Charles de Gaulle, chef de la France libre en 1940, symbole de la Résistance extérieure, et à la tête du GPRF, agit sur plusieurs plans : à l’international en se rapprochant de l’URSS pour éviter la tutelle américaine et en France, en minimisant le poids des communistes et des étrangers. Le gouvernement provisoire et ses successeurs ne mentionnent pas non plus le rôle des soldats originaires du Maghreb ou des Antilles, ni celui des troupes coloniales de l’Afrique sub-saharienne dans l’armée de la France Libre.
Le pouvoir en place sous-évalue le régime pétainiste considéré comme une usurpation temporaire. Il présente la collaboration comme minoritaire et se livre à une épuration, limitée, à la Libération. La participation des fonctionnaires de l’État français à la répression, la spoliation, la persécution et la déportation est rapidement passée sous silence.
Le mythe d’une France résistante unie, entièrement opposée aux Allemands et au régime collaborationniste de Vichy, est développé par le Gouvernement provisoire qui s’approprie l’ensemble de l’épopée combattante. La réalité du passé collaborationniste du pays pendant l’Occupation n’est exhumée publiquement que bien plus tard.
En 1944-1945, le Parti communiste se présente comme le Parti des fusillés. Il a lutté contre l’occupant en relation avec les autres mouvements de Résistance. Pour assurer la cohésion du pays face au reste du monde et mettre en place les mesures préconisées par le CNR, il participe au gouvernement.
Le Parti communiste souhaite « nationaliser » sa propre mémoire. Malgré le rôle important de la M.O.I., il contribue largement avec de Gaulle, à la création d’un récit national d’où les étrangers sont exclus.
Dès la fin de la guerre, l’action des Résistants juifs immigrés est marginalisée, voire ignorée. La France est amputée d’une composante indiscutable de la société : des résistants, femmes et hommes, qui tiennent, plus que jamais, à être assimilés aux résistants d’origine française. Les plus âgés respectent l’unité nationale. Quant aux plus jeunes, nés en France, ils se sentent français avant tout.
Les rescapés du génocide ont pour première préoccupation leur intégration dans la communauté nationale dont ils avaient été exclus. Dans les années qui suivent la Libération, ils trouvent une société peu réceptive à leurs témoignages et eux-mêmes parviennent difficilement à raconter l’horreur qu’ils ont vécue. La mémoire juive résistante est occultée ou confondue dans le souvenir global de la persécution. Le temps passant, des survivants soutenus par leurs associations, font connaître leur rôle dans la Résistance et les conditions d’internement et de déportation.
Il faudra attendre le discours du Président Jacques Chirac, en 1995, pour que les crimes du gouvernement de Vichy, inféodé aux nazis, soient officiellement condamnés par la République française.
L’engagement des Résistants de la section juive de la M.O.I. pour la Libération de la France, s’inscrit, désormais, dans le travail d’Histoire et de Mémoire entrepris par MRJ-M.O.I. à travers ce Musée.
Charles de Gaulle
(1890-1970)
Charles de Gaulle, futur général de Gaulle, naît le 22 novembre 1890 à Lille.
Charles de Gaulle, formé à l’école militaire St Cyr, entame sa carrière d’officier pendant la Première Guerre mondiale. Il est blessé lors de la bataille de Douaumont et prisonnier de guerre entre mars 1916 et novembre 1918.
Après les hostilités, de Gaulle rédige plusieurs ouvrages militaires dont le plus polémique est consacré à la modernisation de l’armée.
En 1937, de Gaulle est colonel. Il s’illustre au cours de la bataille de France en mai 1940. Promu général le 1er juin. Il devient sous-secrétaire d’État à la guerre et à la Défense nationale, dans le cabinet de Paul Reynaud, du 6 au 16 juin 1940.
Le 16 juin, Reynaud démissionne et est remplacé par Pétain qui signe l’armistice avec l’Allemagne.
Le lendemain, 17 juin, de Gaulle refuse l’armistice et s’exile à Londres.
Le 18 juin, il lance à la radio anglaise BBC son Appel aux Français qui les exhorte à résister à l’occupant et à rejoindre le gouvernement de Résistance extérieure de la « France libre ».
Le Premier ministre britannique, Winston Churchill, reconnaît le général de Gaulle comme chef de la « France libre ».
De Gaulle crée des unités armées, les Forces françaises libres (FFL), est alors condamné à mort par contumace et déchu de la nationalité française par Pétain et son gouvernement collaborationniste replié à Vichy.
Le résistant de Gaulle, désormais apatride, fonde en 1943, le Comité français de la Libération Nationale (CFLN), qui deviendra le Gouvernement provisoire de la République française.
La même année, pour une plus grande efficacité du combat contre l’occupant, Jean Moulin, délégué du général de Gaulle en France, parvient, après de grandes difficultés, à unifier la Résistance intérieure : le Conseil National de la Résistance (CNR), créé le 27 mai 1943, rassemble les forces démocratiques du pays, des communistes à la droite républicaine. Son programme, officialisé le 15 mars 1944, présente des avancées sociales inspirées des valeurs communistes.
En 1944, de Gaulle, reconnu comme chef incontesté de la Résistance, devient le président du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) jusqu’en 1946.
L’action de de Gaulle, pendant la guerre, permet à la France de figurer aux côtés des alliés, vainqueurs du nazisme.
Mais, la guerre terminée, le général minore la politique collaborationniste du régime de Vichy. Le mythe d’une France résistante unie, antinazie, est développé par le GPRF qui s’approprie l’ensemble de l’épopée nationale combattante. L’action des résistants juifs immigrés de la M.O.I. est marginalisée, voire occultée et la réalité des camps de la mort ignorée.
Le général de Gaulle est président de la République française de 1959 à 1969. Il meurt en 1970.
Références
— Agulhon Maurice, 2000, De Gaulle : histoire, symbole, mythe, Paris, Plon.
— Crémieux-Brilhac Jean-Louis, 1996, La France libre : de l’appel du 18 juin à la Libération, Paris, Gallimard, coll. « La suite des temps ».
— Lacouture Jean, 1984, De Gaulle : Le Rebelle, 1890-1944, Vol. 1 Paris, Éditions du Seuil.
FRANCE LIBRE-RÉSISTANCE EXTÉRIEURE
De Gaulle reçoit le soutien du Premier ministre britannique, Winston Churchill, engagé dans la guerre contre l’Allemagne. Dès juillet 1940, le général fonde la France libre basée à Londres et appuyée sur les unités armées opposées à l’armistice, les Forces françaises libres (FFL).
De Gaulle s’assure de ralliements dans l’empire colonial français. En septembre 1941, il crée le Comité national français (CNF) qui encadre politiquement les forces militaires.
En vertu de l’accord signé en août 1940 avec Churchill, Charles de Gaulle est considéré comme le représentant légitime de la France et traite avec les alliés (Royaume-Uni et Etats-Unis principalement). Il crée à Londres un gouvernement officiel de la France libre-renommée France combattante-reconnu par tous les mouvements de la Résistance intérieure, le 13 juillet 1942.
L’appellation France libre va cependant prévaloir dans les esprits et même dans les textes.
Les soldats de la France libre combattent les nazis, notamment aux côtés des Britanniques, en Angleterre. Mais les alliés se méfient de de Gaulle jugé trop ambitieux. Le général finit, cependant, par s’imposer.
La Résistance communiste se rapproche de de Gaulle qui fonde le Comité français de la Libération nationale (CFLN) en juin 1943. La capitale de la France libre, d’abord établie à Brazzaville, migre à Alger, alors sous administration française.
Mais de Gaulle poursuit un objectif de rassemblement des forces combattantes. Jean Moulin, délégué en France du général, s’emploie à l’unification de la Résistance intérieure. Le Conseil national de la Résistance (CNR), créé, non sans mal, le 27 mai 1943, réunit les composantes démocratiques du pays, des communistes à la droite républicaine.
Le 1er août 1943, les Forces françaises libres (FFL) deviennent l’Armée française de libération. Présente dans le monde, elle combat, par exemple, en URSS, face aux troupes allemandes.
Selon le dessein du chef de la France libre, groupements militaires gaullistes de l’intérieur (l’Armée secrète) et Résistance communiste (FTP et FTP-M.O.I.) sont intégrés aux Forces françaises de l’intérieur (FFI) le 1er juin 1944.
Charles de Gaulle, l’homme de la Résistance extérieure, reconnu comme chef incontesté de la Résistance unifiée, devient, le président du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF).
Références
— Muracciole Jean-François, 1996, Histoire de la France libre, PUF, coll. Que sais-je ?.
— Muracciole Jean-François, 2009 Les Français libres : l’autre Résistance, Paris, Taillandier
GOUVERNEMENT PROVISOIRE DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE (GPRF)
Pour rétablir l’autorité républicaine, le GPRF envoie dans chaque grande région libérée un commissaire de la République qui se heurte parfois aux comités locaux de la Résistance. Les organisations résistantes disposent d’éléments armés pouvant être acquis aux communistes Pour parer ce « danger », le GPRF s’efforce d’incorporer ces éléments à l’armée régulière.
Le droit de vote accordé aux femmes est confirmé par l’ordonnance du 5 octobre 1944, sur proposition communiste. Le GPRF met également en place la sécurité sociale et les allocations familiales selon le programme du CNR.
Le GPRF poursuit la guerre et organise l’épuration pour éviter les dérives populaires (exécutions sommaires et tontes publiques des femmes soupçonnées de liaisons avec l’ennemi) L’épuration « légale, » exercée par des magistrats souvent pétainistes, se montre indulgente envers d’anciens collaborateurs des nazis tels, entre autres, René Bousquet, chef de la police de Vichy, organisateur des plus grandes rafles de Juifs-dont celle du Vel’d’Hiv-. Xavier Vallat, commissaire général aux questions juives, co-responsable de l’éviction des Juifs de la vie publique, de leur recensement et de la liquidation de leurs biens, condamné par la Haute Cour de justice, bénéficie d’une libération anticipée. Maurice Lagrange, l’un des rédacteurs des lois antisémites, demeure membre du Conseil d’Etat.
Le 21 octobre 1945, un référendum consacre la fin de la Troisième République.
Référence
Cartier Emmanuel, 2005, La transition constitutionnelle en France (1940-1945) : la reconstruction révolutionnaire d’un ordre juridique « républicain », Paris, coll. « Bibliothèque constitutionnelle et de science politique » (no 126).
TUTELLE AMÉRICAINE
Le général de Gaulle, soutenu par l’ensemble des Français et reconnu comme chef de la Résistance, parvient à installer, en juin 1944, le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) dont il prend la tête.
Le GPRF s’oppose vigoureusement à l’AMGOT (gouvernement militaire allié des territoires occupés) qui impose à la France un statut de protectorat pour un an. De Gaulle refuse fermement la mainmise américaine sur l’administration et l’économie. Le président américain Franklin Delano Roosevelt reconnaît le GPRF à contre-cœur le 23 octobre 1944.
La France, dont les ressources ont été dévastées par l’occupant nazi, se trouve dans une situation industrielle difficile. Les USA tentent de s’infiltrer dans la gouvernance française mais le général de Gaulle et les communistes, héritiers directs de la Résistance intérieure, continuent de refuser toute ingérence américaine, qu’elle soit politique ou économique.
Le spectre de la tutelle américaine réapparaîtra dans les années d’immédiat après-guerre.
Référence
Diatkine Daniel et Gayman Jean-Marc, 1995, Histoire des faits économiques, tome 2 : croissance et crises en France de 1895 à 1974. Ed. Nathan.
CONSEIL NATIONAL DE LA RÉSISTANCE (CNR)
L’idée d’une unification des différents mouvements de Résistance, pour une plus grande efficacité, est avancée car seuls les FTPF et FTP-M.O.I., proches des communistes, sont conçus en structures militaires.
En outre, l’unification de la Résistance, voulue par de Gaulle, répond à son désir d’asseoir son autorité auprès des alliés. À Paris, le 27 mai 1943, a lieu la première réunion du Conseil national de la Résistance (CNR), présidée par Jean Moulin, délégué de Charles de Gaulle en France. Les obstacles sont nombreux mais, autour de la table, sont présents les représentants de huit grands mouvements de la Résistance intérieure, de six partis politiques et de deux syndicats, de la droite républicaine aux communistes.
Jean Moulin est arrêté par la gestapo le 21 juin 1943. Il mourra le mois suivant après avoir été torturé. Georges Bidault deviendra le second président du CNR.
Le Programme du CNR, « Les Jours Heureux », paraît le 15 mars 1944 après un long cheminement et plusieurs moutures. Peu diffusé à sa parution, ce programme prend toute sa place durant les années 1944-45. Son premier volet souligne l’importance de l’action immédiate avec la mise en place des milices patriotiques qui œuvrent à la libération de la France, le second volet présente des mesures économiques et sociales démocratiques inspirées des valeurs communistes.
Les mesures à appliquer promeuvent la suppression de toutes les discriminations dont les Juifs ont été victimes, la restitution de leurs biens, le respect de la personne humaine pour tous, la justice sociale, le retour à la nation des grands moyens de production, le droit au travail, à la retraite, à l’instruction, à la sécurité sociale…
Le poids des interventions des nombreux résistant (e) s et des débats à l’Assemblée consultative provisoire qui siège à partir de 1943 à Alger puis à Paris, permet l’adoption d’ordonnances aux contenus progressistes portant les idées du Programme du CNR.
Les divergences d’idées au sein des différentes sensibilités du CNR expliquent en grande partie les absences de référence à la laïcité, au vote des femmes ou aux colonies.
Références
— CNR, 1944, « Les Jours Heureux » Paris.
— Andrieu Claire, 1984, « Le Programme commun de la Résistance » Paris Ed. de l’Érudit.
RÉCIT NATIONAL
Le Parti communiste, lui, se considère comme le représentant d’un peuple français qui aurait été résistant dans sa totalité. Il occulte ainsi la place tenue par les résistants immigrés de la M.O.I. dans la lutte antinazie en France occupée.
Cette présentation du passé, ou récit national, justifie la présence de la France parmi les vainqueurs du conflit et permet le maintien en place d’Institutions et d’hommes en fonction sous l’Occupation. Ce récit national reste dominant pendant une génération. L’occultation prend fin quand, dans les années 1970, après les premières déclarations négationnistes, de nombreux témoins et historiens s’expriment publiquement.
Référence
Citron Suzanne, 1987, Le mythe national. Éditions de l’Atelier.