À partir de mars 1942, les Allemands organisent trois mascarades de procès à grand spectacle et condamnent à mort 50 militants des Bataillons de la jeunesse et des groupes OS, 16 seront déportés.
Dans le même temps, les nazis et leurs collaborateurs français poursuivent leur politique d’exécutions d’otages et d’extermination des Juifs, mais la Résistance à l’ennemi se renforce.
Pour une plus grande efficacité de la riposte, et après les 2 premières parodies de procès, le Parti communiste français unifie les trois organisations qui sont sous sa direction : l’Organisation spéciale (OS), les Bataillons de la jeunesse et les groupes de la Main-d’œuvre immigrée (groupes M.O.I.).
La fusion de ces organisations donne naissance à une formation unique en avril 1942, les Francs-Tireurs et Partisans français (FTPF ou FTP). Cette force de Résistance armée très structurée est immédiatement opérationnelle. Elle s’ouvre aux non-communistes mais reste sous l’autorité du Parti.
Très rapidement, des groupes de Francs-tireurs et partisans M.O.I., se mettent en place à Paris sous la direction militaire de Boris Holban. Menacés dans leur existence et guidés par leur désir de libérer la France du nazisme, les combattants juifs sont amenés à accomplir très tôt des actes de Résistance.
Les groupes FTP-M.O.I. sont composés à partir des groupes OS très actifs de la M.O.I. Ils forment 4 détachements principaux. Les Juifs roumains sont majoritaires dans le premier détachement. Le deuxième, dit « détachement juif », est composé essentiellement de Juifs polonais. Le troisième détachement regroupe majoritairement des Italiens, et le quatrième, mixte, va se spécialiser, au fil des mois, dans les déraillements de convois militaires allemands.
La férocité des représailles n’entame pas la détermination des combattants. Parmi les résistants FTP-M.O.I., nombreux sont les anciens des Brigades Internationales rompus au maniement des armes en Espagne et à la clandestinité dans leurs pays d’origine.
À leurs côtés, de très jeunes résistants se portent volontaires. Henri Krasucki, l’un des responsables du groupe des jeunes communistes juifs, est chargé de choisir les 10 % d’entre eux qui intègreront les FTP-M.O.I.
En avril 1942, deux partisans sont tués par un engin explosif qu’ils se préparent à tester. L’enquête de police conduit à l’arrestation puis à l’exécution, après torture, de nombreux cadres de la section juive clandestine de la M.O.I.
Il n’est pas toujours facile de se procurer des armes mais les actions des FTP-M.O.I., dont des grenadages de troupes ennemies, sont nombreuses dès 1942 : incendies de garages et de fabriques aux mains des Allemands, dévastation d’un hôtel investi par l’occupant…
Être FTP-M.O.I., c’est vivre en clandestin et se consacrer à plein temps à la lutte armée. Les FTP-M.O.I. sont traqués, sans relâche, par les nazis et leurs collaborateurs, à Paris, comme plus tard dans la France entière.
PROCÈS DE JEUNES RÉSISTANTS PAR DES TRIBUNAUX MILITAIRES ALLEMANDS
Les nazis, se sentant menacés, procèdent à de nombreuses arrestations et organisent trois procès à grand spectacle.
Le premier s’ouvre le 4 mars 1942, au Palais-Bourbon, lieu hautement symbolique. Sept jeunes, dont six sont membres des Bataillons de la Jeunesse, vont y être jugés pour avoir fait en trois mois plus de « dix-sept opérations de guerre ».
Pour donner plus de retentissement au procès, les actualités cinématographiques, la presse collaborationniste et les officiers de l’état-major nazis, sont présents.
Après trois jours d’audience au cours desquels les officiers nazis s’arrogent le rôle de juges, les jeunes résistants sont fusillés, le 9 mars, au Mont-Valérien « comme Francs-tireurs et pour avoir commis des actes de violence dirigés contre l’armée allemande et ses membres. »
Le second simulacre de procès s’ouvre le 15 avril 1942, à la Maison de la Chimie. Acte d’accusation : opérations de guerre et recels d’armes.
27 jeunes combattants sont concernés, le 28ème meurt sous la torture avant l’ouverture du procès.
23 de ces jeunes résistants sont condamnés à mort, 2 à une réclusion de cinq et dix ans et les deux femmes, Marie-Thérèse Lefebvre et Simone Schloss, à la déportation à vie.
En fait, Simone Schloss, juive, est guillotinée en Allemagne le 17 juillet 1942.
Le dernier procès se tient à huis clos, le 24 août, à l’hôtel Continental. Il vise principalement des résistants communistes : 33 jeunes dont 4 femmes sont jugés dans une grande salle. Un portrait d’Hitler, encadré de drapeaux à croix gammée, est installé. 18 condamnations à mort et 15 condamnations à des travaux forcés sont prononcées.
Il ne s’agit là que des procès les plus retentissants puisqu’on estime à plus de 3000 les exécutions de civils condamnés par les tribunaux militaires allemands entre juin 1940 et avril 1944.
Références
— La Lettre des Résistants et Déportés juifs. Mars 2000.
— Ouzoulias Marcel, 1968 Les Bataillons de la Jeunesse. Éd. Livre Club Diderot.
— Eisman Gaël, 2006 in Dictionnaire historique de la Résistance. Éd. Robert Laffont.
BATAILLONS DE LA JEUNESSE
Début août, la direction des JC (Jeunesses communistes) se consacre au recrutement de jeunes, prêts à s’engager dans la lutte armée. Dans les arrondissements populaires de l’est parisien, quelques petits groupes se forment sous la responsabilité de Pierre Georges (le futur colonel Fabien) et d’Albert Ouzoulias (futur responsable militaire national des FTP) qui donne aux groupes armés des JC le nom de Bataillons de la Jeunesse.
À la mi-août, six très jeunes volontaires sont initiés, par Pierre Georges, à l’utilisation d’explosifs et d’armes. Ils seront les auteurs des premiers attentats (dont l’attentat du métro Barbès à Paris) visant des militaires allemands à partir du 21 août 1941.
En février-mars 1942, au bout de cinq mois d’activité, les Bataillons de la Jeunesse, dont les effectifs cumulés ne dépassent jamais quelques dizaines de combattants, sont démantelés par les Brigades spéciales de la Préfecture de police de Paris. Traqués par les BS et livrés aux Allemands, les Bataillons de la Jeunesse sont décimés après deux procès en mars et avril 1942 (procès du Palais Bourbon et procès de la Maison de la Chimie) au terme desquels la quasi-totalité des accusés sont condamnés à mort et exécutés.
Oubliés après la guerre, ces pionniers de la lutte armée sont honorés par la pose d’une plaque mémorielle près de l’Assemblée Nationale, en 2003.
Parmi ces jeunes « Morts pour la France », Fernand Zalkinov (18 ans, membre des JC du 20ème arrondissement) et Acher Semaya (26 ans, JC du 11ème) sont reconnus comme combattants FTP-M.O.I. par le Ministère des Anciens Combattants.
Par ailleurs, Simone Schloss, jeune Juive condamnée lors du procès de la Maison de la Chimie, est décapitée à Cologne le 2 juillet 1942. Elle était l’agent de liaison de Conrado Miret-Muste, premier chef des groupes armés de la M.O.I., arrêté en février 1942, mort sous la torture quelques jours avant l’ouverture du procès du Palais Bourbon.
Référence
Ouzoulias Albert, 1967, Les Bataillons de la Jeunesse, Éditions Sociales.
L’ ORGANISATION SPÉCIALE (DU PCF)
Le PCF prend la décision de se lancer dans la lutte armée contre l’occupant allemand après l’invasion de l’URSS et en accord avec les directives reçues de l’Internationale communiste. Ce sont les membres de l’OS., renforcés par le recrutement de jeunes communistes (les futurs Bataillons de la jeunesse) qui perpètrent les premiers attentats contre les forces d’occupation au cours desquels des officiers allemands sont abattus : attentat parisien de Barbès réalisé par Pierre Georges (le futur colonel Fabien) le 21 août 1941, attentat de Nantes effectué par trois membres de l’OS venus de Paris, Gilbert Brustlein, Marcel Bourdarias et Spartaco Guisco, 20 octobre 1941, attentat de Bordeaux mené par Pierre Rebière, le 21 octobre 1941.
Devant l’ampleur des représailles allemandes avec l’exécution de nombreux otages et les réactions négatives qu’elles provoquent dans l’opinion, la direction communiste ne revendique pas alors publiquement ces actions de l’OS.
Cependant, la lutte armée continue et se renforce. Une étape est franchie en avril 1942 avec la fusion de l’OS, des Bataillons de la jeunesse et des groupes armés de la M.O.I. dans une nouvelle organisation armée : les Francs-tireurs et partisans (FTP et FTP-M.O.I.) ouverts à tous les résistants.
Références
— Guérin Alain, 2000 Chronique de la Résistance, Éditions Omnibus (également éditée en 1972-1976 par le Livre-Club Diderot).
— Daix Pierre, 2013, Les Combattants de l’impossible. La tragédie occultée des premiers résistants communistes, Paris, Robert Laffont.
PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS (PCF)
Mais l’aggravation de la situation internationale, la poussée de l’extrême droite en Allemagne, l’affirmation du pouvoir mussolinien en Italie, préoccupent de plus en plus le PC soviétique et l’Internationale communiste (Komintern en russe) qui oriente la politique de tous les partis communistes.
À l’été 1934, le PCF lance une politique d’ouverture nouvelle et opte pour la mise en avant de la « nation française » identifiée à la Révolution de 1789-1793 et au Front populaire, vite divisé lors de la guerre civile espagnole. En France dans un climat de violence sociale exacerbée, l’anticommunisme se mêle à l’antisémitisme et à la xénophobie. Le PCF tente cependant d’incarner la pérennité du Front populaire. Mais à la fin de 1939, le Parti, isolé et contraint à l’illégalité, est désarçonné par la signature du pacte germano-soviétique.
Le PCF prône, dans un premier temps, la poursuite de la « lutte antifasciste contre les agresseurs et surtout le fascisme allemand », mais début septembre 1939, le Komintern impose la nouvelle ligne officielle d’une guerre entre puissances « impérialistes » qui ne concerne pas les peuples. Le PCF diffuse cette ligne auprès de ses militants.
En juillet 1940, le Parti, désormais clandestin, met l’accent sur l’indépendance nationale et publie l’appel au « Peuple de France ! ». Un an plus tard, il souhaite que se constitue « un large front national » contre l’occupant.
Après la rupture du pacte germano-soviétique, en juin 1941, le PCF avec ses groupes « Organisation spéciale » (groupes OS) et les Jeunesses communistes, se lance dans la lutte armée contre les nazis. En 1942, ses détachements FTPF et FTP-M.O.I. développent un combat armé très structuré.
Le PCF s’engage dans une politique d’union de la Résistance intérieure, des communistes à la droite républicaine, lors de la création, en 1943, du Conseil National de la Résistance, le CNR.
Le Parti communiste clandestin est, tout au long de la lutte contre les nazis, au cœur de l’action résistante, il exprime à la fois la dimension sociale du combat et les revendications nationales. Après l’occupation nazie, le PCF participe à la reconstruction démocratique et sociale de la France et occupe, à la fin de la guerre, une place centrale dans la société française.
Références
— Peschanski Denis in : F. Marcot (dir.) 2006, Dictionnaire historique de la Résistance. Éditions Robert Laffont.
— Martelli Roger, Vigreux Jean, Wolikow Serge, 2020, Le Parti Rouge, une histoire du PCF 1920-2020. Editions Armand Colin
FRANCS-TIREURS ET PARTISANS FRANÇAIS (FTPF OU FTP)
En octobre 1941, les anciens brigadistes de la guerre civile espagnole et les militants communistes de l’Organisation spéciale (groupes OS), qui ont échappé aux traques des nazis, sont les premiers recrutés. Début 1942, les jeunes combattants des Bataillons de la Jeunesse se joignent à eux.
En avril 1942, les Francs-tireurs et partisans français (FTPF ou FTP) sont complètement constitués. Cette force de Résistance intérieure, militaire dans sa conception, est immédiatement opérationnelle. Elle s’ouvre aux non-communistes mais reste sous l’autorité du PCF.
Menacés dans leur existence et guidés par leur désir de libérer la France du nazisme, des combattants juifs immigrés sont amenés à mener une lutte spécifique aux côtés des FTP. Parallèlement et très rapidement, des groupes de Francs-tireurs et partisans M.O.I. (les FTP-M.O.I.) se forment à Paris sous la direction militaire de Boris Holban.
Dix pour cents des effectifs des militants communistes doivent être versés aux FTP, la règle demeure la même pour les FTP-M.O.I.
Les FTP opèrent d’abord en zone nord occupée mais ils élargissent leur champ d’action à la zone dite libre, dès l’entrée des troupes allemandes en zone sud, fin 1942.
Le journal des FTP, France d’abord, rend compte de la lutte armée de l’organisation, partout en France.
À partir de 1943, les FTP sont regroupés, avec les FTP-M.O.I., sous l’égide du « Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France », créé par le PCF dès 1941.
Les FTP et les FTP-M.O.I., très structurés militairement, pratiquent la guérilla urbaine et l’action immédiate.
En zone sud, les FTP et FTP-M.O.I. créent des maquis.
Pourchassés par la Gestapo, nombre de FTP (et, particulièrement, FTP-M.O.I.) sont torturés et déportés mais leur action de Résistance intérieure, (comme celle des MUR ou de l’Armée secrète), est déterminante dans la libération du pays.
En 1944 les FTP et FTP-M.O.I., tout en conservant leur autonomie, sont regroupés au sein des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI).
Référence
Tillon Charles, 1991, Les FTP, soldats sans uniforme, Éditions Ouest-France.
GROUPES FTP-M.O.I.
Parmi les résistants FTP-M.O.I., nombreux sont les anciens combattants des Brigades Internationales rompus au maniement des armes en Espagne et à la clandestinité dans leurs pays d’origine.
À leurs côtés, de très jeunes résistants sans expérience se portent volontaires. La répression particulière qui frappe les Juifs les rend plus rapidement combatifs.
Les Juifs d’origine immigrée sont versés dans plusieurs détachements mais le deuxième détachement est exclusivement juif. Une équipe spéciale est formée de combattants d’élite pour les opérations délicates. Des Juifs y participent.
Être FTP-M.O.I., c’est vivre en clandestin et se consacrer à plein temps à l’activité militaire. Les FTP-M.O.I. juifs sont pris en charge par la section juive de la M.O.I. et doivent couper tout contact avec leurs familles. Pour eux, à la fois résistants et juifs, la nécessité de la clandestinité est double.
Les FTP-M.O.I. sont, en France, des acteurs essentiels de la lutte armée qui commence par des actions isolées symboliques avant l’organisation d’une véritable guérilla urbaine ou de maquis en régions.
Ils ont pour responsables militaires des FTP et pour responsables politiques, des militants de la M.O.I.
Les attaques directes de ces combattants contre les objectifs militaires sont décisives : déraillements de trains ennemis transportant du matériel de guerre, lieux de commandement allemands incendiés, dépôts d’armes dévastés, camions militaires détruits, hôtels réquisitionnés par l’armée assaillis…
Les FTP. M.O.I. sont traqués dans la France entière. Les FTP-M.O.I. juifs peuvent mener des opérations concluantes grâce à l’aide de la Résistance civile de la section juive de la M.O.I. et d’une partie de la population française.
En 1944, les mouvements de Résistance se rassemblent en une structure unique, les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI). Les FTPF et les FTP-M.O.I. sont intégrés aux FFI.
Les Juives et Juifs engagés militairement dans les FTP-M.O.I. sont mus, certes, par un désir profond de lutte face à l’extermination mais ils sont portés, tout autant, par un idéal de justice et par leur amour pour la République française.
Référence
Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1989, Le Sang de l’Étranger (Les immigrés de la M.O.I. dans la Résistance), Paris. Ed. Fayard
Manessis Dimitri & Vigreux, Jean, 2024, « Avec tous tes frères étrangers. De la MOE aux FTP-MOI ». Ed. Libertalia
Boris Holban
(1908-2004)
Baruch Bruhman, dit Boris Holban, naît le 20 avril 1908 dans un village de Bessarabie (actuelle Moldavie), soumis à de nombreux pogroms. Après l’occupation de la région par l’armée roumaine, Holban poursuit des études scientifiques en roumain. Plus tard, il devient enseignant. Conscient des inégalités sociales ou ethniques, notamment à l’égard des Juifs, il s’engage dans le Parti communiste roumain clandestin.
Holban est emprisonné à plusieurs reprises et envoyé dans un régiment disciplinaire. En 1938, il est déchu de la nationalité roumaine en tant que Juif de Bessarabie et émigre en France où il prend contact avec des communistes roumains. Très vite, il est chargé de la direction du Comité d’aide aux volontaires roumains en Espagne.
En 1939, à la déclaration de la guerre contre l’Allemagne, il se présente comme engagé volontaire et est affecté à Barcarès. Il part au Front, est fait prisonnier par les Allemands en juin 1940 et parvient à s’évader.
En janvier 1941, il revient clandestinement à Paris et participe aux premières actions de Résistance de l’OS (Organisation spéciale) créée à l’automne 1940 par le PCF.
Rapidement, il constitue et dirige les groupes armés roumains de la M.O.I. puis il devient responsable des groupes de combattants de la M.O.I.
Fin 1941, Holban (dit aussi Roger ou Olivier) est désigné par le PCF pour opérer, avec Jacques Kaminski, dirigeant national de la M.O.I., la fusion de l’OS-M.O.I. avec les FTP. En 1942, Kaminski confie à Holban la direction militaire des FTP-M.O.I., zone nord.
Boris Holban est en désaccord avec la stratégie de la M.O.I. qui souhaite démultiplier les actions. Il juge cette option dangereuse et est remplacé, entre août et novembre 1943, par Missak Manouchian.
Mis à la disposition de la direction nationale de la M.O.I., il travaille, notamment, à la constitution des premiers maquis.
Fin 1943, après l’arrestation de Manouchian, Holban est réintégré comme chef militaire des FTP-M.O.I.
Avec Cristina Boïco, responsable du service de renseignement, il analyse les objectifs des interventions et veille à leur bon déroulement.
Le 20 septembre 1944, Boris Holban prend le commandement du bataillon 51-22, composé de participants aux combats de la Libération, notamment de résistants FTP-M.O.I.
Démobilisé en 1946, Boris Holban retourne en Roumanie mais, affecté par les purges antisémites, il émigre définitivement en France, en 1984.
Il meurt le 27 juin 2004.
Références
— Holban Boris, 1994, Après 45 ans de silence, le chef militaire des FTP-M.O.I. de Paris parle. Testament. Ed Calmann-lévy
— Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1989, Le sang de l’Étranger. Ed. Fayard.
BRIGADES INTERNATIONALES
Après un bref entraînement, les premières unités participent à la défense de Madrid, assiégée par les troupes du général nationaliste Franco depuis le 8 novembre.
Les motivations des volontaires sont diverses : par exemple, les Italiens, les Allemands et les Hongrois, venus de pays totalitaires, poursuivent en Espagne le combat antifasciste. Chez les Français, outre la proximité géographique, s’impose la fraternité unissant les Fronts populaires français et espagnol.
La gauche et l’extrême gauche sont très représentées.
Les brigadistes français sont les plus nombreux. Les volontaires sont groupés par langues : les Franco-Belges sont réunis dans le bataillon Commune de Paris, les Polonais, Tchèques et Hongrois sont rassemblés dans le bataillon Dombrowski (dont la compagnie Naftali Botwin, composée de Juifs).
Au début de 1937, les B.I. subissent des pertes énormes lors de l’encerclement de Madrid par les nationalistes. Dans la phase défensive finale de la guerre, elles tentent de rétablir le contact avec la Catalogne.
Le gouvernement républicain espagnol, dans l’espoir de mettre fin à la guerre civile et d’obtenir la levée de l’embargo sur les armes, applique la décision de la Société des Nations et dissout les Brigades Internationales le 21 septembre 1938. En vain ; victimes de la « non-intervention », les républicains perdent la guerre, le 28 mars 1939, face aux forces nationalistes espagnoles soutenues par le nazi allemand Hitler et le fasciste italien, Mussolini.
On compte environ 35000 brigadistes sur toute la durée de la guerre civile. 15000 sont tués.
Si beaucoup de brigadistes rescapés regagnent leur pays, nombre d’autres, originaires des pays fascistes rejoignent l’Armée populaire espagnole. En 1939, avec la chute de la Catalogne, ils se réfugient en France. Comme le demi-million d’Espagnols fuyant la répression franquiste, ils subissent l’internement dans les camps d’Argelès-sur-Mer, Saint-Cyprien, Agde et Gurs. Dès l’armistice du 22 juin 1940, les brigadistes allemands et autrichiens sont livrés aux nazis.
Sous l’Occupation allemande en France, forts de leur expérience militaire en Espagne, des brigadistes seront des cadres actifs des FTPF et des FTP-M.O.I.
Référence
Delperrié de Bayac Jacques, 1968, Les Brigades Internationales, Paris, Ed. Fayard.
Henri Krasucki
(1924-2003)
Henri Krasucki, né dans la banlieue de Varsovie, a 4 ans quand il rejoint à Paris son père, émigré depuis 1926.
Ses parents sont ouvriers du textile et yiddishophones. Ils apprennent le français aux cours du soir.
Henri fréquente le patronage laïque La Bellevilloise et le patronage créé par la section juive de la M.O.I.
Membre des Jeunesses communistes juives, il assume, dès le début de l’Occupation allemande, des responsabilités dans son quartier puis dans le 20ème arrondissement. Entré dans l’illégalité, il interrompt sa formation en ajustage métallurgique et devient résistant à temps plein. En août 1942, Henri Krasucki, appelé à la direction parisienne des jeunes de la section juive de la M.O.I., choisit ceux d’entre eux qui rejoindront les FTP-M.O.I.“Nous n’avons jamais manqué de volontaires, mon problème était de faire preuve de discernement”.
Le 20 janvier 1943, son père, résistant, est arrêté et déporté à Birkenau dont il ne reviendra pas.
Les Brigades Spéciales organisent trois grandes filatures contre les organisations de la M.O.I. parisienne. La première aboutit en mars 1943 à l’arrestation de dizaines de jeunes communistes juifs dont “Bertrand”-Henri Krasucki et “Martine”-Paulette Szlifke (P. Sarcey).
Henri Krasucki est longuement torturé, y compris devant sa mère, au commissariat de Puteaux et dans les locaux de la police allemande. Il est mis au secret dans le quartier des condamnés à mort à la prison militaire allemande de Fresnes. En juin 1943, il est transféré à Drancy où il retrouve sa mère et plusieurs de ses camarades. C’est comme Juifs et non comme résistants qu’ils sont déportés par le convoi n°55 à Auschwitz.
Les hommes et les femmes sont immédiatement séparés. Henri Krasucki, Samuel Radzinski et Roger Trugnan sont affectés à Jawischowitz (camp annexe d’Auschwitz), où sont exploitées deux mines de charbon. Henri Krasucki devient le responsable du petit groupe de Français dans l’organisation de solidarité et de Résistance du camp. A l’approche des troupes soviétiques, Jawischowitz est évacué. Après un voyage de trois jours sous la neige, à pied et en wagons découverts, les survivants arrivent au camp de Buchenwald.
Le 11 avril 1945, Henri Krasucki participe à la libération du camp. Il est de retour à Paris à temps pour prendre part à la manifestation du 1er mai. Il a 20 ans.
Du convoi 55 pour Auschwitz comprenant 1018 déportés, il ne reste que quelque 80 survivants.
Après la Libération, Henri Krasucki devient membre du Comité central et du Bureau politique du PCF, directeur de la Vie Ouvrière et Secrétaire général de la CGT.
Références
— Langeois Christian, 2012, Henri Krasucki. Éd du Cherche-Midi.
— Laffitte Mourad et Karsznia Laurence, 2015, Une jeunesse parisienne en résistance. Film documentaire.
— Photo : MNR-Champigny (DR)
SECTION JUIVE DE LA M.O.I.
La section juive yiddishophone, très active, est à la tête de nombreuses institutions sociales et culturelles.
Certains permanents sont membres du Parti communiste. Ils ont, à leurs côtés, quelques centaines d’adhérents qui conservent une activité professionnelle et militent dans le milieu des Juifs immigrés, regroupés, principalement, dans les quartiers populaires du centre et de l’est de Paris.
L’instrument principal de leur influence est, depuis 1934, le journal yiddish quotidien, La Naïe Presse (La Presse Nouvelle). Ces militants agissent au sein de ce qu’on nomme des organisations « de masse », réseaux d’associations diverses qui servent de courroies de transmission pour les mots d’ordre du Parti. Ce sont des viviers d’initiation politique et de recrutement.
Ainsi, la Kultur Ligue, cœur de la vie sociale des jeunes Juifs immigrés, s’installe 10 rue de Lancry et devient en même temps qu’un organisme culturel, une sorte de Bourse du travail et de logement, un bureau de renseignement pour l’obtention de papiers d’identité et de travail. Sous son égide, se créent une bibliothèque, un théâtre yiddish, une chorale, une section de jeunes, un club sportif, un dispensaire, un patronage, des colonies de vacances, une organisation de femmes, des sociétés de villes selon les origines des immigrés… Il s’agit de l’esquisse d’une contre-société couvrant toutes sortes de besoins.
Ces Juifs internationalistes participent aux luttes du mouvement ouvrier français auquel ils sont liés organiquement.
Ils sont partie prenante des combats antifascistes et très présents lors des grandes grèves de 1936 pour soutenir le Front populaire. Ils appuient la république espagnole et beaucoup s’engagent dans les Brigades internationales.
Ils soutiennent la culture yiddish et dénoncent les mesures contre les immigrés, l’antisémitisme en France et les persécutions anti-juives dans l’Allemagne hitlérienne.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Paris, Messidor/Éditions Sociales
CLANDESTINITÉ
Il existe divers niveaux de clandestinité : ainsi, les membres des groupes de combat de l’UJRE, bien que munis de faux papiers, continuent à travailler et à vivre parfois avec les leurs alors que les FTP-M.O.I. sont soumis à une stricte clandestinité, ne doivent exercer aucune activité professionnelle, n’ont aucun contact avec leurs familles et sont rémunérés par leur organisation pour survivre.
Face à la répression, et malgré la vigilance des militants, les policiers des Brigades spéciales déployés en nombre, réussissent à infiltrer certains réseaux. Arrêtés, torturés, des résistants mourront sans révéler leur véritable identité.
Référence
Endewelt Robert, 2009, Les Juifs ont résisté en France (L’engagement dans la Résistance des jeunes juifs parisiens avec la M.O.I. 1940-1945). Ed. AACCE