Les Juifs communistes, hommes ou femmes, sont toujours visés par le pouvoir en place : arrestations, interrogatoires brutaux, tortures, déportations, exécutions, pour faits de Résistance, se multiplient. Mais dans toute la France, les groupes armés FTP-M.O.I. continuent de livrer des combats intenses.
La capitulation à Stalingrad n’a pas brisé le projet nazi de destruction des Juifs. L’État français de Vichy participe toujours activement à la répression et à l’organisation de la déportation. Les camps d’extermination se multiplient : Auschwitz-Birkenau, Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka, Majdanek.
Face aux bourreaux, des actions de résistance et de révolte sont organisées à Treblinka, Sobibor et Auschwitz-Birkenau. De rares révoltés réussissent à s’échapper. La majorité d’entre eux est exécutée. Malgré des conditions effroyables, certains déportés entretiennent une profonde solidarité pour survivre à l’intérieur des camps. Paulette Szlifke en témoigne notamment dans l’évocation d’une autre déportée, Germaine Bach.
De nombreuses femmes, juives ou non, sont très impliquées dans la Résistance. La M.O.I. a beaucoup œuvré pour développer l’activité résistante parmi les femmes, particulièrement dans la section juive d’où sont issues nombre de combattantes. La reconnaissance du rôle des résistantes dans le combat contre l’occupant va conduire Fernand Grenier, délégué officiel du Parti communiste auprès du Général de Gaulle, à concevoir un amendement accordant le droit de vote et l’éligibilité aux femmes. L’ordonnance est signée le 21 avril 1944 par de Gaulle, alors chef du Comité français de Libération nationale.
BATAILLE DE STALINGRAD
Grand centre industriel, la ville représente, en outre, un enjeu énergétique majeur en ouvrant la route du pétrole caucasien convoité par Hitler. Politiquement, elle symbolise le pouvoir du secrétaire général du Comité central du Parti communiste d’URSS, Joseph Staline.
La violence des combats, leur durée, le nombre de victimes, militaires et civiles, et les conditions climatiques glaciales sont extrêmes.
La défaite de l’armée hitlérienne conduit les forces alliées à renforcer leur action commune contre l’ « axe » (Allemagne, Italie, Japon principalement). L’issue de la bataille de Stalingrad permet un retournement militaire, stratégique et politique qui va conduire à la victoire sur le nazisme.
« Avant Stalingrad, nous avions la conviction que nous pouvions vaincre le nazisme ; après Stalingrad, nous en eûmes la certitude. »
Robert Endewelt, résistant M.O.I., Responsable de l’Union de la jeunesse juive (UJJ) de Paris.
Référence
Lopez Jean, Wieviorka Olivier, 2015, Les Mythes de la Seconde Guerre mondiale. Ed. Perrin
CAMPS D'EXTERMINATION
La politique génocidaire nazie, qui vise les Juifs (environ 6 millions de victimes) et les Tziganes, se déroule hors de ces camps.
Beaucoup de Juifs sont morts de faim dans les ghettos surpeuplés et miséreux de l’Est européen.
Près de la moitié d’entre eux sont assassinés lors des exécutions de masse (dite Shoah par balles), notamment en Ukraine, en Biélorussie et en Lituanie.
Des camions à gaz mobiles (par monoxyde de carbone, dioxyde de carbone, etc) renforcent le dispositif d’anéantissement.
La majorité des Juifs aboutit dans les centres de « mise à mort ».
Les chambres à gaz (au Zyklon B) et les fours crématoires, conçus en juillet 1942 pour se débarrasser des corps, y fonctionnent jour et nuit.
L’emplacement des camps d’extermination est choisi en raison de la proximité de voies ferroviaires et routières qui permettent d’acheminer les victimes. Les baraquements se réduisent à un ensemble très sommaire de structures. Les historiens s’accordent sur 6 principaux centres de mise à mort, tous situés en territoire polonais : Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka, Majdanek et Auschwitz-Birkenau. C’est le seul complexe concentrationnaire qui, sur un même lieu, est à la fois centre de mise à mort et camp de concentration.
Références
— Bruttmann Tal, Tarricone Christophe, 2020, Les Cent Mots de la Shoah, Que sais-je ? Éditions PUF.
— Hilberg Raul 1988, La Destruction des Juifs d’Europe, Ed. Fayard.
RÉVOLTES DANS LES CAMPS D'EXTERMINATION
— Treblinka : à la fin de l’année 1942, plus de 700.000 personnes ont été assassinées à Treblinka. En 1943, les déportés sont chargés de l’exhumation et de la crémation des corps jusque-là enfouis. Le 2 août 1943, un millier d’entre eux s’empare des armes qu’ils ont pu trouver – pioches, haches et quelques armes à feu volées dans l’armurerie – force les barbelés du camp après avoir abattu une partie des gardiens. Environ 200 détenus parviennent à s’échapper et à rejoindre les partisans polonais. A la fin de la guerre, le camp est rasé par les SS pour qu’il n’en subsiste aucune trace.
— Sobibor : dans ce centre de “mise à mort”, 800 à 1000 personnes arrivent chaque jour par train. 350.000 Juifs environ sont exterminés sur une période de 17 mois, du 8 mai 1942 au 14 octobre 1943, date qui marque la fin du camp. L’organisateur de la révolte est un jeune officier de l’Armée Rouge détenu à Sobibor depuis trois semaines. Le 14 octobre 1943, des déportés tuent la plupart des officiers et sous-officiers SS avec des armes fabriquées par les serruriers du camp. 300 détenus réussissent à gagner la forêt en ouvrant un passage dans les barbelés et mettent le feu. Plus d’une centaine sont repris et exécutés. Seule une dizaine de détenus survit à la guerre.
Pour les nazis, l’existence même de Sobibor doit être tenue secrète : tout comme Treblinka, Sobibor est rasé par les SS.
— Auschwitz-Birkenau : les organisateurs de l’idée de Résistance sont des Juifs polonais déportés de France, membres du “Sonderkommando”. A Auschwitz, ce nom est donné à l’équipe de Juifs chargée d’assister les SS lors de la mise à mort des détenus, de ramasser leurs vêtements, d’extraire les dents en or, d’entasser les victimes dans les fours crématoires ou de les brûler sur des bûchers. Les déportés affectés au four crématoire 4 s’organisent dans la clandestinité pour le faire sauter et mettre le feu au crématoire 3. Le 7 octobre 1944, c’est le soulèvement. Les Allemands exécutent les centaines de détenus qui y ont participé. Mais le crématoire 3 ne sera plus utilisé.
Notre Voix, journal clandestin de la section juive de la M.O. I, relate, en avril 1944, “la révolte dans le camp d’extermination de Tremblanki” (Treblinka). L’article se termine ainsi : “Par cet acte courageux dans l’un des plus terribles camps de meurtres, les Juifs de Pologne ont prouvé, une fois de plus, que la lutte, la lutte implacable contre les bourreaux est possible et indispensable […]”.
Références
— Steinberg Lucien, 2012, Pas comme des moutons. Les Juifs contre Hitler. Ed. Les Balustres.
— Rayski Adam, 1996,1999,2001, La lettre des résistants et déportés juifs. (N° 27,43,52). Ed. Union des résistants et déportés juifs de France
Germaine Bach
(1925-2012)
Guerda, ou Germaine, naît à Paris, le 21 novembre 1925.
Elle est la fille de Tanchel Bach, né en Russie et de Léa Blaser née en Pologne.
Ses parents vivent dans le 11ème arrondissement de Paris et sont tricoteurs.
Avant guerre, elle fréquente le YASK ( Yiddish Arbeiter Sport Klub ), l’une des nombreuses associations rattachées à la section juive de langue yiddish de la M.O.I.
Dès 1941, elle participe, avec un groupe de jeunes du 11ème arrondissement, à des distributions de tracts et au collage de « papillons » pour dénoncer l’occupation nazie et le régime collaborationniste de Vichy. Elle a 16 ans.
En décembre 1941, alors qu’elle colle des papillons intitulés « Chassons l’envahisseur », elle est arrêtée par la police française et incarcérée à la prison de la Petite Roquette puis à Fresnes du 3 au 23 février 1942.
Au printemps 1943, la répression à Paris et la réorganisation de la Résistance communiste en zone sud provoquent son départ pour Lyon.
En 1943, sous le pseudonyme de Diane, elle sert en tant qu’agent de liaison de Jacques Kott de l’UJJ (Union de la Jeunesse juive) puis de Charles Lederman de l’UJRE (Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide), elle transporte des journaux, des faux papiers, parfois même des armes et des explosifs pour les groupes de combat. Elle se déplace dans les villes de la zone sud, Marseille, Toulouse, Lyon, Grenoble…
Le 6 juin 1944, alors qu’elle se trouve à Marseille avec Jacques Kott, le débarquement a lieu en Normandie.
Germaine regagne Lyon. Pour éviter de se rendre à l’hôtel, après le couvre-feu, elle rejoint le domicile familial à Villeurbanne. « Filée » par la police, elle est appréhendée le lendemain chez ses parents en même temps que son père et conduite au siège de la Gestapo. Elle y est interrogée avec la plus extrême brutalité et incarcérée à la prison de Montluc.
Son père est fusillé le 12 juin 1944 avec 22 otages.
Transférée au camp de Drancy, Germaine est déportée, le 30 juin 1944, au centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. Ignorant ce qu’est devenu son père, elle le cherche parmi les déportés et se rassure de ne pas le trouver…
Elle y retrouve, en revanche, une de ses amies du Yask, Paulette Szlifke (ou Sliwka puis Sarcey) et c’est, ensemble, le 18 janvier 1945, qu’elles sont évacuées d’Auschwitz vers un camp annexe de Ravensbrück, au terme d’une effroyable « marche de la mort ».
Le 3 mai 1945, elles sont libérées par les Soviétiques du camp de Neustadt-Glewe et rapatriées en France le 22 mai 1945.
À son retour, Germaine apprend dans quelles circonstances son père a été fusillé et ne se remet que très difficilement de cette exécution dont elle s’estime responsable.
Devenue Germaine Bach-Israël après guerre, elle meurt à Paris le 13 janvier 2012.
Références
— Le Maitron par Chantal Dossin
— Dossin Chantal, 2018, Elles étaient juives et résistantes, convoi 76. Ed. Sutton
— Photo collection particulière (DR)