Le 27 septembre 1940, les Allemands donnent l’ordre de recenser les Juifs, français et étrangers. Un fichier est établi par la préfecture de police pour la région parisienne.
La loi du 3 octobre 1940 « portant statut des Juifs » définit la « race juive », selon le régime de Vichy, et répertorie les professions interdites aux Juifs.
La loi du 4 octobre 1940 indique qu’à dater de sa promulgation, les « ressortissants étrangers de race juive pourront être internés dans des camps spéciaux ».
Le 18 octobre 1940, une ordonnance allemande place sous séquestre les entreprises et les biens appartenant aux Juifs.
Lois et ordonnances anti-juives vont se succéder à un rythme accéléré.
Par ailleurs, le sort de près d’un million et demi de prisonniers français en Allemagne, les conséquences économiques et sociales de l’occupation et les privations de toutes natures suscitent un sentiment anti-allemand dans la population.
L’une des clauses de l’armistice stipule que la France doit verser 40 millions de francs or par jour à l’Allemagne pour frais d’occupation. Les Allemands, dotés de moyens d’achat considérables, s’approprient les biens alimentaires. Ce pillage des ressources du pays entraîne une grave pénurie et provoque de nombreuses manifestations de protestation.
FICHIER DES JUIFS
Ils se présentent dans les commissariats de police pour se faire recenser entre le 3 et le 19 octobre 1940.
Un fichier, dit fichier Tulard, du nom du haut fonctionnaire français qui l’a conçu, est ainsi constitué à partir des déclarations des Juifs français et étrangers domiciliés dans le département de la Seine.
La loi française du 2 juin 1941 prescrit le recensement des Juifs, étendu à la France entière. L’appartenance à la « race » juive est précisée dans une loi du même jour. Elle s’appuie sur la filiation liée à la religion (ascendants juifs) même en l’absence de croyance ou de pratique religieuse de la personne concernée.
La quasi-totalité des Juifs est recensée. On estime à environ dix pour cents seulement le nombre de personnes qui n’auraient pas obtempéré à l’ordre de Vichy.
Les nazis pratiquent des recensements de Juifs dans tous les pays occupés mais, en France, l’administration pétainiste se montre particulièrement zélée et les fichiers sont les instruments des rafles.
Références
— Peschanski Denis, 1997, Le fichier juif (article, gazette des archives). Éd. de la table ronde.
— Combe Sonia, 2001, Archives interdites. L’histoire confisquée. 2e édition. pp. 194-232. Éd. La Découverte,
— Joly Laurent, 2011, L’antisémitisme de bureau. Enquête au cœur de la préfecture de police de Paris et du commissariat général aux Questions juives (1940-1944). Éd. Grasset,
PREMIER STATUT DES JUIFS
Ce statut fait des Juifs une catégorie à part, des citoyens de seconde zone, mis au ban de la société, et introduit la notion de « race juive » Selon l’article 1, « Est regardé comme Juif, celui ou celle, appartenant ou non à une confession quelconque, qui est issu d’au moins trois grands-parents de race juive, ou de deux seulement si son conjoint est lui-même issu de deux grands-parents de race juive. Est regardé comme étant de race juive le grand parent ayant appartenu à la religion juive ». L’article 2 concerne l’accès et l’exercice des fonctions publiques et mandats. Quels que soient les titres, les postes, les services, la plupart de ces fonctions sont interdites aux Juifs. Ceux-ci sont, en outre, chassés des professions exerçant une influence sur l’opinion publique. Enfin, cet article fixe un numérus clausus pour l’accès aux professions libérales et leur exercice.
Le 4 octobre, un ajout à la loi vise les “ressortissants étrangers de race juive”. Ceux-ci, désormais, sur simple décision du préfet du département de leur résidence, peuvent être internés immédiatement dans des camps spéciaux, à Pithiviers, Beaune-la-Rolande et Drancy.
Référence
Diamant David, 1971, Les Juifs dans la Résistance française. 1940-1944. Le Pavillon, Roger Maria Éditeur.
LOIS ET ORDONNANCES
(1884-1970)
Sous le régime de Vichy, le parlement n’est pas consulté.
Il est généralement admis que les lois relèvent du gouvernement français tandis que les ordonnances émanent des autorités allemandes d’occupation.
À titre d’exemples :
— La loi du 3 octobre 1940 « portant statut des Juifs » définit la « race juive », selon le régime de Vichy, et répertorie les professions interdites aux Juifs.
À noter : il s’agit, en fait, d’un décret-loi, acte exécutoire émis par le maréchal Pétain.
— La loi du 2 juin 1941, édictée par Vichy, et portant statut des Juifs remplace la « loi » du 4 octobre 1940.
Toutefois, en l’absence d’un parlement, le terme « loi » est usurpé par le gouvernement pétainiste.
— Le 18 octobre 1940, une ordonnance (allemande) place sous séquestre les entreprises et les biens appartenant aux Juifs.
PRISONNIERS DE GUERRE
Parmi les prisonniers de guerre de France détenus en Allemagne de 1940 à 1945, on compte environ 13 000 soldats juifs (Français d’origine ou par naturalisation et étrangers engagés volontaires). Les Juifs, malgré quelques exceptions, sont traités conformément à la Convention de Genève de 1929 qui implique le respect de la personne des prisonniers. Le statut de prisonnier de guerre de ces soldats permet également de protéger leur famille des mesures antisémites imposées par les occupants avec la complicité zélée du gouvernement de Vichy. Cependant, plusieurs centaines de femmes et d’enfants de prisonniers de guerre juifs étrangers sont internés dans les camps de transit de Drancy, Pithiviers et Beaune-la-Rolande.
Aux mois de mai et de juillet 1944, 168 femmes et 77 enfants de prisonniers sont envoyés directement de Drancy dans le camp de Bergen-Belsen, en Allemagne. Les nazis y retiennent des Juifs susceptibles d’être échangés contre des Allemands internés à l’étranger. Ces femmes et ces enfants de prisonniers de guerre juifs immigrés de France sont expédiés dans des convois d’évacuation, de Bergen-Belsen vers Theresienstadt au mois d’avril 1945. Ils sont libérés, sur leur parcours, en partie par les troupes américaines et en partie par les troupes soviétiques. 154 femmes et 73 enfants de prisonniers de guerre survivront.
Si on s’en tient à la liste des convois dressés lors de l’arrivée au camp de Bergen Belsen, 245 femmes et enfants de prisonniers de guerre juifs étrangers sont répertoriés.
Les prisonniers de guerre juifs, dans leur grande majorité, n’ont pas retrouvé, à la Libération, leur famille exterminée.
Références
— Durand Yves, 1994, Prisonniers de guerre dans les Stalags, les Oflags et les Kommandos 1939-1945, Éd. Hachette
— Doerry Janine, 2010, Historique du Mémorial de Bergen-Belsen, Thèse soutenue à l’Université de Hanovre.