Le Mouvement National contre la barbarie raciste, conçu au printemps 1941, jette les bases du Mouvement National Contre le Racisme, (MNCR), créé au cours de l’été 1942 à l’initiative de la section juive clandestine de la M.O.I. Le MNCR apporte, notamment, son aide à l’Union des Femmes Juives (UFJ), liée à « Solidarité », l’organisation clandestine d’entraide et de Résistance de la section juive. Le Mouvement dispose de nombreuses publications, entre autres, J’accuse au nord et Fraternité au sud. Dans son premier numéro, J’accuse porte en exergue cette citation de Zola : « Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice ».
Dès fin août/septembre 1942, « Solidarité » et le MNCR publient, ensemble, un document qui témoigne des prémices du génocide en dévoilant l’atrocité de ce « sombre jeudi » du 16 juillet 1942 au Vel’ d’Hiv. Les résistants juifs communistes sont les premiers à révéler, le 20 novembre 1942, que 11 000 Juifs déportés de France ont été gazés dès leur arrivée à Auschwitz. La presse clandestine de la Résistance reprendra cette information, en particulier la presse du MNCR à destination des universitaires.
Le MNCR souhaite amener la population française à manifester sa solidarité avec les Juifs. Il s’appuie essentiellement sur des Juifs communistes et des militants chrétiens. Pour le sauvetage des enfants juifs, le MNCR et la section juive de la M.O.I. conduisent des actions communes avec des organisations juives non-communistes, comme l’Œuvre de Secours aux Enfants, (OSE), le Comité Amelot, ou les Éclaireurs Israélites de France (EIF). Ils s’associent également avec le groupe formé autour de la publication clandestine Témoignage Chrétien. De son côté, la Women’s International Zionist Organization (WIZO) organise aussi des opérations de sauvetage.
L’Église catholique, dans son ensemble, soutient le régime de Vichy mais des curés et des religieuses, insoumis ou compatissants, secourent des enfants juifs. Quelques ecclésiastiques de haut rang s’insurgent publiquement contre les mesures anti-juives du pouvoir en place. À la mi-août 1942, Charles Lederman, résistant, co-fondateur du MNCR, est alors responsable, à Lyon, du bureau de l’Œuvre de Secours aux Enfants. Au nom de l’OSE et avec l’accord de la section juive de la M.O.I., dont il est l’un des dirigeants, Lederman rencontre Monseigneur Saliège, archevêque de Toulouse, et l’informe de la situation des Juifs dans les camps d’internement. Il lui révèle également les déportations dont les juifs sont les victimes. Mgr. Saliège fait diffuser rapidement une pastorale en faveur des Juifs. Le texte est lu dans toutes les églises de son diocèse.
Contacté par des résistants, à l’initiative de Charles Lederman, Monseigneur Théas, évêque de Montauban, fait lire également dans son diocèse, une lettre pastorale appelant les chrétiens à soutenir leurs « frères juifs ».
Grâce au combat commun du MNCR et de la section juive de la M.O.I., et à l’intervention de Monseigneur Saliège, de l’abbé Glasberg et du père Pierre Chaillet, des couvents sont ouverts aux enfants. L’église réformée est présente aussi, notamment au Sud, dans la protection des persécutés ; des pasteurs protestants comme Marc Boegner ou André Trocmé sont nombreux à prendre en charge les enfants juifs.
1016 Juifs raflés dans la région, sont rassemblés en août 1942, dans le camp de Vénissieux près de Lyon. Le plus grand sauvetage d’enfants juifs entrepris en France pendant la Seconde Guerre mondiale s’organise alors. Grâce à une incroyable chaîne de sauveteurs juifs et non juifs (OSE, EIF, UFJ, l’Amitié Chrétienne, la Cimade, le Service social des étrangers (SE), les Traminots de Lyon…) les 108 enfants du camp seront tous sauvés.
Les organisations de Résistance de la zone sud liées à la section clandestine juive de la M.O.I., soutiennent ces actions et y participent.
MOUVEMENT NATIONAL CONTRE LE RACISME (MNCR)
Il faut cacher des enfants qui risquent la déportation, organiser des évasions et le passage des frontières, trouver des planques, fabriquer de faux papiers.
Le MNCR diffuse plusieurs journaux clandestins, dont les deux plus importants sont J’accuse en zone nord et Fraternité en zone sud. Il publie également des tracts et des brochures : par exemple, le numéro du 20 octobre 1942 de J’accuse qui évoque les assassinats de Juifs par un « nouveau gaz toxique » et Le Mensonge raciste. Ses origines, sa nature, ses méfaits, rédigé par le philosophe Vladimir Jankélévitch à Toulouse en 1943. Le MNCR développe des liens avec certains membres de l’Épiscopat et de la communauté protestante, qui permettent des actions de sauvetage comme celle de 63 enfants d’un foyer de l’UGIF à Paris, en février 1943.
En 1949, le MNCR devient le Mouvement Contre le Racisme, l’Antisémitisme et pour la Paix (MRAP).
Référence
Adler Jacques, 1985, Face à la persécution. Les organisations juives à Paris de 1940 à 1941, Éditions Calmann-Lévy.
SECTION JUIVE DE LA M.O.I.
La section juive yiddishophone, très active, est à la tête de nombreuses institutions sociales et culturelles.
Certains permanents sont membres du Parti communiste. Ils ont, à leurs côtés, quelques centaines d’adhérents qui conservent une activité professionnelle et militent dans le milieu des Juifs immigrés, regroupés, principalement, dans les quartiers populaires du centre et de l’est de Paris.
L’instrument principal de leur influence est, depuis 1934, le journal yiddish quotidien, La Naïe Presse (La Presse Nouvelle). Ces militants agissent au sein de ce qu’on nomme des organisations « de masse », réseaux d’associations diverses qui servent de courroies de transmission pour les mots d’ordre du Parti. Ce sont des viviers d’initiation politique et de recrutement.
Ainsi, la Kultur Ligue, cœur de la vie sociale des jeunes Juifs immigrés, s’installe 10 rue de Lancry et devient en même temps qu’un organisme culturel, une sorte de Bourse du travail et de logement, un bureau de renseignement pour l’obtention de papiers d’identité et de travail. Sous son égide, se créent une bibliothèque, un théâtre yiddish, une chorale, une section de jeunes, un club sportif, un dispensaire, un patronage, des colonies de vacances, une organisation de femmes, des sociétés de villes selon les origines des immigrés… Il s’agit de l’esquisse d’une contre-société couvrant toutes sortes de besoins.
Ces Juifs internationalistes participent aux luttes du mouvement ouvrier français auquel ils sont liés organiquement.
Ils sont partie prenante des combats antifascistes et très présents lors des grandes grèves de 1936 pour soutenir le Front populaire. Ils appuient la république espagnole et beaucoup s’engagent dans les Brigades internationales.
Ils soutiennent la culture yiddish et dénoncent les mesures contre les immigrés, l’antisémitisme en France et les persécutions anti-juives dans l’Allemagne hitlérienne.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Paris, Messidor/Éditions Sociales
UNION DES FEMMES JUIVES (UFJ)
Après la rafle du Vel’ d’Hiv et celles qui suivent, l’action de l’Union des femmes juives se développe : il faut organiser le sauvetage des enfants des internés et la lutte contre la déportation. En 1942, est mise en place une “Commission de l’Enfance” appelée parfois” Comité pour l’Enfance”. Plusieurs centaines d’enfants sont ainsi sauvés. Ils sont envoyés sous de faux noms à la campagne et le règlement de leur “pension” est assuré par l’UFJ qui bénéficie de nombreux soutiens dans la population. Une telle tâche exige une coopération avec des organisations françaises. Le Mouvement national contre le racisme, le MNCR, – dont les publications jouent un rôle essentiel dans l’information sur le sort des Juifs en France et l’extermination dans les camps de la mort – sert de trait d’union entre la Commission de l’enfance et la population française.
À plusieurs reprises, les enfants “bloqués” dont les parents sont internés ou déportés sont exfiltrés par ces femmes des organismes aux ordres de l’occupant, les fichiers permettant d’organiser des déportations sont détruits. C’est ainsi que le 16 février 1943, la Commission de l’enfance réussit à faire sortir d’un foyer de l’Union générale des Israélites de France (l’UGIF fondée par Vichy sur demande des nazis) rue Lamarck, 63 enfants que les Allemands s’apprêtent à déporter. Les enfants sont cachés à la campagne grâce à l’aide de Suzanne Spaak du MNCR et du pasteur Vergara. Outre le MNCR, ces actions sont menées en concertation avec d’autres organisations juives de sauvetage comme l’œuvre de secours aux enfants, l’OSE, ou des organisations chrétiennes. L’UFJ organise également la résistance à l’occupant dans divers secteurs, services de renseignements, transport d’armes et de matériel d’explosion, imprimeries clandestines et diffusion de la presse antifasciste.
Nombre d’entre ces résistantes seront déportées et ne reviendront pas.
À la Libération, la Commission de l’Enfance, animée par l’Union des femmes juives, deviendra la Commission Centrale de l’Enfance (CCE) auprès de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE).
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires. Ed. Messidor/Éditions sociales.
"SOLIDARITÉ"
L’action sociale n’y est jamais séparée de l’action politique et la mission de « Solidarité » est quadruple :
1. Aider matériellement les familles des combattants juifs, morts, prisonniers ou internés dans les camps du régime de Vichy.
2. Empêcher l’isolement de la population juive.
3. Préciser la position politique du Parti communiste en général et à l’égard des Juifs en particulier.
Selon le PCF, l’éradication de l’antisémitisme suppose l’instauration du communisme. Dans la conjoncture présente, le Parti estime que la « question juive » est du ressort de la section juive de la M.O.I. et de « Solidarité ».
4. Diffuser l’information sur l’ensemble de la situation.
L’importance de la presse n’a jamais échappé aux communistes. Les anciens rédacteurs de La Naïe Presse (dont L. Gronowski, ex-rédacteur en chef) se remobilisent.
Le journal reparaît clandestinement en septembre 1940, sous un titre yiddish, déjà utilisé brièvement en octobre 1939, Unzer Wort. Par la suite, la version française aura pour titre Notre Voix ou encore Notre Parole, la parole de l’opposition des Juifs communistes au pétainisme et à l’antisémitisme.
En novembre 1940, cinquante groupes de « Solidarité » fonctionnent à Paris.
Très rapidement, proches de « Solidarité », se créent des sections d’intellectuels juifs, d’artistes, de médecins, de juristes.
Des organisations comme l’Union des femmes juives, l’UFJ, qui, au début 1941 ou l’Union des Jeunesses Communistes juives, l’ UJCJ, vont jouer, auprès de « Solidarité » un rôle spécifique dans la lutte contre Vichy et, plus tard, contre l’occupant.
Ces organisations s’engagent précocement dans la Résistance. Dès l’été 1941, elles fournissent des combattants à la lutte armée qui débute et la soutiennent politiquement et matériellement.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions Sociales.
GÉNOCIDE
Le génocide est l’anéantissement délibéré et méthodique d’un groupe d’humains en raison de leur race, de leur appartenance ethnique, de leur nationalité ou de leur religion, dans le but de les faire disparaître totalement, au nom d’un principe raciste ou d’une idéologie.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, en janvier 1942, des dignitaires nazis, lors de la conférence de Wannsee, planifient la « solution finale de la question juive », à savoir la déportation et la mise à mort des Juifs dans tous les pays occupés par l’Allemagne hitlérienne.
La Solution finale est la dernière étape du génocide des Juifs d’Europe. Elle est dans la ligne de la politique d’extermination des Juifs menée par le IIIème Reich.
Les premières victimes en sont les Juifs polonais après l’invasion de leur pays par l’armée allemande, en septembre 1939 ; ils sont massacrés ou enfermés dans des ghettos où ils seront condamnés à mourir malgré une résistance acharnée.
En juin 1941, la Wehrmacht (armée du IIIème Reich) envahit l’URSS, notamment la Lituanie, l’Ukraine, la Biélorussie et fait assassiner les Juifs par des unités mobiles d’extermination lors de massacres de masse dits Shoah par balles.
En Europe de l’ouest, l’extermination des Juifs s’accélère et prend une dimension industrielle avec le recours massif au gaz. Ce génocide est appelé holocauste ou Shoah et est responsable de l’extermination de 6 millions de personnes. Il se singularise par trois points :
— Il s’exerce non pas sur un pays mais sur plusieurs dizaines de pays, un continent entier, l’Europe, et avec le projet de déborder sur l’Afrique du Nord.
— il vise des populations sans pays et donc sans terre à conquérir.
— Il se réalise selon un projet méthodique, systématique, planifié et industrialisé.
Des Juifs, originaires de toute l’Europe occupée, sont déportés jusqu’aux centres de mise à mort (ou camps d’extermination).
Les Tziganes sont également victimes de cette politique exterminatrice.
En 1958, l’ONU adopte la définition juridique du génocide.
En France, le génocide est puni en tant que crime contre l’Humanité. Il est imprescriptible.
Référence
Bruneteau Bernard, 2016, Un siècle de Génocides, Ed. Armand Colin
Rafle du Vel’d’Hiv
Grâce à quelques policiers résistants qui divulguent l’information, un tract de « Solidarité », émanation de la section juive de la M.O.I., annonce aux Juifs, en yiddish et en français, l’imminence d’une grande rafle.
Les 16 et 17 juillet 1942, sur injonction des nazis, 7000 policiers et gendarmes opèrent une arrestation massive de Juifs, organisée par René Bousquet, secrétaire général de la police de Vichy, et le Commissaire Général aux Questions juives, Louis Darquier de Pellepoix. Les Juifs, étrangers et apatrides et les Juifs dénaturalisés sont appréhendés. Provisoirement, les Juifs français ne sont pas concernés.
Nombre de Juifs n’ont su où se cacher mais sans le tract diffusé par « Solidarité », le bilan eût été plus lourd encore. 13152 Juifs sont raflés à Paris. Parmi eux et pour la première fois, des femmes, des vieillards et des enfants. Plus de 4000 enfants. Les célibataires et les couples sans enfants sont envoyés directement au camp de Drancy. Les familles sont entassées au Vélodrome d’Hiver ; les conditions de détention sont atroces, l’odeur pestilentielle. Après plusieurs jours d’enfermement au Vel’d’Hiv, les familles sont regroupées dans les camps de transit de Beaune-la-Rolande et Pithiviers. L’escalade dans l’inhumanité s’accélère : les adultes et les adolescents partent les premiers pour l’extermination programmée. Les enfants en bas âge sont arrachés à leur mère, transférés à Drancy puis déportés à leur tour.
Tous vont être entassés dans des wagons à bestiaux en direction du camp d’Auschwitz, en Pologne. Les enfants seront les premiers gazés.
Les dernières recherches mettent en avant une « rafle après la rafle ». Le nombre de Juifs raflés étant considéré comme insuffisant, l’opération se poursuit fin août. 1200 adultes et des centaines d’enfants sont appréhendés. Le bilan atteint alors 14000 victimes. D’autres rafles suivront.
Seuls les Juifs non-français sont visés par ces rafles mais le régime de Vichy, pour asseoir son pouvoir face aux nazis, envoie en déportation 3000 enfants français de parents étrangers. L’objectif est d’alourdir le bilan de la rafle du Vel’ d’Hiv.
À la rentrée scolaire, en octobre 1942 à Paris, il manquera beaucoup d’enfants dans les classes… Dans les régions, à Bordeaux par exemple, sur ordre de Maurice Papon, secrétaire général de la préfecture de la Gironde, ce 16 juillet 1942, le sort des Juifs, adultes et enfants, est le même : Drancy, Auschwitz…
Il faudra attendre le 16 juillet 1995 pour que les crimes du régime de Vichy soient officiellement reconnus. Le président de la République française, Jacques Chirac, dira : « Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français ».
Références
— Klarsfeld Serge, 1983, Vichy-Auschwitz : le rôle de Vichy dans la solution finale, Paris, Ed. Fayard.
— Paxton Robert O., 1999, La France de Vichy : 1940-1944. Paris Ed. du Seuil.
— Joly Laurent, 2022, La rafle du Vel’d’Hiv. Paris, juillet 1942. Ed. Grasset
CHAMBRES À GAZ
Après l’invasion de l’URSS par l’Allemagne en juin 1941, les Einsatzgruppen (unités mobiles d’extermination) exécutent, avec armes à feu, des massacres de masse de Juifs (en Ukraine, Biélorussie et dans les pays baltes).
Pour une destruction plus expéditive, les nazis testent l’utilisation de camions à gaz itinérants hermétiquement fermés. Leur échappement est dirigé vers le compartiment intérieur. Des centaines de milliers de personnes, Juifs, Tsiganes, malades mentaux, opposants, sont assassinées.
Fin 1941, les nazis accélèrent le processus de destruction : le camp de Chelmno devient le centre expérimental de gazage par camions.
En 1942, l’extermination systématique dans des chambres à gaz fixes (avec du monoxyde de carbone généré par des moteurs diesel) commence dans les camps de Belzec, Sobibor, Treblinka, Majdanek, situés en Pologne. À leur arrivée, les victimes sont jetées hors des wagons à bestiaux et censées être désinfectées par des “douches”. Plus grande est l’accumulation des corps nus dans les chambres à gaz, plus rapide est la suffocation des victimes.
Les nazis cherchent constamment des procédés d’extermination plus efficaces. Au camp d’Auschwitz, situé également en Pologne, ils expérimentent le Zyklon B (un puissant pesticide) en gazant, en septembre 1941, quelque 600 prisonniers de guerre soviétiques et 250 prisonniers malades. Les pastilles de Zyklon B se transforment en gaz toxique au contact de l’air. Ce gaz se révèle être le produit de gazage le plus rapide et il est choisi pour l’extermination de masse des Juifs à Auschwitz. On y asphyxie jusqu’à 12000 victimes par jour.
Bien que n’ayant pas été spécifiquement prévus pour servir de lieux de mise à mort, les camps de concentration de Natzweiler-Struthof, Mauthausen, Sachsenhausen et Ravensbrück sont également dotés de chambres à gaz. Relativement petites, elles sont conçues pour les prisonniers considérés comme inaptes au travail. La plupart de ces camps utilisent aussi le Zyklon B.
Les massacres de masse par balles, dans les territoires soviétiques occupés par les nazis constituent la première phase de la « solution finale de la question juive ». Sur 6 millions de Juifs victimes du génocide, les chambres à gaz représentent environ 2,7 millions de morts.
Références
— Berenbaum Michael, 1993, The world must know, Ed. United States Hocolaust Memorial Museum.
— Bruttmann Tal, Tarricone Christophe, 2020, Les cent mots de la Shoah, Que sais-je ? Éditions des PUF.
AUSCHWITZ, CAMP DE CONCENTRATION ET D’EXTERMINATION
D’autres camps de travail forcé alentour vont contribuer également au développement de l’économie allemande.
En 1941, Himmler ordonne la construction d’un camp spécifique, destiné à l’extermination massive des Juifs d’Europe, sur le site du village voisin de Birkenau. Après divers essais sur les prisonniers de guerre, le gaz Zyklon B (un insecticide puissant) est utilisé par les nazis pour éliminer les déportés.
À partir de juillet 1942, les médecins nazis pratiquent la sélection à l’arrivée au camp : les déportés valides, rasés et tatoués d’un numéro matricule, sont envoyés au travail, les vieillards, les faibles, les femmes enceintes et les enfants à la mort.
Un chemin de fer aboutit au camp et en un jour, on peut décharger les victimes, en gazer 3 000 et en brûler près de 4 800.
R. Höss, commandant du camp, organise industriellement la mise à mort en trois temps : une zone de déshabillage (vêtements, chaussures, lunettes, prothèses dentaires sont récupérés, triés et destinés à la population allemande), une zone de gazage et une zone de fours crématoires.
Les médecins du camp effectuent des recherches « scientifiques » pour l’anéantissement biologique des populations non aryennes. Les nourrissons, les jumeaux, les nains, les femmes enceintes servent de « cobayes » aux manipulations génétiques du docteur Mengele.
Fin novembre 1944, face à l’avancée des armées alliées, Himmler donne l’ordre de détruire toutes les preuves du génocide et de démanteler les installations de mise à mort. Le 17 janvier 1945, le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau est évacué. La « marche de la mort » entraîne sur les routes 58 000 déportés vers un camp de concentration éloigné. Ils avancent plusieurs jours dans le froid et la neige, sans nourriture. Beaucoup meurent en chemin, abattus par les nazis ou épuisés.
Au moins 1,3 million de personnes sont déportées à Auschwitz-Birkenau. Près d’un million de Juifs d’Europe y sont assassinés (dont 69 000 Juifs de France) ainsi que des Tziganes. Les Juifs représentent 90 % des victimes. Le camp d’Auschwitz-Birkenau n’est pas le seul centre de mise à mort mais il est devenu le symbole de la barbarie nazie. Il est libéré par l’Armée rouge le 27 janvier 1945.
Référence
Mémorial de la Shoah, 2011, Enseigner la Shoah. Étude de cas : le complexe d’Auschwitz-Birkenau.
ŒUVRE DE SECOURS AUX ENFANTS (OSE)
Avec l’aide de “résidents volontaires” dans les camps d’internement et de plusieurs associations caritatives françaises, américaines et suisses, l’OSE réussit à faire sortir les enfants des camps de Gurs et de Rivesaltes où règne une affreuse misère. Elle obtient ce résultat en détournant la réglementation de Vichy qui accepte des dérogations pour les enfants de moins de 15 ans.
Afin de pouvoir les accueillir, l’OSE ouvre une quinzaine de homes et d’institutions spécialisées en France. 1 600 enfants y séjournent durant la guerre.
Au début de l’année 1942, l’OSE est intégrée autoritairement à l’Union Générale des Israélites de France, l’UGIF, comme toutes les organisations juives (sauf celles de la section juive de la M.O.I. devenues clandestines).
L’OSE passe alors d’un travail d’assistance à un travail de Résistance humanitaire notamment après les rafles d’août 1942 où les premiers enfants accueillis sont ceux qui ont été sauvés du camp de Vénissieux. Le danger impose de disperser les enfants. Georges Garel organise un circuit clandestin d’enfants, le Réseau Garel qui sauvera 1500 enfants juifs.
En 1944, l’assistance médico-sociale aux familles est la seule façade légale de l’OSE, dont le reste de l’activité (fabrication de faux papiers, entretien des enfants placés, filières de passage en Suisse…) est désormais totalement clandestin.
Avec d’autres résistants, Charles Lederman, directeur de l’OSE de Lyon, un des dirigeants de la section juive de la M.O.I., coopère avec d’autres organisations, notamment l’UJRE, le Comité Amelot, les Éclaireurs israélites de France, le réseau André et le MNCR pour sauver des enfants.
Références
— Loinger Georges, 2010, Les Résistances juives pendant l’Occupation. Ed Albin Michel.
— Poznanski Renée, 2006, Dictionnaire historique de la Résistance. Ed. Robert Laffont
COMITÉ AMELOT
Ces organisations développent leurs activités d’assistance et d’entraide communautaires. Elles informeront assez rapidement les Juifs immigrés du péril qui les menace et participeront souvent, avec les organisations de la section juive de la M.O.I., à des actions de Résistance.
Le dispensaire “La mère et l’enfant”, situé aussi au 36 de la rue Amelot, sert de couverture aux activités clandestines qui concernent surtout, au début de l’occupation, l’aide au franchissement de la ligne de démarcation et la fourniture de faux papiers. Le Comité Amelot vient également en aide aux internés des camps de Pithiviers, Beaune-la-Rolande et Drancy. Henri Bulawko, jeune sioniste de gauche, fabricant de faux papiers, est en relation avec Roger Trugnan, membre des Jeunesses communistes juives qui lui remet de nombreux tracts annonçant une grande rafle (dite plus tard rafle du Vel’d’Hiv) quelques jours avant le 16 juillet 1942. Le Comité Amelot déploie une intense activité pour cacher le plus grand nombre de Juifs. Après chaque rafle, il se porte au secours des enfants dont les parents ont été arrêtés.
Dès la fin de l’année 1942, le Comité subit de lourdes pertes. Nombre de ses membres sont fusillés ou déportés. Henri Bulawko est arrêté en 1942 déporté et rapatrié en France après avoir survécu aux “marches de la mort”. Léo Glaeser, membre fondateur du Comité Amelot, appréhendé par la Gestapo à Lyon, est fusillé en juin 1944 par la milice française dirigée par Paul Touvier. David Rapoport, le secrétaire général du Comité, arrêté le 1er juin 1943 pour avoir distribué de fausses cartes est déporté à Auschwitz dont il ne reviendra pas.
Le Comité continue néanmoins de fonctionner grâce aux responsables restés en liberté.
Références
— Collectif, 2006, Organisation juive de combat. France. 1940-1945. Collection Mémoire. Ed Autrement.
— Poznanski Renée, 2006, Dictionnaire historique de la Résistance, Ed. Robert Laffont.
ÉCLAIREURS ISRAÉLITES DE FRANCE (EIF)
Elle est officiellement nommée Service social des jeunes.
Après les nombreuses rafles dans les zones Nord et Sud, la 6ème devient une organisation de Résistance clandestine chargée de cacher des adolescents juifs (les jeunes de moins de 15 ans sont pris en charge par le réseau Garel de l’OSE). Institutions religieuses, internats, familles, particuliers, planques sûres, sont cherchés et mis à disposition des sauveteurs pour des enfants munis de faux papiers. Leur fabrication devient une des principales activités des EIF. Nombre d’associations de la Résistance en bénéficient. La « 6ème » agit en zone Nord et en zone Sud où son quartier général est fixé à Moissac, dans le Tarn.
Après les grandes rafles d’août 1942 en zone dite libre, de nombreuses arrestations ont lieu dans les fermes, les maisons et les camps gérés par les EIF.
Désormais totalement clandestins, les EIF travaillent en étroite collaboration avec le réseau du MJS (Mouvement des jeunes sionistes), le réseau Garel et le réseau André de Joseph Bass.
En janvier 1943, le chef du Commissariat général aux questions juives, Darquier de Pellepoix, donne l’ordre de dissoudre les EIF. Plusieurs responsables sont exécutés.
Le passage des EIF à la Résistance armée a lieu en novembre 1943 avec la création du maquis de la Montagne noire près de Vabre dans le Tarn, leur deuxième quartier général. Les jeunes EIF y sont chargés de la réception des parachutages, très fréquents dans le secteur.
Le 19 août 1944, la compagnie Marc Haguenau (du nom du secrétaire général des EIF, responsable du Service social, assassiné par la Gestapo pendant une tentative d’évasion) participe à la prise d’un train blindé de l’armée allemande entre Mazamet et Castres. Deux jours plus tard, elle s’implique dans la libération de Castres. En septembre, elle rejoint la 1ère Armée française du général de Lattre de Tassigny et est présente dans la bataille finale en Allemagne. La « 6ème » a participé à la Libération de la France et sauvé un grand nombre d’enfants juifs de la déportation mais beaucoup de ses membres ont été torturés, fusillés, déportés.
Référence :
Hersco Tsilla, avec le concours de Lucien Lazare. 2006, Organisation juive de combat. France 1940-1945. Ed. Autrement.
TÉMOIGNAGE CHRÉTIEN
Pierre Chaillet s’inquiète de la montée du nazisme. Après la défaite de la France, c’est au cours d’une rencontre avec, notamment, Henri Frenay, catholique pratiquant et chef du réseau de Résistance, Combat, que naît le projet d’une publication chrétienne clandestine. Elle est animée par des catholiques, rapidement rejoints par des protestants.
Les premiers Cahiers du Témoignage chrétien paraissent à Lyon le 16 novembre 1941.
Le sous-titre, ouvertement antinazi, « France, prends garde de perdre ton âme » est éloquent. 14 des 53 cahiers sont consacrés à la dénonciation du nazisme.
Citons, à titre d’exemples, quelques titres de ces dossiers :
-Notre combat : décembre 1941
-Antisémites : avril-mai 1942
-Les voiles se déchirent : cahier saisi et détruit par la police mais qui paraît finalement en août 1943
-Où allons-nous ? Message de Georges Bernanos, août-septembre 1943
Grâce à l’implication des animateurs du Témoignage chrétien, des enfants juifs sont cachés et sauvés.
Georges Montaron, après-guerre, poursuit le combat progressiste du Témoignage chrétien.
Référence
Bédarida Renée et François, 2001, La Résistance spirituelle 1941-1944 : les cahiers clandestins du Témoignage chrétien, Paris Ed. Albin Michel.
WOMEN'S INTERNATIONAL ZIONIST ORGANISATION (WIZO)
Dans les années suivantes, de nombreuses branches de la WIZO sont créées à travers le monde. En France, Juliette Stern devient responsable de la section française.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la WIZO, dont Juliette Stern est la représentante française, est rattachée à l’Union générale des israélites de France (UGIF), organisme contrôlé par les Allemands.
Des enfants juifs, promis à une mort certaine, sont répartis dans plusieurs centres de l’UGIF à Paris. Juliette Stern commence à les exfiltrer et les fait cacher dans des familles non juives ou dans des Institutions antinazies. Elle finance clandestinement l’opération grâce aux fonds de l’UGIF.
Juliette Stern échappe à la Gestapo, rapidement alertée, mais nombre de ses collègues de la WIZO sont déportées.
La Wizo aura réussi, néanmoins, avec l’aide de nombreuses Institutions laïques et religieuses, d’élus municipaux, du Secours national, de la Croix rouge… à sauver plus de 1000 enfants juifs. Elle a opéré dans le plus grand secret grâce au service 42B, plus connu sous le nom de code SF, un service clandestin au sein de l’UGIF.
Le siège de la Wizo est installé en Israël. Son objectif affiché est la promotion d’une « société civile de solidarité et d’éducation autour de valeurs égalitaires et humanistes ».
Référence
Lazare Lucien, 2001, La Résistance juive : un combat pour la survie, Paris, éd. du Nardi.
Charles Lederman
(1913-1998)
Charles Lederman, né à Varsovie, arrive à Paris à l’âge de trois mois. Ses parents, ouvriers, ne parlent que le yiddish. Avocat en 1933, il commence sa vie professionnelle à la Ligue des Droits de l’Homme, au service des étrangers. En 1934, il adhère au Parti communiste.
Mobilisé à la déclaration de la guerre, il combat à Dunkerque, est fait prisonnier en juin 1940, s’évade et rejoint Lyon.
Il entre dans la Résistance et devient l’un des dirigeants de la section juive clandestine de la M.O.I. en zone sud. A la demande de l’Œuvre de secours aux enfants, l’OSE, de Montpellier qui s’emploie à faire sortir légalement les enfants juifs des camps d’internement, Charles Lederman est le premier résident volontaire dans le camp de Rivesaltes. En octobre 1941, suspecté d’avoir favorisé l’évasion de plusieurs internés juifs, il est écarté du camp. En novembre, il est nommé directeur du bureau lyonnais de l’OSE qui s’engage très rapidement dans l’illégalité en procurant de faux papiers et des planques pour les familles juives.
Grâce à ses liens avec l’abbé Glasberg et le Père Chaillet, fondateur du Témoignage Chrétien, Charles Lederman, après la rafle du Vel’ d’Hiv, rencontre le Père de Lubac, responsable des Jésuites, qui l’introduit auprès de l’archevêque de Toulouse, Mgr Saliège. Charles Lederman l’informe de la situation des Juifs. Et le 23 août 1942, dans toutes les églises du diocèse, est lue en chaire la lettre pastorale (…) Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes… Ils sont nos frères comme tant d’autres (…). Cette première protestation publique est reprise par d’autres prélats.
Directeur de l’OSE de Lyon, Charles Lederman met en œuvre avec cette organisation et des membres d’associations sociales juives et chrétiennes, le sauvetage de 108 enfants juifs internés dans le camp de Vénissieux, près de Lyon, qui seront accueillis dans des familles ou des couvents. C’est le plus grand sauvetage d’enfants juifs durant l’Occupation.
Charles Lederman devient alors totalement clandestin. Il est l’un des fondateurs et dirigeants du Mouvement national contre le racisme, le MNCR. Après les arrestations massives à Paris de nombreux responsables de la section juive de la M.O.I., Lederman est appelé en zone nord et ne cesse, durant le conflit, parallèlement à ses responsabilités au MNCR, de rédiger de très nombreux tracts et articles.
Au printemps 1943, il cofonde l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide, UJRE, dont il sera président jusqu’à sa mort.
À la Libération, il reprend sa profession d’avocat. Il est élu sénateur communiste à partir de 1977. En France, comme à l’étranger, il combat, jusqu’à sa mort, pour la défense des libertés et des droits des opprimés.
Références
— Portheret Valérie, 2020, Vous n’aurez pas les enfants. Ed. XO
— Photo : coll. particulière, Bassi-Lederman (DR)
CAMPS D’INTERNEMENT, CAMPS DE TRANSIT
Ces camps d’internement ont des fonctions différentes : internement administratif, séjours de prisonniers, séjours surveillés.
Les populations concernées sont elles aussi diverses : ressortissants des « pays ennemis », Juifs étrangers et français, Tsiganes, prisonniers politiques, résistants… De 1939 à 1946, la France se couvre de quelque 200 camps. Environ 600 000 personnes y seront internées.
La principale innovation de Vichy consiste en la création de camps de transit. Les internés y sont emprisonnés dans l’attente de leur déportation dans les camps d’extermination nazis. Les camps de transit les plus connus sont Pithiviers, Beaune-la-Rolande et Drancy qui deviendra la plaque tournante de la déportation des Juifs vers Auschwitz.
L’internement des Juifs est le résultat des lois antisémites définissant le Statut des Juifs (loi du 3 octobre 1940 puis loi du 2 juin 1941). La quasi-totalité des Juifs arrêtés à la suite des rafles du billet vert en 1941 et du Vel’d’Hiv en 1942 sont internés à Drancy qui isole uniquement des populations juives à partir d’août 1941.
Référence
Amicale des déportés d’Auschwitz et des camps de Haute Silésie Les camps d’internement en France 1939-194
CAMP DE VÉNISSIEUX
Mais pour sauver les enfants d’une déportation ultérieure, il faut agir clandestinement et convaincre les parents de céder leurs droits de paternité à l’ « Amitié chrétienne ». Il est donc indispensable de les voir, un par un, pour leur faire signer cette délégation. Malgré les cris, les pleurs, les tentatives de suicide de certains parents, 108 enfants sont séparés de leurs parents et exfiltrés du camp. Remis officiellement à l’ « Amitié chrétienne », ils quittent Vénissieux accompagnés de Charles Lederman – nommé provisoirement représentant de cette association –, de Georges Garel et de quelques assistantes sociales puis ils sont conduits pour la nuit dans un local des EIF et dispersés le lendemain dans différentes institutions religieuses sous la protection de l’archevêque de Lyon, Mgr Gerlier. Celui-ci, mis devant le fait accompli, est donc tenu de couvrir le Père Chaillet au nom de “l’obligation morale impérieuse”. Dans les heures qui suivent, la police se lance à la poursuite des enfants mais la Résistance répond dans un tract : “Vous n’aurez pas les enfants”. La plupart sont ensuite répartis dans des familles sous de nouvelles identités. La majorité des parents (545) seront gazés.
Ce sauvetage exceptionnel a été rendu possible grâce” à un chaîne de sauveteurs Juifs et non Juifs qui s’organisèrent pour empêcher un crime contre l’humanité” (Serge Klarsfeld).
La “nuit de Vénissieux” marque un tournant décisif pour l’OSE et plusieurs autres associations juives qui accélèrent la mise en place de leurs structures clandestines pour le sauvetage des enfants.
Références
— Portheret Valérie, 2020, Vous n’aurez pas les enfants. Ed. XO documents.
— Perthuis-Portheret Valérie, 2012, Août 1942. Lyon contre Vichy. Le sauvetage de tous les enfants juifs du camp de Vénissieux. Ed lyonnaises d’art et d’histoire.