Après l’occupation de la Pologne en 1939, les nazis enferment les Juifs dans des ghettos. En URSS, l’élimination systématique des femmes, des hommes, des enfants, commence dès l’invasion par Hitler en juin 1941.
Dans les pays baltes (notamment en Lituanie), en Ukraine et en Biélorussie, des pogroms sont organisés par les habitants. Parallèlement, les massacres de masse sont perpétrés par les unités mobiles d’extermination nazies, les Einsatzgruppen, au vu et au su, et parfois avec le concours de la population locale. Ce sont des exécutions collectives. Les Juifs sont alignés, autour de fosses, souvent creusées par eux-mêmes sur ordre des nazis et ils sont exécutés à l’arme à feu.
En 1941, c’est le début de l’extermination massive des Juifs d’Europe. Elle s’étendra sur plusieurs années. L’ampleur de cette extermination n’est pas encore connue.
Plus tard, les massacres de masse seront désignés sous l’appellation de Shoah par balles.
Le 24 août 1941, des intellectuels juifs d’URSS lancent un appel sur Radio Moscou et révèlent l’existence des massacres de masse perpétrés contre les Juifs à l’Est. La création d’un Comité antifasciste juif est annoncée. Artistes et écrivains soviétiques invitent les Juifs du monde entier à accroître leur lutte contre le nazisme. Le message est capté par la section juive clandestine de la M.O.I., aussi bien à Paris qu’à Lyon.
Le destin particulier des Juifs dans cette guerre est mis en lumière pour la première fois. Le texte est diffusé, en russe en anglais et en yiddish.
En France, l’appel du 24 août est relayé très vite par les organisations juives communistes puis publié dans Unzer Wort et Notre Parole du 1er septembre 1941. La section juive y diffuse ses recommandations pour l’action.
Nombre de résistants Juifs communistes ou sympathisants prennent alors conscience de la nécessité d’un combat spécifique des Juifs immigrés dans le cadre du combat général de la Résistance.
GHETTO
Le premier quartier imposé aux Juifs par les autorités de l’État, le ghetto de Venise, apparaît en 1516. Il est fermé du crépuscule à l’aube.
En Europe centrale, au 19ème siècle, les quartiers juifs sont pauvres, exigus et surpeuplés, les déplacements des habitants sont réglementés mais la vie communautaire et culturelle y est souvent intense. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les quartiers juifs transformés en ghettos contrôlés par les nazis, participent du dispositif concentrationnaire et d’extermination.
Certains ghettos sont couplés avec des centres de mise à mort : Łódź et Chelmno, Minsk et Maly Trostinets, Wilno et Ponar.
Les nazis parquent les Juifs d’Europe orientale dans leurs quartiers d’habitation, coupés de tout contact avec l’extérieur, notamment à Wilno, Kaunas, Cracovie, Varsovie, Lublin, Lwów, Riga, Białystok, Łódź… À Wilno (actuelle Vilnius), les Juifs sont répartis dans 2 ghettos.
Le quotidien dans tous ces ghettos, travail forcé, privations, insalubrité, misère, morts nombreuses par épidémies ou mauvais traitements, est semblable aux conditions des détenus dans les camps d’extermination, à partir de décembre 1941. Les massacres de masse de Juifs par les commandos de la mort démultiplient le nombre de victimes mais les nazis ont des projets de planification exterminatrice industrielle.
À Varsovie, le ghetto se révolte avant d’être détruit pierre par pierre après un héroïque soulèvement, en avril-mai 1943.
Les ghettos, étapes préalables à la « solution finale de la question juive » sont condamnés à disparaître par la généralisation du Zyklon B et l’évacuation, en nombre, des Juifs vers les chambres à gaz des camps d’extermination.
Par extension abusive, et sans commune mesure avec les conditions des ghettos juifs de la période nazie, le terme ghetto est employé actuellement dans une autre acception.
Il désigne un quartier défavorisé où se concentre une minorité ethnique, culturelle ou religieuse qui vit repliée sur elle-même dans des conditions précaires.
Références
— Rojtman Pierre-Jacques, Wirth Louis, (2004), Le Ghetto. In : Diasporas. Histoire et sociétés, n° 4, Cinéma, cinéma. pp. 180-191. Éditions Persée.
— Encyclopédie Larousse, en ligne : https : //www. larousse. fr/encyclopedie
POGROMS
La deuxième vague de pogroms se produit en pleine crise révolutionnaire, entre 1903 et 1906, et est marquée par ceux de Kichinev, de Jitomir et de Bialystok.
La troisième vague, la plus féroce, a lieu pendant la guerre civile en Russie (1917-1921). L’Ukraine indépendante en est le théâtre majeur : des bandes de paysans en lutte contre l’Armée rouge massacrent les Juifs, sous la conduite des chefs cosaques et avec l’appui des troupes ukrainiennes et du Premier ministre Symon Petlioura. En Russie, l’Armée blanche de Denikine organise plusieurs pogroms, notamment à Fastov. La victoire de l’Armée rouge met un terme à ces exactions.
On a pu recenser 887 pogroms majeurs et 349 « mineurs », qui auraient fait plus de 60 000 morts.
Référence
Nahon Gérard, « Pogrome ou pogrom », https : //www. encyclopaedia-universalis. fr
MASSACRES DE MASSE - SHOAH PAR BALLES
En novembre 1939, environ 500 hommes, femmes et enfants sont exécutés dans des fosses à l’extérieur de la ville d’Ostrów Mazowiecka.
À la suite de l’opération Barbarossa, en juin 1941, les pogroms, perpétrés par une partie de la population, se multiplient en Ukraine, en Pologne, en Roumanie et en Lituanie.
Les tueries s’amplifient avec l’action intensive des Einsatzgruppen, les groupes et commandos d’intervention hitlériens. La propagande nazie affiche sa cible : le judéo-bolchevisme.
Les Einsatzgruppen sont aidés activement par les nombreuses unités locales de volontaires. Leur action constitue la première phase de la Shoah. Elle se manifeste, dans un premier temps, au travers des massacres de masse par fusillades et, dans un deuxième temps, au moyen de camions à gaz itinérants, les Gaswagen.
Au départ, ces sections militarisées de la police politique accompagnent l’armée allemande pour éliminer les bolcheviks, les opposants potentiels, les Juifs et les Tsiganes.
Dès août 1941, les Einsatzgruppen et leurs collaborateurs locaux ciblent principalement les Juifs. 23 600 Juifs, hommes, femmes et enfants, essentiellement originaires de la Transcarpatie hongroise, sont assassinés près de la ville de Kamenets-Podolski. En Ukraine, outre le massacre de Babi Yar (33771 victimes jetées dans un ravin), 50 000 Juifs de la ville d’Odessa et de sa région sont exterminés à Bogdanovka. Dans les Pays Baltes, la Biélorussie et la Crimée, les Juifs sont fusillés et ensevelis dans des fosses communes qu’ils ont souvent dû creuser eux-mêmes. En Lituanie, par exemple, les Juifs de Wilno, la Jérusalem du Nord, représentent 45 % de la population globale de la ville. Entre 1941 et 1942, dans la forêt de Ponar (ou Ponary), la quasi-totalité des Juifs de Wilno, alignés nus autour des fosses, sont tués au révolver ou à la mitrailleuse.
Parallèlement à l’activité des chambres à gaz des camps d’extermination à partir de la fin 1941, les massacres de masse par fusillades se poursuivent aussi bien en Pologne que dans les territoires soviétiques occupés.
Références
— Hilberg Raul, 2006, La Destruction des Juifs d’Europe, Paris, Ed. Gallimard.
— Minczeles Henri, 2000, Vilna, Wilno, Vilnius, Paris, Ed. La Découverte.
RADIO MOSCOU
À partir d’août 1941, l’écrivain français Jean-Richard Bloch est une des voix de la France depuis Moscou.
C’est sur les ondes de Radio Moscou qu’est annoncée, le 24 août 1941, la création du Comité antifasciste juif d’Union soviétique. Un appel aux Juifs du monde entier est diffusé en trois langues : russe anglais et yiddish. Il révèle l’existence des massacres de masse perpétrés contre les Juifs en Europe de l’Est. Artistes et écrivains soviétiques (parmi eux, Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman) invitent les Juifs à accroître leur lutte contre le nazisme et à soutenir l’Union soviétique dans ce combat. L’écrivain David Bergelson s’adresse en yiddish, à l’ensemble des Juifs et les appelle à la résistance contre les nazis qui menacent l’« existence même du peuple juif ».
Le message est capté par la section juive de la M.O.I., aussi bien à Paris qu’à Lyon, et il est aussitôt diffusé dans sa presse clandestine.
Le destin particulier des Juifs dans cette guerre est mis en lumière pour la première fois.
Une émission nocturne de Radio Moscou est destinée aux maquisards français, dont beaucoup sont communistes. Outre l’information générale sur les opérations militaires du front germano-soviétique, Radio Moscou évoque également la tactique et les méthodes de guérilla de la Résistance française.
Par ailleurs, une émission hebdomadaire d’une demi-heure conçue par les représentants de la mission diplomatique et militaire à Moscou est diffusée par le mouvement France combattante du général de Gaulle.
Référence
Ehrenbourg Ilya, Grossman Vassili (et un collectif), 1995, Le Livre noir Arles, Actes Sud.
UNZER WORT
Unzer Wort reparaît, à intervalles assez réguliers, à partir du 29 septembre 1940.
Par la suite, la version française, en zone nord, a pour titre Notre Parole, la parole de l’opposition des Juifs progressistes au fascisme et à l’antisémitisme.
Principal organe de la Résistance juive sous l’Occupation, le journal dénonce (en yiddish et en français) les internements massifs de Juifs étrangers, les mesures discriminatoires prises contre les Juifs et lance des appels à la Résistance.
Fin mars 1941, les premières arrestations de Juifs communistes ont lieu à Paris. Huit militants sont appréhendés, dont Isidore Fuhrer, chez qui on découvre une machine à écrire à caractères hébraïques (utilisés en yiddish) et un stencil destiné à Unzer Wort.
Dès le 8 août 1941, un numéro de Unzer Wort exhorte « les masses populaires juives » à aller « comme toujours, main dans la main avec le peuple français dans la lutte contre le fascisme, pour une France libre » où les Juifs, seront des « citoyens libres. »
Le 24 août 1941, des intellectuels et des artistes juifs d’URSS révèlent sur les ondes de Radio Moscou les massacres de masse perpétrés contre les Juifs à l’Est et appellent les Juifs du monde entier à intensifier leur combat contre le nazisme. L’appel est publié le 1er septembre 1941 en France grâce à un numéro spécial d’Unzer Wort imprimé chez Rudolf Zeiler.
En juin 1942, à Lyon, paraissent l’édition de la zone Sud de Unzer Wort et sa version française, Notre Voix.
90 numéros de Unzer Wort sont publiés à la fois en yiddish et en français, entre 1940 et 1944.
Des militants juifs sont exécutés pour avoir propagé des idées communistes et antinazies. Les animateurs de la presse clandestine juive sont particulièrement visés : une trentaine d’entre eux sont fusillés ou déportés.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires. Messidor/Éditions sociales