extérieure s’organise et riposte par le fameux air « Radio-Paris-ment-Radio-Paris-ment-Radio-Paris est-allemand » sur la mélodie de La Cucaracha (un chant révolutionnaire d’Amérique latine) diffusé dans les émissions françaises de la BBC à Londres.
Les locaux de la station sont libérés le soir du 15 août 1944 par un commando formé de policiers du mouvement Résistance Police et d’employés de la station, après plus de 4 ans d’occupation.
Référence
Romon François, 2017, Les écoutes radio dans la Résistance française : 1940-1945. Nouveau monde Ed.
PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS (PCF)
Mais l’aggravation de la situation internationale, la poussée de l’extrême droite en Allemagne, l’affirmation du pouvoir mussolinien en Italie, préoccupent de plus en plus le PC soviétique et l’Internationale communiste (Komintern en russe) qui oriente la politique de tous les partis communistes.
À l’été 1934, le PCF lance une politique d’ouverture nouvelle et opte pour la mise en avant de la « nation française » identifiée à la Révolution de 1789-1793 et au Front populaire, vite divisé lors de la guerre civile espagnole. En France dans un climat de violence sociale exacerbée, l’anticommunisme se mêle à l’antisémitisme et à la xénophobie. Le PCF tente cependant d’incarner la pérennité du Front populaire. Mais à la fin de 1939, le Parti, isolé et contraint à l’illégalité, est désarçonné par la signature du pacte germano-soviétique.
Le PCF prône, dans un premier temps, la poursuite de la « lutte antifasciste contre les agresseurs et surtout le fascisme allemand », mais début septembre 1939, le Komintern impose la nouvelle ligne officielle d’une guerre entre puissances « impérialistes » qui ne concerne pas les peuples. Le PCF diffuse cette ligne auprès de ses militants.
En juillet 1940, le Parti, désormais clandestin, met l’accent sur l’indépendance nationale et publie l’appel au « Peuple de France ! ». Un an plus tard, il souhaite que se constitue « un large front national » contre l’occupant.
Après la rupture du pacte germano-soviétique, en juin 1941, le PCF avec ses groupes « Organisation spéciale » (groupes OS) et les Jeunesses communistes, se lance dans la lutte armée contre les nazis. En 1942, ses détachements FTPF et FTP-M.O.I. développent un combat armé très structuré.
Le PCF s’engage dans une politique d’union de la Résistance intérieure, des communistes à la droite républicaine, lors de la création, en 1943, du Conseil National de la Résistance, le CNR.
Le Parti communiste clandestin est, tout au long de la lutte contre les nazis, au cœur de l’action résistante, il exprime à la fois la dimension sociale du combat et les revendications nationales. Après l’occupation nazie, le PCF participe à la reconstruction démocratique et sociale de la France et occupe, à la fin de la guerre, une place centrale dans la société française.
Références
— Peschanski Denis in : F. Marcot (dir.) 2006, Dictionnaire historique de la Résistance. Éditions Robert Laffont.
— Martelli Roger, Vigreux Jean, Wolikow Serge, 2020, Le Parti Rouge, une histoire du PCF 1920-2020. Editions Armand Colin
Samuel Tyszelman
(1921-1941)
Samuel (Szmul) Tyszelman naît le 21 janvier 1921 en Pologne à Pulawy. Il est âgé de trois ans quand ses parents émigrent en France, fuyant la misère et l’antisémitisme. Ils s’installent à Paris. Samuel, élève brillant, doit arrêter ses études et travailler aux côtés de son père, chapelier, dès l’âge de quinze ans. Il fréquente le patronage laïque du Yiddisher Arbeiter Sport Club (YASK) de la section juive de la M.O.I. (affilié à la Fédération sportive et gymnique du travail, FSGT) et il milite à la Jeunesse communiste (JC) avec notamment Georges Ghertman, Charles Wolmark et Élie Wallach, qui le surnomment familièrement « Titi ».
Dès1940, Samuel Tyszelman s’engage dans l’Organisation spéciale (OS) créée par le Parti communiste pour combattre l’occupant nazi. Simultanément, avec d’autres jeunes militants, il diffuse la presse clandestine appelant à rejoindre la Résistance.
À l’été 1941, membre des Bataillons de la Jeunesse, il assume la direction de la Jeunesse communiste des 3ème, 4ème et 10ème arrondissements.
Le 2 août 1941, Samuel, Charles Wolmark et Élie Wallach dérobent de la dynamite dans une carrière de Clichy-sous-Bois, en prévision de futurs attentats.
Le 14 juillet 194l, la direction clandestine du Parti communiste organise une manifestation sur les Grands Boulevards en mobilisant la Jeunesse communiste. Le 13 août 1941, lors d’un défilé, les jeunes présents sur les trottoirs se joignent au petit groupe d’une quarantaine de manifestants aux cris de « À bas l’occupant, Vive la France, libre et indépendante ! » Ils entonnent le premier couplet de La Marseillaise. Samuel est en tête de cortège. Henri Gautherot est l’un des jeunes communistes chargés de la protection des manifestants qui lancent à la volée des tracts dénonçant l’occupation allemande. Des militaires et marins allemands ouvrent le feu sur les manifestants. Deux marins se lancent à la poursuite de Samuel Tyszelman. Il se réfugie dans la cave de l’immeuble du 29 boulevard Magenta. Le concierge le dénonce à la police municipale qui l’arrête. Incarcéré à la prison de la Santé, Samuel Tyszelman comparaît le 18 août 1941, devant le tribunal allemand du Gross Paris en compagnie d’Henri Gautherot, très sérieusement blessé.
Gautherot et Tyszelman, jugés par les nazis, sont condamnés à mort et fusillés le 19 août 1941.
Le jour même, un Avis signé du commandement militaire allemand en France est placardé dans les rues de Paris : « Le Juif Szmul Tyszelman de Paris, le nommé Henry Gautherot de Paris ont été condamnés à mort pour aide à l’ennemi, ayant pris part à une manifestation communiste dirigée contre les troupes d’occupation allemandes ».
Deux jours plus tard, le 21, Pierre Georges abat l’aspirant de marine allemand, Moser, à la station de métro Barbès-Rochechouart. Il déclare à ses camarades : « J’ai vengé Titi ».
Références
— Diamant David, 1984, Combattants Héros et Martyrs de la Résistance, Édition Renouveau
— Le Maitron, par Daniel Grason
— Photo : Alchetron (DR)