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La Révolution d’Octobre 1917 s’accomplit avec les mots d’ordre de Lénine : paix immédiate, pouvoir aux Soviets (conseils ouvriers et paysans), partage des terres, droits des nationalités. Elle a le soutien des ouvriers et des millions de soldats épuisés par la 1ère Guerre mondiale.
Durant le communisme de guerre (1918-1921), lorsque le nouveau pouvoir affronte les armées étrangères venues soutenir les Blancs, l’Armée rouge l’emporte, grâce, notamment, à la paysannerie, satisfaite de la redistribution des terres. La fédération, formée par 15 républiques soviétiques, est entérinée en 1922 : c’est l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS).
La NEP (Nouvelle Économie Politique) est une période de transition, de 1921 à 1929, pour redresser l’économie.
En 1929, nouveau virage, Staline lance un programme de collectivisation totale des terres et d’industrialisation rapide. Il s’ensuit une énorme famine (1932-1933). Les paysans révoltés sont nombreux à être déportés au Goulag (camps de travail forcé).
En 1938, les accords de Munich signés entre l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie permettent à Hitler d’annexer les Sudètes. L’URSS et la Tchécoslovaquie n’ont pas été invitées. La France et le Royaume-Uni refusent toute alliance avec l’URSS. Celle-ci signe en 1939, avec l’Allemagne, le traité de non-agression germano-soviétique. Le 22 juin 1941, c’est l’opération Barbarossa : trois millions d’Allemands appuyés par l’aviation et la cavalerie envahissent l’URSS. Toute la population se mobilise pour défendre le pays. Staline libère du Goulag près d’un million de prisonniers qui sont incorporés dans l’armée. La contre-offensive soviétique débute en décembre 1941 à Moscou qui résiste, et résistera, à l’armée allemande. Par ailleurs, dans Léningrad assiégée, de septembre 1941 à janvier 1944, 800.000 habitants (un tiers de la population de la ville) meurent de faim, de froid et de maladie.
Stalingrad va devenir en février 1943 la ville emblématique de la résistance à l’invasion nazie et le symbole de la reconquête. Les combats acharnés entre soldats allemands et soviétiques se terminent par la reddition du général allemand Von Paulus et de ses troupes. C’est un tournant dans la guerre.
On estime que 26 millions de morts, civils et militaires, soit un sixième de la population active de l’URSS, ont disparu durant le conflit.
Au sortir de la guerre, le régime soviétique est auréolé du prestige de la victoire contre le nazisme.
Référence
Trotignon Yves, 1982, Le XXème siècle en URSS, Ed Bordas.
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La Résistance intérieure, composée de femmes et d’hommes en lutte contre l’occupant et le régime de Vichy, se manifeste sous deux formes : civile et armée.
De jeunes communistes et, parmi eux, les jeunes Juifs de la M.O.I., s’insurgent contre le gouvernement de Vichy dès l’été 1940.
Fin 1940, des mouvements organisés ou des réseaux anti-collaborationnistes se mettent en place. Ils sont, principalement, animés par des gaullistes et des communistes.
L’action civile des résistants de l’intérieur est variée : fonctionnement d’imprimeries clandestines, diffusion de tracts, organisation de manifestations, fabrication de faux papiers, recherche de planques pour les combattants et les Juifs traqués, sauvetage des enfants …
Des agents de liaison, souvent de jeunes femmes à bicyclette, transportent des messages.
La Résistance intérieure civile publie également une presse clandestine, en français ou en yiddish, traquée par les nazis. Toutes ces actions représentent un réel danger pour les résistants.
Résistantes et résistants organisés, bien que très peu nombreux, s’appuient souvent sur un soutien de la population, implicite ou non.
Parallèlement à une Résistance intérieure civile, une Résistance intérieure armée se développe à partir de 1941.
Les actions sont multiples (attaques de trains de matériel ennemi, incendies d’entrepôts d’armes, grenadages de lieux réquisitionnés par l’armée allemande…).
En mai 1943, Jean Moulin, délégué du général de Gaulle en France, parvient à rassembler les différents mouvements de la Résistance intérieure et syndicats et partis, des communistes à la droite républicaine. Le Conseil National de la Résistance (CNR) est né. La Résistance est unifiée en deux structures. L’une, militaire, est constituée des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI). Forces gaullistes, FTPF et FTP-M.O.I. sont intégrés aux FFI.
L’autre structure, civile, rassemble les Comités Départementaux de la Libération (CDL) qui restaurent la légalité républicaine. Leur rôle, dans le pays, est considérable.
En mai 1944, sur proposition du Parti communiste français et à l’initiative du CNR, des Milices patriotiques sont créées dans les villes et les maquis. Les résistants sont prêts pour l’insurrection nationale et la Libération.
Références
— Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1994, Le sang de l’Étranger. Les immigrés de la M.O.I. dans la Résistance. Ed. Fayard.
— Gildea Robert, 2017, Comment sont-ils devenus résistants ? Une nouvelle histoire de la Résistance (1940-1945). Ed. Les Arènes.
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Dans les premiers mois de l’Occupation, les jeunes communistes juifs sont organisés dans la JC (Jeunesse communiste) française. En 1942, il est décidé, notamment pour des raisons de sécurité, de séparer les jeunes communistes juifs de leurs camarades non-juifs et de les placer dorénavant sous la responsabilité de la section juive de la M.O.I.
Au début de l’année 1943, la section juive décide de rassembler ses forces et crée l’Union des Juifs pour la Résistance et l’entraide (UJRE), à destination des adultes, et l’Union de la jeunesse juive (UJJ), à destination de la jeunesse. En 1943, la direction nationale de la section juive de la M.O.I., victime de nombreuses arrestations, se replie à Lyon où elle s’installe définitivement. L’UJJ va se développer surtout en zone sud.
Elle se veut distincte de la Jeunesse communiste juive mais lui reste très liée et constitue, surtout, un regroupement des sympathisants, quelles que soient leurs options politiques.
La JC/UJJ comprend 65 % de garçons, 35 % de filles et surprend par le nombre important de très jeunes militants. Ils sont presque tous issus de l’immigration juive ashkénaze d’Europe centrale et orientale, principalement d’origine polonaise. Ils appartiennent à des familles d’artisans ou d’ouvriers travaillant dans de petits ateliers de confection. A 80 %, ils habitaient Paris ou la région parisienne avant-guerre.
Beaucoup se connaissaient avant leur arrivée à Lyon, Grenoble ou Toulouse. Ces jeunes sont largement intégrés à la société française, mais ils entretiennent encore des liens avec leur culture d’origine.
En janvier 1944, la JC juive en zone sud compte 165 jeunes. À la même date, l’UJJ en recense 194. Quatre mois plus tard, leurs effectifs ont quasiment doublé. Les jeunes de la section juive de la M.O.I. composent, dès l’origine, un vivier dans lequel puisent les FTP-M.O.I. Par ailleurs, l’UJJ, comme l’UJRE, commence à organiser, dès la fin 1943, des “groupes de combat” Ceux-ci s’emparent, revolver au poing, des tickets d’alimentation dans les mairies, sabotent des panneaux indicateurs, s’attaquent aux vitrines de collaborateurs notoires… Il leur arrive même de désarmer des policiers ou de récupérer des armes sur des soldats allemands.
Les actions sont, au fil des mois, de plus en plus coordonnées avec celles des groupes de combat “adultes” de l’UJRE et même, dans les semaines qui précédent la Libération, avec celles des FTP-M.O.I. Des jeunes de l’UJJ, constitués en trois unités, vont participer activement à l’insurrection de Villeurbanne du 24 au 26 août 1944, aux côtés des combattants du groupe FTP-M.O.I. « Carmagnole. ».
Note personnelle de Claude Collin
(1923-2016)
Roger Trugman, devenu Roger Trugnan après-guerre, naît à Paris dans une famille juive.
Sa mère est couturière ; son père, ébéniste , a fui la Bessarabie (actuelle Moldavie) en 1910 à la suite de pogroms.
Ses parents adhèrent au Parti communiste en 1928. Très jeune, Roger est inscrit chez les « Pionniers » du 11ème arrondissement de Paris, fréquente les patronages laïques, les colonies de vacances du Secours Rouge puis celles des Amis de la M.O.I.
En 1940, il organise dans le 11ème arrondissement, les premiers triangles (groupe de trois résistants) de la Jeunesse communiste. Ces jeunes distribuent des tracts sur les marchés, aux sorties des métros, des cinémas et collent des papillons sur les murs « pour faire grandir l’esprit de Résistance à l’occupant dans la population. »
Sa sœur cadette, Germaine, suit ses traces et s’engage très jeune dans le combat.
Louis Gronowski , dirigeant national de la M.O.I., fait participer Roger Trugnan à l’écriture et à la relecture de tracts et de textes, notamment pour une brochure parue en 1941 : « L’antisémitisme, le racisme, la question juive »
En 1942, Roger Trugnan part en zone sud pour retrouver ses parents et sa sœur. Tous trois seront déportés en avril 1944, aucun ne reviendra…
Rentré à Paris en 1943, Trugnan reprend la lutte contre l’ennemi nazi et renoue les liens avec ses camarades de la Jeunesse communiste juive (JCJ) de la M.O.I.
Ils sont « filés » depuis plusieurs mois par les Brigades Spéciales (BS). L’objectif : la traque des communistes et des Juifs. Trugnan est fiché par les BS sous le surnom de « Blondinet ».
Le 23 mars 1943, il est arrêté avec une cinquantaine de jeunes de la JCJ, dont Henri Krasucki et Paulette Szlifke (ou Sliwka puis Sarcey).
Après des interrogatoires brutaux, Roger Trugnan est interné à Drancy puis déporté, le 23 juin 1943, à Auschwitz-Birkenau.
Seulement 6 des 50 jeunes arrêtés reviendront d’Auschwitz.
Trugnan est affecté, tout comme Henri Krasucki et Samuel Radzinski, dans un commando dédié à l’extraction du charbon, à Jawischowitz. Il organise avec ses camarades des actions de sabotage dans la mine.
En janvier 1945, à l’approche de l’armée soviétique, il est transféré à Buchenwald après une terrible « marche de la mort » de trois jours. La solidarité est essentielle pour lui et tous les résistants.
Le 29 avril 1945, il regagne enfin Paris où il apprend la disparition de ses parents et de sa sœur.
Sa vie durant, il poursuit son engagement au sein du Parti communiste et s’engage dans un travail de mémoire à l’AMEJD (association pour la mémoire des enfants juifs déportés).
Il meurt à Paris le 22 février 2016.
Références
— Le Maitron , 2016, Claude Willard
— Diamant David, 1971, les Juifs dans la Résistance française. Edition le Pavillon
AACCE, 2009, Les Juifs ont résisté en France 1940-1945. Ed. AACCE.
— Photo collection particulière (DR)
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Le Bureau nazi de propagande préside à la création de l’Institut d’étude des questions juives (IEQJ) le 11 mai 1941. L’organisme est installé à Paris dans un immeuble spolié par les nazis, dont le propriétaire était le marchand d’art Paul Rosenberg. Theodor Dannecker, l’un des chefs de la police politique nazie (la Gestapo), responsable du service des questions juives, finance en partie l’Institut.
Des Français, soutiens du gouvernement collaborationniste de Vichy, y travaillent…
L’IEQJ diffuse une propagande antijuive virulente, notamment à travers plusieurs publications, Le Cahier jaune, Revivre « Le grand magazine illustré de la race » ou La Question juive en France et dans le monde.
En outre, l’IEQJ organise une exposition antisémite d’une extrême violence, Le Juif et la France, inaugurée à Paris en septembre 1941.
Le but de l’exposition, qui s’achève en juin 1942, consiste à caricaturer les Juifs et à les charger de la responsabilité des malheurs passés et présents de la France.
À la fin de 1942, l’IEQJ, conçu par les nazis, passe sous administration vichyste et se voit rattaché au Commissariat général aux questions juives ; il devient, en mars 1943, l’Institut d’études des questions juives et ethno-raciales (IEQJR) dirigé par Georges Montandon, théoricien de l’antisémitisme et propagandiste de la haine raciale.
Référence
Billig Joseph, 1974, L’Institut d’étude des questions juives, officine française des autorités nazies en France : inventaire commenté de la collection de documents provenant des archives de l’Institut conservés au Centre de Documentation Juive Contemporaine, Ed. Paris, C.D.J.C.
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La Police aux questions juives (PQJ), force auxiliaire, est créée par le gouvernement de Vichy le 19 octobre 1941 en zone occupée et en zone dite libre. C’est un outil de répression consécutif au 2ème statut des Juifs du 2 juin 1941 (promulgué moins d’un an après le 1er statut, déjà très discriminatoire). Dès la fin octobre 1941, la PQJ appréhende des membres des Bataillons de la jeunesse dont plusieurs jeunes Juifs.
La police aux questions juives est rattachée au Commissariat général aux questions juives (CGQJ) chargé d’appliquer la politique antijuive nazie. En juillet 1942, elle en devient un service très actif, le SEC (Section d’enquête et de contrôle). Jacques Schweblin, directeur de la Police aux questions juives de la zone occupée est l’un des ordonnateurs de la rafle du Vel’d’Hiv les 16 et 17 juillet 1942.
Le régime de Vichy crée d’autres polices spécifiques (police antimaçonnique et police anticommuniste) qui visent les citoyens hostiles au régime de collaboration avec les nazis. La police anticommuniste devient, dès juin 1942, un instrument de répression contre les résistants, particulièrement violent quand il s’agit de résistants juifs.
La PQJ est représentative d’un État inféodé aux thèses raciales de l’occupant. Les tenants français de l’antisémitisme se rallient rapidement aux mesures meurtrières des Allemands, et parfois, les devancent.
La PQJ juge chaque citoyen juif comme un criminel à abattre (et à dépouiller s’il a des biens, fussent-ils modestes). Le statut des biens spoliés constitue un point vénal de friction entre PQJ et administration nazie.
Référence
Berlière Jean-Marc (préface de Patrick Modiano), 2018, Polices des temps noirs, Ed. Perrin
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Au terme de l’armistice du 22 juin 1940, une ligne de démarcation indique la séparation entre la partie occupée par l’armée allemande, principalement au nord de la France, et la partie, dite « libre », au sud. Elle couvre environ 1200 km et entre en vigueur le 25 juin 1940, après la signature de l’armistice entre l’Italie et la France. Des zones frontalières sont octroyées aux Italiens. Des panneaux matérialisent la ligne sur son tracé.
L’Alsace-Moselle est annexée par les Allemands et deux départements du Nord passent sous l’autorité allemande basée à Bruxelles.
Le choix de l’occupation de la « zone nord » repose sur une prospérité agricole et industrielle dont les Allemands entendent profiter mais l’objectif principal consiste à rendre la zone « dite libre » dépendante de l’économie de la zone occupée.
Le passage de la ligne de démarcation implique la présentation d’un laissez-passer (Ausweis) délivré très difficilement par les occupants.
Des personnes réussissent à franchir la ligne avec l’aide de passeurs. Certains d’entre eux n’hésitent pas à dénoncer ceux qu’ils accompagnent, d’autres ne sont motivés que par l’appât du gain mais beaucoup s’engagent souvent au risque de leur vie. Après les rafles massives en zone occupée, de nombreux Juifs se réfugient en zone non occupée.
La Résistance armée s’organise : des militants de la section juive clandestine de la M.O.I. établissent des contacts au sud en franchissant secrètement la ligne.
Le démantèlement de l’administration française, bouleversée par les conséquences de la partition, aggrave la vie des habitants déjà éprouvés par la guerre.
Après le débarquement allié en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, l’armée allemande occupe, le 11 novembre, la zone, dite libre, devenue zone sud. L’occupation nazie s’étend à presque toute le France. La ligne de démarcation, entre une zone et l’autre n’a plus de raison d’être ; elle est supprimée le 1er mars 1943 mais plusieurs postes de contrôle sont néanmoins maintenus.
Références
— Alary Eric, 2003, La Ligne de démarcation : 1940-1944. Ed. Perrin
— Cointet J-P et M., 2000, Dictionnaire historique de la France sous l’Occupation, Paris, Ed. Tallandier.
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Le 2 juin 1944, à Alger, le Comité français de la Libération nationale (CFLN) issu de la Résistance intérieure et extérieure, prend le nom de Gouvernement provisoire de la République française (GPRF). Après la libération de Paris, le 25 août 1944, le GPRF, présidé par le général de Gaulle, quitte Alger pour la capitale, s’y installe le 31 et gouverne la France. Le GPRF est composé de communistes, de socialistes, de radicaux et de membres du MRP (Mouvement républicain populaire). Il annule les décisions constitutionnelles du régime de Vichy (ordonnance du 9 août 1944) et est reconnu par les grandes puissances, le 23 octobre 1944. Son premier acte est de s’opposer à la mise en place d’une administration militaire américaine intérimaire.
Pour rétablir l’autorité républicaine, le GPRF envoie dans chaque grande région libérée un commissaire de la République qui se heurte parfois aux comités locaux de la Résistance. Les organisations résistantes disposent d’éléments armés pouvant être acquis aux communistes Pour parer ce « danger », le GPRF s’efforce d’incorporer ces éléments à l’armée régulière.
Le droit de vote accordé aux femmes est confirmé par l’ordonnance du 5 octobre 1944, sur proposition communiste. Le GPRF met également en place la sécurité sociale et les allocations familiales selon le programme du CNR.
Le GPRF poursuit la guerre et organise l’épuration pour éviter les dérives populaires (exécutions sommaires et tontes publiques des femmes soupçonnées de liaisons avec l’ennemi) L’épuration « légale, » exercée par des magistrats souvent pétainistes, se montre indulgente envers d’anciens collaborateurs des nazis tels, entre autres, René Bousquet, chef de la police de Vichy, organisateur des plus grandes rafles de Juifs-dont celle du Vel’d’Hiv-. Xavier Vallat, commissaire général aux questions juives, co-responsable de l’éviction des Juifs de la vie publique, de leur recensement et de la liquidation de leurs biens, condamné par la Haute Cour de justice, bénéficie d’une libération anticipée. Maurice Lagrange, l’un des rédacteurs des lois antisémites, demeure membre du Conseil d’Etat.
Le 21 octobre 1945, un référendum consacre la fin de la Troisième République.
Référence
Cartier Emmanuel, 2005, La transition constitutionnelle en France (1940-1945) : la reconstruction révolutionnaire d’un ordre juridique « républicain », Paris, coll. « Bibliothèque constitutionnelle et de science politique » (no 126).
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La section juive de la M.O.I. décide, dès l’été 1940, d’organiser les jeunes de l’immigration sur une base spécifiquement juive. Le regroupement clandestin des jeunes Juifs communistes dans l’Union de la jeunesse communiste juive est rapidement constitué. L’UJCJ rejoint l’organisation clandestine « Solidarité « créée en septembre 1940.
Nombre de jeunes Juifs, actifs au sein de la jeunesse communiste française ou inscrits dans des structures éducatives juives progressistes, telles les patronages ou les clubs sportifs comme le YASC grossissent les rangs de l’UJCJ. Ils comprennent qu’il leur faut lutter aux côtés de la population juive tout entière en danger de mort face au nazisme et qu’ils ont plus de chance de survivre dans la clandestinité.
Les jeunes collent des « papillons » sur les murs, diffusent des tracts et des appels à la lutte contre l’occupant, avertissent les Juifs de Paris de l’imminence d’une rafle massive (la rafle du Vel’ d’Hiv, en juillet 1942), ils aident à cacher les enfants…
Au fur et à mesure de la répression, de nouveaux jeunes rejoignent la jeunesse communiste juive, souvent pour venger leurs parents déportés. 10 % d’entre eux sont versés dans les FTP-M.O.I. Tous ces résistants allient ainsi solidarité envers une population vouée à l’extermination et participation à la Résistance nationale.
Le 23 mars 1943, à la suite de longues filatures menées par les Brigades spéciales de Paris, 57 jeunes communistes juifs sont arrêtés et déportés. Seuls 7 d’entre eux reviendront d’Auschwitz.
Référence
Ravine Jacques, 1973, La Résistance organisée des juifs en France (1940-1944). Ed. Julliard
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Dans l’argot des services secrets allemands, le patron d’un réseau est un chef d’orchestre qui coordonne toutes les informations en morse.
Le secteur berlinois du réseau d’espionnage Orchestre rouge, organisé dans les années 1930, rassemble des pacifistes, des communistes et des artistes allemands opposés à Hitler et très actifs dans le combat antinazi.
En France et en Belgique, le réseau d’espionnage est animé par Léopold Trepper et Anatoli Gourevitch, à l’initiative du service de renseignements de l’Armée rouge. Le siège du réseau est fixé à Bruxelles. Il a pour paravents diverses sociétés commerciales implantées en Europe. Pendant la guerre, Léopold Trepper recrute des espions dans différents mouvements de Résistance. Tous les membres de l’Orchestre rouge, communistes ou sympathisants, souvent Juifs, sont des militants antinazis convaincus. Pendant la guerre, le réseau franco-belge recueille des informations importantes sur les mouvements de troupes allemands.
L’émetteur radio du réseau est localisé par le contre-espionnage allemand qui décode, le 26 août 1942, un message soviétique contenant, en particulier, des noms et des adresses. 200 résistants sont (ou seront) arrêtés jusqu’en juin 1943. Les nazis condamnent à la pendaison une soixantaine de membres du réseau, femmes et hommes.
Léopold Trepper, qui a échappé aux arrestations, se réfugie à Paris et y est appréhendé en novembre 1942. Il devient alors agent double et est supposé servir les Allemands. Il profite d’un transfert en voiture pour fuir et il informe les Soviétiques des projets des services secrets nazis.
Trepper gagne le maquis, en France jusqu’à la Libération et rejoint Moscou en janvier 1945 ; il est alors emprisonné par Staline et n’est réhabilité qu’en 1954.
Léopold Trepper se présente comme un sauveur bien que son rôle réel dans le réseau soit controversé. Il est accusé, notamment, par certains historiens, d’avoir « donné » des membres de l’Orchestre rouge aux autorités nazies.
Références
— Trepper Léopold, 1975, Le grand jeu : mémoires du chef de l’Orchestre rouge, Paris, Albin Michel.
— Perrault Gilles, 1989, L’Orchestre rouge, Fayard.
— Bourgeois Guillaume, 2015, La véritable histoire de l’Orchestre rouge. Nouveau Monde
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À l’initiative du général de Gaulle, représenté par Jean Moulin, le regroupement des 3 grands mouvements de Résistance intérieure du sud de la France s’organise.
Leurs fondateurs sont Henri Frenay, pour « Combat », Emmanuel d’Astier de La Vigerie, pour « Libération » et Jean-Pierre Lévy pour « Franc-Tireur ».
Le 26 janvier 1943, la fusion est réalisée. Les Mouvements unis de Résistance (MUR), nouvellement créés, sont présidés par Jean Moulin et siègent, clandestinement, à Lyon.
Les MUR sont structurés en secteurs dont les principaux sont
— l’« Armée secrète » (AS) conçue à partir de la réunion des unités paramilitaires de « Combat », « Franc-tireur » et « Libération » sous la responsabilité d’un Directoire composé de Jean Moulin, Henri Frenay, Emmanuel d’Astier et Jean-Pierre Lévy.
— le noyautage de l’Administration publique (NAP) et la mise en place d’un service de faux papiers, recherche de planques, œuvres de solidarité…
Les différences dans le choix des stratégies opposent fortement les hommes du Directoire, les relations avec la « France libre », le groupe de Résistance extérieure du général de Gaulle, sont conflictuelles mais Jean Moulin réussit, néanmoins, à fédérer les énergies.
Moulin fonde le Conseil national de la résistance (CNR) le 27 mai 1943 et y inclut, outre les MUR, 2 syndicats (la CGT et la CFTC) et plusieurs partis politiques, des communistes à la droite républicaine ; les MUR perdent de leur ascendant.
En décembre 1943, trois mouvements de Résistance de la zone nord (« Défense de la France », « Résistance » et « Lorraine ») rejoignent les MUR. Ensemble, ils constituent le Mouvement de libération nationale (MLN).
Références
— Noguères Henri, 1972, Histoire de la Résistance en France, tome 3. Ed. Robert Laffont
— Michel Henri, 1958, Combat : Histoire d’un Mouvement de Résistance de juillet 1940 à juillet 1943. Presses Universitaires de France.
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Le terme « guérilla » est emprunté à la Résistance espagnole constituée de groupes illégaux contre l’armée française de Napoléon.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la « guérilla urbaine », caractérisée par le harcèlement de l’ennemi (nazi et vichyste), s’exerce en ville (notamment à Paris, Lyon, Toulouse, Marseille et Grenoble). Elle est le fait, très principalement, des communistes. Depuis l’invasion de l’URSS, en été 1941, l’objectif assigné par l’Internationale communiste (organisation qui représente les pays communistes alignés sur l’Union soviétique) est la démoralisation de l’ennemi par une pression incessante. Coups de main, attaques et opérations armées imprévisibles empêchent le départ de troupes allemandes sur le front russe.
En France, la guérilla urbaine montre la détermination de la Résistance communiste à répondre aux exécutions d’otages, aux arrestations arbitraires, aux traitements inhumains, xénophobes et antisémites, perpétrés par l’occupant et le régime pétainiste de collaboration. Elle vise, en particulier, tous les lieux où se regroupent des soldats allemands (hôtels, garages, restaurants, lieux de spectacle…).
La conception de la « guérilla urbaine »en France est le fait de Joseph Epstein (dit « Colonel Gilles »), Juif polonais, stratège, désigné par le Parti communiste français, en février 1943, pour diriger les FTP de la région parisienne. Les « groupes de 3 » sont alors la règle mais Epstein préconise des groupes de combat de 12 à 24 hommes, divisés en plusieurs sous-groupes qui se relaient. L’objectif est d’amplifier l’action et de limiter les pertes. Le nombre d’hommes impliqués dans ces actions est limité du fait des compétences requises et des risques encourus.
Les opérations de « guérilla urbaine » sont encadrées militairement par les FTPF et FTP-M.O.I. qui opèrent sous forme de « détachements ». Les combattants sont peu nombreux (65 à Paris, 80 à Toulouse, 55 à Marseille). Ce sont, majoritairement, des Juifs immigrés d’Europe de l’Est, souvent anciens brigadistes défenseurs de la République pendant la guerre civile en Espagne (1936-1938). En outre, dans leurs pays d’origine (Pologne, Hongrie, Roumanie…), déjà fortement politisés, ils ont acquis l’expérience de la clandestinité et de la lutte contre le fascisme. Ils n’hésitent pas à se mettre en danger.
La police française dévouée aux Allemands, et l’occupant nazi, préoccupé de sa sécurité, exercent une répression terrible (peines de mort, tortures et déportations) sur les combattants de la guérilla mais les résistants gagnent peu à peu la bataille de l’opinion.
Références :
— Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1989, Le Sang de l’étranger. Ed. Fayard
— Diamant David, 1971, Les Juifs dans la Résistance française, Ed. Le Pavillon, Roger Maria.
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Sur ordre d’Hitler-inquiet du développement de la Résistance-, Pierre Laval, chef du gouvernement de Vichy sous l’autorité du maréchal Pétain, crée le 30 janvier 1943, la « Milice française ». Joseph Darnand en devient le chef. La Milice française, dite Milice, a pour fonction le maintien de l’ordre et la propagande. Elle est antirépublicaine, antisémite, anticommuniste, nationaliste…
Le 8 août 1943, Joseph Darnand prête serment de fidélité personnelle à Hitler. Nombre de miliciens s’engagent dans la Waffen SS, organisation militaire nazie. En janvier 1944, la Milice est étendue au Nord de la France et compte 15 000 militants actifs. Elle coopère avec la police politique nazie, la Gestapo, et s’emploie à l’élimination physique des Juifs. Les miliciens assassinent partout en France. Ils s’attaquent aux maquisards (au plateau des Glières, notamment) ou jettent dans un puits plusieurs dizaines de Juifs réfugiés à St Amand -Montrond (Cher). Paul Touvier, chef de la Milice lyonnaise, est à l’origine de nombreux massacres. Il fait tuer des Juifs, individuellement ou par groupes. Il est le responsable, par exemple, de l’exécution de 7 otages juifs au cimetière de Rillieux (Ain). Il s’attaque aussi, entre autres cibles à l’emblématique Ligue des droits de l’Homme. Son président, Victor Basch, 80 ans, est assassiné avec sa femme.
La Milice supprime sauvagement des inconnus mais souhaite aussi atteindre des figures représentatives anti-nazies : Jean Zay, ministre progressiste et novateur du Front populaire ou Georges Mandel, homme politique conservateur -et résistant-sont assassinés en juin et juillet 1944.
Par une ordonnance du 9 août 1944, la Milice est dissoute par le gouvernement provisoire de la République française (GPRF). Joseph Darnand, capturé en Italie, livré par les britanniques est condamné à mort et exécuté le 10 octobre 1945. En 1994, l’ancien chef de la milice lyonnaise, Paul Touvier, caché dans des institutions catholiques, est retrouvé, gracié puis condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour « crimes contre l’humanité ».
Références
— Azéma Jean-Pierre, 1990, « La milice », Vingtième Siècle : Revue d’histoire, no 28.
— Cointet Michel, 2013, La milice française, Paris, Ed. Fayard
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Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la puissance économique américaine, riche d’un stock d’or important, domine le Système monétaire international (SMI). Toutes les monnaies, le franc français inclus, se définissent à l’aune du dollar qui a valeur d’or dans les réserves de toutes les banques centrales.
Le général de Gaulle, soutenu par l’ensemble des Français et reconnu comme chef de la Résistance, parvient à installer, en juin 1944, le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) dont il prend la tête.
Le GPRF s’oppose vigoureusement à l’AMGOT (gouvernement militaire allié des territoires occupés) qui impose à la France un statut de protectorat pour un an. De Gaulle refuse fermement la mainmise américaine sur l’administration et l’économie. Le président américain Franklin Delano Roosevelt reconnaît le GPRF à contre-cœur le 23 octobre 1944.
La France, dont les ressources ont été dévastées par l’occupant nazi, se trouve dans une situation industrielle difficile. Les USA tentent de s’infiltrer dans la gouvernance française mais le général de Gaulle et les communistes, héritiers directs de la Résistance intérieure, continuent de refuser toute ingérence américaine, qu’elle soit politique ou économique.
Le spectre de la tutelle américaine réapparaîtra dans les années d’immédiat après-guerre.
Référence
Diatkine Daniel et Gayman Jean-Marc, 1995, Histoire des faits économiques, tome 2 : croissance et crises en France de 1895 à 1974. Ed. Nathan.
(1909-1972)
Jakob Elimajlech Gromb, dit G. Kenig, naît le 19 octobre 1909 à Varsovie dans une famille juive modeste. Il est de ceux qui pensent qu’on peut être Juif sans être religieux, la langue et la culture yiddish définissant cette identité nationale. Il participe au cercle folkloriste S. Anski de Varsovie lié à l’Institut culturel et scientifique juif de Wilno, le YIVO, collectant proverbes, contes, us et coutumes, chansons yiddish…
Jakob Gromb publie une étude qui recense les cris des marchands juifs dans les rues et les cours de Varsovie. Communiste convaincu, il milite avec ardeur.
En novembre 1931, il émigre à Paris, gagne sa vie comme tricoteur tout en s’impliquant activement dans les organisations syndicales et les associations de la section juive de la M.O.I. Il est appréhendé lors de la manifestation communiste antifasciste du 6 février 1934 et fait l’objet d’un arrêté d’expulsion. Il reste illégalement à Paris et est condamné en mars 1935 à 15 jours d’incarcération qu’il purge à la prison de Fresnes. Par la suite, il est autorisé à résider provisoirement en France.
Il adopte le pseudonyme de G. Kenig et occupe le poste de rédacteur permanent du quotidien yiddish La Naïe Presse, dès la création du journal en janvier 1934.
À la déclaration de la guerre, G. Kenig s’engage et est incorporé dans le 22ème régiment de marche de volontaires étrangers mal équipé, le « régiment ficelle », il participe aux combats de la Somme où nombre de soldats sont tués. Kenig est fait prisonnier le 6 juin 1940. Il est interné en Prusse où il passe 5 années de guerre et co-organise la résistance parmi les captifs. Libéré par les troupes soviétiques, il regagne la France le 6 juin 1945 et est démobilisé à Paris en novembre.
G. Kenig milite à l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE) créée pendant la Résistance, à l’Union des Engagés Volontaires Anciens Combattants Juifs (UEVACJ) dont il est le vice-président et, surtout, à La Naïe Presse, redevenue légale, dont il est le rédacteur en chef jusqu’à la fin de sa vie.
L’arrêté d’expulsion pris à son encontre en 1934 est annulé, compte tenu de son engagement pendant la guerre. Il obtient la naturalisation française le 9 août 1948.
Mais, en raison d’une politique répressive à l’égard des militants d’origine étrangère, Kenig fait l’objet d’une dénaturalisation « pour assimilation insuffisante » et d’une mesure d’expulsion qui frappe également sa femme et ses enfants. L’UJRE et les associations proches du Parti communiste organisent une campagne de protestations efficace. Le 1er janvier 1952, le Conseil d’État déclare la procédure de dénaturalisation entachée d’illégalité et donc nulle et non avenue.
Jacob Gromb, dit G. Kenig, meurt à Paris d’une crise cardiaque au cours d’une réunion, le 14 février 1972.
Références
— Spire Alexis, 2005, Étrangers à la carte. L’administration de l’immigration en France (1945-1975), Paris. Ed. Grasset.
— Photo : coll. particulière, A. Gromb
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Le 17 juin, le maréchal Pétain ordonne de cesser les combats. Le 18 juin, le général de Gaulle, exilé à Londres, lance à la radio anglaise BBC son Appel à la résistance du peuple français et exhorte les volontaires à venir le rejoindre. Après l’armistice signé avec l’Allemagne nazie le 22 juin 1940, Pétain devient chef d’un « État français »collaborationniste.
De Gaulle reçoit le soutien du Premier ministre britannique, Winston Churchill, engagé dans la guerre contre l’Allemagne. Dès juillet 1940, le général fonde la France libre basée à Londres et appuyée sur les unités armées opposées à l’armistice, les Forces françaises libres (FFL).
De Gaulle s’assure de ralliements dans l’empire colonial français. En septembre 1941, il crée le Comité national français (CNF) qui encadre politiquement les forces militaires.
En vertu de l’accord signé en août 1940 avec Churchill, Charles de Gaulle est considéré comme le représentant légitime de la France et traite avec les alliés (Royaume-Uni et Etats-Unis principalement). Il crée à Londres un gouvernement officiel de la France libre-renommée France combattante-reconnu par tous les mouvements de la Résistance intérieure, le 13 juillet 1942.
L’appellation France libre va cependant prévaloir dans les esprits et même dans les textes.
Les soldats de la France libre combattent les nazis, notamment aux côtés des Britanniques, en Angleterre. Mais les alliés se méfient de de Gaulle jugé trop ambitieux. Le général finit, cependant, par s’imposer.
La Résistance communiste se rapproche de de Gaulle qui fonde le Comité français de la Libération nationale (CFLN) en juin 1943. La capitale de la France libre, d’abord établie à Brazzaville, migre à Alger, alors sous administration française.
Mais de Gaulle poursuit un objectif de rassemblement des forces combattantes. Jean Moulin, délégué en France du général, s’emploie à l’unification de la Résistance intérieure. Le Conseil national de la Résistance (CNR), créé, non sans mal, le 27 mai 1943, réunit les composantes démocratiques du pays, des communistes à la droite républicaine.
Le 1er août 1943, les Forces françaises libres (FFL) deviennent l’Armée française de libération. Présente dans le monde, elle combat, par exemple, en URSS, face aux troupes allemandes.
Selon le dessein du chef de la France libre, groupements militaires gaullistes de l’intérieur (l’Armée secrète) et Résistance communiste (FTP et FTP-M.O.I.) sont intégrés aux Forces françaises de l’intérieur (FFI) le 1er juin 1944.
Charles de Gaulle, l’homme de la Résistance extérieure, reconnu comme chef incontesté de la Résistance unifiée, devient, le président du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF).
Références
— Muracciole Jean-François, 1996, Histoire de la France libre, PUF, coll. Que sais-je ?.
— Muracciole Jean-François, 2009 Les Français libres : l’autre Résistance, Paris, Taillandier
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Après l’exécution de 2 jeunes manifestants communistes le 19 août 1941, le résistant Pierre Georges abat, en représailles, un officier allemand, le 21 août.
Les Sections spéciales, créées alors par les Allemands, et largement appuyées par le gouvernement de Vichy, ont pour objectif la lutte contre les résistants communistes et anarchistes.
Ces Sections spéciales siègent près les cours d’appel (en zone occupée) et les tribunaux militaires ou maritimes (en zone non occupée, dite « libre », jusqu’en novembre 42).
Rapidement, le régime de Vichy élargit les compétences des Sections spéciales, qui s’étendent progressivement à tous les actes” terroristes” et s’augmentent de “sections spéciales élargies”, incluant policiers et gendarmes.
Les Sections spéciales prononcent au total 45 condamnations à mort dont 33 par contumace, certaines même à titre rétroactif…
À Paris, trois résistants communistes (Emile Bastard, André Brechet et Abraham Trzebrucki) sont les premiers condamnés à mort. Ils sont guillotinés le 28 août 1941.
Au mois de février 1942, la Section spéciale du tribunal militaire de Toulouse juge 21 résistants communistes allemands et autrichiens.
Neuf condamnations à mort sont prononcées l’année suivante.
Ainsi, le 21 mars 1943, Mendel Langer, dit Marcel Langer, ancien officier des brigades internationales en Espagne, chef des FTP-M.O.I. de la 35ème brigade toulousaine, est condamné à la peine capitale par l’avocat général Pierre Lespinasse qui déclare : « Vous êtes juif, étranger et communiste, trois raisons pour moi de réclamer votre tête ». Langer est guillotiné le 23 juillet 1943. En représailles, le procureur Lespinasse est exécuté par un résistant FTP-M.O.I. de la 35ème brigade, le 10 octobre 1943.
De même, en décembre 1943, le juge des Sections spéciales, Faure Tinguely est tué par un groupe de combattants FTP-M.O.I. du Bataillon Carmagnole de Lyon en représailles à la décapitation du résistant Simon Frid.
L’intimidation fonctionne. Plus aucun magistrat ne requiert la peine de mort pour un résistant mais la violence des forces de répression est exacerbée.
Cet état de fait pousse Vichy à dessaisir la Justice.
Désormais, 200 cours martiales sont chargées de rendre une justice impitoyable et expéditive contre toutes les unités armées de la Résistance (FTP, FTP-M.O.I., maquis).
Le bilan des Sections spéciales, cependant, s'accroît constamment car les Allemands puisent continuellement dans le contingent des détenus politiques (arrêtés en vertu des lois françaises) pour les « utiliser » en tant qu’otages ou les destiner à la déportation.
Référence :
Association Française pour l’Histoire de la Justice, 2001, La justice des années sombres. 1940-1944. Paris, Édition La documentation française.
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Le Parti communiste a toujours pour objectif l’établissement de la justice sociale, sans classes, par la mise en commun des moyens de production. Ce rêve de « fraternité universelle » séduit nombre de Juifs immigrés d’Europe de l’Est exilés en France et qui ont fui la misère, l’antisémitisme et le fascisme de leurs pays d’origine.
Mais l’aggravation de la situation internationale, la poussée de l’extrême droite en Allemagne, l’affirmation du pouvoir mussolinien en Italie, préoccupent de plus en plus le PC soviétique et l’Internationale communiste (Komintern en russe) qui oriente la politique de tous les partis communistes.
À l’été 1934, le PCF lance une politique d’ouverture nouvelle et opte pour la mise en avant de la « nation française » identifiée à la Révolution de 1789-1793 et au Front populaire, vite divisé lors de la guerre civile espagnole. En France dans un climat de violence sociale exacerbée, l’anticommunisme se mêle à l’antisémitisme et à la xénophobie. Le PCF tente cependant d’incarner la pérennité du Front populaire. Mais à la fin de 1939, le Parti, isolé et contraint à l’illégalité, est désarçonné par la signature du pacte germano-soviétique.
Le PCF prône, dans un premier temps, la poursuite de la « lutte antifasciste contre les agresseurs et surtout le fascisme allemand », mais début septembre 1939, le Komintern impose la nouvelle ligne officielle d’une guerre entre puissances « impérialistes » qui ne concerne pas les peuples. Le PCF diffuse cette ligne auprès de ses militants.
En juillet 1940, le Parti, désormais clandestin, met l’accent sur l’indépendance nationale et publie l’appel au « Peuple de France ! ». Un an plus tard, il souhaite que se constitue « un large front national » contre l’occupant.
Après la rupture du pacte germano-soviétique, en juin 1941, le PCF avec ses groupes « Organisation spéciale » (groupes OS) et les Jeunesses communistes, se lance dans la lutte armée contre les nazis. En 1942, ses détachements FTPF et FTP-M.O.I. développent un combat armé très structuré.
Le PCF s’engage dans une politique d’union de la Résistance intérieure, des communistes à la droite républicaine, lors de la création, en 1943, du Conseil National de la Résistance, le CNR.
Le Parti communiste clandestin est, tout au long de la lutte contre les nazis, au cœur de l’action résistante, il exprime à la fois la dimension sociale du combat et les revendications nationales. Après l’occupation nazie, le PCF participe à la reconstruction démocratique et sociale de la France et occupe, à la fin de la guerre, une place centrale dans la société française.
Références
— Peschanski Denis in : F. Marcot (dir.) 2006, Dictionnaire historique de la Résistance. Éditions Robert Laffont.
— Martelli Roger, Vigreux Jean, Wolikow Serge, 2020, Le Parti Rouge, une histoire du PCF 1920-2020. Editions Armand Colin
Dit colonel Fabien
(1919 -1944)
Pierre Georges naît le 21 janvier 1919, à Paris. Il commence à travailler très jeune et adhère, comme toute sa famille, au Parti communiste.
En octobre 1936, il s’engage dans les Brigades internationales au secours de la République espagnole en danger ; il est blessé sur le front d’Aragon.
De retour en France, il se forme au métier d’ajusteur d’aviation.
Il est élu au conseil national des Jeunesses communistes et le 8 juillet 1939, il épouse Andrée Coudrier, une militante parisienne. Après la signature du pacte germano-soviétique, le Parti communiste français est dissous. Pierre Georges et sa femme sont arrêtés en décembre 1939. Il s’évade en juin 1940.
Clandestin, sous le pseudonyme de Frédo, il séjourne dans plusieurs villes, puis prend en charge, à l’automne, la direction des Jeunesses communistes pour l’ensemble du Sud-Est.
Frédo rejoint Paris au printemps 1941 pour participer à la direction nationale des Jeunesses
Communistes. Membre de l’Organisation spéciale (OS) en lutte contre l’occupant, il devient en 1941 l’adjoint d’Albert Ouzoulias, responsable des Bataillons de la Jeunesse.
Le 21 août 1941, il tire sur un aspirant de marine allemand, Alfons Moser, à la station de métro parisien Barbès-Rochechouart. Ce fait d’arme correspond à une rupture symbolique avec la doctrine du Parti communiste opposée, jusque-là, aux attentats.
Cette première action contre les troupes d’occupation introduit la nouvelle ligne du PCF : l’affrontement direct avec l’ennemi.
Pierre Georges participe ensuite à de nombreuses opérations. Évitant de peu l’arrestation, il quitte la région parisienne pour la Franche-Comté, où il organise un des premiers maquis FTP sous le nouveau pseudonyme de capitaine Henri.
Le 25 octobre 1942, dénoncé, blessé, il parvient à s’échapper mais il est arrêté en novembre 1942 à Paris, par la police française qui le livre aux Allemands.
Interrogé par la police nazie, la Gestapo, torturé, emprisonné à Fresnes, avant d’être transféré à Dijon, puis au fort de Romainville, il réussit à s’évader en mai 1943.
Il participe à l’organisation des maquis et dirige l’action militaire dans plusieurs régions de France sous le pseudonyme de « Colonel Fabien » qu’il conservera jusqu’à sa mort.
Rappelé en région parisienne, il est nommé responsable FTP du secteur Seine-Sud. Ses hommes prennent part à l’insurrection et à la libération de Paris en août 1944.
(Le colonel Fabien souhaite faire de ses combattants, le noyau d’une armée nouvelle, mobilisée jusqu’à la défaite des nazis. En septembre 1944, il part avec sa brigade de volontaires, les Fabiens, à la poursuite des Allemands. Engagée d’abord aux côtés de la division Patton, l’unité est ensuite intégrée dans la Première armée française qui combat dans l’est de la France.
Le 27 décembre 1944, à 25 ans, le colonel Fabien meurt lors de l’explosion d’une mine dans son poste de commandement d’Habsheim (Haut-Rhin).
Références
— Bourderon Roger, 1996, Le PCF dans la lutte armée : conceptions et organisations in La Résistance et les Français : lutte armée et maquis. Colloque de Besançon. Annales littéraires de l’université de Franche-Comté.
— Diamant David, 1971, Les Juifs dans la Résistance Française, 1940-1944 : Avec armes ou sans armes. Le Pavillon Roger Maria Éditeur.
— Photo : le Maitron (DR).
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En 1941, l’Union des femmes juives (UFJ), issue de “Solidarité” compte une cinquantaine de groupes. La responsable en est Sophie Schwartz qui, en 1935, avait créé, avec des femmes de la Kultur Liga (organisation juive laïque dont le but est de promouvoir l’éducation et la culture en yiddish), une Union des femmes juives pour la paix et contre le fascisme. L’UFJ vient en aide aux prisonniers de guerre, aux internés, à leurs familles, informe la population juive des événements et l’incite à résister.
Après la rafle du Vel’ d’Hiv et celles qui suivent, l’action de l’Union des femmes juives se développe : il faut organiser le sauvetage des enfants des internés et la lutte contre la déportation. En 1942, est mise en place une “Commission de l’Enfance” appelée parfois” Comité pour l’Enfance”. Plusieurs centaines d’enfants sont ainsi sauvés. Ils sont envoyés sous de faux noms à la campagne et le règlement de leur “pension” est assuré par l’UFJ qui bénéficie de nombreux soutiens dans la population. Une telle tâche exige une coopération avec des organisations françaises. Le Mouvement national contre le racisme, le MNCR, – dont les publications jouent un rôle essentiel dans l’information sur le sort des Juifs en France et l’extermination dans les camps de la mort – sert de trait d’union entre la Commission de l’enfance et la population française.
À plusieurs reprises, les enfants “bloqués” dont les parents sont internés ou déportés sont exfiltrés par ces femmes des organismes aux ordres de l’occupant, les fichiers permettant d’organiser des déportations sont détruits. C’est ainsi que le 16 février 1943, la Commission de l’enfance réussit à faire sortir d’un foyer de l’Union générale des Israélites de France (l’UGIF fondée par Vichy sur demande des nazis) rue Lamarck, 63 enfants que les Allemands s’apprêtent à déporter. Les enfants sont cachés à la campagne grâce à l’aide de Suzanne Spaak du MNCR et du pasteur Vergara. Outre le MNCR, ces actions sont menées en concertation avec d’autres organisations juives de sauvetage comme l’œuvre de secours aux enfants, l’OSE, ou des organisations chrétiennes. L’UFJ organise également la résistance à l’occupant dans divers secteurs, services de renseignements, transport d’armes et de matériel d’explosion, imprimeries clandestines et diffusion de la presse antifasciste.
Nombre d’entre ces résistantes seront déportées et ne reviendront pas.
À la Libération, la Commission de l’Enfance, animée par l’Union des femmes juives, deviendra la Commission Centrale de l’Enfance (CCE) auprès de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE).
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires. Ed. Messidor/Éditions sociales.
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C’est en juillet 1942 que les Alliés décident d’ouvrir un second front en Afrique du Nord, dans un double but : soulager la pression exercée par l’armée allemande sur les Soviétiques et prendre à revers l’ « Afrika Korps »-le QG allemand à la tête de chars blindés-qui menace le canal de Suez. L’objectif final, pour les Américains comme pour les Anglais, consiste à disposer d’une base vers Europe méridionale. L’action a pour nom de code « opération Torch ». Malgré la présence de résistants, notamment à Alger, la grande inconnue demeure la réaction de l’Armée d’Afrique vichyste.
L’ « opération Torch » est lancée le 8 novembre 1942. À Alger, 400 résistants (majoritairement Juifs) occupent, dès le petit matin, les points stratégiques et appréhendent le général Juin, commandant de l’Armée d’Afrique, et l’amiral Darlan, commandant en chef des forces de Vichy et présent alors à Alger. Ces arrestations permettent le succès du débarquement allié. Pendant trois jours, de violents combats opposent les Américains aux troupes de l’Armée d’Afrique à Oran et à Casablanca,
Les conséquences de « l’opération Torch » sont multiples :
— le 11 novembre 1942, représailles d’Hitler et occupation de la zone sud de la France, dite « libre », par les Allemands et les Italiens.
— le 27 novembre 1942, sabordage de la flotte de guerre à Toulon pour échapper à sa capture par l’armée allemande.
— ouverture d’un second front contre l’ « Afrika Korps » en Tunisie.
— À plus long terme, débarquement anglo-américain en Sicile et, en 1943, campagne d’Italie menée par les alliés (notamment britanniques américains, canadiens, australiens…) contre les fascistes. La « France libre » participe aux combats.
Après l’assassinat de Darlan, le 24 décembre 1942, le pouvoir est transféré au général d’armée Henri Giraud, soutenu par Roosevelt-l’allié américain-qui se méfie de de Gaulle.
Laissé dans l’ignorance de l ‘ « opération Torch », le général de Gaulle, chef de la Résistance extérieure – « la France libre »-gagne au plus vite Alger et contraint Giraud à former le Comité français de libération nationale (CFLN). Les colonies d’Afrique sub-saharienne encore fidèles au régime de Pétain se rallient alors à la « France libre ».
La conférence de Casablanca, du14 au 24 janvier 1943, réunit Roosevelt, Churchill -l’allié britannique-de Gaulle et Giraud et place définitivement la France dans la guerre aux côtés des Alliés. L’accord entre Giraud et le général de Gaulle conduit à la fusion des Forces françaises libres (FFL) avec l’Armée d’Afrique pour former l’Armée française de Libération (AFL), le 1er août 1943.
Référence
« L’Histoire » – Revue, n° 379,1942 : opération Torch. Les Alliés débarquent en Afrique du Nord”. Société d’Editions scientifiques.
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Créée le 27 mai 1943, l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide fédère désormais l’ensemble de organisations issues de la section juive de la M.O.I. Parallèlement, le secteur Jeunes de l’UJRE (JCJ) prend le nom d’« Union de la jeunesse juive » (UJJ).
Après le transfert en zone sud, à Lyon, de la direction nationale de la section juive, l’UJRE et l’UJJ organisent des « groupes de combat », à l’automne 1943. À la différence des combattants des groupes FTP-M.O.I. (créés en 1942), totalement clandestins en dehors des actions et rémunérés en tant que « permanents » par la Résistance, les membres des « groupes de combat » continuent à mener une vie civile familiale et professionnelle. Leurs actions, très risquées, vont des collages d’affiches, distributions de tracts, inscriptions sur les murs et prises de paroles, aux sabotages et aux actions armées où ils interviennent en renfort des FTP-M.O.I.(toujours très actifs au nord et au sud). Les plus aguerris peuvent, par la suite, y être mutés ; les « groupes de combat » constituent ainsi un vivier pour la Résistance armée proprement dite.
Ils sont conçus en trois détachements chez les adultes, quatre chez les jeunes.
Pour des raisons de sécurité, une structure en « triangle » est mise en œuvre : chaque groupe est constitué par trois équipes de trois membres chacune. De même à l’échelon supérieur, chaque détachement se compose de trois groupes.
D’après ce schéma on peut estimer l’effectif des « groupes de combat » de l’UJRE à environ quatre-vingts personnes («Denis», le responsable aux effectifs, évoque 70 à 80 personnes). De même, les groupes de l’UJJ totalisent une centaine de jeunes, environ.
En 1944 ces « groupes » participent aux combats de la Libération, notamment à l’insurrection de Villeurbanne.
L’UJRE mène une Résistance à la fois spécifiquement juive et totalement intégrée à la Résistance générale.
Membre du Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France (l’une des organisations du CNR), l’UJRE par ses « groupes de combat » contribue activement, avec l’UJJ, à la lutte contre le nazisme et à la libération de la France.
Références
— Collin Claude, 1998, Jeune combat. Les jeunes Juifs de la M.O.I. dans la Résistance. Presses universitaires de Grenoble, « Résistances » (PUG)
— Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1989, Le Sang de l’étranger. Les immigrés de la M.O.I. dans la Résistance. Ed. Fayard
(1921-1941)
Samuel (Szmul) Tyszelman naît le 21 janvier 1921 en Pologne à Pulawy. Il est âgé de trois ans quand ses parents émigrent en France, fuyant la misère et l’antisémitisme. Ils s’installent à Paris. Samuel, élève brillant, doit arrêter ses études et travailler aux côtés de son père, chapelier, dès l’âge de quinze ans. Il fréquente le patronage laïque du Yiddisher Arbeiter Sport Club (YASK) de la section juive de la M.O.I. (affilié à la Fédération sportive et gymnique du travail, FSGT) et il milite à la Jeunesse communiste (JC) avec notamment Georges Ghertman, Charles Wolmark et Élie Wallach, qui le surnomment familièrement « Titi ».
Dès1940, Samuel Tyszelman s’engage dans l’Organisation spéciale (OS) créée par le Parti communiste pour combattre l’occupant nazi. Simultanément, avec d’autres jeunes militants, il diffuse la presse clandestine appelant à rejoindre la Résistance.
À l’été 1941, membre des Bataillons de la Jeunesse, il assume la direction de la Jeunesse communiste des 3ème, 4ème et 10ème arrondissements.
Le 2 août 1941, Samuel, Charles Wolmark et Élie Wallach dérobent de la dynamite dans une carrière de Clichy-sous-Bois, en prévision de futurs attentats.
Le 14 juillet 194l, la direction clandestine du Parti communiste organise une manifestation sur les Grands Boulevards en mobilisant la Jeunesse communiste. Le 13 août 1941, lors d’un défilé, les jeunes présents sur les trottoirs se joignent au petit groupe d’une quarantaine de manifestants aux cris de « À bas l’occupant, Vive la France, libre et indépendante ! » Ils entonnent le premier couplet de La Marseillaise. Samuel est en tête de cortège. Henri Gautherot est l’un des jeunes communistes chargés de la protection des manifestants qui lancent à la volée des tracts dénonçant l’occupation allemande. Des militaires et marins allemands ouvrent le feu sur les manifestants. Deux marins se lancent à la poursuite de Samuel Tyszelman. Il se réfugie dans la cave de l’immeuble du 29 boulevard Magenta. Le concierge le dénonce à la police municipale qui l’arrête. Incarcéré à la prison de la Santé, Samuel Tyszelman comparaît le 18 août 1941, devant le tribunal allemand du Gross Paris en compagnie d’Henri Gautherot, très sérieusement blessé.
Gautherot et Tyszelman, jugés par les nazis, sont condamnés à mort et fusillés le 19 août 1941.
Le jour même, un Avis signé du commandement militaire allemand en France est placardé dans les rues de Paris : « Le Juif Szmul Tyszelman de Paris, le nommé Henry Gautherot de Paris ont été condamnés à mort pour aide à l’ennemi, ayant pris part à une manifestation communiste dirigée contre les troupes d’occupation allemandes ».
Deux jours plus tard, le 21, Pierre Georges abat l’aspirant de marine allemand, Moser, à la station de métro Barbès-Rochechouart. Il déclare à ses camarades : « J’ai vengé Titi ».
Références
— Diamant David, 1984, Combattants Héros et Martyrs de la Résistance, Édition Renouveau
— Le Maitron, par Daniel Grason
— Photo : Alchetron (DR)
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Au début de l’Occupation, tracts et papillons sont manuscrits ou tapés à la machine en petites quantités. Des besoins de diffusion accrus, en riposte à la violence grandissante des nazis et du régime de Vichy, contraignent la Résistance à développer un réseau d’impression clandestine.
Robert Endewelt témoigne : « Début 1941, il fallait d’abord nous faire connaître des jeunes du quartier et nous avions édité un petit journal fabriqué avec les moyens rudimentaires de cette époque, c’est-à – dire ronéotés ou reproduits sur des feuillets polycopiés à l’alcool. »
La plupart des journaux clandestins de la Résistance se résument à une ou deux feuilles recto verso, mais nécessitent du matériel.
Jusqu’en 1943, la presse clandestine est principalement ronéotée. Le système de ronéo implique l’usage d’un stencil (genre de pochoir sur lequel le texte est tapé à la machine ou écrit à la main) mais la parution est irrégulière car les conditions d’impression sont difficiles :
il faut, non seulement récupérer des machines à écrire et des ronéos, mais aussi de l’encre et du papier, en prenant le risque d’être dénoncé ou de se faire repérer par une police omniprésente.
À partir de 1944, le danger est chaque jour plus menaçant : des chiens sont dressés pour identifier l’odeur du plomb fondu des caractères d’imprimerie qui traînent sur le sol et se collent aux semelles des typographes.
Pour plus d’efficacité, la presse clandestine est imprimée grâce au concours d’imprimeurs résistants ou de matériel récupéré.
L’UJRE fait fonctionner une trentaine d’imprimeries clandestines à Paris et dans le sud de la France. Des apports matériels et humains sont nécessaires :
un local, des machines mais aussi des rédacteurs, dactylos, techniciens professionnels et improvisés, transporteurs, diffuseurs et agents de liaison.
Les artisans de la presse juive communiste clandestine sont nombreux à être « tombés à leur poste de combat » : Israël (Moshe) Bursztyn, l’ancien gérant de la Naïe Presse, Rudolf Zeiler l’imprimeur de Unzer Wort (Notre Parole), les rédacteurs Mounié Nadler, Joseph Bursztyn, Aron Skrobek, dit David Kutner, Ephraïm Lipcer Wowek Cyrzyk et nombre de diffuseurs et membres de l’appareil technique.
Référence :
AACCE, 2009, Les Juifs ont résisté en France, 1940-1945. Ed. AACCE
(1908-2011)
Joseph Minc naît le 14 mars 1908 dans l’empire russe, à Brest-Litovsk. Sa mère appartient à une famille de rabbins. Son père a suivi les cours de l’école rabbinique. La destinée première de Joseph est la religion.
Après la Première Guerre mondiale, il a successivement la nationalité polonaise, puis russe au gré des conflits entre les deux pays.
Il fréquente l’école hébraïque puis part, en 1922, à Varsovie pour poursuivre son cursus dans une école rabbinique. Il regagne Brest-Litovsk pour entreprendre des études de mécanicien dentiste et fait « ses adieux à Dieu. ».
Il adhère en 1924 au Parti communiste illégal de Pologne, il exerce des responsabilités dans les secteurs de la propagande politique, du militantisme syndical et dans les organisations juives.
Il réussit le baccalauréat mais ne peut accéder aux études de chirurgien-dentiste en raison du numerus clausus imposé aux Juifs.
Il s’exile en France, à Bordeaux, en 1931, puis à Paris en 1937 où il obtient son diplôme de dentiste.
En 1939, à la déclaration de la guerre, bien qu’étranger, il se porte volontaire dans l’armée française mais il est recruté, en 1940, en tant que dentiste dans une armée polonaise constituée en France.
À l’été 1940, il est fait prisonnier à Montbéliard, puis libéré en qualité de « membre des services de santé » et il rejoint Paris.
Il rejoint l’organisation clandestine juive de la M.O.I. « Solidarité » et participe au Comité d’aide aux femmes et aux enfants.
En 1942, refusant le port de l’étoile jaune, il entre dans la clandestinité et intègre le MNCR (Mouvement National Contre le Racisme) ; sous le pseudonyme de Mine ou Dacqmine, il participe au sauvetage des enfants.
Dès la création de l’UJRE (Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide) en mai 1943, il s’implique dans la Commission de l’Enfance chargée de cacher les enfants juifs pour les soustraire à la déportation. Minc et ses camarades trouvent des lieux d’accueil et suivent le placement des enfants.
À la Libération, il participe à un Comité d’unité juif qui comprend des représentants de toutes les tendances. Ce comité a pour mission d’aider les Juifs qui sortent de la clandestinité, à se loger, à se vêtir et à prendre connaissance de leurs droits.
Joseph Minc participe au ravitaillement de cantines et à la recherche des enfants juifs cachés.
Au début de l’année 1945, la Commission de l’enfance de l’UJRE devient la CCE (Commission Centrale de l’Enfance auprès de l’UJRE). Joseph Minc en est le premier secrétaire général jusqu’en 1946.
En quelques mois, de février à octobre 1945, la CCE crée six maisons d’accueil, à la pédagogie innovante, pour recevoir environ 350 orphelins.
Dès l’été 1945, des colonies de vacances sont organisées pour tous les enfants juifs, y compris les non-orphelins.
Joseph Minc quitte la CCE en juin 1946. En 1950, il est secrétaire de l’UGEVRE (l’Union fédérale des engagés volontaires résistants d’origine étrangère) jusqu’en 1968.
Il meurt à Paris le 8 janvier 2011.
Références
— Minc Joseph, 2001, L’extraordinaire histoire de ma vie ordinaire. Ed Bookpole
— AACCE, 2009, Les Juifs ont résisté en France 1940-1945. Ed AACCE
— Wolikow Serge, Lassignardie Isabelle, 2015, Grandir après la Shoah. Ed de l’Atelier
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Le manifeste « Pour la formation du Front national de l’indépendance de la France » du 27 mai 1941 s’adresse à « tous ceux qui veulent agir en Français ». Le PCF s’y déclare « prêt à soutenir tout gouvernement français, toute organisation et tous hommes dont les efforts seront orientés dans le sens d’une lutte véritable contre l’oppression nationale ».
Implanté dans les milieux intellectuels grâce au journal L’Université libre, le Front National ne se développe qu’à partir de la fin 1942 sous l’impulsion des communistes Pierre Villon et Madeleine Braun. Début avril, un manifeste définit les buts du FN : l’action immédiate en vue de l’insurrection et l’union de la Résistance. L’objectif est double : la création d’un « gouvernement français ayant pour chef le général de Gaulle et confiant le commandement des forces armées au général Giraud » et la fusion des mouvements [de Résistance] en une seule « France combattante ».
Dans la lutte contre le Service du travail obligatoire (STO) et pour l’aide aux réfractaires, organisés en « groupes de combat » (zone nord) et maquis (zone sud), les comités locaux et départementaux du FN se développent au cours de l’été 1943.
Parallèlement, la « grève des battages » (sabotage des engins de moissons pour ne pas fournir du blé à l’Allemagne) révèle la combativité des comités de paysans. Après l’insurrection corse, le FN, reconnu comme mouvement de Résistance et représenté par Pierre Villon, prend une part essentielle à l’élaboration du programme d’action (adopté par le Conseil national de la Résistance, le CNR, le 15 mars 1944).
À partir de janvier 1944, le Front National joue un rôle majeur dans la Résistance armée. Il exerce rapidement son autorité sur les FTP.
Fin 1943, une imprimerie clandestine, dirigée par Cécile Cerf, résistante FTP-M.O.I. en zone nord, édite et reproduit tracts et journaux clandestins du Front national-FTP et FTP-M.O.I., jusqu’en mai 1944.
Dans les combats de la Libération, le Front National joue un rôle actif dans l’insurrection nationale. Fin janvier 1945, cette organisation compte 600 000 adhérents.
NB : Jean-Marie Le Pen, dirigeant d’extrême-droite, s’est emparé de l’appellation « Front national » pour créer un parti politique (de 1972 à 2018), en contradiction totale avec les valeurs du Front national d’origine.
Références
— Virieux Daniel in : F. Marcot (dir.) 2006, Dictionnaire historique de la Résistance. Éditions Robert Laffont.
— Gronowski Ludwik, pseudo Brunot, commandant FFI, ex-dirigeant national du Front National au sein de la M.O.I. 1958, Attestation de Résistance. Washington, USHMM.
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Le 26 juin 1933, Theodor Eicke, SS de longue date, est nommé commandant du camp par Himmler, haut dignitaire nazi. Un régime de terreur est organisé à Dachau et les fondements du système concentrationnaire nazi y sont mis en œuvre.
En 1940, le nombre de détenus atteint 10 000 et va croître régulièrement. Au départ, sont internés des opposants au nazisme, principalement communistes ; ils sont suivis par des Juifs bavarois, des Tsiganes, des religieux anti-hitlériens, des homosexuels et des prisonniers de guerre soviétiques. La chambre à gaz non utilisée est remplacée par un champ de tir : les condamnés à mort sont tués par balles dans la nuque.
Le portail d’entrée du camp porte l’inscription Arbeit Macht Frei (le travail rend libre)…
Les travailleurs « libres », une main d’œuvre forcée, asservie et maltraitée, fait fonctionner les entreprises allemandes. Les conditions de vie sont atroces (expérimentations scientifiques sur les détenus, sévices, absence d’hygiène, sous-alimentation, maladies, épidémies) et provoquent une très importante mortalité.
Un « Comité international » clandestin est composé de détenus représentant les différentes nationalités internées au camp. En avril 1945, un détenu communiste allemand du Comité réussit à faire évader quelques hommes encore valides. Informés par eux de l’emplacement du camp, les soldats américains découvrent, à Dachau, 1600 détenus réduits à l’état de squelettes.
Références
— Zámečník Stanislav (trad. du tchèque par Sylvie Graffard), 2013, C’était ça, Dachau : 1933-1945. Ed. Cherche midi, coll. « Documents.
— Rayski Adam, supplément à La Lettre des Résistants et Déportés Juifs n° 46
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À Vénissieux, dans la banlieue lyonnaise, un camp est improvisé en hâte dans une caserne de l’armée pour y réunir plus d’un millier de Juifs raflés dans les départements du Rhône, de l’Isère et de l’Ain. Leur transfert à Drancy, plaque tournante de la déportation, prévu pour la fin août, est précédé d’un “criblage”, c’est-à-dire la possibilité accordée par Vichy de retirer des listes de déportation des enfants de moins de 15 ans et des personnes gravement malades. Gilbert Lesage, du Service social aux étrangers, fait partie de cette commission de criblage. Il alerte des responsables de l’OSE, (le docteur Joseph Weill, directeur médical de l’OSE, Charles Lederman, directeur de l’OSE de Lyon, Georges Garel…), des Éclaireurs Israélites de France, les EIF (représentés par Claude Gutmann), de l’ « Amitié chrétienne » (l’abbé Glasberg, représentant le Père Chaillet) et de Madeleine Barrot de l’organisation protestante, la CIMADE, pour qu’ils viennent l’aider à faire respecter les clauses d’exemption. Toute la nuit, les membres de ces organisations se battent contre le gouvernement collaborationniste de Vichy.
Mais pour sauver les enfants d’une déportation ultérieure, il faut agir clandestinement et convaincre les parents de céder leurs droits de paternité à l’ « Amitié chrétienne ». Il est donc indispensable de les voir, un par un, pour leur faire signer cette délégation. Malgré les cris, les pleurs, les tentatives de suicide de certains parents, 108 enfants sont séparés de leurs parents et exfiltrés du camp. Remis officiellement à l’ « Amitié chrétienne », ils quittent Vénissieux accompagnés de Charles Lederman – nommé provisoirement représentant de cette association –, de Georges Garel et de quelques assistantes sociales puis ils sont conduits pour la nuit dans un local des EIF et dispersés le lendemain dans différentes institutions religieuses sous la protection de l’archevêque de Lyon, Mgr Gerlier. Celui-ci, mis devant le fait accompli, est donc tenu de couvrir le Père Chaillet au nom de “l’obligation morale impérieuse”. Dans les heures qui suivent, la police se lance à la poursuite des enfants mais la Résistance répond dans un tract : “Vous n’aurez pas les enfants”. La plupart sont ensuite répartis dans des familles sous de nouvelles identités. La majorité des parents (545) seront gazés.
Ce sauvetage exceptionnel a été rendu possible grâce” à un chaîne de sauveteurs Juifs et non Juifs qui s’organisèrent pour empêcher un crime contre l’humanité” (Serge Klarsfeld).
La “nuit de Vénissieux” marque un tournant décisif pour l’OSE et plusieurs autres associations juives qui accélèrent la mise en place de leurs structures clandestines pour le sauvetage des enfants.
Références
— Portheret Valérie, 2020, Vous n’aurez pas les enfants. Ed. XO documents.
— Perthuis-Portheret Valérie, 2012, Août 1942. Lyon contre Vichy. Le sauvetage de tous les enfants juifs du camp de Vénissieux. Ed lyonnaises d’art et d’histoire.
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Les origines du yiddish remontent à l’an mille.
Dans leur errance, les Juifs ont suivi la route des légions romaines et traversé la France pour se fixer dans les régions rhénanes.
Ils parlent, alors, des dialectes romans et leur langage se mêle peu à peu aux dialectes germaniques du Moyen Âge.
Aux éléments germaniques de base, ils incorporent des éléments romans et y ajoutent des termes hébreux et araméens.
Peu à peu, à partir du 14ème siècle, naît une véritable langue, autonome, avec des sons nouveaux, apparentée par sa grammaire à l’allemand mais évoluant selon ses lois propres.
Une création littéraire importante en témoigne dès le Moyen Âge.
Après 1348-1349, à la suite de massacres qui les déciment en partie (on les rend responsables de la Grande Peste !) un exode massif conduit les Juifs vers Prague et la Pologne.
Ce transfert de populations juives du centre vers l’est européen place le yiddish hors de l’orbite germanique.
Cette langue s’épanouit dans les pays slaves et devient totalement originale et indépendante.
La prononciation se transforme au contact des apports polonais, ukrainiens ou tchèques mais le changement fondamental concerne la syntaxe. Les modes slaves, germaniques et hébraïques se croisent. Le yiddish se libère des formes compliquées.
Au milieu du 18ème siècle, les hébraïsants, hostiles au « jargon », se rallient peu à peu au yiddish. Au 19ème siècle, les écrivains de langue yiddish fondent une langue moderne et annoncent la littérature yiddish classique.
À Wilno (l’actuelle Vilnius), le YIVO, Centre culturel et scientifique juif, fixe la langue.
Jusqu’en 1939, une littérature yiddish, foisonnante et diverse, témoigne de l’extraordinaire vigueur de cette langue, à la fois outil de lutte et moyen de communication.
Références
— Cerf Cécile, (1959), La langue yidich, Cop. by Europe et les Editeurs Français Réunis, revue EUROPE, septembre 1959, pages 18 à 27.
— Cerf Cécile, (1974), Regards sur la littérature yidich, Académie d’Histoire, Paris
N. B : L’orthographe anglo-saxonne, « yiddish » prévaut désormais.
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Les camps de concentration visent initialement les opposants antinazis allemands qu’il s’agit de rééduquer. Ces camps deviennent ensuite un instrument de répression contre les populations étrangères des territoires annexés par Hitler. On estime à 1,7 million, le nombre de femmes et d’hommes internés dans ces camps ; un tiers environ mourront en proie à des conditions extrêmes et à des épidémies.
La politique génocidaire nazie, qui vise les Juifs (environ 6 millions de victimes) et les Tziganes, se déroule hors de ces camps.
Beaucoup de Juifs sont morts de faim dans les ghettos surpeuplés et miséreux de l’Est européen.
Près de la moitié d’entre eux sont assassinés lors des exécutions de masse (dite Shoah par balles), notamment en Ukraine, en Biélorussie et en Lituanie.
Des camions à gaz mobiles (par monoxyde de carbone, dioxyde de carbone, etc) renforcent le dispositif d’anéantissement.
La majorité des Juifs aboutit dans les centres de « mise à mort ».
Les chambres à gaz (au Zyklon B) et les fours crématoires, conçus en juillet 1942 pour se débarrasser des corps, y fonctionnent jour et nuit.
L’emplacement des camps d’extermination est choisi en raison de la proximité de voies ferroviaires et routières qui permettent d’acheminer les victimes. Les baraquements se réduisent à un ensemble très sommaire de structures. Les historiens s’accordent sur 6 principaux centres de mise à mort, tous situés en territoire polonais : Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka, Majdanek et Auschwitz-Birkenau. C’est le seul complexe concentrationnaire qui, sur un même lieu, est à la fois centre de mise à mort et camp de concentration.
Références
— Bruttmann Tal, Tarricone Christophe, 2020, Les Cent Mots de la Shoah, Que sais-je ? Éditions PUF.
— Hilberg Raul 1988, La Destruction des Juifs d’Europe, Ed. Fayard.
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La défaite russe, lors de la guerre russo-japonaise, démontre la fragilité du pouvoir tsariste déjà ébranlé par la révolution de 1905. La révolution de février 1917 entraîne la chute du régime tsariste et la formation d’un gouvernement provisoire. Celle d’octobre 1917, sous l’impulsion des Bolchéviks, instaure le pouvoir des Soviets (Conseils d’ouvriers et de soldats).
Une guerre civile violente oppose les révolutionnaires « rouges » aux Russes dits « blancs ».
Victimes de discriminations et de pogroms meurtriers sous le tsar, les Juifs accueillent favorablement cette révolution qui, ils en sont persuadés, permettra d’éliminer à la fois l’oppression de classe et l’antisémitisme.
Cette forte participation des Juifs à la Révolution bolchévique alimente une vision antisémite de la Révolution bolchévique et renforce les mythes de la “franc-maçonnerie juive” et du “judéo-bolchévisme”.
Les Juifs deviennent la cible des adeptes du “complot juif international contre la civilisation”. Cette idéologie est un élément essentiel de la propagande anti-communiste occidentale, avec, pour paroxysme, l’extermination des Juifs par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les immigrés juifs d’Europe de l’Est, résistants de la M.O.I., sont imprégnés de l’élan fraternel des débuts de la Révolution d’Octobre.
Leur adhésion à un communisme idéal, épris de justice sociale, guide leur engagement dans les combats de la Résistance pour l’éradication du nazisme et la libération de la France.
Référence
Ferro Marc, 1967, La Révolution de 1917, Paris, Aubier, coll. “Collection Historique.
L’Internationale communiste, IC, (Komintern en russe) a, en 1939, vingt ans d’existence. Elle se veut le Parti mondial de la Révolution. Depuis sa naissance, en 1919, dans le sillage de la Révolution russe, elle a beaucoup évolué. Ses structures de direction sont centralisées à Moscou même si, depuis 1935, les partis communistes de chaque pays affichent une plus grande autonomie, en particulier dans la mise en œuvre de leur politique sur le terrain. Cependant, si les orientations stratégiques restent, en principe, du ressort du secrétaire général, Georges Dimitrov, les décisions effectives qui s’imposent à l’Internationale communiste sont prises par le secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS), Joseph Staline.
Au début de la Seconde Guerre mondiale, fin septembre 1939, l’IC proclame le caractère « impérialiste » de la guerre et la fin du front antifasciste.
Après l’invasion de l’URSS par l’Allemagne, l’IC infléchit sa ligne, le conflit n’est plus présenté comme une guerre “impérialiste” qui renvoyait dos à dos la France et le Royaume- Uni contre leur ennemie commune, l’Allemagne. Les communistes intensifient la lutte frontale contre le fascisme. L’IC joue un rôle important avec l’entrée des communistes français dans la Résistance et la lutte armée. Elle est dissoute en 1943 pour permettre à chaque Parti communiste de mener la lutte contre les nazis sur son propre territoire.
Référence
Wolikow Serge, 2010, L’Internationale communiste (1919-1943). Le Komintern ou le rêve déchu du Parti mondial de la Révolution. Éditions de l’Atelier
Dit colonel Gilles, Joseph André (ou Andrej),
André Duffau
(1911-1944)
Né en Pologne, à Zamość, le 16 octobre 1911, Joseph Epstein appartient à une famille aisée de culture yiddish. Dès son plus jeune âge, il participe, dans les rangs du Parti communiste de Pologne, à la lutte contre le gouvernement dictatorial de Józef Piłsudski. Il poursuit des études de Droit à l’université de Varsovie.
Il est arrêté lors d’une prise de parole devant une usine ; libéré sous caution, il quitte la Pologne pour la Tchécoslovaquie.
Il est aussitôt expulsé, gagne la France en 1931 et obtient sa licence de droit à Bordeaux.
En 1936, lorsqu’éclate la guerre d’Espagne, il est l’un des premiers volontaires. Il combat aux côtés des Républicains espagnols dans les Brigades internationales et est grièvement blessé sur le front d’Irun. Pendant sa guérison, il participe en France, à l’action de la compagnie maritime « France Navigation », chargée du transport d’armes pour l’Espagne républicaine.
Il participe à la bataille de l’Èbre, sous le pseudonyme de Joseph André, et est cité à l’ordre de l’Armée ; il devient capitaine. Après la chute de la République espagnole, en 1939, il revient en France et est interné au camp de Gurs. Il est libéré en juillet 1939.
Engagé dans la Légion étrangère, Joseph Epstein est fait prisonnier en mai 1940. Il est envoyé dans un stalag en Allemagne d’où il s’évade en décembre 1940 et rejoint la lutte clandestine en France auprès des Francs-tireurs et partisans (FTPF ou, plus simplement, FTP).
D’abord principal responsable, en 1942, des groupes de sabotage et de destruction (GSD) créés par les syndicats CGT au sein des entreprises contraintes de travailler pour l’Occupant, il devient responsable militaire des FTP de la région parisienne, en février 1943, sous le nom de Colonel Gilles. Aux groupes de trois résistants, de règle dans l’organisation clandestine, il a l’idée de substituer des unités de dix à quinze combattants en mesure de réaliser un certain nombre d’actions spectaculaires. Cette organisation permet d’assurer la protection des lanceurs de bombes ou de grenades qui interviennent les uns après les autres, en cascade. Epstein instaure ainsi une tactique de « guérilla urbaine » que mettent en œuvre les FTP et les FTP-M.O.I. Dynamitage de trains, de voies ferrées, destruction de pylônes électriques, de ponts, sabotage dans les usines, ces techniques de guérilla sont celles qu’il avait apprises lors de la guerre civile espagnole.
Dénoncé, Joseph Epstein est arrêté en gare d’Évry Petit-Bourg, le 16 novembre 1943, lors d’un rendez-vous avec Missak Manouchian, FTP-M.O.I.
Atrocement torturé par les inspecteurs des Brigades spéciales, il ne livre aucun nom.
Joseph Epstein est fusillé, sous le nom de Joseph André, au fort du Mont-Valérien avec 28 autres résistants, le 11 avril 1944.
Le jour de son exécution, il aide un camarade à s’évader du camion qui les conduit au peloton d’exécution.
En 2004, son nom est donné à une place du 20e arrondissement de Paris.
Références
— Convert Pascal, 2007, Joseph Epstein : Bon pour la légende. Ed. Séguier.
— Dictionnaire le Maitron en ligne. 2020. Jean Maitron-Claude Pennetier.
— Photo : Pascal Convert – documentaire France 2008 (DR)
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Rafael Lemkin, Juif polonais spécialiste du droit pénal international, a proposé, en 1943, le terme « génocide » pour désigner la destruction d’un groupe national.
Le génocide est l’anéantissement délibéré et méthodique d’un groupe d’humains en raison de leur race, de leur appartenance ethnique, de leur nationalité ou de leur religion, dans le but de les faire disparaître totalement, au nom d’un principe raciste ou d’une idéologie.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, en janvier 1942, des dignitaires nazis, lors de la conférence de Wannsee, planifient la « solution finale de la question juive », à savoir la déportation et la mise à mort des Juifs dans tous les pays occupés par l’Allemagne hitlérienne.
La Solution finale est la dernière étape du génocide des Juifs d’Europe. Elle est dans la ligne de la politique d’extermination des Juifs menée par le IIIème Reich.
Les premières victimes en sont les Juifs polonais après l’invasion de leur pays par l’armée allemande, en septembre 1939 ; ils sont massacrés ou enfermés dans des ghettos où ils seront condamnés à mourir malgré une résistance acharnée.
En juin 1941, la Wehrmacht (armée du IIIème Reich) envahit l’URSS, notamment la Lituanie, l’Ukraine, la Biélorussie et fait assassiner les Juifs par des unités mobiles d’extermination lors de massacres de masse dits Shoah par balles.
En Europe de l’ouest, l’extermination des Juifs s’accélère et prend une dimension industrielle avec le recours massif au gaz. Ce génocide est appelé holocauste ou Shoah et est responsable de l’extermination de 6 millions de personnes. Il se singularise par trois points :
— Il s’exerce non pas sur un pays mais sur plusieurs dizaines de pays, un continent entier, l’Europe, et avec le projet de déborder sur l’Afrique du Nord.
— il vise des populations sans pays et donc sans terre à conquérir.
— Il se réalise selon un projet méthodique, systématique, planifié et industrialisé.
Des Juifs, originaires de toute l’Europe occupée, sont déportés jusqu’aux centres de mise à mort (ou camps d’extermination).
Les Tziganes sont également victimes de cette politique exterminatrice.
En 1958, l’ONU adopte la définition juridique du génocide.
En France, le génocide est puni en tant que crime contre l’Humanité. Il est imprescriptible.
Référence
Bruneteau Bernard, 2016, Un siècle de Génocides, Ed. Armand Colin
(dit Henri Marcellin)
(1924-1943)
Maurice Korzec naît le 9 avril 1924 à Herserange en Moselle. Sa famille, d’origine juive polonaise, s’installe à Paris dans le 19ème arrondissement.
En 1939, à l’âge de 15 ans, il entre en apprentissage à l’ORT (organisation pour la reconstruction et le travail), institution juive d’éducation et de formation. Il trouve ensuite un emploi dans une usine d’aviation. Refusant de travailler pour l’occupant, il part en 1941 à Marseille, en zone dite “libre”, et devient tailleur dans une maison de confection. Militant syndical, il est aussi membre des Jeunesses communistes clandestines. En novembre 1942, après l’entrée des Allemands en zone Sud, il participe à de nombreux attentats aux côtés des résistants marseillais. Le 1er mars 1943, il intègre le détachement Marat (FTP-M.O.I.), y est nommé responsable d’un groupe et participe à de nombreuses actions : bombes visant une caserne allemande, explosion de sept transformateurs, destruction de six locomotives, explosion de 12 wagons-citernes dans la gare d’Arenc…
Pour mener à bien toutes ces actions, il se déguise fréquemment en balayeur des rues, en cheminot, en fille…
Le 5 juin 1943, il lance avec deux camarades, une bombe dans un cinéma réquisitionné pour les soldats allemands. Blessé, il est arrêté sous l’identité d’Henri Marcellin, torturé pendant deux mois puis transféré au Fort Montluc à Lyon. Condamné à mort par un tribunal allemand, il est fusillé le 13 septembre 1943 à l’âge de 19 ans.
Le détachement Marat FTP-M.O.I. prend alors le nom de Compagnie Maurice Korsec.
Une plaque à l’Hôtel de Ville de Marseille rappelle que « Maurice Korzec et Marcel Bonin ont attaqué les Allemands et sont tombés pour que vive la France ». Sur le monument des Mobiles en haut de la Canebière, une plaque évoque le jeune résistant : “L’UJRE à la mémoire de leur camarade de combat, Maurice Korzec”.
Référence
— Diamant David, 1984, Combattants héros et martyrs de la Résistance. Ed. Renouveau.
— Photo : Yad Vashem
(1925-2012)
Guerda, ou Germaine, naît à Paris, le 21 novembre 1925.
Elle est la fille de Tanchel Bach, né en Russie et de Léa Blaser née en Pologne.
Ses parents vivent dans le 11ème arrondissement de Paris et sont tricoteurs.
Avant guerre, elle fréquente le YASK ( Yiddish Arbeiter Sport Klub ), l’une des nombreuses associations rattachées à la section juive de langue yiddish de la M.O.I.
Dès 1941, elle participe, avec un groupe de jeunes du 11ème arrondissement, à des distributions de tracts et au collage de « papillons » pour dénoncer l’occupation nazie et le régime collaborationniste de Vichy. Elle a 16 ans.
En décembre 1941, alors qu’elle colle des papillons intitulés « Chassons l’envahisseur », elle est arrêtée par la police française et incarcérée à la prison de la Petite Roquette puis à Fresnes du 3 au 23 février 1942.
Au printemps 1943, la répression à Paris et la réorganisation de la Résistance communiste en zone sud provoquent son départ pour Lyon.
En 1943, sous le pseudonyme de Diane, elle sert en tant qu’agent de liaison de Jacques Kott de l’UJJ (Union de la Jeunesse juive) puis de Charles Lederman de l’UJRE (Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide), elle transporte des journaux, des faux papiers, parfois même des armes et des explosifs pour les groupes de combat. Elle se déplace dans les villes de la zone sud, Marseille, Toulouse, Lyon, Grenoble…
Le 6 juin 1944, alors qu’elle se trouve à Marseille avec Jacques Kott, le débarquement a lieu en Normandie.
Germaine regagne Lyon. Pour éviter de se rendre à l’hôtel, après le couvre-feu, elle rejoint le domicile familial à Villeurbanne. « Filée » par la police, elle est appréhendée le lendemain chez ses parents en même temps que son père et conduite au siège de la Gestapo. Elle y est interrogée avec la plus extrême brutalité et incarcérée à la prison de Montluc.
Son père est fusillé le 12 juin 1944 avec 22 otages.
Transférée au camp de Drancy, Germaine est déportée, le 30 juin 1944, au centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. Ignorant ce qu’est devenu son père, elle le cherche parmi les déportés et se rassure de ne pas le trouver…
Elle y retrouve, en revanche, une de ses amies du Yask, Paulette Szlifke (ou Sliwka puis Sarcey) et c’est, ensemble, le 18 janvier 1945, qu’elles sont évacuées d’Auschwitz vers un camp annexe de Ravensbrück, au terme d’une effroyable « marche de la mort ».
Le 3 mai 1945, elles sont libérées par les Soviétiques du camp de Neustadt-Glewe et rapatriées en France le 22 mai 1945.
À son retour, Germaine apprend dans quelles circonstances son père a été fusillé et ne se remet que très difficilement de cette exécution dont elle s’estime responsable.
Devenue Germaine Bach-Israël après guerre, elle meurt à Paris le 13 janvier 2012.
Références
— Le Maitron par Chantal Dossin
— Dossin Chantal, 2018, Elles étaient juives et résistantes, convoi 76. Ed. Sutton
— Photo collection particulière (DR)
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Le 22 juin 1940, le maréchal Pétain signe l’armistice avec Hitler. Les Allemands occupent la zone nord de la France.
La Résistance extérieure, dirigée par le général de Gaulle depuis Londres et la Résistance intérieure civile et militaire combattent le régime de Vichy.
La Libération de la majeure partie de la France, en automne 1944, est précédée de libérations partielles. Forces alliées et Résistance opèrent.
Quelques dates-clefs :
— Le 8 novembre 1942, les alliés, anglais et américains, de la France libre du général de Gaulle débarquent en Afrique du nord, alors sous administration française.
— Le 4 octobre 1943, la Corse est le premier territoire à se libérer de manière autonome.
En mai 1944, le Conseil National de la Résistance (CNR) met en place les Milices patriotiques créées sous l’impulsion de la Résistance communiste. Elles agissent sous l’autorité des Comités de Libération.
Une Milice patriotique juive rassemble les jeunes de l’UJJ (Union de la Jeunesse Juive de la M.O.I.).
— Le 6 juin 1944, les alliés de la France libre débarquent en Normandie. Grâce aux maquisards FFI, les Allemands sont contenus et repoussés.
Dans les différentes régions du pays, la Résistance est très active :
— Les 7 et 8 juin 1944, en Corrèze, les maquisards limousins occupent la préfecture, Tulle, mais les SS réoccupent la ville et commettent un massacre : 99 hommes sont pendus aux balcons de la ville et 200 autres sont déportés en Allemagne, au camp de Dachau.
— À partir du 15 août 1944 : Les alliés de la France libre du général de Gaulle débarquent en Provence. L’armée allemande quitte un large quart sud-ouest de la France.
La Provence sera libérée en 2 semaines.
— Le 16 août 1944, les maquisards limousins libèrent Tulle définitivement
— Le 25 août 1944, dans la Creuse : la préfecture, Guéret, est libérée.
À Paris, du 19 au 25 août 1944 :
Le colonel Rol-Tanguy, chef régional des FFI, entouré de son État-major, dirige la Résistance à Paris depuis son poste de commandement souterrain.
À l’appel du Comité parisien de Libération, les syndicats décrètent la grève générale (cheminots, ouvriers, gendarmes, policiers…). Devant les appels à l’insurrection, les nazis exécutent 35 résistants et sont prêts à détruire la capitale.
L’insurrection populaire précipite la libération de Paris. La 2ème Division blindée (DB) du général Leclerc pénètre la première dans la ville libérée.
— Le 27 août, Marseille est libérée après les combats de la Résistance commencés le 21 août.
— Les 2-3 septembre 1944, Lyon, Villeurbanne et Lille sont libérées grâce à une insurrection populaire de grande ampleur.
À l’automne 1944, quasiment tout le pays est libéré.
Référence
Simonnet Stéphane, Levasseur Claire, Balavoine Guillaume, 2004, Atlas de la libération de la France : 6 juin 1944-8 mai 1945 : des débarquements aux villes libérées, Paris, éd. Autrement, coll. Atlas-Mémoire.
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Après la Libération de Paris, les résistants de la M.O.I., toutes nationalités confondues, décident de former un bataillon intégré dans les FFI pour poursuivre le combat contre les nazis. Le bataillon Liberté, désigné sous le nom de Bataillon 51/22 est composé de résistants de toutes nationalités qui se sont battus depuis le début de l’Occupation.
Une compagnie juive, portant le nom de Marcel Rayman, est constituée dans le cadre de ce bataillon. Marcel Rayman, jeune communiste juif polonais, FTP-M.O.I. depuis 1942, était le responsable militaire de l’équipe spéciale chargée des actions les plus spectaculaires du groupe Manouchian. Marcel Rayman a été fusillé en février 1944 au Mont-Valérien avec les combattants de l’Affiche rouge.
Un appel de la Milice patriotique juive, adressé aux Juifs de Paris lors de la Libération, se termine ainsi : “Pour renforcer la participation des masses populations juives, il est créé une compagnie juive du nom du FTP héroïque de 20 ans, Marcel Rayman. La Compagnie Rayman est intégrée aux FFI et recevra l’instruction militaire dans les casernes avec les autres divisions. Déjà cent jeunes Juifs ont répondu à notre appel et ont été envoyés à la caserne de Reuilly…”
Le bataillon 51/22, déplacé de la caserne de Reuilly à Fontainebleau puis à Provins, est maintenu hors des combats par décision des autorités militaires qui n’ont pas confiance dans les résistants étrangers et se méfient des regroupements par nationalités. Le bataillon est finalement dissous.
Une partie des engagés est dispersée dans des unités de l’armée régulière, une autre est simplement démobilisée. “Tel fut l’épilogue de ce bataillon dont les hommes brûlaient du désir de participer à la lutte contre le fascisme…”. (Boris Holban, commandant du bataillon 51/22).
Référence
Diamant David, 2014, 250 combattants de la Résistance témoignent Ed. L’Harmattan.
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Dès août 1941, les Juifs victimes de rafles sont détenus au camp d’internement de Drancy. À partir de décembre 1941, les malades sont extraits du camp et transférés à l’Hôpital Rotschild (dépendant de la fondation Rothschild) sous la surveillance des Allemands et de la préfecture de police. Des résistants torturés par la police politique nazie, la Gestapo, et des malades issus du camp des Tourelles sont également hospitalisés à Rothschild.
Le rappel brutal des malades à Drancy sur ordre de Dannecker, haut dignitaire nazi chargé de la « question juive », ou le fichage des bébés dès leur naissance provoquent le désarroi du personnel hospitalier. La persécution anti-juive s’accentue en 1942 et 1943. Des actions de Résistance se mettent rapidement en place pour conserver les malades, même guéris, dans le cadre hospitalier : diagnostics faussement alarmistes, traitements inutilement lourds ou opérations sans objet.
Paulette Sliwka (Sarcey), jeune militante communiste juive de la M.O.I. est appréhendée, frappée par la police de Vichy et hospitalisée à Rothschild. Elle échappe à Drancy… provisoirement : « […] J’ai des traces de coups mais je tiens debout. Les médecins juifs qui m’examinent, les docteurs Lobelsohn et Weismann, ont compris la situation et décident de m’opérer de l’appendicite par complaisance, seul moyen de me garder plus longtemps […] ».
Mais c’est dans le sauvetage des enfants juifs que le « réseau » de l’hôpital Rothschild se montre le plus efficace : les nouveau-nés signalés comme mort-nés et de faux morts sont évacués de l’hôpital dans des paniers de linge sale.
L’assistante sociale, Claire Heyman, qui dirige les opérations, l’interne en pédiatrie, Colette Brull-Ulmann (juive, elle ne peut exercer qu’à Rothschild) et l’infirmière Maria Edwards Errázuriz sont particulièrement actives.
Claire Heyman cache les enfants dans la morgue, lieu sans surveillance. Elle dispose de complicités à l’intérieur de l’hôpital et de relais à l’extérieur.
De nombreux enfants juifs, munis de faux papiers et de faux certificats de baptême, sont recueillis par l’Œuvre de secours aux enfants (OSE) ou les Eclaireurs israélites de France (EIF) qui, avec le concours de prêtres, les répartissent dans différents couvents.
Mais les nazis renforcent leur surveillance, Rothschild devient, en quelque sorte, une prison.
Adultes et enfants malades sont déportés vers les centres de mise à mort.
Des membres du personnel (administratif et médical) de l’hôpital sont appréhendés et déportés.
Référence
Brull-Ulmann Colette, 2021, Les enfants du dernier salut. Livre de poche.
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Le 3 septembre 1939, l’Angleterre et la France déclarent la guerre à l’Allemagne qui a envahi la Pologne. Les jeunes Français sont mobilisés.
De nombreux étrangers, et parmi eux, des militants de la section juive de la M.O.I., s’engagent alors dans les Régiments de Marche des Volontaires Étrangers (RMVE) ou dans d’autres unités de volontaires étrangers au service de la France mais les armées restent à l’arrêt. Pendant huit mois, c’est la drôle de guerre.
L’Allemagne hitlérienne passe à l’offensive le 10 mai 1940 lors de la « bataille de France ».
Rapidement, l’armée française est en pleine débâcle. La défaite est inévitable.
Des centaines de milliers de soldats sont faits prisonniers. Dans les RMVE, un grand nombre d’étrangers, dont les Juifs immigrés, mal équipés et mal préparés, sont tués ou capturés.
L’exode est massif. Il affecte les Parisiens dès juin 1940.
À partir du 6 juin 1940, les lignes de l’armée française sont enfoncées et encerclées dans la région de Dunkerque. Plus de 300 000 soldats français et britanniques sont évacués en Grande-Bretagne. Le 10 juin 1940, l’Italie fasciste, alliée de l’Allemagne, entre en guerre et déploie des troupes dans le Alpes.
Le 14 juin, les troupes allemandes pénètrent dans Paris, déclarée « ville ouverte ».
Le 16 juin, le maréchal Pétain devient Président du Conseil.
Le 17, il appelle les Français à cesser le combat et demande l’armistice aux Allemands.
Le 18 juin, le général de Gaulle lance son Appel à la Résistance depuis Londres.
Le 22 juin, l’armistice est signé.
Les militaires ont refusé une capitulation impliquant une défaillance de l’armée française. Pétain opte pour l’armistice et attribue ainsi la responsabilité de la défaite à la classe politique. Une majorité de Français aspire à la fin des combats mais le choix de l’armistice va entraîner la France dans un régime collaborationniste avec l’occupant nazi.
Références
— Lormier Dominique, 2020, Mai-juin 1940 : les causes de la défaite – Panorama inédit des responsabilités politiques et militaires. Ed. Alisio
— Bloch Marc, 1940, l’Étrange Défaite. Ed. Gallimard
— Nord Philippe, 2017, France 1940 : défendre la République. Ed. Perrin.
(dit Richard)
(1922-2014)
Jacques Kott, né Yitshok Kott, naît le 25 décembre 1922 en Pologne, à Kalisz.
Issue d’une famille pauvre, il poursuit cependant des études jusqu’au baccalauréat et milite dans un mouvement sioniste de gauche, l’Hachomer Hatzaïr.
La famille quitte le pays en raison d’importantes difficultés matérielles et rejoint l’oncle paternel en France, à Roanne, dans les années 1937-1938.
Jacques Kott apprend le français en lisant, il s‘interroge, au détour de ses lectures, sur le mouvement communiste et prend contact avec des militants du PCF. Lors de la signature du pacte germano-soviétique, il exprime son désarroi.
Dès le début de la guerre, il souhaite rejoindre la Résistance ; il distribue des tracts dans les boîtes aux lettres, mais dès la fin 1941, il est contraint d’aller travailler la terre pour ne pas être réquisitionné dans les compagnies de travailleurs étrangers.
Kott se rend à Lyon en 1942 et retrouve des résistants. Il est l’un des protagonistes, en septembre 1942, d’une première réunion clandestine consacrée à l’union des jeunes Juifs résistants.
Leur activité consiste, entre autres actions, à imprimer des tracts et à les diffuser, devant les cinémas, lors de l’anniversaire de la bataille de Valmy (victoire de l’armée française en septembre 1792 contre la Prusse) ou, par exemple, le 11 novembre (date de signature de l’armistice en 1918).
Le groupe se charge aussi de la fabrication de faux papiers ; Jacques Kott fabrique lui-même ses premiers faux papiers au nom de Jean-Jacques Cotte.
Jacques Kott est aussi agent de liaison en zone sud : il transporte documents et armes entre Lyon, Marseille, Grenoble…
Il participe également à des sabotages, notamment des rails de tramways, et prend la parole devant les usines.
Au printemps 1943, la résistance juive communiste des zones Nord et Sud se regroupe en un seul organisme. C’est une étape décisive : l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE) est née.
Simultanément, la section juive de la M.O.I. fonde l’Union de la jeunesse juive (UJJ) et Jacques Kott en devient l’animateur, à Lyon. Les militants de la Jeunesse juive communiste (JCJ) rejoignent l’UJJ. La nouvelle organisation vise le rassemblement des jeunes Juifs, sans distinction d’opinion politique.
Kott est chargé, à Lyon, de recruter, de former et d’organiser les groupes de combat de l’UJJ auprès de l’UJRE et des FTP-M.O.I. (Francs – Tireurs et Partisans de la M.O.I.). Il s’investit dans la lutte contre les persécutions raciales et la protection de la population juive en liaison avec le Mouvement national contre le racisme (MNCR).
Il se consacre parallèlement à la rédaction et la publication du journal clandestin de l’UJJ, Jeune Combat, dont il est le rédacteur en chef.
22 numéros sortent entre la fin 1942 et juillet 1944.
Jacques Kott meurt à Paris en 2014.
Références
— Wieviorka Annette, 1986, Ils étaient Juifs, résistants, communistes. Edition Denoël
— Interview vidéo de Jacques Kott. CHRD de Lyon
— Kott, Jacques, 2013, Combattant de l’ombre : de la Résistance juive aux procès staliniens. Ed. Syllepse
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Après le Saint Empire germanique (1er Reich) et le 2ème Reich fondé par Bismarck, Hitler prend le pouvoir en 1933 et fonde le 3ème Reich dans un contexte de crise économique qui favorise son élection. Les conquêtes territoriales représentent un objectif déterminant pour le 3ème Reich. Le dessein d’Hitler (le Führer ou guide) et du national-socialisme, ou nazisme, est de museler toute opposition politique et d’étendre leur pouvoir sur l’Europe entière et même au delà.
Le 3ème Reich est à l’origine de la Seconde Guerre mondiale. Convaincus d’appartenir à une « race supérieure », les nazis montrent une soif de conquêtes inextinguible. A la fin du Reich, en 1945, ils ont presque atteint leur but avec l’occupation de la plus grande partie du continent européen. Le 3ème Reich s’appuie sur des structures redoutables : la Waffen SS (organisation de protection armée au service d’Hitler, à la tête des camps d’extermination), la Gestapo (police politique) la Wehrmacht (armée allemande) et de nombreuses autres structures administratives, militaires ou paramilitaires commandées par de hauts dignitaires nazis zélés au service du Führer.
Outre son désir hégémonique et expansionniste, le 3ème Reich, régime dictatorial et totalitaire, se caractérise par une politique raciale et eugénique. Le génocide, radical, planifié et industrialisé, exercé sur les Juifs d’Europe (6 millions de morts) et les Tziganes s’accompagne aussi de mesures discriminatoires contre les homosexuels et les handicapés. La haine d’Hitler et de tous les nazis s’étend aux intellectuels, aux artistes, aux scientifiques et à tous les opposants au régime (notamment les communistes) qui osent affronter l’idéologie du 3ème Reich et réfuter la supposée supériorité de la race aryenne germanique sur tous les autres groupes humains.
Le nazisme, après l’écrasement du 3ème Reich par la France et ses alliés, est reconnu comme un régime criminel au procès international de Nuremberg (novembre 1945-octobre 1946). Il est accusé, principalement, de crimes de guerre et de crimes contre l’Humanité.
Références
— Shirer William L. 1960, Le 3ème Reich, des origines à la chute, Tome 2. Ed. Presses de la cité
— Arendt Hannah, 1995, les origines du totalitarisme. Tome 3 : le système totalitaire. Ed du Seuil
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« Au matin du 24 août 1944, Henri Krischer, « capitaine Lamiral », responsable militaire des FTP-M.O.I. de Lyon-ville, doit, à la tête d’environ quatre-vingts hommes – issus du détachement « Carmagnole » mais aussi des groupes de combat de l’UJRE et de l’UJJ – récupérer des camions au garage de la préfecture de police située à Villeurbanne. Repéré par les Allemands, le groupe est pris sous le feu des mitrailleuses et se replie dans le centre de la ville.
Rejoints par plusieurs centaines d’habitants enthousiastes, « Lamiral » et ses hommes sont poussés à occuper divers bâtiments, dont la mairie, le central téléphonique, le commissariat… Des policiers sont désarmés, des armes récupérées, « Lamiral » part prendre conseil auprès du responsable de l’interrégion HI4 des FTP-M.O.I., le Hungaro-roumain Georges Grünfeld, « commandant Lefort ».
Ce dernier, estimant qu’il n’est plus possible de reculer et qu’un retrait serait ressenti par la population comme une faiblesse, voire une trahison, décide d’installer son poste de commandement à la mairie de Villeurbanne – qui devient dès lors le centre de l’insurrection naissante – et il constitue avec « Lamiral » une équipe de commandement.
Pendant trois jours, Villeurbanne ainsi que certains quartiers du nord-est de Lyon, se couvrent de barricades et échappent totalement à l’occupant. Différentes tentatives des troupes allemandes de reprendre l’initiative et de regagner le contrôle de cette partie de la ville, par laquelle passent certains axes qu’empruntent les troupes refluant par la vallée du Rhône, échouent.
À ces événements participent des combattants issus de toutes les organisations de la Résistance. Certes, ce sont les FTP-M.O.I. de « Carmagnole » qui se trouvent à la tête de cette insurrection mais ils agrègent autour d’eux de nombreux résistants auxquels s’ajoutent, comme dans toute situation de type insurrectionnel, un nombre important de volontaires de la dernière heure, sans doute sincèrement prêts à se battre mais ne possédant aucune formation militaire.
Le 26 août 1944, une tentative d’extension de l’insurrection à d’autres quartiers de Lyon échoue et les différents appels à l’aide du « conseil militaire » siégeant à la mairie de Villeurbanne n’ayant eu aucun effet, les insurgés négocient leur retrait. Contre la promesse allemande de ne pas mener de représailles à l’encontre de la population villeurbannaise – promesse qui sera tenue –, ils libèrent les Allemands qu’ils ont faits prisonniers et demandent à la population de démonter les barricades ; les groupes de combat de l’UJRE et de l’UJJ retournent à la clandestinité.
Villeurbanne est, avec Paris, à une échelle infiniment plus petite, la seule ville du pays à connaître une véritable insurrection populaire.
Menée par des étrangers « aux noms difficiles à prononcer », elle ne fut certes pas victorieuse mais constitue néanmoins un des seuls sursauts que Lyon « capitale de la Résistance » a connu au moment de sa libération […] ».
Référence
Claude Collin, 2006, in Dictionnaire historique de la Résistance, Ed. Robert Laffont.
(1923-2018)
Robert Endewelt naît à Paris le 26 octobre 1923 peu après l’arrivée en France de ses parents, Polonais originaires de Varsovie. Il apprend le métier de tailleur avec eux et suit des cours du soir de mécanique au Conservatoire des Arts et Métiers mais, après la mort de son père en mai 1940, il trouve un emploi dans la confection.
Dans les semaines qui suivent l’entrée des troupes allemandes dans Paris, il rejoint le groupe de jeunes communistes du 10ème arrondissement.
Dès 1941, il intègre l’Union des Jeunes Communistes Juifs de la M.O.I. (UJCJ ou JCJ), qui regroupe les jeunes issus de l’immigration d’Europe de l’Est, pour mener un combat particulier au fur et à mesure que les persécutions contre les Juifs s’intensifient. “C’est par cette branche spécifique de la M.O.I. que nous nous sommes engagés dans la Résistance nationale avec ce double objectif : agir pour la France, notre pays, et nous opposer par tous les moyens au projet d’extermination qui menaçait nos familles”… écrira-t-il.
En juin 1942, Robert Endewelt entre dans la clandestinité sous le nom de Gabriel Rapert, Gaby. Il devient membre du triangle de direction de l’UJCJ à Paris et en grande banlieue et prépare avec Henri Krasucki et Madeleine Wileszenski le passage des jeunes aux FTP-M.O.I.
Il participe en mai 1943 à la fondation de l’UJJ (Union de la Jeunesse Juive qui regroupe de jeunes Juifs désireux de se battre contre l’occupant, quelles que soient leurs options politiques). Après l’arrestation d’une cinquantaine de jeunes communistes juifs par les Brigades spéciales, Robert Endewelt-Gaby devient le responsable de l’UJJ en région parisienne jusqu’à la Libération.
Au printemps 1944, il est l’un des organisateurs des Milices patriotiques juives. Lors de l’insurrection d’août 1944, ils sont ainsi environ 200 jeunes à participer aux combats pour la libération de Paris.
Engagé volontaire dans le bataillon FFI 51/22, au sein de la compagnie Rayman, Robert Endewelt termine la guerre en Allemagne dans un régiment de tirailleurs algériens.
Jusqu’à sa mort, à Paris, le 17 octobre 2018, Il se consacre, au sein de plusieurs associations, au travail de mémoire de la Résistance.
Références
— AACCE (Association des amis de la Commission centrale de l’enfance), 2009, Les Juifs ont résisté en France (1940-1945). Ed. AACCE
— ANACR (Association nationale des anciens combattants de la Résistance) sous la direction de Robert Endewelt et de René Le Prévost, 2005, La Résistance dans le 19ème arrondissement de Paris. Ed. Le Temps des cerises.
— Photo : Le Maitron (DR)
(1890-1970)
Charles de Gaulle, futur général de Gaulle, naît le 22 novembre 1890 à Lille.
Charles de Gaulle, formé à l’école militaire St Cyr, entame sa carrière d’officier pendant la Première Guerre mondiale. Il est blessé lors de la bataille de Douaumont et prisonnier de guerre entre mars 1916 et novembre 1918.
Après les hostilités, de Gaulle rédige plusieurs ouvrages militaires dont le plus polémique est consacré à la modernisation de l’armée.
En 1937, de Gaulle est colonel. Il s’illustre au cours de la bataille de France en mai 1940. Promu général le 1er juin. Il devient sous-secrétaire d'État à la guerre et à la Défense nationale, dans le cabinet de Paul Reynaud, du 6 au 16 juin 1940.
Le 16 juin, Reynaud démissionne et est remplacé par Pétain qui signe l’armistice avec l’Allemagne.
Le lendemain, 17 juin, de Gaulle refuse l’armistice et s’exile à Londres.
Le 18 juin, il lance à la radio anglaise BBC son Appel aux Français qui les exhorte à résister à l’occupant et à rejoindre le gouvernement de Résistance extérieure de la « France libre ».
Le Premier ministre britannique, Winston Churchill, reconnaît le général de Gaulle comme chef de la « France libre ».
De Gaulle crée des unités armées, les Forces françaises libres (FFL), est alors condamné à mort par contumace et déchu de la nationalité française par Pétain et son gouvernement collaborationniste replié à Vichy.
Le résistant de Gaulle, désormais apatride, fonde en 1943, le Comité français de la Libération Nationale (CFLN), qui deviendra le Gouvernement provisoire de la République française.
La même année, pour une plus grande efficacité du combat contre l’occupant, Jean Moulin, délégué du général de Gaulle en France, parvient, après de grandes difficultés, à unifier la Résistance intérieure : le Conseil National de la Résistance (CNR), créé le 27 mai 1943, rassemble les forces démocratiques du pays, des communistes à la droite républicaine. Son programme, officialisé le 15 mars 1944, présente des avancées sociales inspirées des valeurs communistes.
En 1944, de Gaulle, reconnu comme chef incontesté de la Résistance, devient le président du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) jusqu’en 1946.
L’action de de Gaulle, pendant la guerre, permet à la France de figurer aux côtés des alliés, vainqueurs du nazisme.
Mais, la guerre terminée, le général minore la politique collaborationniste du régime de Vichy. Le mythe d’une France résistante unie, antinazie, est développé par le GPRF qui s’approprie l’ensemble de l’épopée nationale combattante. L’action des résistants juifs immigrés de la M.O.I. est marginalisée, voire occultée et la réalité des camps de la mort ignorée.
Le général de Gaulle est président de la République française de 1959 à 1969. Il meurt en 1970.
Références
— Agulhon Maurice, 2000, De Gaulle : histoire, symbole, mythe, Paris, Plon.
— Crémieux-Brilhac Jean-Louis, 1996, La France libre : de l’appel du 18 juin à la Libération, Paris, Gallimard, coll. « La suite des temps ».
— Lacouture Jean, 1984, De Gaulle : Le Rebelle, 1890-1944, Vol. 1 Paris, Éditions du Seuil.
(dit Simon Maujean, dit Faculté, dit Michel, dit Michel Mieczlav)
(1923-1944)
Né en Pologne, à Varsovie, Marcel Rajman arrive en France en 1931. Il vit avec ses parents à Paris, rue des Immeubles industriels dans un logement du 11ème arrondissement. À dix ans, il entre aux « Pionniers » et au club sportif ouvrier Yask créés par la section juive de la M.O.I. (Main-d’œuvre immigrée). A 15 ans, il passe son brevet et, en famille, exerce le métier de tricoteur.
Dès le début de l’Occupation il participe clandestinement au collage d’affiches et à la distribution de tracts et de papillons. Il devient responsable des J.C., Jeunes communistes, du 11ème arrondissement puis milite dans l’organisation de la Jeunesse communiste juive (JCJ).
En août 1941, au cours d’une des rafles de Juifs parisiens, Marcel assiste à l’arrestation de son père dont il apprend rapidement la déportation. Profondément choqué, il demande, en 1942, à être recruté dans le deuxième détachement, le détachement juif des FTP-M.O.I. (Francs -tireurs et partisans de la M.O.I.). Il devient formateur pour l’ensemble des FTP-M.O.I. et entraîne les nouveaux combattants, dont l’Arménien Missak Manouchian.
Dans les six premiers mois de 1943, les FTP-M.O.I. parisiens perpètrent 92 attentats, dont un peu moins de la moitié sont des attaques directes extrêmement risquées
Marcel Rajman est très recherché lors des filatures menées par les Brigades spéciales.
À partir de juin 1943, avec Leo Kneler, Spartaco Fontano et Celestino Alfonso, il fait partie des quatre combattants composant l’ « Équipe spéciale » en charge des actions les plus spectaculaires et dangereuses contre l’occupant. Il en devient le responsable militaire.
L’Équipe spéciale tente, notamment, le 28 juillet, un attentat contre le commandant du Grand-Paris, le général von Schaumburg. C’est un échec. Mais le 2 8 septembre 1943, elle abat Julius Ritter, responsable nazi du Service du travail obligatoire STO), en France. L’action a été minutieusement préparée par le service de Renseignement des FTP-M.O.I. de Paris.
En 1943, Marcel Rajman est repéré par la police sous sa véritable identité. Il est arrêté par les Brigades Spéciales, le 16 novembre 1943, lors d’un rendez-vous avec Olga Bancic, autre membre des FTP-M.O.I. Pendant trois mois, il est sauvagement torturé.
Il est inculpé dans le procès des 23 FTP-M.O.I. qui se déroule les 17 et 18 février 1944. Son nom et sa photographie figurent sur « l’Affiche rouge » réalisée par les Allemands, avec pour légende : « Rayman-Juif polonais-13 attentats. » Le tribunal militaire allemand le condamne à mort. Il est fusillé au fort du mont Valérien le 21 février 1944 avec 21 membres du « groupe Manouchian ». Il a 20 ans.
Le 20 février 1994, un square portant son nom est inauguré dans le 11ème arrondissement de Paris.
Références
— Diamant David, 1984 Combattants Héros et martyrs de la Résistance Édition Renouveau
— Le Maitron : notice de Daniel Grason
— Arch. PPo. 77W 3460, GB 137 BS2, PCF carton 15 rapport hebdomadaire des Renseignements généraux
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En novembre 1941, les institutions juives doivent s’affilier à l’Union générale des Israélites de France (UGIF) fondée par Vichy sur demande des nazis. Les Éclaireurs israélites de France (EIF), créés en 1923 par Robert Gamzon, constituent la 6ème section de la direction de l’UGIF spécialisée dans les questions de jeunesse.
Elle est officiellement nommée Service social des jeunes.
Après les nombreuses rafles dans les zones Nord et Sud, la 6ème devient une organisation de Résistance clandestine chargée de cacher des adolescents juifs (les jeunes de moins de 15 ans sont pris en charge par le réseau Garel de l’OSE). Institutions religieuses, internats, familles, particuliers, planques sûres, sont cherchés et mis à disposition des sauveteurs pour des enfants munis de faux papiers. Leur fabrication devient une des principales activités des EIF. Nombre d’associations de la Résistance en bénéficient. La « 6ème » agit en zone Nord et en zone Sud où son quartier général est fixé à Moissac, dans le Tarn.
Après les grandes rafles d’août 1942 en zone dite libre, de nombreuses arrestations ont lieu dans les fermes, les maisons et les camps gérés par les EIF.
Désormais totalement clandestins, les EIF travaillent en étroite collaboration avec le réseau du MJS (Mouvement des jeunes sionistes), le réseau Garel et le réseau André de Joseph Bass.
En janvier 1943, le chef du Commissariat général aux questions juives, Darquier de Pellepoix, donne l’ordre de dissoudre les EIF. Plusieurs responsables sont exécutés.
Le passage des EIF à la Résistance armée a lieu en novembre 1943 avec la création du maquis de la Montagne noire près de Vabre dans le Tarn, leur deuxième quartier général. Les jeunes EIF y sont chargés de la réception des parachutages, très fréquents dans le secteur.
Le 19 août 1944, la compagnie Marc Haguenau (du nom du secrétaire général des EIF, responsable du Service social, assassiné par la Gestapo pendant une tentative d’évasion) participe à la prise d’un train blindé de l’armée allemande entre Mazamet et Castres. Deux jours plus tard, elle s’implique dans la libération de Castres. En septembre, elle rejoint la 1ère Armée française du général de Lattre de Tassigny et est présente dans la bataille finale en Allemagne. La « 6ème » a participé à la Libération de la France et sauvé un grand nombre d’enfants juifs de la déportation mais beaucoup de ses membres ont été torturés, fusillés, déportés.
Référence :
Hersco Tsilla, avec le concours de Lucien Lazare. 2006, Organisation juive de combat. France 1940-1945. Ed. Autrement.
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À partir des grandes rafles de 1942 (à Paris ou en zone Sud, dite « libre ») qui indignent les Français, la solidarité avec les Juifs persécutés se manifeste chez certains (individus, familles, villages) ou au sein de réseaux de Résistance.
Les personnes qui ont « risqué leur vie pour sauver des Juifs en tout désintéressement » sont honorées par l’Etat d’Israël qui, depuis 1953, a officiellement décerné le titre de « Justes parmi les nations » à plus de 4000 personnes en France et 27000 en Europe.
Le terme « Juste » est emprunté à judaïsme, il désigne, en l’occurrence, toute personne non-juive qui incarne la justice face aux crimes antisémites nazis.
À Jérusalem, un secteur du site mémoriel Yad Vashem consacré à la Shoah, rend hommage aux « Justes ».
À Paris, le Mémorial de la Shoah et le Panthéon honorent les « Justes » français qui, s’ils sont minoritaires dans la population, ont néanmoins permis de réduire considérablement le nombre de Juifs de France exterminés.
Aux côtés des individus, des organisations non-juives (catholiques, protestantes, laïques) conçoivent des filières et protègent les Juifs et, en particulier les enfants. Elles opèrent souvent en coopération avec des organisations juives.
En groupes, en famille ou seuls, les « justes » n’hésitent pas à se mettre en danger.
Les Juifs, et principalement les enfants juifs, sont « cachés » dans la France entière. Les familles d’accueil sont recrutées par les organisations et les mouvements de Résistance au coeur de la population anti-collaborationniste. Les sauveteurs des Juifs offrent une grande variété de profils : paysans, cheminots, employés, enseignants, résistants ou pas. Des « passeurs » résistants permettent aux Juifs de gagner la zone dite « libre » avant 1942.
Au sud de la France, dans les départements à majorité protestante, la tradition de protection et d’accueil s’appuie sur la solidarité locale. Le Chambon- sur- Lignon (en Haute-Loire), par exemple, est déclaré « village de Justes ». L’action des pasteurs y a été déterminante comme dans d’autres localités.
Un réseau des « villes et villages des Justes de France » rassemble les collectivités locales de plusieurs régions de France qui ont sauvé des Juifs.
De nombreux « Justes » demeurent encore anonymes mais des personnes, des couples, des familles sont honorés chaque année. Ils reçoivent, à titre posthume, la distinction de « Justes parmi les nations ».
Référence
Cabanel Patrick, 2012, Histoire des Justes en France, Ed. Armand Colin
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Après la manifestation nationaliste, xénophobe et antisémite, du 6 février 1934, la riposte s’organise. Dans le 11ème arrondissement de Paris, les progressistes juifs élèvent des barricades.
Louis Gronowski, alors rédacteur en chef de La Naïe Presse, quotidien juif progressiste en yiddish, émanation de la section juive de la M.O.I., salue l’unité d’action à gauche et le combat commun « contre le nazisme allemand et le fascisme français ». Les intellectuels antifascistes constituent un Comité de vigilance et les organisations ouvrières juives fondent la section juive du Comité.
Les partis de gauche soulignent l’importance des travailleurs immigrés dans l’essor de l’économie. Une grande manifestation rassemble, le 14 juillet 1935, communistes, socialistes et radicaux. Les organisations ouvrières juives appellent tous les Juifs à défiler.
Le 9 octobre 1935, à l’initiative de la section juive de la M.O.I. et de la LICA (Ligue Internationale Contre l’Antisémitisme) le « Mouvement populaire juif »est créé et regroupe des tendances diverses, des communistes à la droite républicaine. L’événement est historique selon les observateurs. Les militants, ouvriers ou étudiants, s’organisent dans tous les domaines.
Les artistes et les intellectuels juifs animent l’Université ouvrière et mènent des débats sur tous les sujets.
Le bouillonnement intellectuel et social des Juifs immigrés est intense mais l’hostilité de la mouvance conservatrice des Israélites (Juifs français de longue date) demeure malgré la menace fasciste.
Les lois antisémites de Nuremberg, en septembre 1935, modifient les comportements des deux côtés. Les progressistes juifs immigrés d’Europe de l’Est se rapprochent des Juifs français qui souhaitent une alliance.
À l’appel régulier de La Naïe Presse, les « masses juives » s’insurgent contre l’injustice sociale. Elles participent avec une grande détermination à l’incessante lutte antifasciste, depuis la manifestation du 9 février 1934 contre l’extrême droite jusqu’à la bataille des élections démocratiques de mai 1936 et à l’engagement armé en faveur de la République espagnole.
Le Congrès mondial pour la défense de la culture juive qui se tient à Paris en 1937 a pour objectif majeur la lutte contre l’antisémitisme et le fascisme grandissants.
Références
— Album du 20ème anniversaire de la Presse Nouvelle (Naïe Presse) 1934-1954,1954, Edition La Presse Nouvelle
— Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions sociales
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La main-d’œuvre en France a été décimée lors de la Première Guerre mondiale et de grandes vagues d’immigration viennent pallier les besoins. À la M.O.I., les étrangers sont réunis par nationalités dans des groupes de langue. Aux côtés des Espagnols, Italiens, Arméniens, Polonais..., il existe un groupe très important composé de Juifs de différentes nationalités d’Europe de l’Est unis par une langue commune, le yiddish. Cette organisation respecte la spécificité de ses membres qui, en même temps, militent dans les cellules d’entreprises ou de quartier du Parti communiste français. Ainsi, leur intégration dans la société française est-elle facilitée. Des militants de la M.O.I. seront nombreux dans les Brigades Internationales en Espagne, puis joueront un rôle important dans la Résistance durant l’occupation nazie en France.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel,1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions sociales
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En Allemagne, Hitler est nommé chancelier le 30 janvier 1933. Dès le 12 février, Göring dirige la police prussienne et, le 28 avril, crée la Gestapo, autorisée à agir sans restriction, à pratiquer arrestations secrètes, détentions à perpétuité et internements en camp de concentration, sans chef d’accusation et sans procès, sans preuve, et hors contrôle de toute juridiction. Tous les États allemands sont concernés. Dirigée de 1935 à 1945 par Heinrich Müller, la Gestapo est organisée en six départements, chacun disposant de plusieurs sections. La section B4, dirigée par Adolf Eichmann, organisera l’extermination des Juifs d’Europe.
Le 17 juin 1936, Himmler est nommé chef de la SS (Schutzstaffel). Le 27 septembre 1939, l’ensemble des services de police (Gestapo, SD, Kripo, SS) est regroupé dans l’Office central de la sécurité du Reich, RSHA), placé sous la direction de Heydrich. Tous les officiers supérieurs intègrent la SS, principale organisation du régime nazi, totalement dévouée à Hitler. Le 31 juillet 1941, Heydrich lance l’opération Reinhard pour planifier l’extermination de deux millions de Juifs polonais.
À Paris, la Gestapo, dont le siège se situe rue des Saussaies, est d’abord dirigée par Kurt Lischka. Ses 3500 policiers bénéficient de la collaboration de 6000 agents français et des délations de 24 000 mouchards. En avril 1942, dans les territoires occupés, les pouvoirs de police passent des militaires au général de police SS, Carl Oberg. La torture est généralisée et pratiquée, entre autres exemples, par le chef de la Gestapo de Lyon, Klaus Barbie, tortionnaire de Jean Moulin.
De nombreux résistants sont torturés par les gestapistes.
Dirigée par Lafont et Bonny, l’une des officines de la Gestapo française, installée rue Lauriston dans le 16ème arrondissement de Paris, est responsable de nombreuses exactions. Ce groupe rassemble des truands et d’anciens policiers véreux. Leurs liens avec l’occupant leur permettent de nombreux trafics, notamment en pillant les biens juifs.
Références
— Delarue Jacques, 1996, Histoire de la Gestapo, Fayard,.
— Höne Heinz, 1972, L’ordre noir, Histoire de la SS, Tournai, Casterman.
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Après l’invasion allemande en zone sud, les troupes d’Occupation entrent dans Marseille le 12 novembre 1942.
Dès lors, la Résistance armée s’intensifie, le 3 janvier des explosifs sont jetés au sein de l’hôtel Splendide, très fréquenté par les Allemands.
Simultanément, une maison de tolérance réservée aux troupes d’occupation est détruite. Les habitants des quartiers populaires sont soupçonnés.
Himmler (principal responsable de la mise en application de la « solution finale de la question juive ») ordonne l’arrestation des « criminels de Marseille » (Juifs et étrangers), leur déportation vers l’Allemagne avec un chiffre fixé à 8000 personnes et la destruction de leur quartier.
La contribution de la police française et de la « garde mobile de réserve » est requise.
Pour la participation française à l’opération, la rafle est placée sous l’autorité de René Bousquet, secrétaire général de la police du régime de Vichy, mandaté par Pierre Laval, chef du gouvernement.
Bousquet obtient des renforts policiers (1200 hommes) et propose d’élargir l’opération à toute la ville.
Les 22 et 23 janvier 1943, le quartier du Vieux-Port est bouclé, les maisons sont fouillées pendant 36 heures, près de 6000 personnes sont arrêtées avec brutalité. Environ 4000 sont relâchées, mais 1642 sont envoyées, dès le 24 janvier, au camp de transit de Royallieu-Compiègne.
782 Juifs, dont 570 de nationalité française, partent directement pour le camp de transit de Drancy, puis seront déportés le 23 et le 25 mars vers Sobibor.
Le 24 janvier 1943, les autorités, xénophobes, cible les Arméniens, les Italiens et les Africains.
25000 habitants sont évacués, 5000 s’échappent. Parmi les 20000 personnes envoyées au camp militaire de Fréjus, les Allemands en extraient 800, issues de familles italiennes, corses marseillaises (et juives qui ont échappé à la première étape de la rafle), auxquelles s’ajoutent 600 suspects. Tous sont déportés au camp de concentration de Sachsenhausen.
100 personnes, à peine, survivront.
L’opération « Sultan » est achevée. Les Allemands, du 1er au 17 février 1943, rasent entièrement le cœur populaire de Marseille, surnommé par les nazis« la verrue de l’Europe » : 1494 immeubles sont démolis, laissant place à des amoncellements de ruines.
Références
— Rajsfus Maurice, 1995, La Police de Vichy : Les forces de l’ordre françaises au service de la Gestapo, 1940-44. Ed. Le Cherche Midi
— Richardot Robin, 2021, À Marseille, la rafle oubliée du Vieux-Port. Le Monde.
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À partir de 1939, les nazis jouent un rôle décisif dans la ghettoïsation des Juifs de Pologne. La solution finale est envisagée au printemps 1941 par Hitler entouré de Göring, Himmler et Heydrich, hauts dignitaires nazis. Les Einzatsgruppen, groupes d’intervention mobiles, sont chargés, en Europe de l’Est, des massacres de masse (ou Shoah par balles) première étape de la liquidation physique de Juifs. En janvier 1942, lors de la Conférence de Wannsee, Heydrich réunit 14 représentants de diverses administrations pour mettre en œuvre “la solution finale de la question juive”. L’expression est officialisée.
Il s’agit de l’extermination planifiée de tous les Juifs à l’échelle européenne. Le projet inclut également les Juifs d’Afrique du Nord et de la côte orientale de la Méditerranée.
Cette conférence consacre Heydrich comme responsable du processus de destruction des Juifs.
L’utilisation du gaz asphyxiant dans des camions spéciaux ou dans les camps d’extermination et la construction des fours crématoires accélèrent les processus de mise à mort.
Shoah, holocauste, destruction, extermination sont des termes couramment employés comme synonymes de la « solution finale de la question juive » dont le bilan s’élève à 5.700.000 morts.
Référence
Bruttmann Tal, Tarricone Christophe, 2020, Les 100 mots de la Shoah, Que Sais-je ? Éditions PUF (Fiches thématiques du Mémorial de la Shoah).
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La persécution anti-juive, le pillage des ressources du pays et les exécutions d’otages pour briser la Résistance poussent les militants syndicalistes juifs à inventer une nouvelle forme de lutte.
À l’extérieur, l’Allemagne nazie est en guerre contre l’URSS depuis la rupture du pacte de non-agression en juin 1941.
Dès le mois de septembre 1941, les militants syndicalistes élaborent un premier plan d’action visant les biens destinés aux troupes allemandes.
Les jeunes Juifs communistes s’emploient à convaincre les travailleurs juifs de l’importance du sabotage.
Les dangers de ces opérations sont évidents mais l’action s’étend vite à tous les secteurs d’activité.
Les tricoteurs, par exemple, fabriquent des manches trop courtes, des ouvertures impraticables.
Les ouvriers gantiers produisent des doigts de gant rétrécis, des pouces du mauvais côté…
En décembre 1941, ils déclenchent une grève générale qui dure quatre semaines : l’objectif réel de la grève cible les Allemands qui perdent 160 000 paires de gants.
Des actions sur les machines sont menées dans les grandes entreprises. Des pièces essentielles des moteurs sont subtilisées ou détériorées, les installations électriques sont détruites.
En cet hiver 1941-1942, le sabotage des ateliers de fourrure est vital. Les vêtements chauds à destination des soldats allemands doivent être acheminés vers le front où sévit un froid glacial. Les ouvriers fourreurs juifs se voient remettre des Ausweis, certificats spéciaux qui les protègent provisoirement des arrestations et de la déportation mais ils sabotent leur production.
De petites boîtes explosives sont très répandues, au sein des ateliers, dans toutes les corporations ; elles provoquent des incendies qui détruisent les marchandises.
En juin 1942, lors d’une de ces actions, deux jeunes résistants juifs sont arrêtés par les nazis et fusillés en juillet. D’autres combattants sont emprisonnés.
L’engagement ne faiblit pas, de nombreux jeunes travailleurs juifs immigrés issus des ateliers ou des entreprises rejoignent les rangs de la section juive la M.O.I. dans sa lutte civile ou armée.
Références
— Recueil commémoratif consacré aux militants immigrés juifs de la CGT tombés dans la lutte contre le fascisme. Combattants de la liberté, 1948, Paris, Éd. de la Commission Intersyndicale Juive auprès de la CGT
— Les Juifs ont résisté en France (1940-1945), 2009, témoignage de Robert Endewelt. Éd. de l’AACCE.
(1883-1965)
Paul Vergara, naît le 8 avril 1883 à Marseille. Il est pasteur à Pouzauges en 1910 puis à l’Oratoire du Louvre de 1933 à 1954.
Les 10 et 11 février 1943, une importante rafle vise les Juifs apatrides dans tous les arrondissements de la capitale et en banlieue. Elle cible d’abord les enfants rassemblés à l’Union générale des Israélites de France (l’UGIF), structure sous contrôle des nazis et du gouvernement de Vichy. Cette rafle est organisée par la police française pour, officiellement, donner des gages aux nazis et éviter la déportation des Juifs français.
En réaction, le 12 février, Suzanne Spaak, résistante protestante, une des responsables du Mouvement national contre le racisme (MNCR), créé par la section juive de la M.O. I, prend alors contact avec le pasteur Paul Vergara, connu pour ses prêches de soutien aux Juifs.
Une action spectaculaire de sauvetage des enfants, encore regroupés à l’UGIF, rue Lamarck et rue Guy Patin à Paris, est menée conjointement par le MNCR, l’Œuvre du Temple de l’Oratoire du Louvre et l’Union des Femmes juives (UFJ). Marcelle Guillemot, assistante sociale, est directrice du centre médico-social et patronage « La Clairière » qui dépend de l’Oratoire du Louvre.
Paul Vergara et M. Guillemot distribuent aux fidèles protestants, lors de l’office, une circulaire les invitant à se présenter à l’UGIF et à proposer d’emmener un enfant juif « en promenade » pendant une journée. En fait, les enfants, de 3 à 18 ans, sont conduits à « La Clairière ». Pour le voisinage, ils sont censés être de jeunes réfugiés orphelins, victimes des bombardements. De fausses identités sont établies.
Suzanne Spaak constitue une liste de familles désireuses d’accueillir un enfant.
À partir du 15 février 1943 et les jours suivants, tous les enfants extraits de l’UGIF, et d’autres enfants juifs du quartier d’origine étrangère, sont rassemblés à « La Clairière » avant d’être répartis dans les familles d’accueil. Le 16 février, la Gestapo découvre le subterfuge mais les 63 enfants juifs pris en charge sont déjà en sûreté. Suzanne Spaak est écrouée à la prison de Fresnes et fusillée en 1944. Marcelle Vergara, l’épouse du pasteur, est également internée à Fresnes mais elle échappe à la mort. Paul Vergara et Marcelle Guillemot ont pu s’enfuir, chacun vers un lieu différent. Traqué par la Gestapo, le pasteur Vergara se cache jusqu’à la Libération.
Paul Vergara est l’auteur de plusieurs textes de réflexion sur le christianisme.
Suzanne Spaak (à titre posthume), le pasteur Vergara, sa femme Marcelle puis Marcelle Guillemot ont été reconnus en tant que “Justes parmi les nations ».
Références :
— Thoraval Anne, 2007, Lieux de Résistance à Paris, Ed. Parigramme
— Photo : coll. particulière (DR)
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En juillet 1942, les arrestations d’enfants juifs commencent en zone occupée et se poursuivent en août dans la zone dite “libre”.
La dispersion des maisons de l’OSE est à l’ordre du jour pour les enfants qui n’y sont plus à l’abri. A la demande du Dr Joseph Weill, directeur médical de l’OSE, Georges Garel, inconnu des autorités parce qu’il n’a jamais été en relation avec les organisations juives avant le sauvetage de “la nuit de Vénissieux” (août 1942), conçoit et met en place, fin août, un réseau clandestin de sauvetage d’enfants.
Ce réseau est constitué de deux « circuits » dans la zone Sud divisée en quatre régions. Le « circuit », officiel, de la résistante Andrée Salomon, est l’interface avec la Direction légale de l’OSE devenue la Direction santé de l’Union générale des israélites de France (l’UGIF) fondée sur demande des nazis.
Le deuxième « circuit » est clandestin : avec l’aide d’assistantes sociales, les enfants quittent les maisons de l’OSE. Une nouvelle identité leur est donnée. Ils sont ensuite confiés au réseau Garel.
Des lettres de Mgr Saliège, archevêque de Toulouse, et de Mgr Théas, évêque de Montauban, ouvrent à Georges Garel les portes des institutions religieuses.
Le « circuit » d’Andrée Salomon maintient les liens avec les familles. Dans le « circuit » Garel, des assistantes sociales non juives, ayant une couverture professionnelle « irréprochable » pour les nazis, gardent le contact avec les enfants, assurent leur entretien matériel, leur sécurité et leur réconfort moral.
Plus de 1.500 enfants sont ainsi cachés.
Leur identité réelle ne peut être découverte. Des listes et des codes sont déposés à des endroits différents.
À partir d’avril 1943, l’OSE organise le départ de plus de 1.000 enfants en Suisse sous la responsabilité de Georges Loinger, aidé de Jean Duffaugt, maire d’Annemasse, qui trouve des passeurs sûrs. Les enfants convoyés en Suisse sont ceux qui refusent de vivre dans des familles non juives ou non religieuses, ou sont incapables d’assumer leur fausse identité. Ils sont pris en charge par l’Union-OSE installée à Genève.
En 1943, le réseau Marcel -ou réseau Abadi-, est conçu, dans la région de Nice, sur le modèle du réseau Garel.
Nombre de membres de l’OSE ont été assassinés ou déportés pour avoir participé à ces actions qui n’auraient pu réussir sans le concours d’associations protestantes et juives américaines, sans l’aide de la” 6ème” (Éclaireurs Israélites de France) du MJS (Mouvement des jeunes sionistes), du MNCR (Mouvement National contre le racisme) de l’UJRE (l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide), des Amitiés Chrétiennes, de l’Association protestante, la Cimade et de nombreux « Justes ».
Référence
Garel Georges (Ouvrage avec la participation de Katy Hazan) 2012, Le sauvetage des enfants juifs par l’OSE,. Ed. Le Manuscrit. Collection Témoignages de la Shoah.
(dite Thérèse)
(1908-2001)
Techka (ouTeschka) Tenenbaum, de son vrai nom Tauba Forszteter, naît en Pologne le 15 mai 1909 à Ostrowiec.
Elle fuit l’antisémitisme et se réfugie en France.
Très vite, elle milite, à Paris, au syndicat de la confection pour dames.
Début septembre 1940, six semaines après le début de l’Occupation, elle participe, avec plusieurs responsables de la section juive de la M.O.I., au 54 rue Custine, dans le 18ème arrondissement de Paris, à la première réunion de « Solidarité » (organisation clandestine juive dont la tâche immédiate est d’apporter une aide matérielle aux familles de combattants et de prisonniers de guerre).
Parallèlement à « Solidarité », qui va jouer un rôle majeur dans la Résistance, et en étroite liaison avec elle, l’Union des femmes juives (UFJ) se constitue sous l’impulsion de quelques militantes (notamment Techka Tenenbaum elle-même et Sophie Schwartz).
Techka, dite aussi Thérèse, est très vite cooptée à la direction de la M.O.I. à Paris.
À l’été 1942, sous sa direction, des femmes, dont 60 militantes chrétiennes se rassemblent au métro Jaurès et gagnent le camp de Drancy chargées de colis pour les femmes et les enfants internés. Le commandant du camp refuse les colis mais, devant l’ampleur des protestations de ces femmes qui trouvent un écho à l’intérieur du camp, il cède.
Fin août 1942, après la rafle du Vel ‘d’Hiv’, Techka Tenenbaum est à la tête d’une manifestation de femmes juives et non juives devant le camp de Drancy pour exiger la libération immédiate des enfants, des vieillards et des malades.
Le 11 septembre, elle participe, à Paris, à un rassemblement devant la Direction du service des prisonniers de guerre pour réclamer une garantie de non-déportation et de non-internement pour les familles des prisonniers.
L’Union des femmes juives organise, avec le Mouvement national contre le racisme (MNCR) le 16 février 1943, le sauvetage de 63 enfants juifs, rassemblés dans un centre de l’Union générale des Israélites de France (l’UGIF) et menacés de déportation. Les enfants sont exfiltrés du centre de la rue Lamarck à Paris et confiés, par l’intermédiaire du pasteur Paul Vergara et de l’assistante sociale Marcelle Guillemot, à de nombreuses femmes protestantes chargées de cacher ces enfants puis de les confier à des familles d’accueil.
Au printemps 1943, Techka Tenenbaum participe à la création de l’UJRE (Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide).
Elle est ensuite envoyée en mission dans l’Est de la France et remplit les fonctions de responsable interrégionale de la M.O.I.
Le 6 janvier 1944, elle est déportée au camp de concentration de Ravensbrück.
À la Libération, elle devient permanente de l’UJRE avant de regagner la Pologne, avec son compagnon, le résistant Idel Korman, co-fondateur, comme elle, de l’UJRE.
Elle rentre en France et meurt à Paris le 13 décembre 2001.
Références
— Diamant David, 1971, Les juifs dans la Résistance française (1940-1944). Ed Le Pavillon, Roger Maria Editeur
— Collectif AACCE, 2009 Les Juifs ont résisté en France. Ed. AACCE
— Ravine Jacques, 1973, La Résistance organisée des Juifs en France. Ed Julliard
— Photo (DR)
(1899-1943)
Jean Moulin, dit Rex dans la clandestinité, naît à Béziers le 20 juin 1899. Son père, enseignant, est un républicain engagé. Jean Moulin souhaite se consacrer à l’art (il dessinera jusqu’à sa mort) mais sa famille l’oriente vers le droit.
En 1936, chef de cabinet de Pierre Cot, ministre de l’Air pendant le Front populaire, il appuie l’aide à la République espagnole en danger.
Il est nommé l’année suivante, à 38 ans, préfet de l’Aveyron puis, en 1939, préfet d’Eure-et-Loir. Dès le début de l’Occupation, et malgré la réserve liée à la fonction préfectorale, il se montre hostile à la collaboration d’Etat et s’oppose violemment aux forces occupantes ; il soutient les 105 tirailleurs sénégalais qui, à Chartres, ont résisté courageusement aux Allemands.
Le 2 novembre 1940, Pétain, chef de l’Etat français collaborationniste, révoque ce préfet anti-vichyste.
Jean Moulin rejoint la Résistance. : il entre en relation avec les fondateurs des mouvements du Sud de la France et gagne Londres. Sa rencontre avec le général de Gaulle, chef de la « France libre » est décisive. Jean Moulin plaide la cause de la Résistance intérieure et la nécessité de l’équiper en armes. De Gaulle fait de Jean Moulin son représentant en France, à la fois personnel et politique.
Moulin s’emploie à coordonner et à « militariser » les actions de Résistance des 3 mouvements du Sud d’obédience gaulliste : il crée les Mouvements Unis de Résistance (MUR) et préside, en novembre 1942, un directoire qui réunit les chefs des mouvements, Henri Frenay (« Combat »), Emmanuel d’Astier de la Vigerie (« Libération ») et Jean-Pierre Lévy (« Franc-tireur »). Les MUR sont basés à Lyon,
l’ « Armée secrète » est constituée et commandée par le général Delestraint.
Lors du débarquement des alliés en Afrique du nord, le 8 novembre 1942, de Gaulle est évincé au profit du général Giraud. Jean Moulin regagne Londres et convainc le Général de la nécessité d’un organisme unificateur de tous les mouvements de Résistance.
À Paris, Moulin s’attèle à la tâche, les négociations sont âpres mais il est opiniâtre et le 8 mai 1943, le Conseil national de la Résistance (CNR) est né.
Tous les mouvements de Résistance des zones nord et sud, les syndicats et les partis politiques, des communistes à la droite républicaine, sont représentés.
Le programme du CNR s’appuie sur des valeurs inspirées par les communistes et se caractérise, notamment, par d’importantes avancées sociales.
À travers son délégué, Jean Moulin, de Gaulle est reconnu comme chef incontesté de la Résistance.
Malgré ses précautions, Jean Moulin est appréhendé à Caluire par Klaus Barbie, chef de la Gestapo, dit le « boucher de Lyon ». Moulin se tait sous la torture et il meurt officiellement le 8 juillet 1943, à Metz, dans un train à destination de l’Allemagne.
Références
— Cordier Daniel, 2011, Jean Moulin, la République des catacombes. Ed. Gallimard
— Photo : Musée Jean Moulin. Paris
Marceau Vilner, militant juif communiste M.O.I., fondateur de la Presse nouvelle hebdomadaire (PNH) témoigne :
« Au mois de septembre 1943, furent conduits d’Auschwitz à Varsovie deux mille déportés juifs français, belges, hollandais et grecs. J’étais du convoi. Quand nous descendîmes du train, dans une gare à la limite du ghetto, à l’aube, une image effroyable s’offrit à nos yeux. De toutes les maisons, étrangement déchiquetées, ne restaient debout que les murs extérieurs. Lits, briques et ferrailles se trouvaient projetés sur la chaussée Chaque maison, vidée, consumée par le feu, offrait un aspect différent […] Quelques débris fumaient encore.
Nous fûmes parqués dans un camp de concentration, au cœur du ghetto. Notre travail consistait à démolir une par une ces ruines, à nettoyer les briques et à récupérer la ferraille. Ces dizaines de millions de briques et ces centaines de milliers de poutres devaient être acheminées vers l’Allemagne comme butin de guerre.
Au premier contact de ces ruines, nous sûmes que, dans les constructions souterraines savamment dissimulées, il y avait encore des survivants. Une brigade spéciale de S.D. était chargée de découvrir les abris et de fusiller les survivants, afin de ne laisser aucune trace, aucun témoin.
Le troisième jour, un camarade avait fait une découverte à l’insu des gardiens S.S. […] Je m’arrangeai pour travailler à la ruine signalée […].
En avançant, je me heurtai à une femme brandissant un revolver. Deux hommes étaient étendus à ses côtés, immobiles, agonisants.
Une semaine après, le quartier sautait à la dynamite, enterrant vifs tous ceux qui s’y trouvaient encore.
Plusieurs mois plus tard, avec un ami, je descendis un jour dans les égouts. Tout au long se trouvait une rangée de cadavres asphyxiés, chacun tenant à la main une valise ou un sac. Le tout en décomposition avancée. On pouvait sans peine reconstituer les événements. Quand le ghetto brûla et que les combats approchèrent de leur fin, un certain nombre essaya de gagner le côté « aryen » par la voie souterraine. Les Allemands, l’ayant appris, obstruèrent les bouches des égouts et attaquèrent les fugitifs aux gaz.
Un autre jour, un camarade trouva un journal tenu au jour le jour par une jeune fille, pendant trois mois : avril, mai, juin 1943. Ce journal s’arrêtait au milieu d’une phrase, un jour de juin… »[…].
Extrait de la plaquette « Le chant du ghetto de Varsovie », supplément au n° 138 de la Presse Nouvelle hebdomadaire (PNH).
Texte repris dans le n° 275 d’Avril 2010 de la Presse Nouvelle magazine (PNM)
dit Lerman ou Brunot
(1904-1987)
Louis Gronowski naît à Wloklawek, en Pologne, dans une famille juive de petits épiciers ruinés. Lycéen révolutionnaire, il participe en 1922 à la création des Jeunesses communistes dans sa région, est arrêté en mai 1923 et emprisonné jusqu’en septembre 1924. Déchu de ses droits civiques, il décide, en 1926, après le coup d’Etat du dictateur Pilsudski, de quitter la Pologne. Il passe clandestinement en Allemagne, puis en Belgique où il milite. Il est expulsé vers la France en décembre 1929 et gagne sa vie en tant qu’ouvrier. Militant dynamique et cultivé, il est dès 1933, sur proposition du PCF, responsable de la direction de la section juive de la M.O.I. En 1934, il contribue activement à la création du quotidien yiddish La Naïe Presse, dont il deviendra rédacteur en chef. En 1935, atteint de tuberculose, il est envoyé en URSS quelques mois pour y recevoir des soins..
En 1937, il participe, à Paris, à l’organisation du Congrès international pour la défense de la culture yiddish.
En 1938, il est nommé, par le PCF, responsable national de la M.O.I. qu’il est chargé de réorganiser, dans la clandestinité, en août 1940.
En septembre 1940, il fonde, avec plusieurs militants progressistes juifs, une structure d’entraide, « Solidarité », issue de la section juive. « Solidarité » devient vite une organisation de Résistance.
Dès le mois d’octobre 1940, la M.O.I. dispose à Paris d’une direction solide. Elle est constituée d’un triangle : Louis Gronowski pour la politique, Jacques Kaminski pour l’organisation et d’Artur London pour la propagande.
Gronowski partage le contrôle des FTP-M.O.I. avec le comité militaire des FTP et doit, dorénavant, « se considérer comme membre du comité central du PCF ». La direction du Parti comprend la nécessité de regrouper toutes ses forces. Elle est consciente que la M.O.I. (et la section juive en particulier) est un réservoir de militantes et militants expérimentés et motivés.
En novembre 1941, Louis Gronowski remet à Jacques Duclos (dirigeant du PCF) le manuscrit de la brochure intitulée L’antisémitisme, le racisme, la question juive, amplement diffusée.
La guerre terminée, Louis Gronowski regagne la Pologne mais, chassé une nouvelle fois par l’antisémitisme, il revient en France et meurt à Paris en 1987.
Référence
Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1989, Le sang de l’étranger, Éd. Fayard
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Durant la période suivant le débarquement allié du 6 juin 1944, le plan concerté de coopération entre les Forces françaises de l’intérieur, les FFI, et les troupes alliées se met en place : renseignement, sabotage des communications et des voies ferrées…
Les FFI sont composées, principalement, des groupes résistants gaullistes et des FTP et FTP-M.O.I. proches des communistes.
À partir du débarquement de Provence le 15 août 1944, des combats sont déclenchés par la Résistance dans le sud de la France. Les résistants maquisards guident les unités alliées pour la traversée des Alpes. Ils libèrent ainsi Grenoble le 22 août et Valence le 23.
Dans le Sud-Ouest et le Massif Central, la retraite allemande à partir du 17 août permet aux FFI de libérer les villes sans l’intervention des alliés : Toulouse est libérée le 19 août, Montpellier le 22 et Clermont-Ferrand le 25 (tandis qu’à Paris, une insurrection populaire victorieuse est animée par la Résistance du 19 au 25 août 1944).
Fin août, une insurrection populaire de grande ampleur, conduite par la Résistance, à Villeurbanne, les 24,25 et 26 août 1944, précède la libération de la ville.
À Marseille, le 18 août, la grève insurrectionnelle décidée par la CGT clandestine est ratifiée par le CDL (Comité Départemental de Libération). Le 19 août, la grève est totale et les FFI mènent toute une série d’actions d’insurrection les 20 et 21 août. Le 21 la préfecture est prise et le CDL s’y installe dès le lendemain. Le général allemand Schaefer se rend le 28 août, et le 29 les troupes alliées et les FFI défilent sur le Vieux-Port.
Le 15 septembre 1944, la presque totalité du territoire est libérée. Mais la bataille continue en particulier dans l’est de la France. Après l’échec d’une première attaque menée fin septembre 1944, une offensive générale sur les Vosges est déclenchée le 14 novembre 1944. Strasbourg est libérée le 23 novembre, mais les Allemands lancent une contre-offensive dans les Ardennes et ce sont les troupes françaises qui défendent Strasbourg, entre le 31 décembre 1944 et le 27 janvier 1945. La poche de Colmar ne sera réduite que le 9 février 1945.
La libération des derniers territoires encore occupés s’échelonnera jusqu’au mois de mai 1945.
Références
— Simonnet Stéphane, Claire Levasseur, Guillaume Balavoine (préface Olivier Wieviorka), 2004, Atlas de la libération de la France : 6 juin 1944-8 mai 1945 : des débarquements aux villes libérées, Paris, éd. Autrement, coll. « Atlas-Mémoire.
— Marcot François (sous la direction de) avec la collaboration de Bruno Leroux et Christine Levisse-Touzé, 2006, Dictionnaire historique de la Résistance, Ed. Robert Laffont.
(1884-1970)
Fils d’un boulanger de Carpentras, Édouard Daladier étudie à Lyon où il suit les cours d’Édouard Herriot. Agrégé d’histoire, il est élu maire de sa ville natale en 1912. Il combat à Verdun pendant la Première Guerre mondiale. Il est député radical-socialiste du Vaucluse en 1919, devient président du Parti radical en 1927. Il constitue son premier gouvernement le 30 janvier 1933 alors qu’Hitler prend le pouvoir en Allemagne.
Il est nommé à de nombreux postes ministériels de 1925 à 1940.
Daladier intègre le gouvernement de Front populaire en 1936. Il occupe la fonction de ministre de la Défense nationale et de la Guerre de Léon Blum mais la rupture des radicaux avec le Front populaire est rapidement consommée.
Président du Conseil, sous la présidence de la République d’Albert Lebrun, Daladier signe, avec Chamberlain, Hitler et Mussolini les « accords de Munich » en septembre 1938. Hitler a, désormais, les mains libres à l’Est. Les communistes reprochent à Daladier d’avoir renié ses positions antifascistes de 1936.
Au prétexte de vouloir réserver l’emploi aux travailleurs français, Daladier édicte le décret-loi du 12 novembre 1938 qui prévoit l’internement des « indésirables étrangers ». Ce décret-loi est complété par la loi du 18 novembre 1939 qui permet l’internement « de tout individu, français ou étranger, considéré comme dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Les Juifs immigrés communistes de la M.O.I. sont tout particulièrement visés de même que les républicains espagnols réfugiés en France. Après la signature du pacte germano-soviétique en août 1939, Daladier fait prononcer la dissolution du Parti communiste français. Le PCF est accusé par la droite et par une partie de la gauche déstabilisée, de soutenir l’offensive hitlérienne aux côtés de l’URSS. Les députés communistes sont poursuivis.
La politique militaire volontariste de réarmement de la France préconisée par Daladier se heurte à la réalité de la « drôle de guerre ». Jugé responsable de l’impréparation de la France dans le conflit, il est contraint à la démission en mars 1940. À la nouvelle de l’armistice, le 22 juin 1940, Daladier quitte la France en direction de l’Afrique du nord. Arrêté en septembre par le gouvernement de Vichy, il comparaît devant la cour de justice, en février 1942. Il est interné en Allemagne de 1943 à 1945. La guerre terminée, il revient un temps à la vie politique et retrouve son siège de député radical du Vaucluse à l’assemblée législative. En 1957, il préside le Rassemblement des gauches républicaines.
Il meurt à Paris le 10 octobre 1970.
Référence
Rémond René & Bourdin Janine, 1977, Édouard Daladier, chef de gouvernement (avril 1938-septembre 1939) : colloque de la Fondation nationale des sciences politiques. Paris, Presses de la fondation nationale des sciences politiques.
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Le Travail allemand est une organisation constituée de combattants clandestins germanophones, principalement d’Europe centrale, d’Allemands et d’Autrichiens antinazis.
Ils sont nombreux à s’être réfugiés en France car depuis l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933, des Allemands (artistes, scientifiques, opposants politiques, Juifs…) ont quitté leur pays. Après l’occupation de la France par l’Allemagne en 1940, ces émigrés sont très menacés. Beaucoup d’entre eux vont entrer dans la clandestinité et s’engager dans la Résistance.
Dès avril 1941, Artur London, membre du triangle de direction de la M.O.I., est chargé de mettre en place le TA avec Otto Niebergall (membre du Parti communiste d’Allemagne, le KPD) et Leo Langer, membre du Parti communiste autrichien. Après son arrestation en 1942, Artur London est remplacé par Otto Niebergall puis par Leo Langer et Franz Marek.
Les militants du TA fabriquent des documents de propagande, tracts, journaux, papillons et y dénoncent l’idéologie nazie et l’absurdité de la guerre. Ces documents sont rédigés en allemand et déposés dans les lieux fréquentés par les soldats allemands.
La deuxième tâche du TA est menée essentiellement par des jeunes filles juives qui tentent d’entrer en contact avec des militaires allemands et de les amener à prendre conscience de l’horreur de la guerre. Elles les incitent à développer une propagande anti hitlérienne dans les casernes et à fournir des renseignements. C’est aussi en se faisant engager comme interprètes qu’elles infiltrent les services nazis.
S’il est difficile de faire le bilan précis de ce « travail, » il est évident qu’il a permis de recueillir des informations précieuses, parfois même des armes.
Le TA, forme de Résistance particulièrement dangereuse qui a coûté la vie à de nombreux militantes et militants, témoigne du combat contre le nazisme.
Références
— Collin Claude, 2014, Le « Travail allemand », une organisation de Résistance au sein de la Wehrmach, Édition les Indes Savantes.
— Peschanski Denis, 2006. « Travail Allemand » Dictionnaire historique de la Résistance. Résistance intérieure et France Libre, ouvrage collectif, Éd. Robert Laffont.
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Dans l’immédiat avant-guerre, la population juive en Pologne représente environ 10 % de la population totale du pays, soit 3 500 000 personnes.
La France compte l10 000 immigrés juifs d’Europe de l’Est. La majorité d’entre eux est d’origine polonaise. Ils ont fui la misère et l’antisémitisme.
Souvent politisés dans leur pays d’origine, ils choisissent de s’installer en France par admiration pour la « patrie des droits de l’Homme ». Nombre de militants de la section juive de la M.O.I. vont s’engager dans la Résistance et mourront exécutés ou en déportation.
Après la signature du pacte germano-soviétique, le 23 août 1939, l’Allemagne et l’URSS envahissent la Pologne.
Les nazis regroupent d’abord les Juifs dans des ghettos. Nombre d’entre eux sont jetés dans des fosses, la plupart sont fusillés par des groupes mobiles d’intervention ou gazés dans des camions itinérants.
Après la décision de la « solution finale de la question juive » à la conférence de Wannsee, en janvier 1942, les Juifs sont déportés dans des centres de mise à mort.
Entre 40 000 et 100 000 Juifs polonais survivent à la destruction, en rejoignant des groupes de résistants polonais et de partisans soviétiques ou en se cachant.
Sur les 6 millions de Juifs exterminés pendant la guerre, près de la moitié sont originaires de Pologne.
La population juive demeurée en Pologne est quasiment anéantie lors de la Shoah.
En 1946, le nombre de Juifs en Pologne atteint 240 000 personnes mais l'antisémitisme est toujours présent. Actuellement, seuls quelques milliers de Juifs vivent dans ce pays.
Références
— Hilberg Raoul, 1988, La Destruction des Juifs d’Europe,. Ed. Fayard.
— Minczeles Henri, 2006, Une histoire des Juifs de Pologne : Religion, culture, politique, Ed. La Découverte,.
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La loi vichyste du 2 juin 1941, dite second statut des Juifs par les historiens, réactive le concept de « race juive », sans aucun fondement scientifique.
Les Juifs sont exclus de toute l’administration publique et de tout pouvoir politique. La liste des interdits professionnels est considérablement allongée. Les numérus clausus sont renforcés pour les professions libérales – avocats, médecins, notaires, éditeurs – et pour les étudiants. Ils sont fixés entre 2 à 3 % de l’effectif des non-juifs.
Avec ces nouvelles mesures, les contrevenants français risquent des sanctions et, notamment, l’internement administratif jusque-là réservé aux seuls Juifs étrangers.
À cette loi, s’ajoute l’ordonnance allemande d’aryanisation (spoliation et confiscation des biens juifs) qui s’applique également en Algérie et en outre-mer.
Ce second statut vise particulièrement les familles juives les plus anciennes et les plus assimilées. Elles sont, en effet, les plus touchées par les numérus clausus et par l’atteinte au droit de propriété. Leur sort, désormais, se rapproche de celui des Juifs étrangers ou dénaturalisés.
Référence
Lubetzki J., 1945, La Condition des Juifs en France sous l’Occupation allemande. 1940-1944. Centre de Documentation Juive Contemporaine
(1913-1998)
Charles Lederman, né à Varsovie, arrive à Paris à l’âge de trois mois. Ses parents, ouvriers, ne parlent que le yiddish. Avocat en 1933, il commence sa vie professionnelle à la Ligue des Droits de l’Homme, au service des étrangers. En 1934, il adhère au Parti communiste.
Mobilisé à la déclaration de la guerre, il combat à Dunkerque, est fait prisonnier en juin 1940, s’évade et rejoint Lyon.
Il entre dans la Résistance et devient l’un des dirigeants de la section juive clandestine de la M.O.I. en zone sud. A la demande de l’Œuvre de secours aux enfants, l’OSE, de Montpellier qui s’emploie à faire sortir légalement les enfants juifs des camps d’internement, Charles Lederman est le premier résident volontaire dans le camp de Rivesaltes. En octobre 1941, suspecté d’avoir favorisé l’évasion de plusieurs internés juifs, il est écarté du camp. En novembre, il est nommé directeur du bureau lyonnais de l’OSE qui s’engage très rapidement dans l’illégalité en procurant de faux papiers et des planques pour les familles juives.
Grâce à ses liens avec l’abbé Glasberg et le Père Chaillet, fondateur du Témoignage Chrétien, Charles Lederman, après la rafle du Vel’ d’Hiv, rencontre le Père de Lubac, responsable des Jésuites, qui l’introduit auprès de l’archevêque de Toulouse, Mgr Saliège. Charles Lederman l’informe de la situation des Juifs. Et le 23 août 1942, dans toutes les églises du diocèse, est lue en chaire la lettre pastorale (…) Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes… Ils sont nos frères comme tant d’autres (…). Cette première protestation publique est reprise par d’autres prélats.
Directeur de l’OSE de Lyon, Charles Lederman met en œuvre avec cette organisation et des membres d’associations sociales juives et chrétiennes, le sauvetage de 108 enfants juifs internés dans le camp de Vénissieux, près de Lyon, qui seront accueillis dans des familles ou des couvents. C’est le plus grand sauvetage d’enfants juifs durant l’Occupation.
Charles Lederman devient alors totalement clandestin. Il est l’un des fondateurs et dirigeants du Mouvement national contre le racisme, le MNCR. Après les arrestations massives à Paris de nombreux responsables de la section juive de la M.O.I., Lederman est appelé en zone nord et ne cesse, durant le conflit, parallèlement à ses responsabilités au MNCR, de rédiger de très nombreux tracts et articles.
Au printemps 1943, il cofonde l’Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide, UJRE, dont il sera président jusqu’à sa mort.
À la Libération, il reprend sa profession d’avocat. Il est élu sénateur communiste à partir de 1977. En France, comme à l’étranger, il combat, jusqu’à sa mort, pour la défense des libertés et des droits des opprimés.
Références
— Portheret Valérie, 2020, Vous n’aurez pas les enfants. Ed. XO
— Photo : coll. particulière, Bassi-Lederman (DR)
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Le décret Crémieux, qui a accordé la citoyenneté française à tous les Juifs d’Algérie le 2 octobre 1870, est abrogé le 7 octobre 1940. La mention « Juif indigène » est apposée sur leur carte d’identité et ils subissent les mêmes discriminations que les Juifs de métropole (accès limité puis interdit à la plupart des professions, aryanisation de leurs biens, numerus clausus dans les écoles, internements sans jugement, etc). Le régime pétainiste se montre particulièrement zélé, au Maghreb (territoire géré par le régime de Vichy) comme en France.
La salle de sport Géo-Gras à Alger devient le lieu de rencontre et de préparation des actions de plusieurs groupes de la jeunesse juive résistante.
Les frères Raphaël et Stéphane Aboulker soutiennent les efforts de ces groupes de Résistance armée dont les tâches sont multiples (protection de la population juive, sabotage des installations pro-vichystes, préparation aux combats, propagande gaulliste)
En 1941, José Aboulker, cousin de Raphaël et Stéphane, et d’autres jeunes Juifs, créent une nouvelle formation de Résistance, axée sur la lutte armée et le Renseignement.
Roger Carcassonne, de son côté, anime un autre groupe.
Tous ces groupes de jeunes Juifs se soutiennent ou coordonnent leurs activités sans jamais sacrifier leur autonomie. José Aboulker, figure majeure de cette Résistance juive d’Algérie, mobilisée et multiforme, adhèrera au Parti communiste après la guerre.
À l’annonce du débarquement allié en Algérie, les frères Aboulker sont chargés de recruter de jeunes résistants au sein des groupes de combat de la salle Géo-Gras.
José, de son côté, est opérationnel et met en place une dynamique de Résistance.
Une organisation méticuleuse permet à tous les groupes de prendre position dans différents points stratégiques d’Alger.
377 combattants volontaires, Juifs en majorité, sont à leurs postes.
Les alliés (américains et britanniques) débarquent le 8 novembre 1942. C’est l’opération Torch.
L’action de la Résistance juive intérieure contribue à la réussite de l’opération.
Référence
— Sebaoun Paul, 1994, Résistance juive en Algérie (1940-1942). Le Monde juif, N° 152.
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Les tracts, feuilles ou brochures, distribués à des fins d’information et les “papillons”, tout petits tracts que l’on colle sur les murs ou que l’on jette à la volée autour de soi, constituent un moyen privilégié de faire connaître au plus grand nombre la situation des Juifs en France et l’action de la Résistance. Ils complètent l’information diffusée par la presse clandestine et permettent de recruter plus largement de nouveaux combattants.
Les jeunes Juifs communistes sont nombreux à lancer des tracts à la sortie des cinémas, à l’intérieur des salles depuis les balcons, sur des marchés, aux entrées et sorties d’usines, depuis le métro aérien à Paris, dans les tramways de Lyon ou Villeurbanne et dans d’autres régions.
Lors d’une action à Lyon, des tracts en allemand sont projetés par-dessus les murs de la caserne de la Part-Dieu pour démoraliser l’ennemi.
Les passants qui ramassent les tracts, dans la rue ou ailleurs, les cachent rapidement.
Il est extrêmement dangereux de les transporter et nombre de diffuseurs sont arrêtés et déportés pour faits de propagande anti-hitlérienne.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions sociales
Dit Hervé
(1907-1978)
Jacques Kaminski, de son vrai nom Jankiel Unglik, naît le 6 octobre 1907, en Pologne, dans une famille juive ouvrière du village de Klobusk. Il doit quitter l’école dès l’âge de treize ans et devient apprenti-coiffeur.
Il adhère aux Jeunesses communiste à seize ans et émigre en Belgique puis, en 1930, en France où il se fixe.
Il milite à la M.O.I. dans la section juive. Il est secrétaire du « travail juif » et des « Amis de La Naïe Presse», le quotidien progressiste en langue yiddish fondé en 1934.
Pendant la guerre civile espagnole, Kaminski se rend en Espagne auprès des combattants juifs pour organiser le travail politique (dont l’action des cadres) et la communication de la compagnie Botwin (à travers ses publications).
Louis Gronowski, dirigeant national de la M.O.I., le nomme « responsable aux questions d’organisation ». Jacques Kaminski va faire partie du « triangle de direction » de la M.O.I. avec Louis Gronowski et Artur London.
En septembre 1940, Jacques Kaminski, Louis Gronowski et d’anciens responsables de la section juive de la M.O.I., créent l’organisation d’entraide illégale, « Solidarité », future Union des Juifs pour la Résistance et l’entraide (UJRE).
À la suite de la création, par les communistes, de l’Organisation spéciale (OS) de lutte armée contre l’occupant, en octobre 1940, Kaminski assure l’organisation de l’OS-M.O.I. en 1941.
Après l’unification, au sein des FTPF, des différentes organisations communistes combattantes, Kaminski est chargé de constituer les FTP-M.O.I. et en confie la direction militaire à Boris Holban au printemps 1942.
Il assure, pendant l’Occupation, les liaisons entre la direction nationale du PCF et les résistants de la M.O.I. Il travaille en étroite union avec Gronowski et Holban. La sûreté de son jugement et le bien-fondé de ses décisions sont reconnus unanimement.
En 1947, Kaminski retourne en Pologne où il intègre les services de sécurité. Au début des années 1950, il en est écarté mais chargé ensuite des rapports entre le Parti ouvrier unifié polonais (POUP) et les Partis communistes d’Europe occidentale.
Contrairement à son compagnon de route, Louis Gronowski, Jacques Kaminski reste en Pologne, où ils sont retournés tous deux après la guerre « pour y construire le socialisme » et il meurt à Varsovie le 12 juin 1978.
Références :
— Gronowski-Brunot Louis, 1980, Le dernier grand soir. Ed du Seuil.
— Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1994, Le Sang de l’Etranger Ed.. Fayard
— Photo: Diamant David Combattants, Héros et martyrs de la Résistance” Ed. Renouveau 1984
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Le sionisme se développe au 19ème siècle parmi les Juifs d’Europe centrale et orientale en réaction à l’antisémitisme. Le retour en terre biblique de Sion après des siècles d’errance et de persécution, devient un objectif pour un certain nombre de Juifs.
Theodor Herzl, journaliste juif austro-hongrois, est l’un des premiers concepteurs d’un État juif autonome et le théoricien de la démocratie israélienne. Il conçoit un État dans lequel Juifs et non-Juifs disposent à égalité des droits fondamentaux. Après la déclaration Balfour, en 1917, en faveur de l’établissement d’un foyer juif en terre de Sion, des Juifs commencent à s’installer en Palestine ottomane.
Après la dislocation de l’empire ottoman, la Palestine est placée sous mandat britannique en 1920. L’extermination de 6 millions de Juifs d’Europe au cours de la deuxième guerre mondiale accélère le processus d’immigration pour les survivants.
Le plan de partage, voté par L’ONU après la guerre (un État juif, un État arabe), met fin au mandat britannique et aboutit à la création de l’État d’Israël en 1948 mais l’État arabe est rejeté par la plupart des Palestiniens qui se sentent dépossédés.
Les premiers kibboutz (kibboutzim) israéliens, communautés de production et de vie, créés par des Juifs d’origine russe ou polonaise appartenant au courant socialiste du sionisme, concrétisent un idéal révolutionnaire de partage. Sous l’emprise économique libérale israélienne, ils disparaissent peu à peu.
Par ailleurs, le conflit israélo-palestinien s’enracine, chaque partie défendant une cause qu’elle estime juste. La paix, dans cette région, n’est jamais durable.
Un sionisme dit « de gauche » milite pour 2 États dans des frontières sûres, pour l’un, comme pour l’autre.
En France, en 1944, les résistants de la section juive clandestine de la M.O.I., n’adhèrent pas au projet sioniste mais, à l’approche de la Libération, ils aspirent au rétablissement de la République et à la paix. Les militants de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE) soutiennent la création de l’État d’Israël en 1948 mais défendront, et continuent de défendre, leurs convictions universalistes démocratiques.
Le terme « sionisme » est source de confusion et recouvre plusieurs réalités.
Il est couramment employé, de nos jours, par les opposants à la politique du gouvernement israélien, dans le sens d’expansionnisme colonial, bien loin du projet sioniste d’origine.
L’antisionisme radical se concrétise par la négation de l’État d’Israël et l’appel à sa destruction.
Références
— Bensoussan Georges, 2002, Une histoire intellectuelle et politique du sionisme – 1860-1940. Ed. Fayard.
— Herzl Theodor, 1994, Journal 1895-1904. Ed. Calmann-Lévy.
(dit Georges)
(1906-1944)
Missak Manouchian naît le 1er septembre 1906, en Arménie (Empire ottoman), dans un milieu paysan. Sa famille est massacrée par les Turcs quand il a neuf ans. Pris en charge par la communauté arménienne, il est accueilli avec son frère, Karapet, dans un orphelinat au Liban sous mandat français. Il y est formé au métier de menuisier. En 1925, il débarque à Marseille avec Karapet puis décide de venir à Paris où il est embauché comme tourneur chez Citroën.
Il s’intéresse à la littérature, écrit des poèmes et suit des cours à la Sorbonne en auditeur libre. Avec un ami arménien, il fonde deux revues, Tchank (l’Effort) puis Machagouyt (Culture), dans lesquelles ils publient des articles sur la littérature française et la littérature arménienne.
Il adhère au Parti communiste français ainsi qu’au HOC (Comité de secours pour l’Arménie), et participe au groupe arménien rattaché à la M.O.I. Il prend la direction, en 1935, du journal Zangou publié sous l’autorité du HOC. Dans ces circonstances, il fait la connaissance de Mélinée Assadourian qu’il épouse en février 1936. Après la dissolution du HOC en 1937, il œuvre pour constituer l’Union populaire franco-arménienne. Il est arrêté à la suite de l’interdiction du PCF en septembre 1939.
Engagé volontaire, il est affecté dans le Morbihan. Après la défaite, il doit rester dans la Sarthe, sous le contrôle des autorités, mais réussit à s’enfuir au début de 1941. De retour à Paris, il est à nouveau arrêté en juin 1941 et interné au camp de Royallieu à Compiègne. Responsable politique de la section arménienne au sein de la M.O.I., il rejoint en février 1943, sous le pseudonyme de Georges, le premier détachement FTP-M.O.I. En juillet 1943, il remplace Alik Neuer, arrêté en qualité de responsable technique des FTP-M.O.I. de Paris. En août 1943, il prend, à la suite de Boris Holban, la direction militaire des FTP-M.O.I. parisiens. Il supervise notamment, le 28 septembre 1943, l’attentat contre Julius Ritter, général SS, adjoint pour la France de Fritz Sauckel, responsable du Service du travail obligatoire (STO).
Dès le mois de septembre 1943, Missak Manouchian est repéré par la Brigade spéciale 2 et son domicile clandestin identifié. Le 16 novembre 1943, alors qu’il a rendez-vous avec Joseph Epstein, responsable des Francs-Tireurs et partisans français (FTP) il est arrêté, en même temps que ce dernier, à la gare d'Évry Petit-Bourg. Torturé, Manouchian est remis aux autorités allemandes avec vingt-deux de ses camarades FTP-M.O.I. Le 19 février 1944, les vingt-trois inculpés sont tous condamnés à mort, lors d’un procès à huis clos, devant une cour martiale allemande, à Paris. Ils sont fusillés au Mont-Valérien le 21 février 1944.
Une « Affiche rouge », destinée à provoquer la peur, exhibe les photos de 10 de ces résistants (7 Juifs immigrés, 1 Espagnol, 1 Italien, 1 Arménien – Manouchian), issus de plusieurs détachements FTP-M.O.I. Placardée par l’occupant sur les murs des principales villes de France, l’affiche suscite, au contraire, la sympathie de la population pour les condamnés du « groupe Manouchian ».
Références
— Le Maitron : notice par Jean-Pierre Besse
— Peschanski Denis, 2013, Des étrangers dans la Résistance : Éditions de l’Atelier/Musée de la Résistance nationale
— Photo (DR)
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Le débarquement anglo-américain au Maghreb a lieu le 8 novembre 1942 avec l’opération Torch. Le 11 novembre 1942, les Allemands entrent en zone sud. L’administration de Nice et de la Savoie est confiée aux Italiens. La première conséquence de l’entrée des divisions allemandes dans la zone dite « libre » est le sabordage de la flotte française à Toulon, décidée par les officiers de la marine française afin qu’elle ne tombe pas aux mains de l’Occupant.
Depuis le printemps 1941, l’étau de la répression se resserre. Au nord, les rafles et les arrestations de Juifs se multiplient. Les passages clandestins seuls ou en famille, très risqués, vers la zone non occupée s’intensifient. A la merci de faux passeurs, de nombreux Juifs sont arrêtés puis déportés.
Avec l’occupation de la zone Sud, les nombreux Juifs qui s’y étaient réfugiés sont traqués comme les Juifs restés en zone nord.
De novembre 1942 à mars 1943, les passages massifs en zone sud s’interrompent tandis que s’organisent les tentatives pour rejoindre la zone d’occupation italienne. L’occupation totale de la France par l’armée allemande renforce l’engagement de Vichy dans la collaboration et la politique de déportation des Juifs vers l’Est de l’Europe.
Les actions armées contre l’occupant se développent bientôt avec ampleur et les groupes FTP-M.O.I. s’emploient, désormais, à combattre les nazis et leurs collaborateurs, au sud comme au nord.
Références
— Alary Eric, 2011, Les juifs et la ligne de démarcation, 1940-1943, n° 5. Ed. Cairn, « les cahiers de la shoah ».
— Florentin Eddy, 2010,11novembre 1942, l’invasion de la zone libre. Ed. Perrin.
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En représailles à une série d’attentats commis contre des soldats allemands à Paris, en novembre 1941, les nazis ont pour projet d’exécuter 100 otages. Avec la collaboration du régime vichyste, ils appliquent une politique mise en place pour répondre aux attaques des résistants.
Le gouvernement de Pétain ne disposant pas d’un nombre suffisant d’otages résistants, décide d’y adjoindre 51 internés juifs : 44 sont issus du camp de Drancy, 4 du Fort de Romainville et 3 de la prison du Cherche-Midi.
Ils ont presque tous été arrêtés pour activités judéo-communistes ou distribution de tracts communistes.
31 d'entre eux sont fichés comme communistes, 5 M.O.I., 2 Presse clandestine juive et 1 communiste de « Solidarité ».
La moitié d’entre eux ont été appréhendés entre le 19 et le 23 août 1941 après avoir été convoqués dans des commissariats parisiens.
Le 15 décembre 1941, 95 résistants sont fusillés, 69 au Mont-Valérien à Suresnes, 13 à Caen, 9 à la Blisière près de Châteaubriant et 4 à Fontevraud.
La grande majorité des otages fusillés au Mont-Valérien le 15 décembre 1941 sont juifs. C’est la première exécution de masse.
Références
— Klarsfeld Serge, 2010, Les 1007 fusillés du Mont-Valérien parmi lesquels 174 Juifs. Ed. FFDJF
— Wieviorka Annette, Grande Antoine, Klarsfeld Serge, 2020, Conférence du 17 décembre 2020 au Mont Valérien en hommage aux fusillés du 15 décembre 1941.
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À Paris, Adolfo Kaminsky, tout jeune, va utiliser les connaissances qu’il a acquises dans une teinturerie. Par exemple, effacer l’encre bleue est un jeu d’enfant pour lui, il l’a appris pour faire disparaître les taches sur les vêtements. Il découvre ensuite la photogravure et travaille dans un laboratoire où il fabrique des faux papiers. Il écrira plus tard : « Le calcul est simple. En une heure, je fabrique trente faux papiers. Si je dors une heure, trente personnes mourront… »
Pour fournir de faux papiers, plusieurs organisations de Résistance juive vont coopérer. Citons, notamment, le Mouvement National contre le Racisme (MNCR), l’œuvre de Secours aux Enfants (OSE), les Éclaireurs Israélites de France, (EIF) le Réseau André de Nice et la section juive de la M.O.I.
De même, le réseau Plutus, fondé à Lyon, par Pierre Kahn-Farelle, dès 1941, fabrique des faux papiers.
Rapidement, « ce réseau comporte 50 permanents et 150 occasionnels et dispose d’un stock de 18000 timbres-cachets ».
Les transports de papiers et de tampons sont assurés par des agents de liaison parmi lesquels de nombreuses femmes. Le réseau est démantelé en mars 1944 à Lyon et en mai 1944 à Paris, à la suite d’arrestations.
L’engagement de certains employés de mairie, de commissariat, de préfecture va aussi jouer un rôle important dans cette entreprise. Enregistrer un acte de décès permet aussitôt d’utiliser une identité pour un résistant.
Enfin certains membres du clergé vont fournir des certificats de baptême, participant ainsi au sauvetage de nombreux enfants juifs. Ils vont aussi rédiger des certificats de travail, de domicile pour protéger des résistants ou des personnes recherchées par la police de Vichy.
La Cimade, comité issu des mouvements protestants de jeunesse, s’engage également dans une fabrication clandestine de faux papiers.
Tous savent les risques qu’ils encourent.
Mais c’est une question de vie ou de mort pour ceux qu’ils veulent sauver.
Références
— Dossin Chantal, 2018, Elles étaient juives et résistantes, Editions Sutton
— Kaminsky 2009, Adolfo Kaminsky Une vie de faussaire. Calmann – Lévy
— Sous la direction de Marcot François, 2006, Dictionnaire historique de la Résistance Bouquins
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En dépit du pacte germano-soviétique de non-agression, l’armée allemande (la Wehrmacht) attaque l’Union soviétique (URSS) par surprise le 22 juin 1941. Les nazis affirment vouloir détruire le judéo-bolchevisme et conquérir un espace vital à l’est : Lebensraum. Avec près de quatre millions de soldats de l’ Axe (principalement Allemagne, Italie et Japon), Barbarossa s’avère la plus grande invasion de l’histoire militaire. Le plan prévoit quatre mois pour l’anéantissement des troupes de l’Union soviétique.
En juin, la Wehrmacht bénéficie de l’effet de surprise. L’Armée rouge, diminuée par les grandes purges staliniennes supposées éliminer les opposants, dispose cependant d’importantes réserves humaines et d’un important potentiel industriel.
Après les premiers succès, la bataille de Smolensk retarde la Wehrmacht qui doit s’arrêter pendant une quinzaine de jours, les routes étant devenues impraticables. Néanmoins, les divisions allemandes progressent au nord, à l’est, et au sud-est. De juin à octobre 1941, elles capturent plus de trois millions de prisonniers qui seront traités de façon barbare.
L’armée allemande se heurte à une Résistance importante. Les lignes de communications de la Wehrmacht deviennent la cible des groupes de partisans. Devant l’épuisement des troupes et l’échec inéluctable de Barbarossa, Hitler finit par lancer l’opération Typhon visant Moscou.
Entre juillet 1941 et janvier 1942, au cours de l’opération Barbarossa, 17 millions de travailleurs soviétiques font fonctionner plus de 1500 grandes entreprises industrielles, reconverties dans l’industrie de guerre, dans l’Oural, la Volga, l’Asie centrale et la Sibérie. Dans les zones occupées par la Wehrmacht, les premiers massacres de masse de Russes, de Tziganes et majoritairement de Juifs, par des unités mobiles d’extermination (les Einsatzgruppen) commencent quelques semaines seulement après le début de l’invasion hitlérienne.
Fin 1941-début 1942, Barbarossa s’achève sur la première défaite stratégique pour l’Allemagne nazie.
Références
Lopez Jean & Otkhmezuri Lasha, 2019, Barbarossa. 1941. La guerre absolue, Paris, Éditions Passés/composés.
(1909-1977)
Gers Morgenstein, dit Albert Youdine, puis Albert Jouvet sous l’Occupation, est né en 1909 à Baltzi, en Roumanie. Il a une formation de chimiste spécialisé en cuirs et peaux.
En 1929, victime de l’antisémitisme, il quitte son pays et émigre en Belgique où il adhère au Parti communiste, et devient rapidement responsable de l’organisation le « Travail juif » à Liège.
En 1933, il est expulsé de Belgique en raison de son activité politique et s’installe en France.
À partir de 1935, il est membre de la direction de la section juive de la M.O.I. et responsable de l’activité culturelle.
En octobre 1939, il est engagé volontaire et incorporé au premier Régiment de Marche des Volontaires Étrangers (RMVE), mais il est réformé.
En 1940, Jacques Kaminski et Edouard Kowalski, dirigeants de la section juive clandestine de la M.O.I., sont menacés en tant que communistes et quittent Paris. Albert Youdine les remplace provisoirement dans la capitale. Il organise les premiers groupes de jeunes Juifs communistes de la M.O.I. opposés au régime de Pétain.
En 1942, il est arrêté à Lyon et incarcéré un temps à la prison Saint-Paul en tant que communiste.
En 1943, il dirige la section juive de la zone sud aux côtés de Jacques Ravine.
Il anime de nombreuses actions contre l’occupant, notamment le déraillement d’un train allemand ou la destruction de camions allemands dans un garage lyonnais.
En 1944, il regagne Paris et exerce des responsabilités en zone nord.
Pendant l’insurrection nationale, il est l’un des responsables politiques de la M.O.I. à Paris.
Après guerre, il est rédacteur à La Naïe Presse, le journal progressiste des Juifs yiddishophones créé avant le conflit.
Il poursuit son engagement à l’UJRE (l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide), à la CCE (la Commission Centrale de l’Enfance) et au MRAP (le Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et pour la Paix). Il meurt en 1977.
Références
— Le Maitron, par Zoé Grumberg
— Holban Boris, 1989, Le Testament. Éd. Calmann-Lévy
— Photo : Diamant David, 1984, Combattants, Héros et Martyrs de la Résistance” Ed. Renouveau
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Ce fichier regroupe, en fait, plusieurs fichiers mis en place, entre 1940 et 1944, à l’initiative du gouvernement de Vichy. Ce fichage est un processus parfois initié par les autorités allemandes et mis en œuvre par l’administration et la police françaises en zone occupée comme en zone sud. Il commence par l’ordonnance allemande du 27 septembre 1940 qui fait obligation aux Juifs de la zone occupée de se présenter au sous-préfet de leur arrondissement pour s’y faire inscrire dans un registre spécial.
Ils se présentent dans les commissariats de police pour se faire recenser entre le 3 et le 19 octobre 1940.
Un fichier, dit fichier Tulard, du nom du haut fonctionnaire français qui l’a conçu, est ainsi constitué à partir des déclarations des Juifs français et étrangers domiciliés dans le département de la Seine.
La loi française du 2 juin 1941 prescrit le recensement des Juifs, étendu à la France entière. L’appartenance à la « race » juive est précisée dans une loi du même jour. Elle s’appuie sur la filiation liée à la religion (ascendants juifs) même en l’absence de croyance ou de pratique religieuse de la personne concernée.
La quasi-totalité des Juifs est recensée. On estime à environ dix pour cents seulement le nombre de personnes qui n’auraient pas obtempéré à l’ordre de Vichy.
Les nazis pratiquent des recensements de Juifs dans tous les pays occupés mais, en France, l’administration pétainiste se montre particulièrement zélée et les fichiers sont les instruments des rafles.
Références
— Peschanski Denis, 1997, Le fichier juif (article, gazette des archives). Éd. de la table ronde.
— Combe Sonia, 2001, Archives interdites. L’histoire confisquée. 2e édition. pp. 194-232. Éd. La Découverte,
— Joly Laurent, 2011, L’antisémitisme de bureau. Enquête au cœur de la préfecture de police de Paris et du commissariat général aux Questions juives (1940-1944). Éd. Grasset,
né Simon Cukier
(1910-1987)
Simon Cukier naît à Radom, en Pologne, le 11 mai 1910. En 1929, il rejoint ses frères en France. Inscrit à l’Institut dentaire de Nancy, il est typographe pour gagner sa vie. Il adhère au PCF en 1930. Très engagé dans le syndicalisme étudiant, il est expulsé de Nancy par la police en 1932. Simon Cukier poursuit ses activités militantes à Paris et est engagé par la section juive de la M.O.I. en 1934, pour organiser la diffusion du quotidien communiste en yiddish, La Naïe Presse (La Presse Nouvelle).
En 1936, il est Secrétaire Général de l’organisation mutualiste Arbeter Orden (l’Ordre Ouvrier) qui vient en aide aux ouvriers juifs immigrés, sans protection sociale. Il dirige ensuite le dispensaire L’Aide Médicale de 1932 à 1938 puis devient Secrétaire général de la section juive du Secours rouge (futur Secours populaire). Engagé volontaire en août 1939, Simon Cukier est affecté à la Légion étrangère et démobilisé à la fin de la même année. Il reprend la direction du dispensaire mais la quitte rapidement, la section juive refusant que ses organisations intègrent l’Union Générale des Israélites de France (UGIF), inféodée à Vichy et à l’occupant.
En juin 1940, La Naïe Presse reparaît clandestinement sous le titre de Unzer Wort. Cukier, dit Alfred Grant, y participe et milite à « Solidarité », organisation illégale d’entraide et de Résistance créée par la section juive de la M.O.I. « Solidarité » devient, en 1943, l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE). Arrêté sur dénonciation le 18 mars 1943, il est emprisonné à la prison de la Santé mais libéré par les FTP le 17 août 1944, lors de l’insurrection parisienne. Alfred Grant reprend aussitôt sa place parmi les responsables de l’UJRE, devenue légale. Il est chargé de la reconstitution de l’Union des sociétés juives de France (USJF), créée en 1938 et démantelée sous l’Occupation.
De décembre 1944 à mars 1965, Alfred Grant occupe le poste de Secrétaire fédéral de l’USJF et administre le dispensaire L’Aide médicale reconstitué.
Dès sa création en 1962, l’organisation très active des anciens résistants progressistes juifs, l’AJAR, est présidée par Alfred Grant.
Simon Cukier-Grant meurt à Paris en juin 1987.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel. 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Editions sociales, 1987.
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75 camps de prisonniers venus de France sont créés en Allemagne. On distingue les Oflags (camps d’officiers) et les Stalags (camps de sous-officiers et de soldats). Certains prisonniers travaillent dans des fermes, d’autres sur des chantiers ou dans des usines. Quelques milliers d’entre eux réussissent à s’évader.
Parmi les prisonniers de guerre de France détenus en Allemagne de 1940 à 1945, on compte environ 13 000 soldats juifs (Français d’origine ou par naturalisation et étrangers engagés volontaires). Les Juifs, malgré quelques exceptions, sont traités conformément à la Convention de Genève de 1929 qui implique le respect de la personne des prisonniers. Le statut de prisonnier de guerre de ces soldats permet également de protéger leur famille des mesures antisémites imposées par les occupants avec la complicité zélée du gouvernement de Vichy. Cependant, plusieurs centaines de femmes et d’enfants de prisonniers de guerre juifs étrangers sont internés dans les camps de transit de Drancy, Pithiviers et Beaune-la-Rolande.
Aux mois de mai et de juillet 1944, 168 femmes et 77 enfants de prisonniers sont envoyés directement de Drancy dans le camp de Bergen-Belsen, en Allemagne. Les nazis y retiennent des Juifs susceptibles d’être échangés contre des Allemands internés à l’étranger. Ces femmes et ces enfants de prisonniers de guerre juifs immigrés de France sont expédiés dans des convois d’évacuation, de Bergen-Belsen vers Theresienstadt au mois d’avril 1945. Ils sont libérés, sur leur parcours, en partie par les troupes américaines et en partie par les troupes soviétiques. 154 femmes et 73 enfants de prisonniers de guerre survivront.
Si on s’en tient à la liste des convois dressés lors de l’arrivée au camp de Bergen Belsen, 245 femmes et enfants de prisonniers de guerre juifs étrangers sont répertoriés.
Les prisonniers de guerre juifs, dans leur grande majorité, n’ont pas retrouvé, à la Libération, leur famille exterminée.
Références
— Durand Yves, 1994, Prisonniers de guerre dans les Stalags, les Oflags et les Kommandos 1939-1945, Éd. Hachette
— Doerry Janine, 2010, Historique du Mémorial de Bergen-Belsen, Thèse soutenue à l’Université de Hanovre.
dit Gérard Elberfeld
(1915-1986)
Artur London naît à Ostrava (Tchécoslovaquie), le 1er février 1915. Son père, un artisan juif, est l’un des fondateurs du Parti communiste à Ostrava. N’ayant pas les moyens financiers de poursuivre des études, Artur devient vendeur dans le textile. À 14 ans, il adhère aux Jeunesses communistes dont il devient le secrétaire régional et connaît ses premiers séjours en prison pour lutte antimilitariste et participation à des grèves illégales. En janvier 1934, le Parti l’envoie à Moscou où il représente la Jeunesse communiste tchécoslovaque à l’Internationale communiste des jeunes. C’est à cette occasion qu’il rencontre Lise Ricol qu’il épouse en 1935.
Pendant la guerre civile espagnole, malgré sa tuberculose, London rejoint, en tant que cadre, les Brigades internationales en mars 1937. Grâce à l’aide du PCF, Il réussit à éviter les camps français où sont internés les réfugiés d’Espagne, et retourne en région parisienne où il s’installe avec Lise et leur fille.
Il occupe des responsabilités dans le Comité d’Aide aux républicains espagnols et aux anciens des Brigades internationales. À la M.O.I., il est chargé du suivi des militants des pays d’Europe de l’Est rescapés d’Espagne ou évadés des camps du sud de la France.
Dès le début de l'Occupation, London s’engage dans la Résistance. Il milite en même temps à la délégation du Parti communiste tchécoslovaque et à la M.O.I. dont il devient en août 1940, avec Louis Gronowski et Jacques Kaminski, l’un des dirigeants sous le pseudonyme de Gérard.
En octobre 1941, à la demande Jacques Duclos, il met sur pied le Travail allemand (TA) spécialisé dans la propagande en direction des soldats allemands et le recueil de renseignements pour la Résistance. Le TA publie ses propres journaux en allemand.
London est arrêté le 12 août 1942 par la Brigade spéciale antiterroriste de Paris, et interrogé avec brutalité. Il est condamné, le 16 juillet 1943, à dix ans de travaux forcés et vingt ans d’interdiction de séjour, pour activité communiste et possession de faux papiers.
Livré aux Allemands, il est déporté le 28 février 1944 à Sarrebruck puis transféré à Mauthausen. Atteint d’une tuberculose récurrente, il est admis à l’hôpital du camp. Il devient l’un des principaux responsables du comité de Résistance de Mauthausen.
London survit. Il regagne la Tchécoslovaquie et occupe le poste de vice-ministre des Affaires étrangères en 1949. Arrêté en 1951 et torturé, Il est accusé, avec d’anciens combattants des Brigades internationales en Espagne, d’être un opposant politique. Condamné par le régime en place lors des « purges » de 1952 puis réhabilité, il s’installe en France en 1963 et meurt à Paris le 7 novembre 1986.
Références
— Le Maitron, par Marc Giovaninetti.
— Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, : Juifs révolutionnaires : Éditions Messidor/Éditions sociales
— Photo : Le Maitron (DR)
(ou Josef ou Szmul ou Szmuel)
(1912-1942)
Joseph Bursztyn naît le 1er octobre 1912 en Pologne, à Piaski. Il rejoint le groupe des Jeunesses communistes de sa ville natale. Joseph Bursztyn obtient brillamment son baccalauréat puis il gagne la France pour poursuivre, à Reims, des études de médecine. Il devient l’un des dirigeants de l’organisation étudiante Combat.
Durant la guerre d’Espagne, membre du Comité d’accueil des volontaires, il examine les candidatures à l’engagement dans les Brigades internationales.
Après trois années d’études à Reims, il vient à Paris avec sa femme, Marie, pour terminer ses études. Devenu médecin, il continue à militer activement dans plusieurs organisations progressistes.
Lorsque la guerre éclate en 1939, il s’engage dans l’armée française pour lutter contre le nazisme et est envoyé dans un hôpital militaire.
Après sa démobilisation, il prend part aux côtés du poète et journaliste Mounie Nadler, à la création en 1941 d’un Comité d’intellectuels lié à l’organisation clandestine « Solidarité », émanation de la section juive de la M.O.I. Il rédige, avec Wowek Cyrzyk, Notre Voix et Notre Parole ainsi que de nombreux appels et tracts destinés aux intellectuels. Dès le 12 juillet 1941, il est recherché par les inspecteurs de la 3ème section des Renseignements généraux, à la suite de l’arrestation d’Abraham Erlich, médecin communiste, avec qui il est en contact.
Des inspecteurs de la Brigade spéciale de la préfecture de police l’arrêtent le 26 avril 1942, au moment où il se présente au domicile de la militante communiste, Masja Lew, chargée du TA (Travail allemand).
Son interrogatoire, permet à la police d’établir ses liens avec le docteur Aimé Albert, membre de l’Organisation spéciale (OS), groupe armé clandestin du Parti communiste. Joseph Bursztyn est accusé d’être en relation avec les membres du deuxième détachement des FTP-M.O.I., Hersch Zimmermann et Salek Bot, décédés tous deux la veille de son arrestation dans l’explosion de la bombe qu’ils mettent au point dans leur laboratoire. Il est incarcéré sur ordre des autorités allemandes. Lui et six autres de ses camarades appréhendés dans la même affaire, inscrits le 7 août 1942 sur une liste d’otages établie par l’occupant, sont emmenés par la police allemande puis transférés à la police française.
Joseph Bursztyn fait partie des 88 communistes fusillés par les Allemands le 11 août 1942 au Mont-Valérien.
Dans un article encadré de noir, le n° 10 de Notre Voix (publication clandestine de la section juive de la M.O.I. datée d’octobre 1942) annonce l’exécution « par les bandits nazis » de Mounie Nadler et de Joseph Bursztyn (docteur en médecine, dirigeant des Étudiants et Intellectuels juifs).
Références
— Le Maitron, par Lynda Khayat
— Diamant David, 1984, Combattants, Héros et Martyrs de la Résistance : Éditions Renouveau.
— Photo : APPP (DR)
Szmul Cynamon
(1898-1979)
Szmulek Cynamon Farber naît en Pologne, à Wloclawek, le 24 septembre 1898.
Il est le fils aîné d’une famille nombreuse.
Szmulek Farber commence à militer en Pologne. En 1920, il part à Berlin puis en Palestine, alors sous mandat britannique. Poursuivi par les autorités britanniques, il revient en Europe.
En 1929 il s’installe à Paris où il adhère au Parti communiste.
À partir de 1930, il devient responsable du travail des jeunes au sein de la section juive de la M.O.I.
En 1934, il rejoint le secrétariat de la Kultur Ligue (organisation culturelle de la section juive de la M.O.I.).
Au début de la guerre, il est membre de la commission régionale du travail qui réunit les Juifs communistes. Il souhaite s’engager dans la Légion étrangère, mais est déclaré inapte.
Durant l’exode, il part à Toulouse puis revient à Paris.
Sa compagne, membre du réseau de Renseignement antinazi, l’ « Orchestre rouge », est arrêtée en Belgique en 1941 et y meurt en prison.
En janvier 1942, il quitte Paris pour Lyon, devient membre du secrétariat pour la zone sud, de la section juive clandestine de la M.O.I. Il y est responsable de l’organisation du secteur Jeunes.
En automne 1942, Szmulek Farber contribue, à Marseille, à la création des groupes de combat de l’UJRE.
En août 1944, il participe à l’insurrection de Villeurbanne.
Il est homologué FFI sous le nom de Szmul Cynamon.
À la Libération, il est l’un des fondateurs de la Commission centrale de l’enfance (CCE) et se consacre, notamment, à la collecte de fonds pour les orphelins de la Shoah.
Il meurt le 18 octobre 1979 à Bobigny.
Références
— Diamant David, 1971, Les Juifs dans la Résistance française 1940-1944, Ed. Le Pavillon, Roger Maria Éditeur.
— Le Maitron, par Lynda Khayat
— Photo : Archives nationales. Fichier central de la Sûreté nationale. Le Maitron. DR
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Au sein des syndicats affiliés à la CGTU (Confédération générale du travail unitaire), existe une douzaine de sections juives (cuirs et peaux, habillement, textile, boulangerie etc.) regroupées dans une « Commission intersyndicale juive ».
La Kultur Ligue ( Ligue culturelle) dont le nom nom officiel est : « Ligue juive d’enseignement », est fondée en 1918 à Kiev et voit le jour à Paris en 1923.
Son but : propager la culture yiddish, créer une bibliothèque, une université ouvrière.
L’Arbeter Orden (l’Ordre ouvrier), une société d’aide mutualiste, est créé en 1933. Il organise une permanence juridique, fonde un dispensaire et une association : « Les Amis de l’enfant ouvrier juif » qui anime une colonie de vacances.
Les fondateurs du YASK (club sportif ouvrier juif), qui comptera en 1934 cinq cents adhérents, sont des jeunes de la Kultur Ligue. D’autres membres de la Kultur Ligue fondent le AYK (club de jeunes travailleurs) qui devient une tribune du militantisme politique et social.
De nombreuses troupes de théâtre naissent dans les années vingt. En 1934, est créé le Pariser Yidisher Arbeter Teater (PYAT) : le théâtre juif de la rue de Lancry, à Paris, propose tout le répertoire yiddish.
D’autres militants animent des “Patronati”, comités d’aide aux prisonniers politiques en Pologne et en Palestine sous mandat britannique.
L’association des “Amis de La Naïe Presse" diffuse le journal, le soutient et entretient des liens avec le lectorat.
Par ailleurs, le “Mouvement des Femmes juives contre le Fascisme et la guerre” est organisé en 1935.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions Sociales
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Le PCF est désorganisé par la mobilisation générale et affaibli par les défections dans ses rangs après le Pacte germano-soviétique et le tournant « anti-impérialiste » qui efface la distinction entre les pays démocratiques (France et Grande – Bretagne) et les régimes fascistes (Allemagne, Italie). Menacé par les arrestations de ses membres, le PCF doit mettre en place des structures illégales permettant d’assurer la sécurité de ses cadres, leur subsistance et les liaisons entre militants.
Les militants de la M.O.I. sont confrontés aux mêmes difficultés. De plus, la nouvelle ligne politique qui affirme que la guerre est guidée, des deux côtés, par des objectifs impérialistes étrangers aux intérêts des travailleurs, désoriente les immigrés qui se sont portés volontaires pour combattre dans l’armée aux côtés des Français.
Dans ces conditions, où la seule source d’information encore disponible est une presse qui condamne unanimement le Pacte et les communistes, Louis Gronowski, responsable national de la M.O.I., demande une entrevue avec la direction du Parti. Elle lui est refusée et l’envoyé de la direction, Henri Janin, lui fait savoir que « la direction ne peut pas s’occuper des immigrés et de leurs organisations ; elles doivent se débrouiller seules ». La raison invoquée : le risque d’une infiltration du milieu des immigrés par la police.
Pour ne pas inquiéter les militants qui attendent des instructions, Gronowski ne révèlera pas qu’il est désormais coupé, officiellement, de la direction du PCF. Pendant toute la durée de la « drôle de guerre » il maintient seul les contacts avec les militants immigrés, notamment ceux de la section juive.
Les liaisons entre le PCF et la M.O.I. seront rétablies en août 1940.
Références
— Gronowski-Brunot, Louis, 1980, Le dernier grand soir (pages 120 à 122 et page 126, citation p. 121) Paris, Éd. Le Seuil.
— Rayski, Adam, 1985, -Nos illusions perdues (pages 66 et 67), Paris. Éd Balland.
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Au lendemain des traités de paix de 1919-1920, l’Europe orientale présente une nouvelle configuration avec de nouveaux États : Pologne, Tchécoslovaquie, Hongrie, Yougoslavie, Pays baltes, Finlande. L’Ukraine et la Biélorussie deviennent soviétiques. Tous ces États comptent une proportion importante de Juifs, de 10 % à 25 %, de la population totale.
Ceux-ci se répartissent en ashkénazes parlant essentiellement le yiddish (justifiant le terme de yiddishland), et en sépharades, présents en Grèce, en Bulgarie, parlant surtout le judéo-espagnol (ou ladino) et la langue de leur pays. Les Juifs hongrois ne parlent pas tous le yiddish, ils sont principalement magyarophones.
Ces populations comptent avant la Seconde Guerre mondiale une classe bourgeoise juive occupant des positions importantes dans le commerce, la finance, la presse, et une élite intellectuelle. Cette Mittel Europa (Europe centrale) donne à la littérature et à la musique de très grands noms. Vienne brille au centre de l’extraordinaire renouveau artistique de l’entre-deux-guerres. Czernowitz (en Moldavie sous contrôle roumain, aujourd’hui en Ukraine), voit une intense production littéraire et artistique marquée par le bilinguisme allemand-yiddish. De même en Lituanie, sous domination polonaise, Wilno, dite la « Jérusalem du Nord » est un centre culturel yiddishisant brillant.
Dans tous ces pays d’Europe centrale et orientale, la participation de nombreux Juifs aux événements révolutionnaires alimente la thèse du « judéo-bolchévisme » et d’un prétendu complot juif international. Dès 1920, la Hongrie de l’amiral Horthy promeut une première législation restreignant les droits civiques et les libertés des Juifs. L’antisémitisme explose sous des régimes autoritaires et fascistes (Croix fléchées en Hongrie, Gardes de fer en Roumanie, régime des colonels en Pologne…). Ils infligent de plein fouet aux Juifs des politiques d’exclusion et de répression, maintes fois accompagnées de violences et de pogroms.
Référence
Sellier André & Sellier Jean, (2014), Atlas des peuples d’Europe centrale, Éditions La Découverte, Paris.
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La politique répressive du gouvernement de Vichy conduit à la reconversion de camps déjà utilisés pour parquer les réfugiés espagnols de 1938. De nombreux autres camps sont créés sur le territoire français et en outre-mer.
Ces camps d’internement ont des fonctions différentes : internement administratif, séjours de prisonniers, séjours surveillés.
Les populations concernées sont elles aussi diverses : ressortissants des « pays ennemis », Juifs étrangers et français, Tsiganes, prisonniers politiques, résistants... De 1939 à 1946, la France se couvre de quelque 200 camps. Environ 600 000 personnes y seront internées.
La principale innovation de Vichy consiste en la création de camps de transit. Les internés y sont emprisonnés dans l’attente de leur déportation dans les camps d’extermination nazis. Les camps de transit les plus connus sont Pithiviers, Beaune-la-Rolande et Drancy qui deviendra la plaque tournante de la déportation des Juifs vers Auschwitz.
L’internement des Juifs est le résultat des lois antisémites définissant le Statut des Juifs (loi du 3 octobre 1940 puis loi du 2 juin 1941). La quasi-totalité des Juifs arrêtés à la suite des rafles du billet vert en 1941 et du Vel’d’Hiv en 1942 sont internés à Drancy qui isole uniquement des populations juives à partir d’août 1941.
Référence
Amicale des déportés d’Auschwitz et des camps de Haute Silésie Les camps d’internement en France 1939-194
(1924-2003)
Henri Krasucki, né dans la banlieue de Varsovie, a 4 ans quand il rejoint à Paris son père, émigré depuis 1926.
Ses parents sont ouvriers du textile et yiddishophones. Ils apprennent le français aux cours du soir.
Henri fréquente le patronage laïque La Bellevilloise et le patronage créé par la section juive de la M.O.I.
Membre des Jeunesses communistes juives, il assume, dès le début de l’Occupation allemande, des responsabilités dans son quartier puis dans le 20ème arrondissement. Entré dans l’illégalité, il interrompt sa formation en ajustage métallurgique et devient résistant à temps plein. En août 1942, Henri Krasucki, appelé à la direction parisienne des jeunes de la section juive de la M.O.I., choisit ceux d’entre eux qui rejoindront les FTP-M.O.I.“Nous n’avons jamais manqué de volontaires, mon problème était de faire preuve de discernement”.
Le 20 janvier 1943, son père, résistant, est arrêté et déporté à Birkenau dont il ne reviendra pas.
Les Brigades Spéciales organisent trois grandes filatures contre les organisations de la M.O.I. parisienne. La première aboutit en mars 1943 à l’arrestation de dizaines de jeunes communistes juifs dont “Bertrand”-Henri Krasucki et “Martine”-Paulette Szlifke (P. Sarcey).
Henri Krasucki est longuement torturé, y compris devant sa mère, au commissariat de Puteaux et dans les locaux de la police allemande. Il est mis au secret dans le quartier des condamnés à mort à la prison militaire allemande de Fresnes. En juin 1943, il est transféré à Drancy où il retrouve sa mère et plusieurs de ses camarades. C’est comme Juifs et non comme résistants qu’ils sont déportés par le convoi n°55 à Auschwitz.
Les hommes et les femmes sont immédiatement séparés. Henri Krasucki, Samuel Radzinski et Roger Trugnan sont affectés à Jawischowitz (camp annexe d’Auschwitz), où sont exploitées deux mines de charbon. Henri Krasucki devient le responsable du petit groupe de Français dans l’organisation de solidarité et de Résistance du camp. A l’approche des troupes soviétiques, Jawischowitz est évacué. Après un voyage de trois jours sous la neige, à pied et en wagons découverts, les survivants arrivent au camp de Buchenwald.
Le 11 avril 1945, Henri Krasucki participe à la libération du camp. Il est de retour à Paris à temps pour prendre part à la manifestation du 1er mai. Il a 20 ans.
Du convoi 55 pour Auschwitz comprenant 1018 déportés, il ne reste que quelque 80 survivants.
Après la Libération, Henri Krasucki devient membre du Comité central et du Bureau politique du PCF, directeur de la Vie Ouvrière et Secrétaire général de la CGT.
Références
— Langeois Christian, 2012, Henri Krasucki. Éd du Cherche-Midi.
— Laffitte Mourad et Karsznia Laurence, 2015, Une jeunesse parisienne en résistance. Film documentaire.
— Photo : MNR-Champigny (DR)
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La répression contre les communistes commence dès le 27 août 1939 lorsque les journaux communistes, notamment l’Humanité, titrent en faveur de l’union de la nation française contre l’agresseur hitlérien. La presse communiste est saisie en raison de son approbation du pacte de non agression militaire et diplomatique germano-soviétique. Les mesures de répression prennent une nouvelle ampleur à la fin de septembre lorsque le 26 du mois, le Parti communiste français (PCF) est dissous. Les élus sont sommés de faire une déclaration désapprouvant leur soutien à l’Internationale communiste sous peine d’être poursuivis et appréhendés. Dès ce moment, une grande partie du groupe parlementaire est arrêtée puis inculpée. Le Ministère de l’Intérieur faisant le bilan de la répression en mars 1940, décompte 2718 élus déchus de leurs mandats, 3400 arrestations, 1500 condamnations déjà prononcées sans compter les centaines de fonctionnaires épurés. Des centaines de syndicats sont dissous. En avril 1940, 44 députés comparaissent pour reconstitution de ligue dissoute. Ils sont condamnés à 5 ans de prison. Maurice Thorez et André Marty, dirigeants du PCF, sont, par ailleurs, déchus de la nationalité française. Le 10 avril 1940, le gouvernement décrète la peine de mort contre les communistes dont l’activité est assimilée à de la trahison envers le pays.
Référence
Martelli Roger, Vigreux Jean, Wolikow Serge, 2020, Le Parti rouge, une histoire du PCF 1920-2020, Éd. Fayard
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Le 1er février 1944, les huit plus grands mouvements de Résistance français sont regroupés dans les Forces françaises de l’intérieur (FFI), sous le commandement du général Kœnig basé à Londres.
L’Armée secrète (AS, gaulliste, regroupant Combat, Libération-Sud, Franc-Tireur), l’Organisation de Résistance de l’armée (ORA) et les communistes avec les Francs-tireurs et partisans Français (FTPF ou FTP) et les FTP-M.O.I. composent principalement les FFI.
L’objectif est de coordonner leurs actions pour préparer le débarquement des troupes alliées sur les côtes de France.
Un Commandement central des FFI est créé en zones Nord et Sud, et des organisations régionales couvrent l’ensemble du territoire.
Un Comité militaire d’action est fondé par le Comité central des mouvements de Résistance sous le nom de COMIDAC. En mai 1944, le COMIDAC se rattache au Conseil national de la Résistance (CNR). Il devient le COMAC, surtout préoccupé d’insurrection nationale.
Les communistes y sont majoritaires. Sous l’égide du CNR, ils organisent des comités départementaux de libération (CDL).
Après la mise en œuvre de la paralysie des transports par voie ferrée et le sabotage des réseaux électriques, les FFI participent efficacement à la libération du territoire, notamment en Bretagne, à Paris, dans le Sud-Ouest et le Sud-Est.
Ils jouent un rôle non négligeable dans la préparation du débarquement allié en Normandie de juin 1944 et dans la libération de la France.
Les effectifs des FFI sont de 100 000 en janvier 1944,200 000 en juin et 400 000 en octobre.
Après la libération de Paris, le général de Gaulle, chef du Gouvernement provisoire de la république française (GPRF), inquiet de l’existence de groupes armés « incontrôlés », est soucieux de rétablir l’« ordre républicain ». Il fait paraître, le 28 août, un décret ordonnant la dissolution de toutes les unités FFI constituées pour les combats clandestins.
De Gaulle offre aux résistants, désireux de combattre jusqu’à la victoire finale, la possibilité de rejoindre les unités de la nouvelle armée française.
En septembre 1944, les FFI sont intégrées dans l’armée régulière.
Le COMAC finit par disparaître en janvier 1945 lorsque le Comité central du PCF appelle au “retour à l’ordre républicain” souhaité par de Gaulle. De même, le GPRF supprime la direction FFI du ministère de la Guerre.
Référence
Muracciole Jean-François, 1993, Histoire de la Résistance en France, Paris, PUF.
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À la fin de la Seconde Guerre mondiale, face à l’avancée des alliés, les SS détruisent les traces de leurs crimes (chambres à gaz et fours crématoires). Ils transfèrent les déportés survivants vers des camps dépourvus d’équipements de mise à mort, en Autriche et dans le centre de l’Allemagne ; le processus d’extermination des Juifs ne doit pas être connu. Lors des transferts à pied (les marches de la mort), de très nombreux hommes et femmes meurent d’épuisement, de faim, de maladie, de froid ou sont exécutés par les gardiens SS qui ont reçu l’ordre de tuer les plus faibles.
Mais les nazis ont besoin de main d’œuvre et des déportés encore valides peuvent être « réutilisés » à la fabrication d’armement.
” Nous marchons toute la nuit, de la neige jusqu’aux genoux. Interdiction de s’arrêter au risque d’être abattu sur place ; nous faisons nos besoins en marchant. Les SS, inquiets de l’avancée des troupes soviétiques, accélèrent le rythme. Nos forces s’affaiblissent rapidement ; de nombreux cadavres jonchent la route. Après une nuit et une journée de marche, nous faisons un arrêt dans une grange… Puis nous marchons encore deux jours et trois nuits, parcourant plus de 250 kms jusqu’à la gare de Gross-Rosen où nous attend un train. On monte dedans. Ce sont des wagons à plates-formes découvertes. Une fine couche de neige couvre le sol et se transforme en eau quand nous prenons place… Huit jours environ après avoir quitté Auschwitz, nous arrivons au camp de Ravensbrück. C’est une vision de l’enfer sur terre… Ce ne sont que vermine, morts et excréments…”
Ainsi, Paulette Sarcey, jeune militante de la section juive de la M.O.I., relate-t-elle sa marche de la mort à laquelle ont été contraintes plusieurs dizaines de milliers de déportées.
Références
— Sarcey Paulette (avec Karen Taïeb) 2015, Paula, Survivre obstinément. Ed. Tallandier
— Lettre des résistants et déportés juifs, janvier 1995, N° 21.
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Le Conseil national de la Résistance (CNR), fondé en mai 1943 et voulu par le général de Gaulle, regroupe tous les mouvements de Résistance, de la droite républicaine aux communistes.
L’objectif est l’unification des diverses tendances de la Résistance intérieure sous l’autorité des forces de la Résistance extérieure gaulliste.
Jean Moulin, premier président du CNR, choisi par de Gaulle, est arrêté par la gestapo le 21 juin 1943. Il meurt le mois suivant après avoir été torturé. Georges Bidault devient le second président.
Le Programme du CNR, « Les jours heureux », adopté à l’unanimité, paraît le 15 mars 1944 après un long cheminement et plusieurs moutures. Peu diffusé à sa parution, ce programme prend toute sa place durant les années 1944-45. Il préconise des « mesures destinées à instaurer, dès la Libération du territoire, un ordre social plus juste. ».
Son premier volet exprime sa volonté « d’abattre l’Allemagne nazie » et souligne l’importance de l’action immédiate militaire avec la mise en œuvre de Milices patriotiques au sein des villes et villages.
Le second volet présente des mesures démocratiques :
— Rétablissement du suffrage universel.
— Liberté de pensée, de conscience et d’expression.
— Liberté de réunion et de manifestation.
—Égalité devant la loi.
C’est dans le domaine économique et social que l’influence des valeurs communistes est la plus évidente :
— Retour à la nation des grands moyens de production, de toutes les sources d’énergie et des grandes banques.
— Participation des travailleurs et droits des syndicats.
— Promotion des ouvriers au sein de l’entreprise.
— Revalorisation des salaires.
— Programme de sécurité sociale complet comprenant, notamment, protection de la santé, sécurité de l’emploi, aides sociales, droit au travail, droit du travail, extension du droit à la retraite.
Le CNR prévoit « l’extension des droits politiques, sociaux et économiques aux populations indigènes et coloniales » et n’oublie ni la Culture ni l’Education pour tous en encourageant la promotion d’une élite due au mérite et non à la naissance
Les mesures à appliquer promeuvent, en outre, la suppression de toutes les discriminations dont les Juifs ont été victimes, la restitution de leurs biens, le respect de la personne humaine et la justice sociale pour tous.
Le poids des interventions des nombreux résistant (e) s et des débats à l’Assemblée consultative provisoire qui siège à partir de 1943 à Alger puis à Paris après la Libération, permet l’adoption d’ordonnances portant les idées du programme du CNR.
Les divergences d’idées, au sein des différentes sensibilités du Conseil, expliquent, entre autres, les absences de références directes à la laïcité ou au vote des femmes.
Références
— CNR, 1944, « Les Jours heureux » Paris.
— Andrieu Claire, 1984, « Le Programme commun de la Résistance » Paris Ed. de l’Erudit,
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Les Brigades Internationales (BI), composées de combattants volontaires antifascistes venus de nombreux pays, sont créées, par décret du gouvernement espagnol, le 22 octobre 1936. L’objectif : Voler au secours de la république espagnole en danger.
Après un bref entraînement, les premières unités participent à la défense de Madrid, assiégée par les troupes du général nationaliste Franco depuis le 8 novembre.
Les motivations des volontaires sont diverses : par exemple, les Italiens, les Allemands et les Hongrois, venus de pays totalitaires, poursuivent en Espagne le combat antifasciste. Chez les Français, outre la proximité géographique, s’impose la fraternité unissant les Fronts populaires français et espagnol.
La gauche et l’extrême gauche sont très représentées.
Les brigadistes français sont les plus nombreux. Les volontaires sont groupés par langues : les Franco-Belges sont réunis dans le bataillon Commune de Paris, les Polonais, Tchèques et Hongrois sont rassemblés dans le bataillon Dombrowski (dont la compagnie Naftali Botwin, composée de Juifs).
Au début de 1937, les B.I. subissent des pertes énormes lors de l’encerclement de Madrid par les nationalistes. Dans la phase défensive finale de la guerre, elles tentent de rétablir le contact avec la Catalogne.
Le gouvernement républicain espagnol, dans l’espoir de mettre fin à la guerre civile et d’obtenir la levée de l’embargo sur les armes, applique la décision de la Société des Nations et dissout les Brigades Internationales le 21 septembre 1938. En vain ; victimes de la « non-intervention », les républicains perdent la guerre, le 28 mars 1939, face aux forces nationalistes espagnoles soutenues par le nazi allemand Hitler et le fasciste italien, Mussolini.
On compte environ 35000 brigadistes sur toute la durée de la guerre civile. 15000 sont tués.
Si beaucoup de brigadistes rescapés regagnent leur pays, nombre d’autres, originaires des pays fascistes rejoignent l’Armée populaire espagnole. En 1939, avec la chute de la Catalogne, ils se réfugient en France. Comme le demi-million d’Espagnols fuyant la répression franquiste, ils subissent l’internement dans les camps d’Argelès-sur-Mer, Saint-Cyprien, Agde et Gurs. Dès l’armistice du 22 juin 1940, les brigadistes allemands et autrichiens sont livrés aux nazis.
Sous l’Occupation allemande en France, forts de leur expérience militaire en Espagne, des brigadistes seront des cadres actifs des FTPF et des FTP-M.O.I.
Référence
Delperrié de Bayac Jacques, 1968, Les Brigades Internationales, Paris, Ed. Fayard.
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« Neptune » est la première phase de l’« opération Overlord » qui vise, principalement, à créer l’ouverture d’un nouveau front, souhaité par les Soviétiques.
À la radio anglaise BBC, dès le 1er juin 1944, les réseaux de Résistance sont avertis du débarquement par un message codé emprunté à un vers de Verlaine « Les sanglots longs des violons de l’automne ».
Le 6 juin au soir, le général de Gaulle appelle à « l’action des forces de la Résistance ». Des milliers d’hommes rejoignent les maquis.
Les Francs-tireurs et partisans (FTP), des corps francs et des maquis n’ont pas attendu « le jour J » pour engager la lutte armée. Huit mois auparavant, déjà, la Corse s’est libérée par une insurrection des résistants, le 4 octobre 1943.
Dans tout le pays, les plans élaborés à Londres sont mis en œuvre le soir du 5 juin 1944, quelques heures avant le débarquement. Le « plan vert » prévoit le sabotage des lignes ferroviaires, le « plan Tortue » vise à interrompre ou à gêner la circulation routière et le « plan Violet » concerne les télécoms. L’objectif : couper les communications allemandes et retarder au maximum l’arrivée des renforts. La Résistance joue un rôle important en sabotant les voies ferrées et les lignes téléphoniques ennemies. Le déclenchement des opérations est annoncé sur la BBC par différents messages, tels que : « les carottes sont cuites”, “le chat sort et chasse”, et : « Blessent mon cœur d’une langueur monotone”.
Plus de 1000 coupures ferroviaires sont effectuées pendant l’été 1944, le trafic des trains se voit réduit de moitié. Les maquis locaux fournissent des renseignements précieux sur la localisation des troupes allemandes et leur équipement. En représailles aux opérations de sabotage, les Allemands fusillent 650 résistants et otages normands.
Pour le commandant des forces alliées en Europe, le général Eisenhower, « les FFI ont joué un rôle non négligeable dans la préparation du débarquement allié en Normandie et dans la libération de la France ».
Le débarquement allié de Normandie, amphibie et aéroporté, accélère l’unification des forces armées de Résistance qui libèrent les principales agglomérations, comme Paris le 24 août.
Les FTP-M.O.I. intégrés depuis mai 1943 aux Francs-tireurs et partisans (FTP) sont partie prenante de la libération des villes de France.
Références
— Bougeard Christian, 2006, 6 juin 1944 : le débarquement de Normandie in : F. Marcot (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, Éditions Robert Laffont.
— Wieviorka Olivier, 2007, Histoire du débarquement en Normandie. Des origines à la libération de Paris (1941-1944), Éditions du Seuil
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Les quartiers juifs ou juiveries ont existé de tout temps dans les villes d’Europe, y compris en France. Les Juifs y résident librement ou sont plus ou moins soumis à des lois de ségrégation. Les juderías de l’Espagne catholique, au 15ème siècle, vont faciliter l’action de l’Inquisition.
Le premier quartier imposé aux Juifs par les autorités de l’État, le ghetto de Venise, apparaît en 1516. Il est fermé du crépuscule à l’aube.
En Europe centrale, au 19ème siècle, les quartiers juifs sont pauvres, exigus et surpeuplés, les déplacements des habitants sont réglementés mais la vie communautaire et culturelle y est souvent intense. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les quartiers juifs transformés en ghettos contrôlés par les nazis, participent du dispositif concentrationnaire et d’extermination.
Certains ghettos sont couplés avec des centres de mise à mort : Łódź et Chelmno, Minsk et Maly Trostinets, Wilno et Ponar.
Les nazis parquent les Juifs d’Europe orientale dans leurs quartiers d’habitation, coupés de tout contact avec l’extérieur, notamment à Wilno, Kaunas, Cracovie, Varsovie, Lublin, Lwów, Riga, Białystok, Łódź… À Wilno (actuelle Vilnius), les Juifs sont répartis dans 2 ghettos.
Le quotidien dans tous ces ghettos, travail forcé, privations, insalubrité, misère, morts nombreuses par épidémies ou mauvais traitements, est semblable aux conditions des détenus dans les camps d’extermination, à partir de décembre 1941. Les massacres de masse de Juifs par les commandos de la mort démultiplient le nombre de victimes mais les nazis ont des projets de planification exterminatrice industrielle.
À Varsovie, le ghetto se révolte avant d’être détruit pierre par pierre après un héroïque soulèvement, en avril-mai 1943.
Les ghettos, étapes préalables à la « solution finale de la question juive » sont condamnés à disparaître par la généralisation du Zyklon B et l’évacuation, en nombre, des Juifs vers les chambres à gaz des camps d’extermination.
Par extension abusive, et sans commune mesure avec les conditions des ghettos juifs de la période nazie, le terme ghetto est employé actuellement dans une autre acception.
Il désigne un quartier défavorisé où se concentre une minorité ethnique, culturelle ou religieuse qui vit repliée sur elle-même dans des conditions précaires.
Références
— Rojtman Pierre-Jacques, Wirth Louis, (2004), Le Ghetto. In : Diasporas. Histoire et sociétés, n° 4, Cinéma, cinéma. pp. 180-191. Éditions Persée.
— Encyclopédie Larousse, en ligne : https : //www. larousse. fr/encyclopedie
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La haine des Juifs existe depuis l’Antiquité. L’antisémitisme médiéval est chrétien et religieux. Les Juifs sont accusés de la mort de Jésus (en occultant le fait que Jésus était lui-même juif) et de crimes rituels. Victimes de nombreuses interdictions et persécutions, nombre d’entre eux se trouvent, par obligation, confinés au commerce et au prêt d'argent (interdit par le catholicisme comme par l’islam). Il en résulte, notamment dans la paysannerie, une identification du judaïsme à l’usure, surtout en Europe centrale et orientale.
À l’époque contemporaine, l’antisémitisme revêt deux nouvelles formes. Avec le développement du capitalisme industriel et financier, les Juifs sont désormais dénoncés comme protagonistes de l’exploitation, bénéficiaires de la « dictature du profit », et visant à la domination du monde. Le fantasme affecte presque tous les courants politiques. À gauche, en évoquant les Rothschild, on dénonce le capitalisme. À droite, on fustige les Juifs artisans des révolutions. C’est aussi, au milieu du 19ème siècle et dans la première moitié du 20ème, l’émergence d’un antisémitisme « biologique » énonçant le « caractère dégénéré » de la « race juive ». Les deux formes se combinent pour culminer dans le nazisme, contempteur du « judéo-capitalisme », du « judéo-bolchévisme » et à l’origine de la Shoah.
En France, le krach de l’Union générale (1882) inaugure une longue période de récession économique. Cette banque s’affirme, face aux anciennes banques juives et protestantes, comme la banque des catholiques. Sa faillite ruine des milliers de petits épargnants qui, ignorant les pratiques financières douteuses d’Émile Bontoux son créateur, en rendront responsable la banque juive (Rothschild). C’est le début d’une vague antisémite. L’ouvrage de Drumont, La France juive (1886) et l’Affaire Dreyfus (1894-1906) constituent des moments forts de la diffusion des rumeurs complotistes (le « complot » des Juifs pour la domination mondiale). Le Protocole des Sages de Sion (1901), faux antisémite fabriqué par l’Okhrana (police secrète tsariste), trouve au 20ème siècle une large audience et continue, de nos jours, à alimenter les théories du complot.
Référence
Poliakov Léon, 1955, Histoire de l’antisémitisme, Éditions du Seuil, coll. Points Histoire.
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Dès le 15 juin 1940, au lendemain de l’entrée des troupes allemandes dans Paris, quelques responsables d’organisations juives non communistes reprennent en charge, en direction de la population juive immigrée, dispensaires, cantines et bureaux d’aide (qu’ils administraient avant la guerre. À cet effet, ils créent au 36 de la rue Amelot, dans le 11ème arrondissement de Paris, au siège de la “Colonie scolaire” en place depuis 1925, un comité de coordination, le Comité Amelot.
Ces organisations développent leurs activités d’assistance et d’entraide communautaires. Elles informeront assez rapidement les Juifs immigrés du péril qui les menace et participeront souvent, avec les organisations de la section juive de la M.O.I., à des actions de Résistance.
Le dispensaire “La mère et l’enfant”, situé aussi au 36 de la rue Amelot, sert de couverture aux activités clandestines qui concernent surtout, au début de l’occupation, l’aide au franchissement de la ligne de démarcation et la fourniture de faux papiers. Le Comité Amelot vient également en aide aux internés des camps de Pithiviers, Beaune-la-Rolande et Drancy. Henri Bulawko, jeune sioniste de gauche, fabricant de faux papiers, est en relation avec Roger Trugnan, membre des Jeunesses communistes juives qui lui remet de nombreux tracts annonçant une grande rafle (dite plus tard rafle du Vel’d’Hiv) quelques jours avant le 16 juillet 1942. Le Comité Amelot déploie une intense activité pour cacher le plus grand nombre de Juifs. Après chaque rafle, il se porte au secours des enfants dont les parents ont été arrêtés.
Dès la fin de l’année 1942, le Comité subit de lourdes pertes. Nombre de ses membres sont fusillés ou déportés. Henri Bulawko est arrêté en 1942 déporté et rapatrié en France après avoir survécu aux “marches de la mort”. Léo Glaeser, membre fondateur du Comité Amelot, appréhendé par la Gestapo à Lyon, est fusillé en juin 1944 par la milice française dirigée par Paul Touvier. David Rapoport, le secrétaire général du Comité, arrêté le 1er juin 1943 pour avoir distribué de fausses cartes est déporté à Auschwitz dont il ne reviendra pas.
Le Comité continue néanmoins de fonctionner grâce aux responsables restés en liberté.
Références
— Collectif, 2006, Organisation juive de combat. France. 1940-1945. Collection Mémoire. Ed Autrement.
— Poznanski Renée, 2006, Dictionnaire historique de la Résistance, Ed. Robert Laffont.
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L’American Jewish Joint Distribution Committee (JDC ou Joint) est une organisation d’entraide juive américaine fondée en 1914 pour secourir les Juifs touchés par la guerre. Le Joint vient en aide aux populations juives d’Europe centrale et orientale et du Proche-Orient.
Dès l’arrivée des nazis au pouvoir, en 1933, le Joint soutient, notamment, l’installation de réfugiés juifs allemands et autrichiens en Amérique latine et même en Asie.
Les bureaux de Paris ferment pendant l’Occupation mais le Joint développe des activités clandestines d’entraide et de Résistance, en France comme dans d’autres pays d’Europe.
Au plus fort de l’emprise nazie, en 1942, l’aide américaine ne peut plus atteindre les ghettos de Pologne ou de Lituanie dont les populations sont rapidement assassinées.
Elle parvient à s’exercer dans d’autres pays de l’Est malgré les persécutions et avant le transfert des Juifs dans les camps d’extermination.
À la fin de la guerre, le Joint apporte son soutien aux Juifs rescapés d’Europe, à ceux qui émigrent en Palestine sous mandat britannique puis aux immigrants du nouvel État israélien.
Auparavant, dans les derniers mois de l’Occupation, le Joint verse des fonds au Comité de l’Enfance de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE) par l’intermédiaire de l’Œuvre de Secours aux Enfants (l’OSE) qui relaie avec force toutes les demandes de l’UJRE.
Après la Libération, Joseph Minc, Responsable du Comité et avec l’accord de ses membres (Szmulek Farber, Cécile Cerf, Jeanne Pakin, Sophie Schwartz, Louba Pludermacher, Isidore Bernstein), souhaite recevoir directement l’aide du Joint.
En ce début de guerre froide, l’UJRE va être considérée par les Américains comme une organisation politique communiste liée à l’URSS. Joseph Minc propose alors une appellation moins marquée : le Comité de l’Enfance de l’UJRE devient la Commission Centrale de l’Enfance (CCE). Minc en est le Secrétaire général.
La nouvelle désignation convainc, la CCE reçoit directement du Joint des subsides indispensables à son fonctionnement et des colis de vêtements pour les enfants.
Dès 1946, dans une salle du 14 rue de Paradis (dans le 10ème arrondissement de Paris), siège de l’UJRE, les militants viennent choisir des vêtements pour leurs enfants.
Le Joint cesse de subventionner la CCE en janvier 1953.
Références
— Hobson Faure Laura, 2018, Un “plan Marshall juif” ? La présence juive américaine en France après la Shoah, 1944-1954, Paris, Le Manuscrit.
— Minc Joseph, 2001, L’extraordinaire histoire de ma vie ordinaire. Cop. Joseph Minc, Bookpole.
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La Révolution nationale prônée en 1940 par l’État français de Vichy est une tentative d’expérimentation d’un nouveau régime répondant aux attentes des ligues d’extrême droite. C’est un véritable programme politique qui est imposé, incarné par un chef aux pouvoirs absolus dans un État hiérarchisé. L’idéologie de la Révolution nationale repose sur le respect des valeurs traditionnelles. Les leviers de sa mise en œuvre sont nombreux : préfets puissants, censure, propagande, économie dirigée, police. La Légion française des combattants est l’instrument premier des idéaux de cette Révolution nationale. Au début 1941, un Conseil national est en charge de l’élaboration d’une Constitution glorifiant le Travail, la Famille et la Patrie, triptyque qui constitue la devise officielle de l’État français.
La ruralité et la jeunesse sont exaltées, la Charte du travail, combiné de corporatisme, d’étatisme et de paternalisme, crée un syndicat unique de tous les actifs – à l’exception des paysans –, employeurs et salariés réunis. La réalisation du programme se heurte à de multiples difficultés : rivalités entre les ligues d’extrême droite, influence de la mouvance catholique, esprit corporatiste et faiblesse du socle social du régime. La Révolution nationale est perçue comme un des éléments clés de la collaboration d’État avec les nazis.
Références
— Cointet Jean-Paul, 2000, Révolution nationale dans le Dictionnaire historique de la France sous l’Occupation, 2000, Éditions Tallandier.
— Noiriel Gérard, 1999, Les origines républicaines de Vichy, 1999, Éditions Hachette Littérature.
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Tous les Partis communistes alignés sur le régime de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) sont regroupés au sein de l’Internationale communiste, basée à Moscou. Le 23 août 1939, Joseph Staline, secrétaire général du Parti communiste soviétique, signe le Pacte de non agression avec l’Allemagne, représentée par le nazi Ribbentrop. Dimitrov et Manouilsky, les dirigeants de l’Internationale communiste n’en sont pas préalablement informés. C’est seulement le 7 septembre au cours d’une réunion avec Staline qu’ils prennent connaissance de la nouvelle ligne qu’ils devront répercuter, à l’étranger, auprès des différents Partis communistes. Dès lors, en utilisant divers moyens de communications, télégrammes ou envois d’émissaires, une politique inédite doit s’imposer. Pour le Parti communiste français (PCF), André Marty, qui séjourne alors à Moscou, supervise les opérations tandis que Maurice Thorez, autre dirigeant du PCF, est appelé à quitter son régiment pour rejoindre l’URSS. Il y demeure pendant plus de 4 ans. Cette nouvelle ligne qui renvoie dos à dos les puissances impérialistes en guerre (France et Grande-Bretagne contre l’Allemagne nazie) suscite des réticences sinon des incompréhensions au sein du PCF, qui, jusqu’alors, a lié la lutte contre le fascisme à la défense des libertés démocratiques.
Référence
Wolikow Serge, 2010, Histoire de l’Internationale communiste, Ed. de l’Atelier.
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Après la partition de l’empire ottoman, la Palestine est placée sous mandat britannique en 1920. Ceux des Juifs qui militent pour la création d’un foyer national juif et le retour à la terre biblique de Sion y émigrent. La WIZO, fondée depuis 1918 au Royaume-Uni, par cinq femmes, vient en aide aux femmes et aux enfants juifs du nouveau protectorat britannique de Palestine.
Dans les années suivantes, de nombreuses branches de la WIZO sont créées à travers le monde. En France, Juliette Stern devient responsable de la section française.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la WIZO, dont Juliette Stern est la représentante française, est rattachée à l’Union générale des israélites de France (UGIF), organisme contrôlé par les Allemands.
Des enfants juifs, promis à une mort certaine, sont répartis dans plusieurs centres de l’UGIF à Paris. Juliette Stern commence à les exfiltrer et les fait cacher dans des familles non juives ou dans des Institutions antinazies. Elle finance clandestinement l’opération grâce aux fonds de l’UGIF.
Juliette Stern échappe à la Gestapo, rapidement alertée, mais nombre de ses collègues de la WIZO sont déportées.
La Wizo aura réussi, néanmoins, avec l’aide de nombreuses Institutions laïques et religieuses, d’élus municipaux, du Secours national, de la Croix rouge… à sauver plus de 1000 enfants juifs. Elle a opéré dans le plus grand secret grâce au service 42B, plus connu sous le nom de code SF, un service clandestin au sein de l’UGIF.
Le siège de la Wizo est installé en Israël. Son objectif affiché est la promotion d’une « société civile de solidarité et d’éducation autour de valeurs égalitaires et humanistes ».
Référence
Lazare Lucien, 2001, La Résistance juive : un combat pour la survie, Paris, éd. du Nardi.
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De juillet 1942 à février 1943, l’« armée rouge » soviétique et la Wehrmacht (l’armée allemande) s’affrontent à l’extérieur et à l’intérieur de la ville soviétique de Stalingrad.
Grand centre industriel, la ville représente, en outre, un enjeu énergétique majeur en ouvrant la route du pétrole caucasien convoité par Hitler. Politiquement, elle symbolise le pouvoir du secrétaire général du Comité central du Parti communiste d’URSS, Joseph Staline.
La violence des combats, leur durée, le nombre de victimes, militaires et civiles, et les conditions climatiques glaciales sont extrêmes.
La défaite de l’armée hitlérienne conduit les forces alliées à renforcer leur action commune contre l’ « axe » (Allemagne, Italie, Japon principalement). L’issue de la bataille de Stalingrad permet un retournement militaire, stratégique et politique qui va conduire à la victoire sur le nazisme.
« Avant Stalingrad, nous avions la conviction que nous pouvions vaincre le nazisme ; après Stalingrad, nous en eûmes la certitude. »
Robert Endewelt, résistant M.O.I., Responsable de l’Union de la jeunesse juive (UJJ) de Paris.
Référence
Lopez Jean, Wieviorka Olivier, 2015, Les Mythes de la Seconde Guerre mondiale. Ed. Perrin
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L’étoile de David à six branches ou étoile juive est un symbole très ancien associé au judaïsme au début du Moyen Âge. Il représente, selon la tradition juive, l’emblème du roi David ou le symbole du Messie.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, cette étoile, en tissu, doit être cousue sur le côté gauche du manteau. Elle se situe dans la lignée des signes discriminatoires subis par les Juifs au cours de leur longue Histoire. L’étoile jaune rappelle, notamment, la rouelle du Moyen Âge.
Les nazis imposent le port de l’étoile jaune à tous les Juifs d’Europe. La mesure est généralisée le 1er septembre 1941 par une décision du dirigeant nazi Heydrich alors que l’extermination systématique des Juifs d’Europe orientale a déjà commencé avec les massacres de masse en Ukraine, en Lituanie…
Le centre de l’étoile porte le mot « Juif » en langue locale (« Jude » en Allemagne, « Juif » en France, etc). La calligraphie est censée rappeler l’écriture hébraïque.
En France, le port de cette étoile, prescrit par l’ordonnance allemande du 29 mai 1942, est rendu obligatoire en zone nord occupée, à compter du 7 juin. Tous les Juifs âgés de plus de six ans doivent la porter en public de manière visible.
Les autorités, françaises et allemandes, chargent la police française de veiller à l’application de l’ordonnance. L’étoile jaune intensifie la ségrégation dans la vie quotidienne, illustrée dès 1940 par le premier statut des Juifs, puis en 1941 par le second statut. Autre objet lié à la discrimination, la carte d’identité portant la mention « juif » double le marquage, au nord puis au sud. Le port obligatoire de l’ étoile marque le début de l’affichage de la politique de persécution, conduite par les nazis et leurs collaborateurs, mais c’est aussi le départ d’une prise de conscience, dans la population, du sort réservé aux Juifs.
La soixantaine de citoyens français non juifs qui portent l’étoile jaune par solidarité sont emprisonnés en tant qu’ « amis des Juifs ».
Les résistants de la section juive de la M.O.I., appelle la population juive, jusque-là majoritairement légaliste, à la désobéissance, notamment quant au port de l’étoile juive.
Référence
Klarsfeld Serge, 1992, L’Étoile des Juifs : témoignages et documents, Paris, Ed. L’Archipel
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Le contenu des émissions de Radio-Moscou est ciblé, pendant la Seconde Guerre mondiale, sur la lutte contre les pays fascistes et le combat des résistants.
À partir d’août 1941, l’écrivain français Jean-Richard Bloch est une des voix de la France depuis Moscou.
C’est sur les ondes de Radio Moscou qu’est annoncée, le 24 août 1941, la création du Comité antifasciste juif d’Union soviétique. Un appel aux Juifs du monde entier est diffusé en trois langues : russe anglais et yiddish. Il révèle l’existence des massacres de masse perpétrés contre les Juifs en Europe de l’Est. Artistes et écrivains soviétiques (parmi eux, Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman) invitent les Juifs à accroître leur lutte contre le nazisme et à soutenir l’Union soviétique dans ce combat. L’écrivain David Bergelson s’adresse en yiddish, à l’ensemble des Juifs et les appelle à la résistance contre les nazis qui menacent l’« existence même du peuple juif ».
Le message est capté par la section juive de la M.O.I., aussi bien à Paris qu’à Lyon, et il est aussitôt diffusé dans sa presse clandestine.
Le destin particulier des Juifs dans cette guerre est mis en lumière pour la première fois.
Une émission nocturne de Radio Moscou est destinée aux maquisards français, dont beaucoup sont communistes. Outre l’information générale sur les opérations militaires du front germano-soviétique, Radio Moscou évoque également la tactique et les méthodes de guérilla de la Résistance française.
Par ailleurs, une émission hebdomadaire d’une demi-heure conçue par les représentants de la mission diplomatique et militaire à Moscou est diffusée par le mouvement France combattante du général de Gaulle.
Référence
Ehrenbourg Ilya, Grossman Vassili (et un collectif), 1995, Le Livre noir Arles, Actes Sud.
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Heinrich Himmler, haut dignitaire nazi, crée, en Pologne occupée, le 27 avril 1940, le camp de concentration d’Auschwitz pour les prisonniers de guerre (majoritairement polonais et soviétiques). Ils sont contraints à travailler, principalement dans les usines, les fonderies ou les mines. Auschwitz s’étend sur 40 km² et totalise 11 000 prisonniers.
D’autres camps de travail forcé alentour vont contribuer également au développement de l’économie allemande.
En 1941, Himmler ordonne la construction d’un camp spécifique, destiné à l’extermination massive des Juifs d’Europe, sur le site du village voisin de Birkenau. Après divers essais sur les prisonniers de guerre, le gaz Zyklon B (un insecticide puissant) est utilisé par les nazis pour éliminer les déportés.
À partir de juillet 1942, les médecins nazis pratiquent la sélection à l’arrivée au camp : les déportés valides, rasés et tatoués d’un numéro matricule, sont envoyés au travail, les vieillards, les faibles, les femmes enceintes et les enfants à la mort.
Un chemin de fer aboutit au camp et en un jour, on peut décharger les victimes, en gazer 3 000 et en brûler près de 4 800.
R. Höss, commandant du camp, organise industriellement la mise à mort en trois temps : une zone de déshabillage (vêtements, chaussures, lunettes, prothèses dentaires sont récupérés, triés et destinés à la population allemande), une zone de gazage et une zone de fours crématoires.
Les médecins du camp effectuent des recherches « scientifiques » pour l’anéantissement biologique des populations non aryennes. Les nourrissons, les jumeaux, les nains, les femmes enceintes servent de « cobayes » aux manipulations génétiques du docteur Mengele.
Fin novembre 1944, face à l’avancée des armées alliées, Himmler donne l’ordre de détruire toutes les preuves du génocide et de démanteler les installations de mise à mort. Le 17 janvier 1945, le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau est évacué. La « marche de la mort » entraîne sur les routes 58 000 déportés vers un camp de concentration éloigné. Ils avancent plusieurs jours dans le froid et la neige, sans nourriture. Beaucoup meurent en chemin, abattus par les nazis ou épuisés.
Au moins 1,3 million de personnes sont déportées à Auschwitz-Birkenau. Près d’un million de Juifs d’Europe y sont assassinés (dont 69 000 Juifs de France) ainsi que des Tziganes. Les Juifs représentent 90 % des victimes. Le camp d’Auschwitz-Birkenau n’est pas le seul centre de mise à mort mais il est devenu le symbole de la barbarie nazie. Il est libéré par l’Armée rouge le 27 janvier 1945.
Référence
Mémorial de la Shoah, 2011, Enseigner la Shoah. Étude de cas : le complexe d’Auschwitz-Birkenau.
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Le sigle SS désigne l’organisation nazie Schutzstaffel (littéralement « escadron de protection »). Par extension, les SS sont les agents de cette organisation paramilitaire nazie aux pouvoirs innombrables. D’abord conçue pour protéger Hitler dès 1925, la SS devient surpuissante pendant la Seconde Guerre mondiale et démultiplie ses fonctions : idéologique, politique, économique, militaire. La Waffen-SS, sa branche armée, se singularise par ses exactions sur tous les théâtres de guerre.
Heinrich Himmler, principal dirigeant de la SS, est l’organisateur de l’extermination des Juifs d’Europe avec son adjoint, Reinhard Heydrich. Adolf Eichmann, autre haut dignitaire de la SS, assure la logistique de la « Solution finale de la question juive ».
La SS planifie les massacres de masse (ou « Shoah par balles ») en Europe de l’Est en déployant les « Einzatsgruppen », des unités mobiles meurtrières, principalement en Ukraine, en Lituanie ou en Biélorussie. Près de 3 millions de Juifs sont assassinés par fusillades.
Les camps d’extermination par le gaz, conçus par la SS, prennent le relais des massacres de masse et « industrialisent » le processus de destruction. Les centres de mise à mort de Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka, Auschwitz-Birkenau et Majdanek sont tous gérés par la SS. C’est la SS, encore, qui écrase le soulèvement du Ghetto de Varsovie.
En France, alors que la fin du nazisme est proche, c’est une division SS qui perpètre le massacre d’Oradour-sur-Glane (648 villageois brûlés vifs dans l’église en représailles à des actions des Résistance).
La SS est directement responsable de la « Shoah ». Toutes nationalités confondues, les victimes juives des nazis en général et de la SS en particulier s’élèvent à 6 millions.
Au procès de Nuremberg (1945-1946), la SS, qui a répandu la terreur sur l’Europe entière, est déclarée officiellement « organisation criminelle ».
Références
— Wieviorka Annette, 2006, le procès de Nuremberg. Ed Levi.
— Arendt Hannah, 1966, Eichmann à Jérusalem. Ed. Guérin et 1991, Gallimard folio.
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Dans les conditions de l’extermination programmée, des déportés réussissent à organiser des soulèvements dans 3 des 6 camps d ‘extermination situés en Pologne : Treblinka, Sobibor et Auschwitz.
— Treblinka : à la fin de l’année 1942, plus de 700.000 personnes ont été assassinées à Treblinka. En 1943, les déportés sont chargés de l’exhumation et de la crémation des corps jusque-là enfouis. Le 2 août 1943, un millier d’entre eux s’empare des armes qu’ils ont pu trouver – pioches, haches et quelques armes à feu volées dans l’armurerie – force les barbelés du camp après avoir abattu une partie des gardiens. Environ 200 détenus parviennent à s’échapper et à rejoindre les partisans polonais. A la fin de la guerre, le camp est rasé par les SS pour qu’il n’en subsiste aucune trace.
— Sobibor : dans ce centre de “mise à mort”, 800 à 1000 personnes arrivent chaque jour par train. 350.000 Juifs environ sont exterminés sur une période de 17 mois, du 8 mai 1942 au 14 octobre 1943, date qui marque la fin du camp. L’organisateur de la révolte est un jeune officier de l’Armée Rouge détenu à Sobibor depuis trois semaines. Le 14 octobre 1943, des déportés tuent la plupart des officiers et sous-officiers SS avec des armes fabriquées par les serruriers du camp. 300 détenus réussissent à gagner la forêt en ouvrant un passage dans les barbelés et mettent le feu. Plus d’une centaine sont repris et exécutés. Seule une dizaine de détenus survit à la guerre.
Pour les nazis, l’existence même de Sobibor doit être tenue secrète : tout comme Treblinka, Sobibor est rasé par les SS.
— Auschwitz-Birkenau : les organisateurs de l’idée de Résistance sont des Juifs polonais déportés de France, membres du “Sonderkommando”. A Auschwitz, ce nom est donné à l’équipe de Juifs chargée d’assister les SS lors de la mise à mort des détenus, de ramasser leurs vêtements, d’extraire les dents en or, d’entasser les victimes dans les fours crématoires ou de les brûler sur des bûchers. Les déportés affectés au four crématoire 4 s’organisent dans la clandestinité pour le faire sauter et mettre le feu au crématoire 3. Le 7 octobre 1944, c’est le soulèvement. Les Allemands exécutent les centaines de détenus qui y ont participé. Mais le crématoire 3 ne sera plus utilisé.
Notre Voix, journal clandestin de la section juive de la M.O. I, relate, en avril 1944, “la révolte dans le camp d’extermination de Tremblanki” (Treblinka). L’article se termine ainsi : “Par cet acte courageux dans l’un des plus terribles camps de meurtres, les Juifs de Pologne ont prouvé, une fois de plus, que la lutte, la lutte implacable contre les bourreaux est possible et indispensable […]”.
Références
— Steinberg Lucien, 2012, Pas comme des moutons. Les Juifs contre Hitler. Ed. Les Balustres.
— Rayski Adam, 1996,1999,2001, La lettre des résistants et déportés juifs. (N° 27,43,52). Ed. Union des résistants et déportés juifs de France
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Le sud de la France est en zone « libre » jusqu’en novembre 1942. En septembre 1943, le dirigeant nazi Alois Brunner, rejoint Nice. Son objectif : déporter tous les Juifs réfugiés en zone sud.
Avec l’aide de la milice française, la gestapo y pourchasse alors les Juifs, comme en zone nord.
Deux jeunes Juifs, Moussa Abadi et Odette Rosenstock, sont parmi les réfugiés.
Moussa, passionné de théâtre, venu de Syrie pour étudier en France et Odette, médecin, proche des combattants républicains espagnols, unissent leurs efforts pour sauver les enfants juifs.
Monseigneur Paul Rémond, évêque de Nice, opposé à la France collaborationniste inféodée aux nazis, prend Moussa Abadi sous sa protection. Un réseau se met en place (recherche de caches pour les enfants, fabrication de faux papiers, financement). Mgr Rémond crée une nouvelle identité pour Moussa : « Monsieur Marcel, inspecteur des écoles » et lui réserve un bureau à l’évêché. L’évêque remplit de faux certificats de baptême, de fausses cartes d’alimentation, dissimule les fiches des enfants juifs dans les pages des ouvrages religieux…).
« Monsieur Marcel » dirige sa recherche vers les couvents catholiques, ouverts aux enfants juifs grâce à Paul Rémond.
Odette, de son côté, sous le nom de Sylvie Delattre, concentre son action sur la communauté protestante pour trouver des familles d’accueil. Les pasteurs Pierre Gagnier et Edmond Evrard sont particulièrement efficaces.
L’OSE, le MNCR, la section juive de la M.O. I, en liaison avec d’autres mouvements de Résistance, sont opérationnels depuis 1942 dans le sauvetage des enfants juifs. En 1943, Moussa Abadi conçoit son propre réseau à partir du modèle d’organisation mis en place par Georges Garel de l’OSE.
Par mesure de prudence, le lieu de résidence des enfants demeure secret, y compris pour les parents.
Moussa, Odette et tout le réseau sont en danger permanent. Odette est arrêtée en avril 1944 et déportée à Auschwitz puis à Bergen Belsen.
« Monsieur Marcel » continue seul l’animation du réseau,
Il soutient les résistants juifs communistes traqués par la Gestapo et il cache aussi leurs enfants.
Odette, méconnaissable, revient des camps de la mort en 1945.
527 enfants juifs sont sauvés par le réseau Marcel dans la région niçoise.
Références
— Coleman Fred, 2015, Le réseau Marcel, Éd. Acropole
— Site Les enfants et amis Abadi
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Le fascisme naît officiellement à Milan le 23 mars 1919. Dans une Italie en crise économique, le dilemme réside alors entre révolution sociale ou régime autoritaire.
Au pouvoir, après la marche sur Rome du 27 octobre 1922, Mussolini et ses Faisceaux italiens de combat (« fasci » en italien) usent de la violence et suppriment toute vie démocratique (lois fascistissimes de 1925).
Le fascisme est un mode de contrôle politique qui émerge dans les sociétés industrielles capitalistes : il s’appuie sur les couches sociales frappées par la crise et se prétend la solution historique face à un système capitaliste en déroute.
Ce régime, à parti unique, entend dépasser la lutte des classes en instaurant des structures verticales réunissant en même temps patrons et ouvriers et en supprimant les structures horizontales, comme les syndicats.
Plusieurs variantes de régimes fascistes sont apparues en fonction des conditions politiques, économiques et matérielles de chaque pays.
Dans sa forme nazie, le fascisme, outre une politique des boucs émissaires, s’accompagne de xénophobie, de racisme et d’antisémitisme. Le génocide dont les Juifs ont été principalement les victimes, pendant la Seconde Guerre mondiale, en est la démonstration.
Références
— Portis Larry,2010, Qu’est-ce que le fascisme ? Éditions d’Alternative Libertaire.
— Paxton Robert O., 2004, Le Fascisme en action, Éditions du Seuil.
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Dès 1933, l’idée d’un Congrès juif mondial pour riposter au nazisme est proposée par plusieurs personnalités sionistes. En France, le journal en langue yiddish, La Naïe Presse soutient cette initiative dans son numéro du 7 mai 1936. Les lois nazies antijuives de Nuremberg, édictées en Allemagne, privent les Juifs de tous leurs droits, civils et civiques. L’antisémitisme n’épargne pas la France et il s’aggrave en Europe de l’Est. Des pogroms ravagent la Pologne.
L’urgence d’un Congrès juif mondial s’impose.
Un premier congrès, sioniste, a lieu à Genève en août 1936 et se solde par un échec en raison de la désunion ouverte des participants.
Les Juifs progressistes de France, de leur côté, ne désarment pas. Ils prennent prétexte de l’Exposition universelle prévue en 1937 à Paris et relancent l’idée d’un Congrès mondial pour la défense de la culture juive face au fascisme et au nazisme.
Dans l’optique des progressistes, la culture juive est liée au yiddish, langue du peuple et de la littérature, et non à l’hébreu, langue de la religion et de la tradition.
Les questions à examiner par le Congrès concernent la politique, la philosophie, la presse, l’éducation, les arts, la science, la langue, la littérature… En France, le réseau associatif social et culturel de la section juive de la M.O.I., très actif, dynamise la préparation de l’événement.
Le 15 septembre 1937, la séance inaugurale de ce premier Congrès mondial pour la défense de la culture juive, se tient à Paris.
Les cinq continents sont représentés. Des intellectuels et des artistes juifs, parmi les plus prestigieux, débattent dans une totale liberté d’expression. Les séances abordent tous les grands problèmes du temps et la place de la culture yiddish dans une vision globale et humaniste de la société.
Mais l’époque est sombre. La délégation soviétique est la grande absente du Congrès ; les défenseurs de la culture juive sont visés par les purges staliniennes qui font, alors, de nombreuses victimes en URSS.
La barbarie nazie va bientôt s’étendre à l’Europe entière et anéantir une culture yiddish rayonnante.
Références
— Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Paris, Messidor/Éditions sociales.
— Brossat Alain, Klingberg Sylvia,1983, Le Yiddishland révolutionnaire, Paris, Éd. Balland
(1909-1967)
Nahum Fansten, dit Marceau Vilner, naît en Lituanie en 1909 dans une famille juive. Sa ville, Vilna, est sous administration russe puis polonaise. Il quitte la Pologne vers 1931, pour la Grande-Bretagne, la Belgique et enfin la France. Il devient ingénieur.
Il adhère au Parti communiste français en 1933 sous le nom de N. Marceau. Après la guerre, il choisit le pseudonyme Marceau Vilner.
Marceau Vilner est l’un des principaux animateurs du « Comité International des Intellectuels antifascistes pour la libération de Thaelman », dirigeant communiste allemand emprisonné par le régime nazi.
En février 1938, Vilner écrit dans une brochure bientôt interdite Le fascisme a commencé en Espagne la guerre mondiale.
En septembre 1938, il publie une édition annotée, vite interdite, des principaux extraits de Mein Kampf. Il y dénonce le danger du nazisme.
En juin 1939, son ouvrage, L’Allemagne et la Révolution Française, montre qu’il existe “une autre Allemagne”.
Vilner épouse Rachel, elle-même originaire de Vilna et ex-infirmière dans les Brigades Internationales pendant la guerre d’Espagne.
Engagé volontaire en septembre 1939, Marceau Vilner est démobilisé en août 1940. En lien avec la direction de la M.O.I., il est chargé par l’organisation communiste clandestine « Solidarité » de recruter des groupes de combattants juifs à Paris. Il participe à la rédaction du journal clandestin juif Notre Parole. Vilner passe lui-même dans la clandestinité en mai 1941, au moment de la « rafle » du « Billet vert ».
Il crée une imprimerie clandestine, est arrêté le 26 juillet 1941 et interné au camp des Tourelles puis au camp de Pithiviers ; il y co-organise une grève de la faim en septembre 1941 et une manifestation en décembre. Il dirige une filière d’évasion, confectionne et rédige un journal mensuel. Il est déporté à Auschwitz le 17 juillet 1942 et s’implique, là encore, dans la mise en place d’une filière d’évasion. D’Auschwitz, Vilner est envoyé à Varsovie, en octobre 1943, pour travailler au « nettoyage » des ruines du ghetto. Il est transféré à Dachau le 1er juillet 1944. Les troupes américaines libèrent le camp le 2 mai 1945 et les 600 internés étrangers désignent « Fainstein from France (88323-48932) » pour les représenter « auprès de l’Autorité militaire et de tout autre autorité ». Dès son retour de Dachau, Vilner participe à la création, en 1945, de l’ « Amicale des Anciens déportés juifs de France » qu’il préside jusqu’à sa mort. Objectif récurrent : faire comprendre la particularité de la martyrologie juive.
Secrétaire général de l’UJRE, directeur de Droit et Liberté, il co-dirige Naïe Presse et fonde la Presse Nouvelle hebdomadaire » (PNH) en 1965.
Il meurt le 24 juillet 1967 à Paris.
Référence
— Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires Messidor/Éditions sociales.
— Sources privées famille Fansten
— Photo : coll. particulière, Fansten (DR)
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Le nazisme, abrégé de « Nationalsozialismus » en langue allemande, est un mouvement antisémite, antidémocratique, nationaliste et pangermaniste. Hitler, fondateur et figure centrale du nazisme, lui fournit une matrice idéologique avec Mein Kampf. Idéologie et vision du monde, ce manifeste nazi affirme une hiérarchie raciale sans aucun fondement scientifique au sommet de laquelle se situent les Allemands.
Le nazisme a pour but de créer une communauté nationale fondée sur la race épurée des Allemands (la race aryenne). Elle doit aussi être « améliorée » : par exemple, les opposants politiques et les individus qui manifestent des « comportements asociaux », tels les homosexuels, doivent être rééduqués dans des camps de concentration. Ceux qui sont biologiquement indésirables (handicapés, malades mentaux) doivent être expulsés de la communauté. Les “sous-hommes”, tels les Slaves, les Asiatiques, Arabes et Noirs peuvent être dominés. Les Tziganes, aryens supposés corrompus par des mélanges raciaux qui leur ont fait perdre leur aryanité, sont déportés et exterminés. On estime à 200.000 le nombre de Tziganes victimes de cette politique génocidaire.
Selon la doctrine nazie, les Juifs sont situés hors de la « sous-humanité » et constituent une menace permanente pour la pureté aryenne ; élément d’anéantissement de la communauté, la « souillure juive » doit être combattue, au regard d’Hitler et de ses adeptes, par tous les moyens jusqu’à la disparition de tous les Juifs.
Les mesures antijuives sont toujours présentées comme une réponse au « danger » venant des Juifs « agresseurs ». Pour détruire cette « race », les nazis mettent en œuvre la « solution finale de la question juive ».
Cette politique criminelle d’extermination des Juifs, systématique, programmée et à grande échelle, sur l’ensemble du continent européen, entraîne la mort de près de 6 millions d’êtres humains.
Au lendemain de la chute du régime nazi, ses principaux dirigeants sont jugés lors du procès de Nuremberg (novembre 1945-octobre 1946) et condamnés pour crimes de guerre et crimes contre l’Humanité.
Référence
Benbassa Esther (collectif), 2010, Dictionnaire des racismes, de l’exclusion et des discriminations. Larousse À présent.
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En Tchécoslovaquie, les Allemands des Sudètes réclament le rattachement à l’État allemand (le Reich). La crise éclate en 1938 lorsqu’Hitler, au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, annonce l’annexion de la région. L’opération provoque un conflit avec la France et le Royaume-Uni, alliés de la Tchécoslovaquie.
L’URSS s’engage à apporter une aide militaire à la Tchécoslovaquie à condition que la France agisse de même. L’Armée rouge se mobilise pour intervenir mais, sans frontière avec la Tchécoslovaquie, l’URSS doit demander son accord à la Pologne pour traverser son territoire. La Pologne refuse. La France décrète la mobilisation mais n’intervient pas pour convaincre son alliée polonaise. Par ailleurs, le gouvernement français n’entend pas entrer en guerre contre l’Allemagne sans la participation britannique.
Sur proposition de Benito Mussolini, le dirigeant fasciste italien, Hitler accepte la tenue d’une conférence qui se tient à Munich, du 29 au 30 septembre 1938. Y participent Adolf Hitler, Édouard Daladier, chef du gouvernement français, Neville Chamberlain, premier ministre britannique et Mussolini. Tchécoslovaques et Soviétiques ne sont pas invités ! Les accords conclus stipulent l’évacuation des Sudètes par les Tchèques et leur occupation progressive par l’armée allemande. C’est la fin de la Tchécoslovaquie. En occupant le pays, les Allemands prennent possession des performantes entreprises d’armement et de matériel militaire (notamment Škoda).
En France, la droite et la gauche modérée (SFIO et radicaux) approuvent les accords. Seuls les communistes votent contre leur ratification. Comme au Royaume-Uni, l’opinion publique retient que la guerre a été évitée et célèbre ces illusoires « accords de paix ».
La Pologne bénéficie de la rétrocession d’une partie de la Silésie et soutient naïvement le gouvernement hitlérien. Écartée de la Conférence de Munich, l’URSS voit dans les accords de Munich les effets de la « politique d’apaisement » préconisée par Neville Chamberlain pour détourner la menace nazie vers l’est. Le dirigeant soviétique, Joseph Staline, désormais méfiant vis-à-vis de la Grande-Bretagne et de la France, s’engage dans une nouvelle politique aboutissant au pacte de non-agression germano-soviétique d’août 1939 qui plonge nombre de communistes, naturellement antinazis, et de militants de la section juive de la M.O.I. en particulier, dans l’incompréhension ou le désarroi.
Référence
Miquel Pierre, 1998, Le piège de Munich, Éditions Denoël.
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Le débarquement allié en Afrique du Nord en novembre 1942 et surtout la victoire soviétique de Stalingrad marquent un tournant dans la guerre. Dès la fin 1942, le Parti communiste français a réactivé le Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France, fondé en 1941, qui se veut ouvert à tous les Français opposés aux occupants et aux collaborateurs des nazis.
La création de l’UJRE participe de la même démarche d’élargissement. Après l’entrée des Allemands en zone sud et les déportations massives, la communauté de destin des Juifs, immigrés ou français, est désormais évidente. C’est dans ce contexte qu’au printemps 1943, se réunit clandestinement la conférence de 7 responsables des centres de Résistance des zones Nord et Sud liés à la section juive de la M.O.I. : Idel Korman, Edouard Kowalski, Adam Rayski, Sophie Schwartz, Thérèse Tennenbaum, de la direction parisienne, Charles Lederman et Jacques Ravine de la direction de la zone sud. Ils décident la création d’un organisme central clandestin de coordination, l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide, l’ UJRE, qui fédère en son sein d’autres organisations clandestines : « Solidarité » des deux zones, l’Union de la jeunesse juive, l’UJJ, l’Union des femmes juives, l’UFJ, les comités juifs du secours populaire, la commission intersyndicale juive, les groupes armés juifs des FTP-M.O.I.
Notre Parole et Droit et Liberté deviennent les organes de l’UJRE en français. Unzer Wort paraît en yiddish. L’UJRE se veut ouverte à tous les Juifs. Elle impulse aussi l’unification partielle de la Résistance juive au sein d’un Comité Général de Défense, donnant naissance en 1944 au CRIF, Conseil représentatif des Israélites de France.
Des groupes de combat existent déjà sous l’égide de « Solidarité ». Ils prennent le nom de « groupes de combat de l’UJRE » et connaissent une grande extension. À la différence des FTP-M.O.I., leurs membres gardent une activité civile. Ils agissent soit en appui des FTP-M.O.I., soit de façon autonome. Ces groupes jouent un rôle éminent dans les combats de la Libération.
Grâce à son action multiforme, l’influence de l’UJRE dans la population juive immigrée progressiste est considérable au moment de la Libération.
Références :
— Ravine Jacques, 1973, La Résistance organisée des Juifs en France, Julliard.
— Diamant David, 1971, Les Juifs dans la Résistance française, Le Pavillon.
— Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowki Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions sociales.
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Le Gouvernement provisoire de la République française du général de Gaulle tait vite le rôle d’auxiliaire actif de l’Occupant joué par l’État de Vichy et sa police dans la répression des résistants et la persécution des Juifs. La part des soldats coloniaux du Maghreb ou d’Afrique noire dans l’armée de la France libre est également oubliée à la sortie de la guerre.
Le Parti communiste, lui, se considère comme le représentant d’un peuple français qui aurait été résistant dans sa totalité. Il occulte ainsi la place tenue par les résistants immigrés de la M.O.I. dans la lutte antinazie en France occupée.
Cette présentation du passé, ou récit national, justifie la présence de la France parmi les vainqueurs du conflit et permet le maintien en place d’Institutions et d’hommes en fonction sous l’Occupation. Ce récit national reste dominant pendant une génération. L’occultation prend fin quand, dans les années 1970, après les premières déclarations négationnistes, de nombreux témoins et historiens s’expriment publiquement.
Référence
Citron Suzanne, 1987, Le mythe national. Éditions de l’Atelier.
(1891-1972)
Xavier Vallat, homme politique français, avocat, journaliste, député conservateur de l’Ardèche, est un catholique intégriste, ennemi de la franc-maçonnerie.
Le 6 juin 1936, en invectivant à la Chambre des députés le nouveau président du Conseil, Léon Blum, Vallat s’illustre par des propos violemment antisémites et classe les Juifs parmi les « révolutionnaires » dangereux pour la nation :
« Pour la première fois ce vieux pays gallo-romain sera gouverné par un Juif »
Après la défaite militaire de 1940, dès juillet, il siège à Vichy, auprès de Philippe Pétain.
En mars 1941, il prend la tête du Commissariat Général aux Questions Juives (CGQJ), chargé de mettre en œuvre la politique discriminatoire de Vichy à l’égard des Juifs. En novembre, sur injonction des Allemands, il fonde l’Union Générale des Israélites de France (UGIF), organisme censé représenter les Juifs auprès des pouvoirs publics.
Le 2 juin 1941, il promulgue le second statut des Juifs et ordonne leur recensement.
De nouvelles professions sont désormais interdites aux Juifs. Une limite de 2 % est imposée pour certaines professions : hommes de lois, médecins, architectes ; les établissements scolaires et universitaires ne sont autorisés à accueillir que 3 % d’élèves juifs.
C’est également Xavier Vallat qui organise l’appropriation et la liquidation des biens juifs par le régime de Vichy.
Toutefois, à la demande des Allemands, Xavier Vallat est remplacé en 1942, par Louis Darquier de Pellepoix plus déterminé encore dans la volonté d’élimination des Juifs de la vie publique.
Le 26 août 1944, Vallat est arrêté, incarcéré et condamné en 1947 à dix ans d’emprisonnement et à l’indignité nationale à vie.
Il est amnistié en 1954 et continue à affirmer ses convictions antisémites. Il meurt en 1972.
Référence
Joly Laurent, 2001, Xavier Vallat, du nationalisme chrétien à l’antisémitisme d’État. Ed. Grasset
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En septembre 1940, la section juive se reconstitue. Louis Gronowski, responsable national de la M.O.I., réunit à Paris 9 militants progressistes juifs : Alfred Grant, Jacques Kaminski, Isaac Krysztal, David Kutner, Mounie Nadler, Jacques Ravine, Adam Rayski, Sophie Schwartz et Teschka Tenenbaum. Ensemble, ils créent l’organisation clandestine « Solidarité » (future Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide, l’UJRE).
L’action sociale n’y est jamais séparée de l’action politique et la mission de « Solidarité » est quadruple :
1. Aider matériellement les familles des combattants juifs, morts, prisonniers ou internés dans les camps du régime de Vichy.
2. Empêcher l’isolement de la population juive.
3. Préciser la position politique du Parti communiste en général et à l’égard des Juifs en particulier.
Selon le PCF, l’éradication de l’antisémitisme suppose l’instauration du communisme. Dans la conjoncture présente, le Parti estime que la « question juive » est du ressort de la section juive de la M.O.I. et de « Solidarité ».
4. Diffuser l’information sur l’ensemble de la situation.
L’importance de la presse n’a jamais échappé aux communistes. Les anciens rédacteurs de La Naïe Presse (dont L. Gronowski, ex-rédacteur en chef) se remobilisent.
Le journal reparaît clandestinement en septembre 1940, sous un titre yiddish, déjà utilisé brièvement en octobre 1939, Unzer Wort. Par la suite, la version française aura pour titre Notre Voix ou encore Notre Parole, la parole de l’opposition des Juifs communistes au pétainisme et à l’antisémitisme.
En novembre 1940, cinquante groupes de « Solidarité » fonctionnent à Paris.
Très rapidement, proches de « Solidarité », se créent des sections d’intellectuels juifs, d’artistes, de médecins, de juristes.
Des organisations comme l’Union des femmes juives, l’UFJ, qui, au début 1941 ou l’Union des Jeunesses Communistes juives, l’ UJCJ, vont jouer, auprès de « Solidarité » un rôle spécifique dans la lutte contre Vichy et, plus tard, contre l’occupant.
Ces organisations s’engagent précocement dans la Résistance. Dès l’été 1941, elles fournissent des combattants à la lutte armée qui débute et la soutiennent politiquement et matériellement.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions Sociales.
(1905-1944)
Suzanne Augustine Lorge est née à Bruxelles en 1905 dans une famille protestante libérale et aisée.
En 1925, elle épouse l’écrivain Claude Spaak, frère de Paul-Henri Spaak, député et ministre, et du scénariste Charles Spaak.
Dans les années 30, en Belgique puis à Paris où elle s’installe en 1936, elle s’investit dans le secours aux réfugiés espagnols républicains et aux immigrés d’Europe de l’Est qui fuient le nazisme. Elle a deux enfants.
Durant l’Occupation, elle poursuit son action humanitaire. À partir de 1942, au sein du Mouvement national contre le racisme, le MNCR, créé par la section juive de la M.O.I. pour sensibiliser les milieux chrétiens aux persécutions contre les Juifs, elle se consacre plus spécifiquement au sauvetage d’enfants juifs.
Sa position sociale lui permet de solliciter de nombreuses aides et de trouver des appuis, notamment parmi les magistrats, les écrivains et dans les milieux ecclésiastiques. Elle obtient ainsi des adresses pour cacher des enfants et leur fabriquer de faux papiers et recueille des subsides importants (dont ceux de l’écrivaine Colette, sa voisine) pour les vêtir et les nourrir.
L’action la plus spectaculaire à laquelle elle participe est l’exfiltration, en une journée, d’une soixantaine d’enfants d’un foyer de l’ Union générale des Israélites de France, l’UGIF, menacés de déportation. Grâce au pasteur Paul Vergara, du Temple de l’Oratoire, à la secrétaire du pasteur, Marcelle Guillemot, à nombre de paroissiens du temple et à l’Union des Femmes Juives, l’UFJ, (issue de la section juive de la M.O.I.), les enfants sont conduits en lieu sûr à la campagne dans des familles d’accueil.
L’action de Suzanne Spaak a permis de sauver plus de 500 enfants voués à une mort atroce. En danger à Paris, S. Spaak se réfugie à Bruxelles avec ses enfants. Arrêtée par la Gestapo, elle est transférée à la prison de Fresnes, soumise à des tortures physiques et morales, dont un chantage menaçant la vie de ses proches. Elle est exécutée le 12 août 1944, deux semaines avant la Libération de Paris.
En 1985, Suzanne Spaak est nommée “Juste parmi les Nations”.
Références
— Gensburger Sarah (collectif), 2012, C’étaient des enfants. Déportation et sauvetage des enfants juifs à Paris. Ed. Skira Flammarion.
— Nelson Anne : 2018, La vie héroïque de Suzanne Spaak. Ed. Robert Laffont.
— Photo : coll. Particulière (DR)
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La France est la première à accorder l’émancipation aux Juifs par le vote de l’Assemblée constituante en 1791. Le processus a débuté en 1781 avec l’Édit de tolérance de Joseph II d’Autriche qui accorde la liberté de culte aux Protestants et aux Juifs. En 1787, Louis XVI promulgue un édit identique. Auparavant, en Allemagne, a lieu la rencontre de l’Aufklärung (la philosophie des Lumières) et de la Haskalah (les Lumières propres au judaïsme avec Moses Mendelssohn). En France, Mirabeau fait connaître Mendelssohn dans Sur Moses Mendelssohn, sur la réforme politique des Juifs (1787). L’année suivante, l’abbé Grégoire publie son Essai sur la régénération physique, morale et politique des Juifs. Il accorde quelques vertus aux Juifs mais, néanmoins, il les estime « dégénérés ». Toutefois, comme Mirabeau, il dénonce la ségrégation et l’exclusion.
Du 21 au 24 décembre 1789, la question juive, avec celle des Protestants, est abordée par l’Assemblée constituante après l’adoption de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen le 26 août. Le comte de Clermont-Tonnerre énonce la future doctrine de l’assimilation des Juifs en France : « Il faut tout refuser aux Juifs comme nation et tout accorder aux Juifs comme individus. Il faut qu’ils ne fassent dans l’État ni un corps politique ni un ordre. Il faut qu’ils soient individuellement citoyens ». L’Assemblée tergiverse et seuls les Juifs avignonnais et les Juifs portugais résidant à Bordeaux sont déclarés citoyens à part entière le 28 janvier 1790. La question de l’existence politique des Juifs est ajournée. Il faut attendre le 28 septembre 1791, pour que le jacobin Adrien Duport demande que « l’ajournement soit révoqué et qu’en conséquence il soit décrété que les Juifs jouiront en France des droits de citoyens actifs ». L’Assemblée vote la motion de Duport. Le 13 novembre, Louis XVI ratifie la loi déclarant les Juifs citoyens français.
Face aux rabbins orthodoxes ou conservateurs, l’émancipation en Europe occidentale permet à beaucoup de Juifs de sortir des ghettos. Elle favorise, à la suite de la Haskalah, l’émergence d’un judaïsme réformé et contribue à l’assimilation des Juifs en France.
Référence
Blumenkranz Bernhard (dir), 1972, Histoire des Juifs de France, Édouard Privat.
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Un décret du 4 octobre 1940, signé du maréchal Pétain, permet d’interner « les ressortissants étrangers de race juive » dans des « camps spéciaux », sur simple décision préfectorale et sans motif. Les camps du Loiret (Beaune-la-Rolande et Pithiviers) sont dédiés au transit des internés avant leur déportation. Le choix de ces villes est dû à leur relative proximité de Paris et à la disponibilité de bâtiments ou d’installations sécurisés.
Dans les camps du Loiret, le comportement de la direction fait osciller le régime de l’internement entre des périodes de laisser-aller et des actions répressives, avant, finalement, de se durcir. Les internés peuvent, au début de leur enfermement, rester en rapport avec leurs familles (courrier, visites, permissions), mais ces occasions sont soumises à des variations et s’interrompent. Au cours de l’été 1941, les évasions (800 environ) sont encore nombreuses mais elles deviennent vite difficiles et finalement impossibles. Certains groupes organisent une vie culturelle, d’autres se structurent en un comité clandestin de Résistance et établissent le contact avec des mouvements extérieurs au camp. Les communistes organisent des activités autorisées ou clandestines.
Au printemps 1942, les camps de transit sont pleins. Les internés sont rapidement déportés vers des camps de concentration et d’extermination pour laisser la place à de nouvelles victimes.
Les 13152 raflés du Vel’ d’Hiv aboutissent à Pithiviers, Beaune-la-Rolande et Drancy devenu le camp de transit le plus important, symbole de la persécution, plaque-tournante de la déportation des Juifs, y compris des enfants, vers les camps de la mort.
Référence
Peschanski Denis, 2000, Les camps français d’internement (1938-1946), Ed. Université Panthéon-Sorbonne.
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Pétain instaure, en juillet et août 1940, des lois anti-juives en France sans pression particulière des Allemands et la police de Vichy met en œuvre la collaboration d’État. La préfecture de police de Paris établit un fichier des Juifs et le 3 octobre 1940, la première loi « portant statut des Juifs » est promulguée. Fin 1940, la police française livre aux autorités allemandes des réfugiés politiques allemands.
Une grande réforme de la police est actée par la loi du 23 avril 1941 : création des GMR (groupes mobiles de sécurité), d’une École nationale pour la formation des cadres et d’écoles régionales de police. Le gouvernement de Vichy attribue à cette nouvelle police des moyens très importants.
En octobre 1941, le Préfet de police transmet lui-même aux nazis une liste de noms d’otages à fusiller.
Fin 1941, avec la création de polices parallèles (Brigades spéciales anticommunistes et antijuives, service des sociétés secrètes dont les francs-maçons…) la répression s’intensifie.
La police française se charge elle-même du rassemblement des Juifs (enfants inclus) dans les camps de transit avant déportation. Les rafles de Juifs étrangers, les 16 et 17 juillet 1942 à Paris (dites « Rafle du Vel’d’Hiv ») et celle du 26 août en zone « libre » sont entièrement planifiées par la haute administration et la police française sous les ordres de René Bousquet. La majorité de ces Juifs sera exterminée dans le camp de la mort d’Auschwitz.
En janvier 1943, la police française seconde les nazis lors de la grande rafle de Marseille. Les mois suivants, les brigades spéciales de la préfecture de police de Paris traquent les Juifs résistants de la M.O.I. et les déciment.
Dans leur majorité, les policiers français obéissent aux ordres mais il convient, cependant, de noter que 54 policiers et gendarmes sont déclarés, en France, « Justes parmi les nations » en 2009, et 68 en 2017. Quelques-uns, par exemple, préviennent la section juive de la M.O.I. de l’imminence de la rafle du Vel’d’Hiv qui aurait pu être plus meurtrière encore. Autre exemple : grâce à 7 policiers du service des étrangers à Nancy, plus de 350 Juifs se mettent à l’abri la veille de la rafle du 19 juillet 1942.
Jusqu’en 1944, la participation des policiers à la Résistance reste minoritaire. 200 policiers s’emparent, le 19 août 1944, de la Préfecture de police et participent à l’insurrection qui aboutit à la Libération de Paris.
Références
— Joly, Laurent, 2018. L’État contre les juifs : Éditions Grasset.
— Berlière, Jean-Marc, 2018, Polices des temps noirs – France 1939-1945. Éditions Perrin
— Comité français pour Yad Vashem
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À la fin de l’année 1939, des médecins allemands commencent à expérimenter un gaz toxique sur des malades mentaux.
Après l’invasion de l’URSS par l’Allemagne en juin 1941, les Einsatzgruppen (unités mobiles d’extermination) exécutent, avec armes à feu, des massacres de masse de Juifs (en Ukraine, Biélorussie et dans les pays baltes).
Pour une destruction plus expéditive, les nazis testent l’utilisation de camions à gaz itinérants hermétiquement fermés. Leur échappement est dirigé vers le compartiment intérieur. Des centaines de milliers de personnes, Juifs, Tsiganes, malades mentaux, opposants, sont assassinées.
Fin 1941, les nazis accélèrent le processus de destruction : le camp de Chelmno devient le centre expérimental de gazage par camions.
En 1942, l’extermination systématique dans des chambres à gaz fixes (avec du monoxyde de carbone généré par des moteurs diesel) commence dans les camps de Belzec, Sobibor, Treblinka, Majdanek, situés en Pologne. À leur arrivée, les victimes sont jetées hors des wagons à bestiaux et censées être désinfectées par des “douches”. Plus grande est l’accumulation des corps nus dans les chambres à gaz, plus rapide est la suffocation des victimes.
Les nazis cherchent constamment des procédés d’extermination plus efficaces. Au camp d’Auschwitz, situé également en Pologne, ils expérimentent le Zyklon B (un puissant pesticide) en gazant, en septembre 1941, quelque 600 prisonniers de guerre soviétiques et 250 prisonniers malades. Les pastilles de Zyklon B se transforment en gaz toxique au contact de l’air. Ce gaz se révèle être le produit de gazage le plus rapide et il est choisi pour l’extermination de masse des Juifs à Auschwitz. On y asphyxie jusqu’à 12000 victimes par jour.
Bien que n’ayant pas été spécifiquement prévus pour servir de lieux de mise à mort, les camps de concentration de Natzweiler-Struthof, Mauthausen, Sachsenhausen et Ravensbrück sont également dotés de chambres à gaz. Relativement petites, elles sont conçues pour les prisonniers considérés comme inaptes au travail. La plupart de ces camps utilisent aussi le Zyklon B.
Les massacres de masse par balles, dans les territoires soviétiques occupés par les nazis constituent la première phase de la « solution finale de la question juive ». Sur 6 millions de Juifs victimes du génocide, les chambres à gaz représentent environ 2,7 millions de morts.
Références
— Berenbaum Michael, 1993, The world must know, Ed. United States Hocolaust Memorial Museum.
— Bruttmann Tal, Tarricone Christophe, 2020, Les cent mots de la Shoah, Que sais-je ? Éditions des PUF.
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Royallieu est le deuxième plus grand camp d’internement de France sous l’Occupation, après celui de Drancy. Il est le seul camp qui dépende uniquement de l’administration allemande et du service de sécurité nazi, de juin 1941 à août 1944. Il abrite environ 54.000 personnes, principalement juives ou/et résistantes.
Le camp est divisé en trois parties :
— les prisonniers français politiques (communistes, résistants…) qui constituent 70 % des internés,
— les prisonniers anglo-saxons.
— et, dans la troisième partie, les ressortissants russes, les femmes, puis, de décembre 1941 à juillet 1942, les Juifs.
50 000 personnes sont déportées vers les camps nazis, entre juin 1941 et août 1944. Le 12 décembre 1941, une rafle de 743 hommes, Juifs français, dite rafle des notables, est menée à Paris par la police française et la gestapo. 300 Juifs internés de Drancy, transférés à la demande des autorités allemandes, complètent le contingent prévu.
Le 27 mars 1942, après 3 mois d’internement dans des conditions inhumaines, tous constituent le premier convoi qui, au départ de Compiègne, quitte la France en direction du camp de la mort d’Auschwitz. 1000 déportés juifs quittent Compiègne pour Auschwitz, le 5 juin 1942.
Le premier « convoi répression », composé de résistants, part le 6 juillet 1942 ; il s’inscrit dans la politique nazie contre le judéo-bolchevisme. La politique des otages est destinée à dissuader les résistants communistes, juifs ou non, de poursuivre leurs attaques contre des officiers et des troupes de l’armée d’occupation
En décembre 1942, le général Von Stülpnagel propose à Hitler la déportation de 1000 Juifs et 500 jeunes communistes vers l’est de l’Europe.
Entre juin 1941 et août 1944, 28 convois principaux partent de la gare de Compiègne conduisant près de 40000 internés politiques vers les camps nazis d’Auschwitz, Mauthausen, Buchenwald, Ravensbrück, Dachau…
Référence
Husser Beate, Besse JP, Leclère-Rosenzweig F. 2007, Frontstalag 122-Compiègne-Royallieu. Un camp d’internement allemand dans l’Oise. 1941-1944, Ed. Archives départementales de l’Oise.
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Créé en 1940 par les nazis, le ghetto de Varsovie est le plus grand d’Europe. En 1941, 430 000 Juifs y sont recensés.
Après les déportations au centre d’extermination de Treblinka, il ne reste plus que 60 000 Juifs dans le ghetto.
Le lundi 19 avril 1943, veille de la Pâque juive, une colonne blindée de SS pénètre dans le ghetto de Varsovie pour procéder à sa liquidation. Elle est accueillie par un tir de bombes incendiaires lancées des fenêtres et des toits, qui contraignent les nazis à se replier.
C’est le début du soulèvement, une date fondamentale dans l’histoire du génocide juif. Deux mille SS, lourdement armés, sont envoyés face à quelques centaines de résistants juifs très peu équipés. La révolte est menée par l’Organisation juive de combat (environ 700 combattants), qui représente toutes les formations politiques présentes dans le ghetto. Il faudra aux nazis près d’un mois pour écraser la résistance héroïque des combattants et de la population du ghetto qui ont choisi leur mort : debout, les armes à la main.
Les SS incendient le ghetto, maison par maison, pour forcer les habitants à sortir de leur cachette afin de les exécuter. Le 16 mai, il ne reste plus que des ruines. Seuls quelques centaines de survivants réussissent à s’échapper par les égouts.
Dès le 13 mai, en France, toute la presse clandestine de la section juive de la M.O.I. est mobilisée pour informer du soulèvement, en faire le bilan et appeler tous les Juifs à l’unité, sans distinction d’opinion, de milieu social et de nationalité.
Marceau Vilner, déporté à Auschwitz et requis par les nazis pour nettoyer les ruines du ghetto de Varsovie, témoigne :
« […] Pour bien apprécier l’héroïque soulèvement du ghetto de Varsovie, il ne faut pas le juger comme une action isolée, ni comme un acte de désespoir.
C’est dans une phase bien déterminée de la guerre que ce soulèvement s’est produit. Il a mûri dans les conditions créées par la victoire de Stalingrad, qui détruisit la légende de la toute-puissance de l’Allemagne. Il serait inexplicable sans l’aide de la Résistance polonaise et sans le concours des partisans juifs de l’extérieur. Il serait faux également de croire que les quarante mille derniers survivants juifs ont cherché une mort héroïque, mais sans aucune perspective […] ».
Dans tous les pays occupés, la portée de l’insurrection est immense : une poignée d’hommes et de femmes, isolés avec très peu de moyens de défense, a tenu tête à la plus puissante armée du monde. Cette leçon de courage est devenue le symbole de la Résistance juive.
Références
— Rayski Adam, 2003, L’Agonie et la Révolte des derniers Juifs du ghetto de Varsovie (textes réunis et analysés), Musée de la Résistance nationale & La Lettre des résistants et déportés juifs de France. À compte d’auteur.
— Vilner Marceau, Le Chant du ghetto de Varsovie, extrait. Supplément au n° 138 de PNH
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Le fort du Mont-Valérien à Suresnes (Hauts-de-Seine) est un haut-lieu de la Mémoire nationale. Le général de Gaulle, sur le lieu même des crimes nazis, inaugure, en 1960, un Mémorial en hommage aux 1008 résistants fusillés, morts pour défendre la France, entre 1941 et 1944.
La totalité des fusillés est de sexe masculin. Les Allemands réservent la guillotine, en Allemagne, aux résistantes. 23 membres des FTP-M.O.I. de l’Affiche rouge sont exécutés au Mont-Valérien le 21 février 1944. Olga Bancic est guillotinée à Stuttgart.
Les nazis fusillent, avant tout, les communistes qu’ils considèrent comme les opposants les plus dangereux, soit presque 70 % des exécutés. Le choix des otages est politique, ils représentent 60 % des fusillés et 90 % d’entre eux sont, selon la terminologie nazie, des judéo-bolchéviques (opposants à la fois juifs et communistes). Il s’agit d’éliminer, en priorité, les adversaires les plus déterminés au fascisme.
17 % des exécutés sont Juifs, immigrés pour la plupart alors que les Juifs ne représentent que 0,8 % de la population. Entre autres victimes, les artisans de la presse juive clandestine communiste comptent parmi les fusillés : Israël (Moshe) Bursztyn, l’ancien gérant de La Naïe Presse est l’un des 95 otages du 15 décembre 1941, Rudolf Zeiler, l’imprimeur de Unzer Wort (Notre Parole) y est fusillé le 19 décembre. L’année suivante, les rédacteurs Mounié Nadler et Joseph Bursztyn sont fusillés à leur tour.
Un Bosquet de la Liberté honore, à la fois, la Révolution Française qui a octroyé aux Juifs de France l’égalité des Droits civiques et la mémoire des résistants et otages juifs fusillés par les nazis.
Les Français d’origine représentent 79 % des fusillés. Les étrangers (29 nationalités) sont bien plus nombreux en pourcentage que leur représentation dans la population totale de la France. Toutes les tranches d’âge sont représentées mais les moins de 40 ans constituent 69 % de la population concernée.
Les fusillades massives visent à museler, par la mise en place d’une politique de terreur, toute opposition aux mesures répressives nazies mais elles ne font que galvaniser la volonté de Résistance et dresser l’ensemble de la population française contre l’Occupant.
Références
— Fontaine Thomas, Peschanski Denis, 2018, La collaboration : Vichy, Paris, Berlin, 1940-1945. Ed. Tallandier/Archives Nationales/Ministère Défense.
— Klarsfeld Serge, Tsévery Léon, 2010, Les 1007 fusillés du Mont-Valérien parmi lesquels 174 Juifs. Association des fils et filles des déportés juifs de France.
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Après une jeunesse et une scolarité tumultueuses, Mussolini se fait remarquer par des penchants violents qui l’empêchent d’entamer une carrière d’instituteur. Militant socialiste radical, il s’exile en Suisse. Après une courte expérience de maçon qu’il valorisera plus tard dans sa mythologie personnelle pour se présenter comme un homme du peuple, Mussolini devient rédacteur en chef du journal du parti socialiste, Avanti !. En 1912, il est poursuivi pour incitation à la violence. Pendant la Première Guerre mondiale, il soutient l’interventionnisme aux côtés des alliés. Cela lui vaut d’être exclu du parti socialiste. L’Italie s’engage alors dans la guerre et Mussolini part au front de 1915 à 1917.
Il travaille ensuite au journal Popolo d’Italia ; il y dénonce le règlement du conflit, désavantageux pour son pays. Il fonde les Faisceaux italiens de combat en 1919, un groupe nationaliste qu’il transforme en Parti national fasciste en 1921. Trente cinq de ses membres sont alors élus à la Chambre des députés. Fort de sa popularité croissante, le Duce (le guide) durcit la ligne de son parti et la répression se fait plus violente, notamment contre les communistes.
En 1922, ses hommes marchent sur Rome et Mussolini prend la tête du gouvernement. Il met alors en place une dictature militaire au sein de laquelle il a les pleins pouvoirs et réprime sévèrement les opposants. Il va s’employer à faire de l’Italie un état totalitaire. Il entre en guerre aux côtés des nazis en 1940 mais connaît rapidement une défaite cuisante. En juillet 1943, il est destitué par le Conseil, congédié par le roi Victor Emmanuel II qui ordonne son arrestation et son emprisonnement : le régime fasciste est renversé. Mussolini est exécuté en 1945.
Référence
Musiedlak Didier, 2004, Mussolini, Presses de Sciences Po, 436 pages.
(1905-1999)
Sophie Schwartz (ou Schwarc) naît en Pologne, à Lodz, le 28 décembre 1905. Elle est marquée par une vague de pogroms à laquelle elle est confrontée. Elle adhère, à 14 ans, au Bund, mouvement socialiste juif, puis aux Jeunesses communistes clandestines en 1922.
Arrêtée en 1924, elle fuit Lodz pour les Pays-Bas puis pour la Belgique ; elle est ouvrière pour gagner sa vie. Elle adhère à la Kultur Ligue (Kultur Liga), organisation juive culturelle démocratique. Elle y rencontre Leizer Micnik, son futur mari. Militant communiste actif, il est expulsé de Belgique et s’exile en France avec Sophie.
À Paris, en 1930, ils poursuivent leur activité militante au Parti communiste et à la Kultur Ligue.
En 1935, Sophie Schwartz fonde, avec d’autres militantes de la Kultur Ligue, une organisation d’entraide, le « Mouvement des femmes juives contre le fascisme et la guerre ».
En septembre 1940, elle cofonde, avec d’anciens militants de la section juive de la M.O.I., l’organisation clandestine « Solidarité » qui va jouer un rôle majeur dans la Résistance en France. Le « Mouvement des femmes juives contre le fascisme et la guerre » devient alors « l’Union des femmes juives » (UFJ), partie prenante de « Solidarité ».
En outre, Sophie Schwartz est responsable du « groupe technique de « Solidarité » qui prend en charge l’impression de tracts et du journal communiste juif clandestin Unzer Vort. L’année suivante, elle intègre la direction de la section juive de la M.O.I. en zone occupée. Elle fonde une Commission de l’Enfance et est très engagée dans le sauvetage des enfants juifs, au nord comme au sud, notamment au sein du Mouvement national contre le racisme (MNCR).
Au printemps 1943, la résistance juive communiste des zones Nord et Sud se regroupe en un seul organisme, l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE), créée par plusieurs résistants, dont Sophie Schwartz.
Traquée par les Brigades spéciales, elle échappe aux arrestations et passe en zone Sud. Elle assume la direction politique d’un groupe de combat de l’UJRE. Elle accède au grade de lieutenant FTP-M.O. I et, dans l’immédiat après-guerre, elle fait partie des co-fondateurs de la Commission centrale de l’enfance (CCE) auprès de l’UJRE qui prend en charge les enfants juifs orphelins de la Shoah.
Elle en est la secrétaire générale jusqu’à la fin 1950 et décide de regagner la Pologne. En butte à l’antisémitisme des dirigeants polonais, elle rejoint la France en 1969. Elle y meurt le 17 janvier 1999 en région parisienne à Boulogne-Billancourt.
Référence
— Collectif AACCE, 2009, Les Juifs ont résisté en France (1940-1945). Ed. AACCE
— Photo : Mémorial de la Shoah, coll. Gruschow
Adolf Hitler naît en Autriche, à Braunau am Inn, le 20 avril 1889. Il achève ses études à 16 ans et entreprend sans succès une carrière d’artiste peintre. À Vienne, il s’imprègne des théories politiques liées au pangermanisme antisémite. À la fin de la Première Guerre mondiale, il vit l’armistice comme une trahison nationale. Au début de 1919, Hitler est recruté au sein de l’armée comme propagandiste anti bolchévique. En 1920, il prend la direction du Parti ouvrier allemand national-socialiste. Ses thèmes : ultranationalisme, antisémitisme, antiparlementarisme, anticommunisme, dénonciation du « diktat » du Traité de Versailles (traité de paix entre l’Allemagne et les alliés). Hitler porte à son paroxysme l’exaltation des foules qu’il fanatise. Il tente un coup d’État le 8 novembre 1923 mais échoue. En prison, il rédige Mein Kampf (Mon combat) qui paraît en 1925. À la faveur d’une situation économique et sociale difficile, Hitler, qui se consacre à la glorification du nazisme, est nommé chancelier par le Président Hindenburg, le 30 janvier 1933. Dans la nuit du 30 juin 1934, dite « la Nuit des longs couteaux », il ordonne à l’armée d’exécuter nombre d’opposants politiques. À la mort d’Hindenburg, le 2 août 1934, Hitler lui succède à la présidence du Reich et s’octroie les postes de chancelier et de Führer (« le guide »). Il édicte des mesures raciales anti-juives radicales rassemblées dans les lois de Nuremberg, en 1935. Les Juifs, les opposants politiques et les démocrates sont envoyés dans des camps de concentration. Se fondant sur l’idée d’appartenance des Allemands à une supposée « race » supérieure, la « race aryenne », Hitler se lance dans une politique dictatoriale de conquêtes territoriales et annexe les pays germanophones limitrophes : l’Autriche, la Tchécoslovaquie. En 1940, les armées allemandes envahissent le Danemark et la Norvège puis les Pays-Bas, la Belgique et la France. Hitler devient le maître d’une grande partie de l’Europe. En 1941, il envahit l’URSS. À partir de 1942, il applique la « solution finale » qui doit aboutir à l’extermination des Tziganes et de tous les Juifs du continent européen. Près de 6 millions de Juifs sont assassinés. Le 30 avril 1945, les troupes de l’Armée rouge pénètrent dans Berlin. L’Europe est en ruines mais les alliés remportent la guerre. Hitler met fin à ses jours dans son bunker. Le nazisme, symbole du « mal absolu » est vaincu.
Référence :
Kersaudy François, 2013, Hitler, Édition Perrin.
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La Seconde Guerre mondiale est précédée de conflits qui l’annoncent : l’invasion de la Chine par le Japon, la Guerre d’Espagne, l’écrasement des agresseurs japonais en Mongolie par les Soviétiques, la guerre d’hiver en Finlande, menée difficilement par ces mêmes Soviétiques…
En Europe, l’Allemagne attaque d’abord la Pologne (septembre 1939), occupe le Danemark et la Norvège, puis la France (mai 1940) et affronte la Grande-Bretagne. Dans le même temps, l’allié italien d’Hitler enregistre un échec en Grèce ; l’Allemagne se voit dans l’obligation d’intervenir dans ce pays et en Yougoslavie. Le grand dessein hitlérien, une fois la France vaincue, consiste à conquérir un espace vital à l’est : le 22 juin 1941, a lieu l’opération Barbarossa (invasion de l’URSS).
De son côté, le Japon, autre allié d’Hitler, souhaite éliminer du Pacifique les forces navales des USA : le 7 décembre 1941, l’attaque par surprise de la base américaine de Pearl Harbor est lancée.
Dès lors, avec l’entrée en guerre des USA, la guerre devient véritablement mondiale : en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient, en Chine, en Asie du Sud-Est et dans les océans Atlantique et Pacifique.
Les forces de l’Axe (principalement Allemagne, Italie, Japon) sous-estiment les puissances soviétique et américaine. Après la longue et meurtrière bataille de Stalingrad, remportée par l’URSS contre Hitler, l’Axe n’est plus en mesure de gagner la guerre.
La Seconde Guerre mondiale se caractérise par le nombre de victimes civiles : bombardements aériens sur les villes (25 000 morts à Dresde), représailles contre les civils suspectés d’aider les partisans, lutte implacable contre les résistants en France, génocide des Tziganes (150 000 à 200 000) et des Juifs (6 millions) à travers toute l’Europe.
En août 1945, les Américains expérimentent l’arme atomique contre le Japon (à Hiroshima et Nagasaki).
Une nouvelle période commence : la guerre froide entre les deux grands vainqueurs, États-Unis et URSS, que la création de l’ONU ne parvient pas à éviter.
Références
— Keegan John, 1988, La Seconde Guerre mondiale, Perrin.
— Ferro Marc, 2010, Questions sur la Seconde Guerre mondiale, coll. « Histoire ».
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Environ 6 à 8000 Juifs, originaires d’Europe de l’Est, rejoignent, par idéal démocratique, les Brigades Internationales formées pour secourir la République espagnole menacée par les nationalistes.
Les Juifs, qui ont combattu le fascisme dans leurs différents pays d’origine, sont sensibles au danger que représente pour eux l’offensive du général Franco. Ils sont conscients, en outre, que se joue le destin de l’Europe dans cette guerre civile. Ils combattent dans diverses unités mais les Juifs yiddishophones souhaitent la création d’une unité militaire spécifique pour exprimer leur solidarité dans la lutte. Le 12 décembre 1937, la seconde Compagnie de la brigade Dombrowski prend le nom de Naftali Botwin, en hommage à un jeune militant juif polonais : le 28 juillet 1925, à Lvov, Naftali Botwin a abattu un informateur de la police secrète infiltré dans le Parti communiste. Pendant son procès, Botwin plaide coupable. Il est fusillé le 6 août 1925.
La « compagnie Botwin » adopte pour devise : « Pour notre liberté et la vôtre » et publie, notamment, un journal en yiddish intitulé Botwin. La puissance militaire de la coalition fasciste (Espagne, Italie, Portugal et Allemagne) est écrasante. « La Botwin » est en grande partie décimée durant l’offensive de février 1938 en Extremadure. Karl Gutman, son premier commandant, tombe au combat. Emmanuel Mink en sera le dernier avant la chute de la République espagnole, le 21 septembre 1938.
Les brigadistes, survivants du conflit, sont internés dans des camps du sud de la France, les Juifs seront déportés ensuite vers les camps d’extermination par les nazis et leurs collaborateurs français.
La plupart des Juifs immigrés rescapés poursuivent le combat antifasciste dans la Résistance. En France, ils luttent particulièrement au sein de la section juive de la M.O.I.
Références
— Diamant David, 1979, Combattants juifs dans l’armée républicaine espagnole, Ed. Renouveau.
— Wuzek-Gruszow Larissa & Wuzek Efraïm, 2012, La compagnie Botwin – Combattants juifs dans la guerre d’Espagne, Syllepse.
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En octobre 1941, après l’invasion de l’URSS par Hitler, les soviétiques intensifient la riposte antinazie en Europe. Sur ordre de l’Internationale communiste, le Parti communiste français (PCF) prend en charge la mise en place d’une lutte armée en France. Charles Tillon en est le responsable.
En octobre 1941, les anciens brigadistes de la guerre civile espagnole et les militants communistes de l’Organisation spéciale (groupes OS), qui ont échappé aux traques des nazis, sont les premiers recrutés. Début 1942, les jeunes combattants des Bataillons de la Jeunesse se joignent à eux.
En avril 1942, les Francs-tireurs et partisans français (FTPF ou FTP) sont complètement constitués. Cette force de Résistance intérieure, militaire dans sa conception, est immédiatement opérationnelle. Elle s’ouvre aux non-communistes mais reste sous l’autorité du PCF.
Menacés dans leur existence et guidés par leur désir de libérer la France du nazisme, des combattants juifs immigrés sont amenés à mener une lutte spécifique aux côtés des FTP. Parallèlement et très rapidement, des groupes de Francs-tireurs et partisans M.O.I. (les FTP-M.O.I.) se forment à Paris sous la direction militaire de Boris Holban.
Dix pour cents des effectifs des militants communistes doivent être versés aux FTP, la règle demeure la même pour les FTP-M.O.I.
Les FTP opèrent d’abord en zone nord occupée mais ils élargissent leur champ d’action à la zone dite libre, dès l’entrée des troupes allemandes en zone sud, fin 1942.
Le journal des FTP, France d’abord, rend compte de la lutte armée de l’organisation, partout en France.
À partir de 1943, les FTP sont regroupés, avec les FTP-M.O.I., sous l’égide du « Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France », créé par le PCF dès 1941.
Les FTP et les FTP-M.O.I., très structurés militairement, pratiquent la guérilla urbaine et l’action immédiate.
En zone sud, les FTP et FTP-M.O.I. créent des maquis.
Pourchassés par la Gestapo, nombre de FTP (et, particulièrement, FTP-M.O.I.) sont torturés et déportés mais leur action de Résistance intérieure, (comme celle des MUR ou de l’Armée secrète), est déterminante dans la libération du pays.
En 1944 les FTP et FTP-M.O.I., tout en conservant leur autonomie, sont regroupés au sein des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI).
Référence
Tillon Charles, 1991, Les FTP, soldats sans uniforme, Éditions Ouest-France.
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La lutte armée a précédé les maquis, qu’il s’agisse des opérations menées par les Jeunesses communistes dès 1941 ou par les groupes francs constitués au sein du mouvement « Combat. »
Les maquis sont nés dans l’hiver 1942-1943, créés par des réfractaires ayant décidé de fuir le départ en Allemagne au titre de la Relève, puis, en février 1943, pour échapper au Service du travail obligatoire (STO).
Les hommes arrivent tout au long de l’été 1943. Un peu partout, des anciens des Brigades internationales, combattants de la M.O.I. (Main-d’œuvre immigrée) et allemands antifascistes forment des maquis ou se mêlent à ceux existants.
Ces volontaires, engagés dans l’action clandestine à partir du printemps 1943, constituent un phénomène imprévu qui place les dirigeants de la Résistance devant le fait accompli. Il devient nécessaire de les rassembler, de les organiser, de les encadrer, de les nourrir et de les armer. Dans les massifs montagneux de zone sud, certains maquis s’engagent dans l’action immédiate (sabotages, attaques contre les collaborateurs et les services de Vichy, recueil et transmissions d’informations). Les maquisards sont quelques centaines au début de l’année 1943 et près de 100 000 en juin 1944. À partir de mai 1944, des maquis des Milices Patriotiques sont mis en place par les FTP-M.O.I., notamment le maquis de Montceau les mines en Saône et Loire.
Les maquisards vont être intégrés aux F.F.I. (Forces Françaises de l’Intérieur) et placés sous les ordres du général Kœnig, qui reçoit lui-même ses instructions de Londres. La répression menée par Vichy puis par les Allemands contre les maquisards et les populations considérées comme complices, est terrible.
En juin 1944, les maquisards participent aux combats de la Libération et contribuent à retarder les troupes allemandes au moment du débarquement.
Références
— Marcot François, 2006, “Les maquis”, Dictionnaire historique de la Résistance, Bouquins, Robert Laffont.
— Canaud Jacques, 2011 Le Temps des maquis, Éditions de Borée.
— Simonnet Stéphane, 2015, Maquis et maquisards. La Résistance en armes 1942-1944,
Belin.
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Pour remplacer la poste et le téléphone sous contrôle, les résistants remettent leurs messages à des « agents de liaison » qui sont leurs “facteurs”. Les missions de ces derniers sont diverses. Ils portent les courriers clandestins qui ne peuvent être envoyés à ceux qui, par sécurité, changent sans cesse de domicile, ils assurent les liaisons entre leurs responsables et divers réseaux, entre les villes, avec les maquis, transportent de faux papiers, des explosifs et du matériel d’imprimerie…
Les lieux et horaires de rendez-vous, les pseudonymes des contacts, les informations à transmettre doivent être mémorisés. L’agent de liaison doit aussi souvent parcourir des distances importantes à pied, en train ou, mieux, à vélo, moyen de transport privilégié parce qu’il permet d’éviter les contrôles très fréquents dans les gares et les trains. Ce sont souvent des jeunes, et très souvent des jeunes femmes, qui effectuent ces missions car elles attirent moins l’attention que les jeunes hommes, plus souvent contrôlés.
On s’étonne aussi moins de voir des jeunes femmes avec des enfants – elles sont souvent chargées de « cacher » des enfants juifs-. Par ailleurs, elles doivent assurer le versement de la pension de ces enfants, ce qui assure leur maintien dans les familles d’accueil et implique souvent de longs déplacements
Quand les agents de liaison sont arrêtés, ils subissent des interrogatoires inhumains car la police connaît leur rôle de relais essentiels. L’activité d’agent de liaison conduit souvent à la déportation et à la mort.
Référence
Dossin Chantal, 2018, Elles étaient juives et résistantes. Ed Sutton
(1899-1943)
David Kutner, naît Aron Skrobek, en Pologne, à Zychlin, le 18 janvier 1899, dans une famille nombreuse et pauvre, qui va s’installer à Varsovie. Dès l’âge de onze ans, il doit travailler dans un atelier de cartonnage.
Membre du syndicat (illégal) des ouvriers du Papier à l’âge de quatorze ans, il devient en 1919 délégué des ouvriers du Papier au Conseil des ouvriers et soldats de Varsovie, puis, trois ans plus tard, secrétaire du syndicat du Textile. Autodidacte et bon orateur, il donne des conférences pour les militants syndicaux et crée des institutions culturelles : une chorale, un orchestre, un cercle dramatique… Membre du Parti socialiste juif, le Bund, il le quitte pour le Parti communiste clandestin, travaille à créer un groupe de langue yiddish et devient l’un des membres du bureau juif attaché au Comité central.
Arrêté, Aron Skrobek est envoyé au camp de concentration de Kartus-Bereza où il passe dix-sept mois. Libéré sous caution grâce à une collecte syndicale, il émigre à Paris en 1936, où il s’intègre au mouvement progressiste juif, devenant rédacteur du journal en yiddish La Naïe Presse (Presse nouvelle). Responsable de l’organisation « Les amis de la Presse nouvelle », il rédige en yiddish une brochure, publiée en 1936, sur le camp de Bereza où sont internés huit mille prisonniers politiques, diffusant ainsi les informations sur la terreur blanche en Pologne.
À la déclaration de la guerre, Aron Skrobek s’engage dans l’armée française.
Dès novembre 1940, il participe à la fondation et à la direction de l’organisation clandestine « Solidarité ». Rédacteur de la presse clandestine juive, il organise en 1941 des manifestations devant le camp de Beaune-la-Rolande, à la Maison du prisonnier, devant le siège de la Croix-Rouge. Il est également à l’initiative d’autres manifestations, notamment, contre le port de l’étoile jaune, devant Drancy.
Arrêté sur dénonciation le 16 décembre 1942, Aron Skrobek est emprisonné à la prison du Cherche-Midi où il est interrogé avec brutalité. Le 16 mars 1943, il est transféré au fort de Romainville, sous contrôle allemand. Il est déporté le 15 juillet 1943 au camp de concentration de Natzweiler-Struthof dans les Vosges où, dès son arrivée, il est torturé puis fusillé par les soldats allemands le 21 juillet 1943.
Références
— Le Maitron, Claude Pennetier
— Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires : Éditions Messidor/Éditions Sociales.
— Diamant David, 1984, Combattants, héros et martyrs de la Résistance. Éditions Renouveau
— Photo : Cliché CERD. (DR)
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Theodor Dannecker, responsable de la Gestapo, en charge des questions juives à Paris, souhaite qu’un organisme représentant les Juifs de France serve de courroie de transmission dans l’application des mesures antisémites. Il obtient la création de l’UGIF par une loi française du 29 novembre 1941.
Cette création est condamnée, dès le départ, par la section juive clandestine de la M.O.I. car elle implique des liens dangereux avec le Commissariat général aux questions juives.
Les organisations, encore légales, liées à la section juive refusent d’adhérer à l’UGIF et entrent dans la clandestinité.
La direction de l’Union Générale des Israélites de France est composée de Juifs français, engagés, avant-guerre, dans le domaine caritatif. Dannecker y impose, en outre, deux Juifs viennois, « hommes de liaison et de contrôle personnel ».
L’UGIF a pour mission la représentation des Juifs auprès des pouvoirs publics. Elle exerce, notamment, une fonction d’assistance sociale : elle verse des allocations aux foyers privés de revenus, finance des cantines populaires et des hospices.
Après les rafles de l’été 1942, elle ouvre des centres d’accueil pour enfants juifs à Paris et en banlieue.
On peut reprocher aux dirigeants de l’UGIF d’avoir sous-estimé le rôle de Vichy et d’être restés aveugles face à la réalité de la Shoah.
On peut leur reprocher de n’avoir pas tenté de soustraire les Juifs étrangers au danger immédiat de la déportation et d’avoir entretenu les illusions des Juifs français.
On peut, enfin et surtout, leur reprocher de ne pas avoir évacué les enfants des centres, victimes de rafles massives en juillet 1944.
Cependant, à l’insu de la direction de l’UGIF, des activités de Résistance de certains des membres de l’organisme ont permis le sauvetage d’enfants, mis à l’abri dans des familles non-juives.
Le bilan de l’Union Générale des Israélites de France est très controversé. Si son rôle d’assistance a été effectif et si des opérations clandestines antinazies ont utilisé sa couverture légale, ses institutions ont souvent été de véritables souricières particulièrement vulnérables aux rafles.
La loi créant l’UGIF est abrogée à la Libération.
Références
— Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor /Éditions sociales.
— Wieviorka Annette, 1986, Ils étaient juifs, résistants, communistes. Éditions Denoël.
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Si on évoque la Résistance, on pense souvent à sa version armée, aux attentats, aux maquisards. Mais la plupart des résistants se consacrent à d’autres formes de lutte contre l’occupant, risquant également leur liberté et leur vie. On compte, d’une part, ceux qui se consacrent à la logistique des combattants : fabrication d’armes, production de faux papiers, recherche de planques pour les FTP et, notamment, pour les FTP-M.O.I. juifs doublement visés, en tant que Juifs et en tant que résistants et collectes d’argent pour permettre à tous de vivre dans une totale clandestinité. D’autre part, les résistants les plus nombreux mènent une action politique permettant de contrecarrer les objectifs des nazis et des collaborateurs : affiches et graffiti, rédaction, impression et diffusion des tracts et de la presse clandestine, papillons (petits tracts), organisation de grèves, sabotage dans les ateliers travaillant pour les Allemands, transmission de documents et d’informations (par les agents de liaison, notamment) et manifestations. La participation à ces activités sert aussi à la formation des militants qui représentent un réservoir pour la sélection de combattants FTP et FTP-M.O.I. Pour les militants de la section juive de la M.O.I., il s’agit, en outre, d’informer (en français et en yiddish) la population juive des dangers qui la menacent, de tisser des liens avec la population française et de participer au sauvetage des enfants juifs.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Paris, Messidor/Éditions sociales.
Principaux titres de la section juive de la M.O.I.
— Unzer Wort (ou Unzer Vort) en yiddish, 36 numéros de 1940 à décembre 41.
— Notre Parole : (traduction en français de Unzer Wort, Zone Nord), 4 numéros de juin 1941 à mars 1943.
— Notre Voix : (traduction en français de Unzer Wort, Zone Sud), 76 numéros de l’été 1942 à juillet 1944.
— Liberté, (organe de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE) devenu « Droit et Liberté ». 9 numéros de janvier à juillet 1944.
— En Avant (journal des jeunes communistes juifs), 6 numéros de début 1943 à juin 1943.
— Jeune Combat (publication plus tardive à l’initiative de l’UJRE : journal de l’Union de la jeunesse juive (UJJ), 1943, 1944.
— Bulletin de l’UFJ, la Voix de la Femme Juive, organe du mouvement national de lutte contre le fascisme, section féminine, 1943
— Résister (Bouches du Rhône, UJRE), 1944
À l’intérieur du camp de Pithiviers, publications communistes :
— Le Canard interné (Journal des jeunes internés), 1941,1942
— Pithiviers, 1942, polycopié en yiddish
À l’intérieur du camp de Beaune-la-Rolande
— Unzer Lager (Notre camp), mai 1941 à Juillet 1942
— Unzer Politique (Notre politique), 1942,1943
Autres publications
— Di yiddische Stime (la voix yiddish) : organe de la réunification nationale juive 1941
— Der yiddisher Arbeiter (le travailleur juif) : Intersyndicale lyonnaise (ronéoté en yiddish)
— Unzer Kampf (notre combat) : Comité général de défense juif (ronéoté en yiddish), 1943
Organisation de Résistance Le Travail Allemand
— Bulletins du Travail Allemand, TA
FFI
Le Combat juif (Forces Françaises de l’Intérieur, FFI, 1 seul numéro) 1944
Section juive de la M.O.I. en liaison avec le mouvement National contre le Racisme (MNCR)
— J’accuse : Zone Nord, 22 numéros d’octobre 1942 à août 1944
— Fraternité : Zone Sud, 26 numéros de l’été 1942 à août 1944
— Lumière (organe des intellectuels), 4 numéros du printemps à août 1944.
— Combat médical, 4 numéros de mars à août 1944.
— Clarté (journal des jeunes), 3 numéros à partir du début avril 1944.
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Alors que les alliés ont débarqué en Normandie et que la France se libère, un train de marchandise quitte la gare de Toulouse le 3 juillet 1944. À son départ, il compte 403 prisonniers du camp d’internement du Vernet – soldats républicains espagnols, Brigadistes, antifascistes, étrangers « indésirables» – ainsi que 150 prisonniers de la maison d’arrêt de Saint-Michel à Toulouse. Parmi ces derniers, ceux de la 35ème Brigade des FTP-M.O.I. dont Jacob Insel qui a remplacé Marcel Langer à la tête de la Brigade.
Entre les bombardements alliés et les sabotages de la Résistance, les obstacles sont nombreux. Le convoi se dirige vers Bordeaux puis vers Angoulême et revient à Bordeaux. 150 prisonniers du Fort du Hâ y rejoignent le train qui repasse par Toulouse pour remonter vers l’Allemagne par la vallée du Rhône. Les détenus doivent faire à pied un transbordement de la gare de Roquemaure à celle de Sorgues, soit 17 kilomètres sous une chaleur accablante.
Des civils leur apportent eau et nourriture ; des cheminots et des maquisards aident certains à s’enfuir.
Arrivé à Pierrelatte, le train est mitraillé par les alliés qui ignorent la présence de déportés. Les morts et les blessés sont débarqués à la gare de Montélimar où l’on peut voir aujourd’hui un petit monument élevé à leur mémoire.
Le voyage se poursuit, dans des conditions toujours effroyables, pour rejoindre le camp de Dachau après près de deux mois d’errance, le 28 août 1944.
Dans ce « train fantôme» qui ne cesse d’apparaître et de disparaître, sur les 703 prisonniers, 536 sont encore à bord. Nombre d’entre eux mourront à Dachau, emportés par le typhus.
Référence
Scarpetta Guy, auteur, Amat Jorge, réalisateur, 2016, Les résistants du train fantôme. Documentaire vidéo.
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Les premières communautés juives fixées dans le Comtat Venaissin dès l’Antiquité vont s’intégrer progressivement à la vie du pays.
Au Moyen Âge, ces communautés s’établissent dans différentes villes mais les Juifs seront spoliés et expulsés du royaume de France à plusieurs reprises.
Trois communautés juives vont alors subsister en France dans des régions spécifiques :
— La communauté d’Avignon et du Comtat Venaissin, sous la dépendance directe du Pape
— Les communautés d’Alsace et de Lorraine, sous la dépendance de l’Empire romain germanique.
— Plus tardivement, la communauté du sud-ouest et de Bordeaux composée de Juifs espagnols et surtout portugais.
Ces communautés sont intégrées à la vie du pays mais les Juifs n’y sont pas encore pleinement des citoyens. La Révolution française marque une transformation essentielle de la situation des Juifs de France et fait d’eux des citoyens à part entière.
Au 19ème siècle, les Juifs sont fiers d’appartenir à la société française et ils sont foncièrement républicains. Pour un certain nombre d’Israélites (les Juifs français de longue date), l’intégration débouche sur l’assimilation dès le 19ème siècle.
Au 20ème siècle, pour les Juifs progressistes immigrés d’Europe de l’est, la France constitue un modèle d’émancipation. Après la victoire sur le nazisme, les survivants, dans leur ensemble, demeurent attachés à leur culture d’origine mais ils souhaitent être intégrés à la société française.
Référence :
Blumenkranz Bernhard (dir). 1972, Histoire des Juifs de France, Édouard Privat.
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Pour de Gaulle, réfugié à Londres, chef de la Résistance extérieure, le rôle central de la Résistance revient à la France Libre, à savoir aux troupes françaises combattant, notamment, aux côtés des Britanniques et des Américains. La fonction de la Résistance intérieure, selon Charles de Gaulle, consiste :
1) à maintenir dans la population l’opposition aux Allemands et au gouvernement collaborationniste de Vichy,
2) à informer Londres de la situation intérieure.
Si les attentats contre les troupes d’occupation nazies sont légitimes, selon le général de Gaulle, ils ne sont pas opportuns, compte tenu du rapport des forces et du coût humain qu’ils entraînent. Dans cette optique, les résistants de l’intérieur sont appelés à attendre le débarquement allié pour participer militairement à la Libération, en 1944.
Les communistes dans leur ensemble, et la section juive de la M.O.I. en particulier, refusent la politique de l’attente opportune. Ils s’engagent précocement dans la lutte armée à partir de 1941. Les Francs-Tireurs et partisans français, FTP, et les FTP-M.O.I. sont opérationnels dès 1942.
Leur lutte contre l’occupant sera continue jusqu’à la fin des hostilités.
Référence
Wieviorka Olivier, 2013, Histoire de la Résistance, Paris, Éd. Perrin
En savoir plus :
En représailles à une série d’attentats commis contre des soldats allemands à Paris, en novembre 1941, les nazis ont pour projet d’exécuter 100 otages. Avec la collaboration du régime vichyste, ils appliquent une politique mise en place pour répondre aux attaques des résistants.
Le gouvernement de Pétain ne disposant pas d’un nombre suffisant d’otages résistants, décide d’y adjoindre 51 internés juifs : 44 sont issus du camp de Drancy, 4 du Fort de Romainville et 3 de la prison du Cherche-Midi.
Ils ont presque tous été arrêtés pour activités « judéo-communistes » ou distribution de tracts « communistes ».
31 sont fichés “communistes”, 5 “M.O.I.”, 2 “Presse clandestine juive” et 1 “communiste de « Solidarité »”.
La moitié d’entre eux ont été appréhendés entre le 19 et le 23 août 1941 après avoir été « convoqués » dans des commissariats parisiens.
Le 15 décembre 1941, 95 résistants sont fusillés, 69 au Mont-Valérien à Suresnes, 13 à Caen, 9 à la Blisière près de Châteaubriant et 4 à Fontevraud.
Les 3/4 des otages fusillés au Mont-Valérien le 15 décembre 1941 sont juifs. C’est la première exécution de masse au Mont-Valérien.
Références
— Klarsfeld Serge, 2010, Les 1007 fusillés du Mont-Valérien parmi lesquels 174 Juifs Ed. FFDJF
— Wieviorka Annette, Grande Antoine, Klarsfeld Serge, 2020, Conférence du 17 décembre 2020 au Mont Valérien en hommage aux fusillés du 15 décembre 1941.
(1856-1951)
Philippe Pétain, né le 24 avril 1856, est militaire de carrière. Il s’illustre pendant la Première Guerre mondiale, notamment lors de la bataille de la Marne en septembre 1914, puis lors de la bataille de Verdun en 1916.
Il est élevé à la dignité de maréchal de France en 1918.
Commandant en chef des forces françaises, il jouit, après la guerre, d’un réel prestige.
Considéré comme un homme providentiel au début du conflit avec l’Allemagne nazie, il est appelé au gouvernement le 17 mai 1940 et rejette la responsabilité de la guerre sur les forces républicaines. Le 17 juin, Pétain, qui vient d’être nommé président du Conseil, demande l’armistice à l’Allemagne hitlérienne. En riposte, le 18, depuis Londres, de Gaulle lance son appel à la résistance.
L’armistice est signé le 22 juin 1940. Le 10 juillet, Pétain s’octroie le titre de « chef de l’État français ». La France est, globalement, séparée en 2 zones par les nazis qui occupent la zone nord. Pétain s’installe à Vichy, en zone sud, dite « libre ». La République française est remplacée par un Etat autoritaire qui prône la « révolution nationale ». Sa devise : « Travail, Famille, Patrie ». En octobre 1940, Pétain entérine, avec Hitler, la collaboration d’État avec l’Allemagne nazie.
Le gouvernement de Pétain détruit toutes les institutions républicaines. Il s’attaque aux étrangers, aux francs-maçons, aux communistes, aux résistants et aux Juifs. Il devance les exigences des Allemands et met très vite en place une législation antisémite qui se durcit, loi après loi. Le 1er statut des Juifs en octobre 1940 et le 2nd statut en juin 1941, calqués sur les lois allemandes de Nuremberg, sont des préludes à la déportation. Les Juifs sont fichés, épiés, menacés, dénoncés, dépouillés de leurs biens et privés de leur travail.
Le camp de transit de Drancy devient la plaque tournante de la politique d’extermination menée par les nazis avec la complicité du gouvernement pétainiste
Les rafles se multiplient. La police française, aux ordres de Vichy, participe activement, voire prend l’initiative des traques. La « milice française », créée par le régime de Pétain sur le modèle de la gestapo, et sur injonction d’Hitler, se spécialise dans l’élimination des résistants.
Les combattants de la section juive de la M.O.I. sont ciblés par le régime vichyste à plusieurs titres : en tant qu’étrangers, résistants, communistes et juifs.
Après le débarquement des Alliés en Normandie, Pétain est arrêté à Vichy et transféré en Allemagne jusqu’en avril 1945.
Il est reconduit en France, traduit en justice et condamné à mort pour ses crimes. Du fait de son âge (89 ans), sa peine est réduite à une détention perpétuelle.
Condamné à l’indignité nationale, il est dégradé militairement et transféré au fort de Pierre-Levée sur l’île d’Yeu.
Il meurt en 1951 en résidence surveillée.
Référence
Ferro Marc, 2014, Pétain. Ed. Fayard.
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Après les rafles massives de Juifs étrangers en zone Sud, Joseph Bass, dit Monsieur André, Juif d’origine russe, évadé du camp d’internement du Vernet, rejoint à Marseille le groupe de résistants du musée de l’Homme et se consacre au sauvetage des Juifs. Le “Service André” (dit aussi Groupe d’Action contre la Déportation ou réseau André), créé fin 1942, fabrique de faux papiers et organise la mise à l’abri de nombreux Juifs.
Au début de son action, Joseph Bass finance son organisation sur ses propres deniers. Le Joint, organisation juive américaine d’Entraide, prend ensuite le relais. Grâce à l’aide du Pasteur André Trocmé – reconnu « Juste parmi les nations » en 1971 – Joseph Bass met sur pied une filière d’évasion vers le village du Chambon-sur-Lignon. Cette filière rayonne ensuite sur Aix-en-Provence, Avignon, Orange, Nîmes, Nice et Cannes. Après les rafles du “Vieux port” à Marseille, le siège de l’organisation est transféré au cœur d’un faubourg ouvrier de Saint-Etienne, dans un café-restaurant que l’historien Léon Poliakov immortalisera sous le nom de “L’auberge des musiciens”.
Le “Service André” développe également une activité militaire. A partir de juin 1943, Monsieur André crée un maquis juif sur le plateau du Chambon-sur-Lignon avec l’aide de l’Armée juive, organisation de Résistance très active au Sud de la France. Ces maquisards attaquent, avec des résistants FFI, une colonne allemande dont ils obtiennent la reddition. Cette action permet la libération du Puy-en-Velay le 22 août 1944 et par la suite celle de toute la Haute-Loire.
Référence
Loinger Georges, 2010, Les Résistances juives pendant l’occupation. Ed. Albin Michel.
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En concevant l’opération Barbarossa contre l’URSS, Hitler et ses généraux tablent sur une guerre courte, sous-estimant les capacités d’une Armée rouge décapitée par les purges staliniennes de 1937 et peu glorieuse pendant la guerre de Finlande. Après le 22 juin 1941, l’armée allemande s’enfonce loin vers l’est, les pertes de l’Armée rouge sont énormes. Dès août, les Allemands occupent Smolensk, mais la résistance des Soviétiques autour de la ville se prolonge jusqu’au 10 septembre et ralentit la progression nazie. En prenant Moscou, Hitler pense toujours que l’armée allemande finira la guerre avant l’hiver. Le 2 octobre 1941, les Allemands engagent l’offensive finale vers la capitale soviétique (opération Typhon), avec près d’un million d’hommes, 1 700 chars et 14 000 canons. Les Soviétiques opposent des troupes épuisées : 1 250 000 hommes, 1 000 chars et 7 600 canons. Faute de mise en alerte, l’aviation soviétique a été quasiment anéantie au sol aux premiers jours de l’opération Barbarossa. Cependant, les forces soviétiques ne se rendent pas, ce qui réduit le potentiel offensif allemand, par ailleurs très affecté par la raspoutitsa (l’enlisement). Dans ce contexte, la 4ème division de panzers embourbée tombe dans une embuscade où dominent les nouveaux chars soviétiques T-34, plus maniables dans la boue.
Pendant ce temps, Moscou se fortifie. 250 000 femmes et adolescents creusent 8 000 km de tranchées et des fossés antichars. Après le 15 novembre, les températures chutent à -30 °C. Les soldats allemands n’ont pas été pourvus en vêtements d’hiver par un état-major entêté dans l’illusion d’une victoire automnale. Fin septembre 1941, l’espion soviétique Richard Sorge affirme que le Japon n’attaquera pas l’URSS. L’Armée rouge redéploie alors une trentaine de divisions sibériennes qui, le 5 décembre 1941, réoccupent la proche banlieue de Moscou. Le front allemand est enfoncé. En mars, lorsque s’achève la contre-offensive soviétique, les nazis constatent que l’opération Barbarossa a échoué et que la guerre sera longue.
Référence
Lopez Jean & Otkhmezuri Lasha, 2019, Barbarossa. 1941. La guerre absolue, Paris. Éd. Passés composés.
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Consciente que la déportation menaçait tous les Juifs, français ou immigrés, communiste ou non, l’UJRE s’était adressée à plusieurs reprises – sans succès – aux divers courants de la Résistance juive. Mais, en été 1943, une rencontre a lieu à Grenoble entre la Résistance communiste juive et les autres structures juives de Résistance. Malgré un désaccord lié à l’organisation commune de la lutte armée, l’unité se fait sur tout ce qui touche à l’aide et à la protection des Juifs.
Un compromis aboutit à la création d’un Comité juif unique de défense puis d’un Comité général de défense, dirigé par Léo Glaeser et Henri Adam, qui se fixe pour objectif la défense des Juifs de France et la résistance aux déportations.
Le Consistoire (instance religieuse) légaliste, demeure à l’écart du CGD. Ce n’est qu’en décembre 1943, après l’arrestation de son président, qu’il accepte de rencontrer les représentants du CGD, composé essentiellement de Juifs d’Europe de l’Est. Le Consistoire entre alors dans le CGD, organisme commun de la Résistance juive. Devenu emblématique de la communauté juive de France, il prendra le nom de Conseil représentatif des Israélites de France puis de Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF).
Références
—Rayski Adam, 1992, Le Choix des Juifs sous Vichy. Ed. La Découverte.
—Adler Jacques, 1985, Face à la persécution. Les organisations juives à Paris de 1940 à 1944. Ed. Calmann-Lévy
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L’assassinat d’Alexandre II, que l’on impute à tort aux Juifs, déclenche en 1881, une vague de pogroms. En mai 1882 le gouvernement adopte une série de lois concernant les Juifs : interdiction de construire, d’acheter des maisons de posséder ou d’utiliser des terres à l’extérieur de la zone de résidence (région où tous les Juifs étaient contraints d’habiter).
Une autre décision est prise : la restriction de leur accès à l’éducation secondaire et supérieure en introduisant un quota dans l’admission des Juifs dans les établissements (lycées et universités) de l’Empire. Initialement, ces dispositions sont dépourvues de caractère officiel : d’abord diffusées par une série d’instructions secrètes, elles sont officialisées en 1887 et révisées régulièrement. Les quota varient : 3 % dans les capitales, 5 % dans les régions de Kazan et de Kharkov, 10 % dans la zone de résidence.
En 1889, les Juifs ont l’interdiction de devenir avocats et la proportion de médecins juifs pouvant exercer dans l’armée ne peut excéder 5 %.
Le durcissement du climat politique après la révolution de 1905 se traduit notamment en 1908 par l’inscription dans la loi du numerus clausus concernant les Juifs. En 1916, cette loi est étendue aux lycées et aux écoles supérieures privées.
Depuis le 19ème siècle, s’est développé dans de nombreux pays un mouvement socialiste visant la destruction du capitalisme vu comme un système d’exploitation, générateur de guerres et de haines entre les peuples. La religion est analysée comme le soutien de ce système. La révolution bolchévique d’octobre 1917, la création de l’Union soviétique et de l’Internationale communiste sont ressenties par beaucoup comme les premières étapes d’une révolution mondiale. Elles font naître l’espoir d’une société bannissant l’injustice sociale et prônant l’amitié entre toutes les nationalités. Beaucoup de jeunes Juifs sensibles à ce message s’engagent avec enthousiasme dans le mouvement communiste qui, pensent-ils, doit permettre d’éliminer l’oppression de classe et l’antisémitisme.
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La IIIème République affronte crises politiques et économiques et l’instabilité gouvernementale, auxquelles s’ajoute le traumatisme de l’annexion de l’Alsace et de la Moselle par l’Allemagne (1871). Ce contexte alimente les nationalismes les plus extrêmes et l’antisémitisme, attisés par une presse influente.
Dès le 1er novembre 1894, La Libre Parole, le quotidien d’Edouard Drumont, qui fait de l’antisémitisme son cheval de bataille, titre « Arrestation de l’officier juif Dreyfus » accusé de traîtrise au profit de l’Allemagne. Le 22 décembre 1894, Dreyfus, est condamné par un Conseil de guerre, après trois jours de procès à huis-clos, à partir de « preuves » tenues secrètes, qui s’avèreront être des faux. En janvier 1895, Alfred Dreyfus est dégradé et déporté à l’île du Diable au large de la Guyane.
La presse s’empare de l’affaire ; peu à peu, la France se divise entre dreyfusards et anti-dreyfusards, et l’antisémitisme se déchaîne.
Le 13 janvier 1898, l’écrivain Émile Zola publie dans le quotidien L’Aurore une lettre ouverte au président de la République, Félix Faure, intitulée « J’accuse », dans laquelle il entend rétablir « la vérité d’abord sur le procès et sur la condamnation de Dreyfus ».
Le 3 juin 1899, Dreyfus est renvoyé devant le Conseil de guerre de Rennes et quitte l’île du Diable. En septembre, il est à nouveau déclaré coupable et condamné à dix ans de détention. Dix jours plus tard, le président Emile Loubet signe sa grâce.
Le 12 juillet 1906, la Cour de cassation casse le verdict de 1899 et affirme* : « De l’accusation portée contre Dreyfus, rien ne reste debout ». Elle prononce l’arrêt de réhabilitation du capitaine Dreyfus.
Références
— Birnbaum Pierre, 1994, L’affaire Dreyfus, la République en péril, Gallimard, coll. « Découvertes ».
— Bredin Jean-Denis, 1981, L’Affaire, Ed. Fayard, Paris.
*Arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 1906.
(1883-1945)
Pierre Laval, avocat, est élu député socialiste en 1914.
À partir de 1925, il s’éloigne définitivement de la gauche et il est plusieurs fois ministre sous la IIIème République : Justice, Travail, Affaires Etrangères et président du Conseil, en 1931-1932 puis en 1935-1936.
En juillet 1940, il fait campagne auprès des parlementaires afin qu’ils votent les pleins pouvoirs à Philippe Pétain et il devient vice-président du Conseil.
Laval s’engage alors dans la collaboration d’État avec l’Occupant nazi et ce sont les Allemands qui, en 1942 imposent à Pétain de le rappeler (le maréchal avait écarté Laval, devenu un rival trop influent, du gouvernement de Vichy).
Pierre Laval se voit attribuer des pouvoirs illimités.
Il devient, avec Pétain, le personnage le plus représentatif de la France vichyste. Chef du gouvernement, il affirme :
« Je souhaite la victoire de l’Allemagne parce que, sans elle, le bolchévisme, demain, s’installerait partout. »
Il s’illustre par une politique violemment collaborationniste et antisémite : création du Service du Travail Obligatoire (STO) sur ordre des Allemands, répression farouche contre les Résistants, déportation de milliers de Juifs.
C’est Laval qui propose aux Allemands de déporter les enfants. Il s’agit, pour lui, d’« orphelins inutiles et gênants » dont les parents ont déjà pris le chemin des camps de la mort.
À l’arrivée des troupes alliées, Laval est évacué par les nazis, il gagne l’Espagne mais est remis, par le dictateur de l’État espagnol, Franco, au Gouvernement provisoire de la République française dirigé par le général de Gaulle.
Pierre Laval est condamné à mort et fusillé le 15 décembre 1945 à la prison de Fresnes.
Référence
Paxton Robert O., 1999, La France de Vichy (1940-1944), Ed. Le Seuil-Poche
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Sous l’effet de la terreur provoquée par l’avancée des troupes allemandes, l’exode prend une dimension massive entraînant une grande partie des populations du nord de la France, de Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg. Les grandes villes françaises sont atteintes : Lille n’a plus que 20 000 habitants sur 200 000, Tourcoing 7 000 sur 82 000. De huit à dix millions de civils français s’enfuient vers le sud de la France.
Dès mai 1940, l’exode précipite sur les routes des familles entières, motorisées ou non, paralysant le déplacement des forces alliées. Le 14 juin, lorsque la Wehrmacht (l’armée allemande nazie) s’approche de Paris, les populations d’Île-de-France, à leur tour, prennent la fuite (deux millions de Parisiens, soit deux tiers de la population parisienne intra-muros). Le 11 juin, le gouvernement français a abandonné Paris pour Bordeaux.
Sous les attaques des Stukas de la Luftwaffe (l’aviation allemande), mitraillant et bombardant les colonnes de fuyards, de nombreux civils sont massacrés. On évalue à 100 000 le nombre des tués. L’exode implique aussi un nombre important de familles dispersées. Bien des enfants perdus ne retrouveront pas leurs parents : la Croix-Rouge française estimera à 90 000 le nombre de ces enfants.
En juillet, le gouvernement de Vichy établit un plan de rapatriement, rendu difficile par la désorganisation des chemins de fer et les lignes de démarcation. Le 28 juillet, les Allemands ferment le passage vers la zone occupée et imposent, le 1er août 1940, une réglementation classant les réfugiés en catégories. Les retours dans la zone occupée seront autorisés sauf pour les communistes, les francs-maçons, « les Alsaciens et des Lorrains qui ne sont pas de race allemande », les militaires des armées belge et française et les étrangers. Le passage des Juifs munis de papiers en règle est autorisé. Le 1er février 1941, le gouvernement établit un bilan de 7 millions de Français ayant vécu l’exode et de 1,2 million de Belges, Néerlandais et Luxembourgeois. Les villes de la zone libre sont submergées de réfugiés (fustigés par Pétain comme « fuyards »), que rejoindront les démobilisés dans un pays totalement bouleversé.
Références
— Alary Eric, 2013,2018 L’exode : un drame oublié, Paris, Perrin, coll. « Tempus »
— Guéno Jean-Pierre, 2015, Paroles d’exode : lettres et témoignages des Français sur les routes, mai-juin 1940, Paris, Librio. Coll. Document.
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La première vague de pogroms a lieu entre 1880 et 1884 : les principaux sont ceux d’Elisabethgrad, de Kiev, d’Odessa, de Balta, de Varsovie. Le gouvernement russe prend prétexte des pogroms pour limiter les droits des Juifs.
La deuxième vague de pogroms se produit en pleine crise révolutionnaire, entre 1903 et 1906, et est marquée par ceux de Kichinev, de Jitomir et de Bialystok.
La troisième vague, la plus féroce, a lieu pendant la guerre civile en Russie (1917-1921). L’Ukraine indépendante en est le théâtre majeur : des bandes de paysans en lutte contre l’Armée rouge massacrent les Juifs, sous la conduite des chefs cosaques et avec l’appui des troupes ukrainiennes et du Premier ministre Symon Petlioura. En Russie, l’Armée blanche de Denikine organise plusieurs pogroms, notamment à Fastov. La victoire de l’Armée rouge met un terme à ces exactions.
On a pu recenser 887 pogroms majeurs et 349 « mineurs », qui auraient fait plus de 60 000 morts.
Référence
Nahon Gérard, « Pogrome ou pogrom », https : //www. encyclopaedia-universalis. fr
(1903-1943)
Marcel (Mendel) Langer naît le 13 mai 1903 à Oswiecim (Auschwitz dans la Pologne actuelle, Galicie autrichienne, alors).
Fuyant les persécutions antisémites, la famille émigre en Palestine sous mandat britannique en 1920. Très vite, Langer milite au Parti communiste palestinien. Poursuivi par la police britannique, il se réfugie en France, s’installe à Paris, puis, en 1931, à Toulouse où il travaille comme fraiseur-ajusteur. Il milite à la M.O.I.
En 1936, il s’engage très tôt dans les Brigades internationales, pour défendre la République espagnole attaquée par les forces fascistes. Il intègre d’abord la brigade polonaise puis la 35ème division des mitrailleurs et devient lieutenant. La défaite des Républicains espagnols le contraint à quitter sa femme, épousée en Espagne, et sa fille. Il est interné aux camps d’ Argelès puis de Gurs.
Il réussit à s’évader grâce à l’aide de militants communistes et il rejoint Toulouse en juillet 1939. Il organise la lutte des Juifs immigrés au sein de la M.O.I. Après l’occupation de la zone sud par l’armée allemande le 11 novembre 1942, il forme un des premiers groupes de FTP-M.O.I. du Sud. Il devient le premier dirigeant de la 35ème brigade formée dans la région de Toulouse (nommée ainsi en souvenir de la 35ème division des Brigades internationales). Cette brigade, participe à de très nombreuses actions contre l’Occupant.
Le 5 février 1943, il est arrêté à la gare Toulouse porteur d’une valise remplie d’explosifs fournis par les mineurs résistants polonais des mines de Carmaux.
Lors du procès de Langer, L’avocat général Lespinasse réclame la peine de mort « Vous êtes juif, étranger et communiste, trois raisons pour moi de réclamer votre tête ». Le 11 mars 1943, Langer est condamné à mort par un tribunal français aux ordres de l’Occupant.
Il est incarcéré à la prison Saint Michel de Toulouse. Lorsqu’il sort de sa cellule, le 23 juillet 1943 pour être guillotiné, il crie, selon le procès-verbal d’exécution : « Vive la France ! À bas les Boches ! Vive le Parti communiste. » Au même moment les détenus des cellules voisines entonnent la Marseillaise car Mendel, comme on l’appelle en prison, jouit d’une grande popularité auprès de ses codétenus.
Ses compagnons le vengent quelques mois plus tard en exécutant le procureur Lespinasse. Jusqu’à la Libération, aucun magistrat toulousain ne demandera plus la peine de mort pour motif politique.
Après son exécution, la 35ème brigade prend le nom de brigade Marcel Langer, ses camarades s’illustrent dans de très nombreux actes de Résistance contre l’Occupant à Toulouse et dans la région jusqu’en avril 1944 avant que le groupe ne soit démantelé par la police française vichyste.
Marcel Langer est enterré au cimetière de Terre-Caba de Toulouse, sa tombe est ornée de son buste réalisé par le sculpteur toulousain Sylvestre Clerc.
Références
— Diamant David, 1971, Les Juifs dans la Résistance française (1940-1944). Ed Le Pavillon, Roger Maria Éditeur
— Le Maitron : Jean Maitron, Claude Pennetier
— Photo : C. ADHG (DR)
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Le service du travail obligatoire (STO) est, au cours de l’occupation de la France par les Allemands, la réquisition de plusieurs centaines de milliers de travailleurs français, rapidement transférés en Allemagne. Selon les nazis et leurs collaborateurs vichystes, les jeunes Français doivent fournir de la main d’œuvre de qualité et participer à l’effort de guerre de l’Allemagne dont les troupes subissent des revers sur le front de l’Est.
Après le peu de succès, en 1942, de la « relève » (150 000 ouvriers spécialisés envoyés en Allemagne en échange du retour de 50000 prisonniers de guerre), l’occupant se montre de plus en plus exigeant. Le 16 février 1943, Pierre Laval, chef du gouvernement de Vichy, instaure alors le Service obligatoire du travail (SOT). À l’abréviation SOT, qui engendre des quolibets, est substituée celle de STO (Service du travail obligatoire). Le régime de Vichy, une fois de plus, devance les exigences de l’occupant. Contrairement aux autres Européens sous domination nazie, les travailleurs français sont requis par une loi de leur État et non par une ordonnance allemande.
Pris de panique par ce qu’ils qualifient de « déportation », les jeunes s’adressent aux résistants qui leur fournissent faux papiers, filières et planques.
Les demandes du nazi, Fritz Sauckel, en charge du STO, s’amplifient. Surnommé le « négrier de l’Europe » pour avoir planifié des transferts, vers l’Allemagne, de travailleurs issus de tous les pays occupés par Hitler, il se heurte à sa hiérarchie qui ne le suit plus. Les dirigeants nazis en France craignent l’assèchement de l’économie française, dont ils profitent, et redoutent le mécontentement de la population.
À partir de l’été 1943, parmi les 200 000 jeunes Français réfractaires au STO, environ 50 000 d’entre eux choisissent le combat clandestin et rejoignent de nouvelles structures, les maquis.
La Résistance va rencontrer aux yeux d’une grande partie de la population une audience et une légitimité indiscutables.
Cristina Boïco, responsable du service de Renseignement FTP-M.O.I. en zone nord conçoit un attentat contre le SS Julius Ritter, délégué de Fritz Sauckel et responsable du STO en France. Ritter est abattu le 23 septembre 1943 par une équipe dirigée par Missak Manouchian et composée de Léo Kneler, Marcel Rayman et Celestino Alfonso.
Le 25 février 1944, les locaux parisiens du Commissariat général au Service du travail obligatoire à Paris sont incendiés et 200000 fiches de travailleurs disparaissent en fumée.
On estime à 1 500 000 le nombre de Français réquisitionnés du STO, prisonniers de guerre et volontaires à avoir fourni de la main d’œuvre à l’Allemagne. La France, en raison du zèle du régime de Vichy, est le troisième fournisseur de main-d’œuvre forcée en Allemagne nazie, devancée seulement par l’URSS et la Pologne.
Le 16 octobre 2008 en France, les anciens travailleurs requis du STO sont déclarés officiellement « victimes du travail forcé en Allemagne nazie ».
Références
— Arnaud Patrice, 2010, Les STO. Histoire des Français requis en Allemagne nazie, Paris, CNRS Éditions. Réédition, collection, 2014, Paris, Biblis
— Spina Raphaël, 2017, Histoire du STO. Ed. Perrin
(Dit Émile Féraud, André Lemonnier)
(1910 – 1943)
Né le 6 juillet 1910, en Pologne, à Suwalki, dans une famille juive, Ephraïm Lipcer suit sa scolarité au lycée de Radom et obtient le baccalauréat. Il émigre en France en 1929, espérant poursuivre des études universitaires à Montpellier, mais il doit les abandonner en raison de difficultés financières. Lipcer travaille très vite comme agent de publicité du journal en yiddish La Naïe Presse (la Presse nouvelle), éditée par la section juive de la M.O.I. Il épouse Gnisia Breynazin et s’installe avec elle à Paris. Il obtient la nationalité française par décret le 30 décembre 1937. A la déclaration de la guerre, il est mobilisé. Après sa démobilisation, il écrit dans la publication antiraciste J’Accuse, éditée en français, et le journal Unzer Wort (Notre Parole) édité en yiddish, tous deux clandestins.
Il rejoint l’organisation clandestine juive « Solidarité » dont il est un membre très actif. Il développe des activités illégales, comme par exemple la vente de gants, pour alimenter la caisse de l’organisation. Signalé aux Renseignements généraux dès janvier 1942 pour commerce illicite, il est introuvable. Sous les noms d’Émile Féraud et André Lemonnier, il poursuit ses activités clandestines de Résistance. Il déménage au 2 Impasse du Maroc (20ème arr.) et devient permanent de la section juive illégale de la M.O.I.
Pendant plusieurs semaines, les policiers de la Brigade spéciale 2 filent des membres de la M.O.I. et notent tous leurs rendez-vous. Lipcer surnommé Maroc est suivi et son logement clandestin découvert. Comme il ne prend pas conscience de la longue filature dont il est l’objet, la police peut ainsi repérer et identifier de nombreux militants..
L’arrestation d’Ephraïm Lipcer s’effectue le 2 juillet 1943. Dans son logement, les policiers découvrent ses faux papiers, deux feuillets de rendez-vous, onze feuillets d’adresses et un carnet. Interrogé avec brutalité, dans les locaux des Brigades spéciales, Ephraïm Lipcer est interné à Drancy sous le matricule 3200. C’est par le convoi 58 qu’il est transféré le 31 juillet 1943 à Auschwitz où il meurt.
Ephraïm Lipcer a été rendu responsable de l'arrestation de résistants.
Il s’agit plus vraisemblablement des conséquences de la filature menée par les policiers des Brigades spéciales.
Le nom de Lipcer (avec le prénom Sylvain) et celui de sa femme, Gnisia Lipcer, déportée dans le même convoi, figurent sur le mur du Mémorial de la Shoah à Paris.
Références
— Le Maitron, par Daniel Grason
— Wieviorka Annette, 1986, Ils étaient juifs, communistes et résistants. Edition Denoël.
— Photo : archives du PCF (DR)
(ou Fryd)
(1922-1943)
Simon Frid naît en 1922 en Pologne à Tuszyn. Ses parents fuient la misère et l’antisémitisme et émigrent en France en 1937.
La famille Frid s’installe à Paris et travaille dans la confection. Le père, Jenkel, meurt au début de la guerre.
En 1940, Simon s’engage dans l’armée polonaise en France, puis en 1941, il est détenu au camp de transit de Pithiviers où sont internés les Juifs étrangers, il parvient à s’en évader.
En 1942, il part à Lyon rejoindre ses sœurs.
Sa mère, Ruchla Frid, est arrêtée lors de la rafle du Vel ‘d’Hiv’, internée à Drancy puis déportée à Auschwitz le 29 juillet 1942, par le convoi numéro 12.
Simon Frid intègre un des tout premiers groupes de jeunes juifs lyonnais ; en octobre 1942, par l’intermédiaire de son beau-frère, Nathan Chapochnik (dit Francis) il entre en contact avec un résistant, animateur des FTP-M.O.I. du bataillon Carmagnole de Lyon.
Le jeune Simon devient responsable technique de ce bataillon, il participe à des opérations militaires, entrepose à son domicile des explosifs récupérés, notamment, auprès des mineurs et des carriers de l’Isère, il fabrique également des bombes artisanales.
Le 29 mai 1943, lors d’une récupération de tickets d’alimentation (indispensables à la survie des résistants) qui dégénère, Simon Frid est arrêté, il porte sur lui deux pistolets et une fausse carte d’identité.
Le 23 novembre 1943, il est condamné à mort par la Section spéciale de la cour d’appel de Lyon pour « tentative de meurtre sur des agents de la force publique dans l’exercice de leurs fonctions et tentatives de meurtre sur des particuliers. »
Le 4 décembre, à l’âge de 19 ans, il est guillotiné dans la cour de la prison Saint-Paul à Lyon.
Sa mort est vengée.
Le président de la Section spéciale, Faure-Pinguely, responsable de sa condamnation, est exécuté par les camarades FTP-M.O.I. de Simon Frid, une semaine plus tard, le 12 décembre 1943.
Un détachement FTP-M.O.I. lyonnais prend le nom de Simon Frid.
Références
— Collin Claude, 1998, Jeune combat, les jeunes Juifs dans la Résistance. Ed. Presses universitaires de Grenoble.
— Le Maitron : Jean-Pierre Besse, Jean-Sébastien Chorin, Michel Thébault.
— Wieviorka Annette, 1986, Ils étaient juifs, résistants, communistes. Ed Denoël.
— Photo : collection particulière (DR)
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Grâce à quelques policiers résistants qui divulguent l’information, un tract de « Solidarité », émanation de la section juive de la M.O.I., annonce aux Juifs, en yiddish et en français, l’imminence d’une grande rafle.
Les 15 et 17 juillet 1942, sur injonction des nazis, 7000 policiers et gendarmes opèrent une arrestation massive de Juifs, organisée par René Bousquet, secrétaire général de la police de Vichy, et le Commissaire Général aux Questions juives, Louis Darquier de Pellepoix. Les Juifs, étrangers et apatrides et les Juifs dénaturalisés sont appréhendés. Provisoirement, les Juifs français ne sont pas concernés.
Nombre de Juifs n’ont su où se cacher mais sans le tract diffusé par « Solidarité », le bilan eût été plus lourd encore. 13152 Juifs sont raflés à Paris. Parmi eux et pour la première fois, des femmes, des vieillards et des enfants. Plus de 4000 enfants. Les célibataires et les couples sans enfants sont envoyés directement au camp de Drancy. Les familles sont entassées au Vélodrome d’Hiver ; les conditions de détention sont atroces, l’odeur pestilentielle. Après plusieurs jours d’enfermement au Vel’d’Hiv, les familles sont regroupées dans les camps de transit de Beaune-la-Rolande et Pithiviers. L’escalade dans l’inhumanité s’accélère : les adultes et les adolescents partent les premiers pour l’extermination programmée. Les enfants en bas âge sont arrachés à leur mère, transférés à Drancy puis déportés à leur tour.
Tous vont être entassés dans des wagons à bestiaux en direction du camp d’Auschwitz, en Pologne. Les enfants seront les premiers gazés.
Les dernières recherches mettent en avant une « rafle après la rafle ». Le nombre de Juifs raflés étant considéré comme insuffisant, l’opération se poursuit fin août. 1200 adultes et des centaines d’enfants sont appréhendés. Le bilan atteint alors 14000 victimes. D’autres rafles suivront.
Seuls les Juifs non-français sont visés par ces rafles mais le régime de Vichy, pour asseoir son pouvoir face aux nazis, envoie en déportation 3000 enfants français de parents étrangers. L’objectif est d’alourdir le bilan de la rafle du Vel’ d’Hiv.
À la rentrée scolaire, en octobre 1942 à Paris, il manquera beaucoup d’enfants dans les classes… Dans les régions, à Bordeaux par exemple, sur ordre de Maurice Papon, secrétaire général de la préfecture de la Gironde, ce 16 juillet 1942, le sort des Juifs, adultes et enfants, est le même : Drancy, Auschwitz…
Il faudra attendre le 16 juillet 1995 pour que les crimes du régime de Vichy soient officiellement reconnus. Le président de la République française, Jacques Chirac, dira : « Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français ».
Références
— Klarsfeld Serge, 1983, Vichy-Auschwitz : le rôle de Vichy dans la solution finale, Paris, Ed. Fayard.
— Paxton Robert O., 1999, La France de Vichy : 1940-1944. Paris Ed. du Seuil.
— Joly Laurent, 2022, La rafle du Vel’d’Hiv. Paris, juillet 1942. Ed. Grasset
(1878-1953)
Joseph Vissarionovitch Djougachvili, dit Staline, naît le 18 décembre 1878 en Géorgie, à Gori. Il adhère en 1898 au Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR). Il rejoint la fraction communiste bolchévique et adopte le pseudonyme de Staline, formé sur le mot russe « stal » qui signifie acier. Il dirige l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) dès 1922. Lénine, leader révolutionnaire communiste, recommande avant sa mort en 1924, d’éloigner Staline de la direction du Parti communiste. Staline établit un régime de dictature personnelle ensanglanté par les « purges » qui font des millions de victimes, assassinées ou déportées au goulag (ensemble des camps de travail forcé).
Les purges dans l’armée affaiblissent l’URSS face à l’Allemagne.
En 1939, Staline cherche à gagner du temps avant l’inévitable conflit avec Hitler. Les accords de Munich qui signent la démission des démocraties face au nazisme et, par ailleurs, la signature du pacte germano-soviétique, en août 1939, qui scelle une entente contre-nature, sont les marques de l’aveuglement de Staline face à la menace nazie. Le Pacte suscite en France un trouble profond chez nombre de communistes et chez les militants de la section juive de la M.O.I.
Mais, à l’issue du conflit le plus meurtrier de l’Histoire, les batailles de Stalingrad et de Koursk, en 1943, consacrent la puissance militaire soviétique et annoncent la chute d’Hitler.
Les troupes soviétiques libèrent le camp d’extermination d’Auschwitz le 27 janvier 1945.
Staline, l’URSS et le communisme soviétique acquièrent un prestige international, rapidement terni.
Après la guerre, Staline lance une nouvelle série de « purges », dont l’affaire du supposé « complot des blouses blanches », une machination qui vise les médecins juifs des dirigeants soviétiques.
L’antisémitisme d’État se développe, alors, en URSS et dans les pays satellites. Les intellectuels et artistes juifs sont les victimes de ces « purges » avec tous les opposants au régime.
Staline meurt à Moscou le 5 mars 1953.
Au cours du 20ème congrès du Parti communiste de l’Union soviétique, en 1956, Nikita Khrouchtchev, attribuant au « culte de la personnalité » les erreurs et les crimes de Staline, engage le processus de « déstalinisation ». Ce n’est qu’avec un autre dirigeant, Mikhaïl Gorbatchev, que le stalinisme est dénoncé dans toute son ampleur à la fin des années 1980.
Références
— Deutscher Isaac, 1973, Staline, Paris, Gallimard.
— Ulam Adam B, 1973, Staline – L’homme et son temps, Paris, Calmann-Lévy/Gallimard.
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En dehors de toute instance judiciaire, l’administration, représentée par les préfets, est autorisée à organiser l’internement des « indésirables » et principalement des Juifs. La loi d’exception du 3 octobre 1940, décrite comme premier statut des Juifs, promulguée par le gouvernement de Vichy, précède d’une journée la loi relative aux « ressortissants étrangers de race juive » qui sert de base à l’internement des Juifs étrangers. La loi du 2 juin 1941 remplace la loi du 3 octobre. Ce second statut des Juifs renforce leur exclusion de nombreuses professions et prescrit aux Juifs de la zone non occupée de se faire recenser sous peine « d’internement dans un camp spécial même si l’intéressé est français ».
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Le premier numéro de La Naïe Presse (Presse nouvelle) paraît le 1er janvier 1934. La vie politique et les combats du temps (Front populaire, guerre d’Espagne contre le franquisme) sont largement relayés par La Naïe Presse.
Si la priorité du journal est la lutte contre le fascisme, les informations centrées sur le dynamique réseau associatif culturel et social de la section juive de la M.O.I. sont nombreuses. La NP devient le quotidien d’expression yiddish le plus lu en Europe. L’équipe de rédaction comprend, entre autres, Mounié Nadler, Israël Hirszowski, Louis Gronowski, G. Kenig et Adam Rayski.
L’association des “Amis de La Naïe Presse” diffuse et soutient le journal.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, La Naïe Presse se situe, comme toujours, « aux côtés du peuple français ». Après son interdiction, elle reparaît ponctuellement le 15 juillet 1940 sous un nouveau titre, Unzer Wort (ou Unzer Vort). À partir du 29 septembre 1940, et pendant toute l'Occupation, 90 numéros clandestins sont régulièrement publiés en yiddish, sous ce titre qui devient en français Notre parole au nord et Notre voix, au sud. Le journal diffuse des consignes de sécurité, informe sur les crimes des nazis et de Vichy et appelle à la lutte armée dans la Résistance.
Par exemple, Unzer Wort, Notre parole et Notre voix se font l’écho du soulèvement du ghetto de Varsovie ignoré en France et appelle à intensifier le combat contre les nazis.
Porte-parole de l’organisation clandestine de Résistance « Solidarité » issue de la section juive, puis de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE), La Naïe Presse (devenue Unzer Wort) est victime de la persécution nazie. De nombreux responsables, rédacteurs, imprimeurs, diffuseurs sont torturés, exécutés, déportés.
La Naïe Presse, journal progressiste, reparaît après guerre sous son titre originel et touche la population juive yiddishophone rescapée et proche de l’idéal de la Résistance. Une page en français complète bientôt l’édition du quotidien. En mai 1965, Marceau Vilner crée un organe entièrement en langue française : La Presse nouvelle hebdo (PNH), qui devient en 1982 le mensuel La Presse nouvelle magazine (PNM). Faute de lecteurs lisant encore le yiddish, La Naïe Presse disparaît en 1993.
Références :
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions Sociales.
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À la suite du krach boursier d’octobre 1929, la crise économique mondiale se fait sentir en France à partir de 1931. Face à ce climat et à l’instabilité politique, l’extrême droite française connaît une véritable explosion.
Le 6 février 1934, la journée des « Ligues » (différents mouvements d’extrême droite) a lieu devant l’Assemblée Nationale, manifestation analysée comme une tentative de coup d’état fasciste.
Le gouvernement Daladier démissionne le 7 février.
Le 9 février, à l’appel du Parti communiste, une manifestation est organisée contre le fascisme. Interdite, elle se solde par des heurts violents (neuf morts et des centaines de blessés).
En juillet 1934, un « pacte d’unité d’action » entre le Parti communiste, le Parti socialiste et le Parti radical est conclu pour un « Front populaire de la liberté, du travail et de la paix ». C’est une alliance défensive contre le fascisme et contre la misère.
Lors des élections législatives, en avril-mai 1936, le Front populaire obtient la majorité absolue. Léon Blum, leader du Parti socialiste, forme un gouvernement constitué de socialistes et de radicaux, les communistes le soutiennent sans y participer.
Un puissant mouvement de grèves aboutit à la signature des « Accords de Matignon » entre les syndicats et Léon Blum, le 7 juin 1936 : augmentation de salaire, durée du travail fixé à 40 heures hebdomadaires, obtention de 15 jours de congés payés, établissement des conventions collectives au sein des entreprises.
Des réformes de structures sont aussi réalisées : démocratisation de la Banque de France, nationalisation des chemins de fer aboutissant à la création de la SNCF.
Parallèlement, un effort important est fait en matière d’éducation et de culture.
Les militants de la section juive de la M.O.I., enthousiastes, soutiennent le Front populaire.
Mais les difficultés surgissent : la guerre civile espagnole, qui oppose le fascisme franquiste aux républicains, a éclaté en 1936. Léon Blum accepte un traité de « non-intervention » voulu par la plupart des ministres radicaux et une partie des ministres socialistes.
Cet abandon le sépare du Parti communiste.
La situation économique se dégrade : fuite des capitaux, dépenses de réarmement. Un antisémitisme virulent s’exprime, envers Léon Blum en particulier et l’ensemble des Juifs en général, notamment envers les Juifs progressistes.
À l’automne 1938, le 30 septembre, les « Accords de Munich » sont signés, Hitler a les mains libres à l’Est, la guerre se prépare et conduit à la remise en cause des avancées sociales du Front populaire.
C’en est fini du rassemblement démocratique antifasciste.
Références
— Diatkine Daniel & Gayman Jean-Marc, 1997, Histoire des faits économiques, tome2,
Croissance et crises en France de 1895 à 1974, Paris, Nathan.
— Tartakowsky Danielle, 2004, Le Front Populaire : la vie est à nous, Paris, Gallimard,
Coll. « Découvertes Gallimard.
Dans une acception élargie et laïcisée, le judaïsme regroupe la culture et le mode de vie des Juifs.
On peut lui préférer, néanmoins, le terme « judéité » qui définit une identité juive sans référence à la religion.
Référence
Collectif : 1992, Juifs laïques. Revue Panoramiques.
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Dès 1924 dans Mein Kampf, Hitler théorise sa conception : « La propagande vise à imposer une doctrine à tout un peuple ». Joseph Goebbels, haut dignitaire nazi, précise : « Il faut que le national-socialisme devienne un jour la religion d’État des Allemands ». La prise du pouvoir par Hitler, le 30 janvier 1933, est suivie, le 2 février, par l’interdiction des journaux de l’opposition et par la création du ministère du Reich à l’Éducation du peuple et à la Propagande dirigé par Goebbels. De son côté, le parti nazi dispose de sa propre structure de propagande.
Outre les vecteurs traditionnels (journaux, tracts, affiches...), la propagande nazie recourt aux spectaculaires défilés nocturnes aux flambeaux, aux meetings monstres filmés et projetés dans les salles de cinéma.
Elle utilise aussi les autodafés : les nazis brûlent en place publique, par milliers, les ouvrages non conformes au national-socialisme et, en particulier, ceux des auteurs juifs.
En août 1936, les XIème Jeux Olympiques alimentent la propagande pour offrir au monde une apparence pacifique et tolérante du IIIème Reich. Les exploits sportifs des « Aryens » sont glorifiés dans le film Les Dieux du stade de la cinéaste Leni Riefenstahl.
Les médias audiovisuels sont également investis :
— en 1937, Goebbels contrôle toutes les radios. La propagande pénètre ainsi dans chaque foyer allemand.
— dès le 12 septembre 1933, Hitler créé un Département du Film au sein du Bureau de propagande. L’Allemagne devient le plus grand producteur cinématographique en Europe. Outre les films de Leni Riefenstahl (dans Le Triomphe de la volonté, Hitler est présenté comme un dieu), Goebbels exige, fin 1938, la réalisation de films antisémites comme le célèbre Juif Süss, visionné par plus de 20 millions de spectateurs. Des documentaires sont produits à usage de propagande extérieure, par exemple Theresienstadt, tourné à l’été 1944 dans le camp de concentration du même nom pour convaincre la Croix-Rouge que les Juifs y sont bien traités.
En France occupée, les nazis diffusent leur propagande et contrôlent, sans exception, tous les moyens de diffusion. L’exposition violemment antisémite « Le Juif et la France » du 5 septembre 1941 à l’été 1942, est financée par l’Institut d’étude des questions juives (IEQJ) et atteint un somment de la propagande nazie. La section juive de la M.O.I., s’exprime, dans ses nombreux journaux et tracts clandestins, contre cette violente propagande.
Référence
Herf Jeffrey, 2011, L’Ennemi juif : la propagande nazie, 1939-1945, Paris, Éditions Calmann-Lévy, coll. « Mémorial de la Shoah : histoire »
(Idl Kormann ou Idel Korman)
(1905-1977)
Judas Barsczewski, dit Idel Korman, naît le 14 mai 1905 en Pologne, à Varsovie.
Il est le frère de Léa, future mère d’Henri Krasucki.
Dans les années 30, Il fuit la Pologne où sévissent misère et antisémitisme et gagne la France.Il exerce, à Paris, le métier de tapissier.Dès la fin septembre 1940, il intègre la direction centrale de « Solidarité », première organisation juive de Résistance (initiée par la section juive de la M.O.I.).
Le 29 septembre, il est interpellé par des policiers ; on trouve sur lui Unzer Wort (Notre Parole) journal clandestin en yiddish. Il est incarcéré, comme suspect communiste, à la caserne des Tourelles d’où il sera libéré en janvier 1941.
Le 14 mai 1941, comme tous les Juifs étrangers (allemands, tchèques et polonais…) il est convoqué à la Préfecture de police mais ne s’y présente pas : c’est la rafle du « Billet vert ».
En septembre 1941, une grève des gantiers est organisée et Idel Korman en devient rapidement l’organisateur. Cette grève aboutit au sabotage de 160000 paires de gants à destination des soldats allemands. « C’était une honte de travailler pour la machine de guerre hitlérienne ».
Korman reprend alors sa participation à « Solidarité » et devient trésorier du comité du 11 ème arrondissement.
Au printemps 1943, il participe à Paris à une réunion rassemblant des représentants des centres de Résistance juifs de la M.O.I. des deux zones ; objectif : réunir tous les Juifs impliqués dans la lutte contre l’Occupant. L’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE) est créée au printemps 1943. Elle regroupe toutes les organisations clandestines : « Solidarité », et son corollaire en zone sud, le « Secours populaire », l’Union des femmes juives (UFJ), l’Union des jeunes Juifs (UJJ), les groupes de combat de l’UJRE du Sud, les FTP-M.O.I., nord et sud, et la Commission intersyndicale juive.
Idel Korman, adjoint d’Adam Rayski (responsable national) est en charge de l’organisation et des services techniques de la section juive à Paris.
Après plusieurs mois de filature, Il est arrêté le 28 juin 1943 avec une cinquantaine de militants de la direction politique de la section juive de la M.O.I. Il est soumis, à la Préfecture de police, à des interrogatoires et des tortures par les Brigades spéciales, interné au camp de Drancy puis déporté à Auschwitz, le 7 octobre 1943.
Le 7 mai 1945, il est libéré par les troupes soviétiques.
A la Libération, il devient permanent à l’UJRE.
En 1954, il part en Pologne dont il va revenir, dans les années 1970, avec sa compagne et camarade de combat, Techka Tenenbaum.
Il meurt à Paris en 1977.
Références
— Ravine Jacques, 1973, La Résistance organisée des Juifs en France. Ed. Julliard
— Le Maitron, Daniel Grason
— Courtois Stéphane, Denis Peschanski, Adam Rayski, 1989, Le Sang de l’étranger, Ed. Fayard
(1906-1984)
Jakob Szpejter, dit Jacques Ravine, naît en 1906 à Luck (Russie) ; cette ville est intégrée à la Pologne après la Première Guerre mondiale.
Jakob Szpejter y suit des études supérieures en électricité. En 1926, il adhère au Parti communiste et prend des responsabilités au niveau de la ville puis, en 1929-1930, au niveau de la région.
Il rejoint la France en 1931, fuyant la répression polonaise contre les communistes.
En France, jusqu’en 1935, il est secrétaire de la Kultur Ligue (organisation culturelle de la section juive de la M.O.I.).
Après deux années passées au Brésil, où il rejoint sa famille et milite au Parti communiste brésilien, il revient en France.
En 1937, pendant six semaines, il suit la formation de l’école centrale du PCF pour la Main-d’œuvre immigrée (M.O.I.)
Il devient ensuite, de 1937 à 1939, l’un des secrétaires des « Amis de La Naïe Presse », journal en yiddish de la section juive de la M.O.I.
De novembre 1939 à l’occupation, en 1940, il est responsable de la trésorerie des groupes clandestins juifs de la M.O.I. à Paris.
De 1940 à mai 1941 il est secrétaire de l’organisation « Solidarité » (organisation d’entraide et de Résistance de la section juive clandestine de la M.O.I.).
Puis à partir de mai 1941, jusqu’à septembre 1943, il devient responsable du secteur juif de la M.O.I., en zone sud.
Il est arrêté à Marseille, en novembre 1941, et condamné à sept mois de prison pour usage de faux-papiers. Grâce à l’aide de militants de Marseille, il parvient à sortir de prison et reprend, à Lyon, la direction du groupe juif de la M.O.I. en zone sud.
Il est envoyé à Paris pour une entrevue avec Louis Gronowski (responsable national de la M.O.I.) et Adam Rayski (responsable du Mouvement National Contre le Racisme (MNCR) et de la presse juive de la M.O.I. Il repart à Lyon et occupe le poste de responsable de la M.O.I. en zone sud.
De 1944 à 1947, il est secrétaire de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE).
Il meurt en 1984 à Paris.
Références
— Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1989, Le sang de l’étranger. Ed. Fayard
— Le Maitron, par Zoé Grumberg
— Photo : La Presse Nouvelle Magazine, n° 377. Juin 2020. (DR)
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Les rafles de Juifs, arrestations de masse violentes sans avertissement, sont en général décidées par les Allemands mais menées principalement par les forces de police françaises.
Elles sont nombreuses et ont lieu en zone occupée en 1941 (comme la rafle du billet vert, la rafle du 11ème ou la rafle des notables), en 1942 et, après novembre 1942, dans l’ancienne zone dite libre.
Les plus importantes rafles sont :
— la rafle du Vel’ d’Hiv à Paris, les 16 et 17 juillet 1942 : près de 13 000 personnes, dont 6.000 femmes et 4.000 enfants sont arrêtées, internées puis déportées.
— des rafles par nationalités qui visent les Juifs roumains, grecs, allemands… partout en France.
— la rafle du 26 août 1942, dans toute la zone sud et sans présence allemande.
— la rafle de Lyon en février 1943, orchestrée par Klaus Barbie
— la rafle Marseille en janvier 1943
— la rafle de Villeurbanne en mars 1943
— la rafle de Bordeaux en 1944
La plupart des villes de France sont touchées par les rafles de Juifs.
Les Juifs raflés sont, pour la plupart, transférés au camp de transit de Drancy puis déportés vers les centres d’extermination.
Référence
Bensimon Doris, 1993, Les grandes rafles. Juifs en France, 1940-44, Bibliothèque historique Privat.
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Une réalité biologique ? La génétique révoque le concept de « race » pour caractériser les sous-groupes de l'espèce humaine : la diversité génétique est beaucoup plus importante entre individus d'une même population qu'entre groupes différents.
Une réalité religieuse ? Outre le fait que le judaïsme est traversé de courants très divers, force est de constater que de nombreux Juifs ne sont pas pratiquants et beaucoup sont non-croyants.
Une réalité historique et culturelle ? Des vécus historiques, une culture, c'est-à-dire un mélange de traditions linguistiques (yiddish, judéo-espagnol), philosophiques et littéraires, musicales, culinaires... Sans aucun doute.
La carence lexicale conduisant à ne disposer que du seul mot « juif » pour deux concepts différents (la religion et l’appartenance ethnico-culturelle) entretient la confusion entre confession et origine. Ainsi, pour beaucoup, « Juif athée » demeure une contradiction dans les termes.
Judéité : appartenance à la « communauté » des Juifs
Judaïsme : religion juive
Référence
Cerf Martine & Horwicz Marc (2011), Dictionnaire de la laïcité, Armand Colin (réed., 2016).
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En Zone occupée, les leaders des partis collaborationnistes (le Rassemblement national populaire, le Parti populaire français, le Mouvement social révolutionnaire…) forment un comité de direction de la Légion des volontaires français contre le bolchévisme (LVF) créée le 8 juillet 1941.
Le recrutement s’avère difficile d’autant que les Allemands, méfiants vis-à-vis de volontaires sans expérience militaire, refusent près de 70 % des candidats. Sur 100 000 combattants prévus, 12000 sont enrôlés sous l’uniforme de l’armée allemande. Cette faiblesse traduit le rejet des Français envers l’armée nazie. Avec moins de 6500 combattants engagés, la France fournit le plus modeste contingent de volontaires de toute l’Europe collaborationniste. Ce contingent est composé de fascistes convaincus mais également d’aventuriers, de marginaux et de délinquants car la solde payée par l’État allemand est attractive (très supérieure à un salaire ouvrier français).
Après une semaine de combats meurtriers devant Moscou en décembre 1941, la LVF, réorganisée au printemps 1942, loin du front, cantonnée à la répression, affronte les partisans de la région de Briansk, aidant l’armée allemande (la Wehrmacht) et la Waffen SS (organisation nazie dévouée à Hitler) à incendier des villages entiers.
Un exemple : du 16 au 18 décembre 1942, en Pologne, à Kruszyna, huit légionnaires LVF participent à un pogrom et à l’assassinat de 113 Juifs.
En juillet 1944, Heinrich Himmler, haut dignitaire nazi, ordonne l’intégration des volontaires étrangers dans la Waffen-SS, où combattent déjà quelques Français depuis le 23 juillet 1943.
Fin 1943, au cours d’un meeting au Vélodrome d’Hiver de Paris, les membres de la LVF prêtent serment à Adolf Hitler. La dissolution officielle de la LVF a lieu le 1er septembre 1944. Le millier de légionnaires est affecté à la 33e Division SS Charlemagne, anéantie en Poméranie, début 1945.
Références
— Brunet Jean-Paul, 1986, Jacques Doriot. Du communisme au fascisme, Fayard.
— Ferro Marc, 1987, Pétain, Paris, Fayard.
— Carrard Philippe, 2011, Nous avons combattu pour Hitler, Paris, Armand Colin.
Sous le régime de Vichy, le parlement n’est pas consulté.
Il est généralement admis que les lois relèvent du gouvernement français tandis que les ordonnances émanent des autorités allemandes d’occupation.
À titre d’exemples :
— La loi du 3 octobre 1940 « portant statut des Juifs » définit la « race juive », selon le régime de Vichy, et répertorie les professions interdites aux Juifs.
À noter : il s’agit, en fait, d’un décret-loi, acte exécutoire émis par le maréchal Pétain.
— La loi du 2 juin 1941, édictée par Vichy, et portant statut des Juifs remplace la « loi » du 4 octobre 1940.
Toutefois, en l’absence d’un parlement, le terme « loi » est usurpé par le gouvernement pétainiste.
— Le 18 octobre 1940, une ordonnance (allemande) place sous séquestre les entreprises et les biens appartenant aux Juifs.
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Depuis la France, la majorité des 75 convois ferroviaires de déportés partent du camp de transit de Drancy en région parisienne (55 convois), mais aussi des camps du Loiret (Pithiviers et Beaune-la Rolande), du camp de Compiègne-Royallieu, d’Angers et de Lyon.
Les convois n° 41, 43, 54, 56 n’existent pas, et le 64 part avant le 63, en raison d’erreurs administratives. Les deux derniers convois (78 et 79) n’ont pas reçu de numérotation.
Les convois no 50 à 51 sont dirigés vers les camps de mise à mort de Sobibor et Majdanek, les convois no 52 à 53 vers Sobibor, le convoi n° 73 vers Kaunas (Lituanie) et Reval, actuelle Talinn (Estonie), le convoi n° 79 vers Buchenwald.
Les conditions des déportés, dans ces trains, sont effroyables. Enfants, vieillards, femmes, hommes sont entassés, sans eau ni nourriture, dans des wagons à bestiaux. Nombre de déportés meurent pendant le transport.
La quasi-totalité des Juifs de France déportés transitent par Drancy sur ordre des nazis et de leurs collaborateurs français. Au total, environ 63 000 Juifs, répartis dans une soixantaine de convois, quittent la gare du Bourget-Drancy puis la gare de Bobigny, principalement à destination d’Auschwitz-Birkenau.
Les déportés du Nord et du Pas-de-Calais, environ 1 000 personnes dont 202 enfants, sont envoyés dans les camps via la Belgique.
Alors que les nazis savent que leur défaite est imminente, ils ne relâchent pas leur pression.
Le dernier convoi part de Drancy le 17 août 1944. Les déportés sont emmenés à pied à la gare de Bobigny par le nazi Aloïs Brunner, dernier chef du camp, qui fuit la France… avec le convoi.
Le camp de transit de Drancy, libéré le 20 août 1944 par la Résistance, reste le lieu emblématique de la persécution antisémite en France.
Près de 3 millions des 6 millions de victimes de la Shoah ont été assassinées dans les massacres de masse en Europe de l’Est ou sont mortes dans les ghettos créés par les nazis.
Les convois à destination des camps témoignent de l’accélération de l’extermination par l’industrialisation du processus destructeur.
Un wagon à bestiaux, conservé en l’état, exposé à la cité de la Muette à Drancy (lieu du camp) symbolise tous les convois de déportés.
Références
— Site de Yad Vashem (www.yadvashem.org)
— Klarsfeld Serge, Mémorial de la déportation des Juifs de France, Association des Fils et Filles des Déportés Juifs de France (FFDJF)
— Pinol Jean-Luc, 2019, Convois : La déportation des Juifs de France, Paris, Éditions du Détour.
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Avec la Grande Dépression des années 1930 et la paupérisation d’une large partie de la population, nationalistes, fascistes et militaires japonais préconisent la conquête de territoires pour y trouver des matières premières. En 1931, l’armée japonaise, soutenue par l’empereur Hirohito, envahit la Mandchourie puis, en 1937, s’attaque à l’ensemble de la Chine. Elle vise l’Extrême-Orient soviétique (Sibérie et Mongolie). La contre-offensive soviétique anéantit ces prétentions.
La défaite incite le Quartier général impérial japonais à se tourner vers les îles du Pacifique et l’Asie du Sud-Est. Un pacte de neutralité soviéto-japonais est signé le 13 avril 1941. Les Japonais prennent la décision d’accroître l’effort en Chine, de conquérir l’Indochine française, l’Indonésie néerlandaise, la Malaisie britannique et les Philippines sous protectorat américain. Les relations avec les États-Unis se détériorent totalement avec les sanctions économiques (dont l’embargo pétrolier) prises par Washington en juillet 1941. Conscients de leur infériorité industrielle face à la puissance économique américaine, les Japonais anéantiront d’un seul coup les forces militaires navales américaines.
Cette attaque lancée le dimanche 7 décembre 1941 contre la flotte américaine du Pacifique se déroule en deux vagues aériennes. Les pertes américaines sont considérables (2500 morts). Deux cuirassés et 188 avions sont détruits mais, fait décisif, les porte-avions américains, absents de Pearl Harbor, sont épargnés. L’attaque japonaise se solde par un échec.
L’isolationnisme américain s’effondre et le lendemain, le Congrès américain déclare la guerre au Japon. L’Allemagne nazie et l’Italie fasciste entrent en guerre contre les États-Unis le 11 décembre 1941. Au même moment, le Japon attaque les Philippines, envahit Hong Kong et débarque ses troupes en Malaisie.
Mais, du 4 au 7 juin 1942, la victoire des États-Unis contre le Japon, lors de la bataille aéronavale de Midway, au large des îles du même nom, met un terme à l’expansion japonaise dans le Pacifique.
Références
— Herail Francine, Esmein Jean, Macé François, Hiroyuki Ninomiya et Souyri Pierre, 1990, Histoire du Japon, Horvath, Paris.
— Kaspi André, 1987, Pearl Harbor : une provocation américaine ? L’Histoire, n° 101.
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Lors de la création, en 1864, de la Première Internationale des travailleurs, les antisémites la taxent de société secrète cosmopolite et soulignent les origines juives de Karl Marx, l’un de ses inspirateurs. L’amalgame entre révolutionnaires et Juifs intègre l’image de l’apatride Juif errant.
Avant de gagner d’autres pays, dont la France, c’est d’abord en Russie que prospère le fantasme. En 1881, au lendemain de l’assassinat de l’empereur Alexandre II, les Juifs, dénoncés comme coupables du crime, sont victimes de pogroms ravageurs. En 1901, le texte Les Protocoles des Sages de Sion, faux rédigé par la police secrète du Tsar, décrit une machination associant des éléments antinomiques, capitalisme et révolution sociale, pour l’édification d’un « pouvoir juif mondial ». Sont amalgamés un supposé « complot juif » d’asservissement du monde et le marxisme, doctrine de justice sociale qualifiée de « juive ».
Après la révolution d’Octobre 1917, l’antisémitisme constitue un axe central de la propagande russe antirévolutionnaire : Lénine, Trotski et la plupart des dirigeants bolcheviks (futurs communistes) sont présentés comme les agents de la « conspiration juive internationale ».
Pour les uns, le Juif est l’homme lié à la Banque mondiale, pour d’autres, le Juif est l’inverse : un militant égalitaire. À abattre dans les deux cas.
Le mythe du judéo-bolchevisme anime la propagande nazie, avant et après 1933. Le 11 septembre 1935, Hitler impose en Allemagne les lois raciales antijuives de Nuremberg.
Dès 1940, dans la France collaborationniste occupée par les nazis, les Juifs sont officiellement persécutés. En 1941, l’exposition violemment antisémite Le Juif et la France, développe largement le thème du judéo-bolchevisme. À partir de mars 1942, une exposition itinérante d’affiches intitulée Le Bolchevisme contre l’Europe parcourt le pays. En février 1944, l’Affiche rouge placardée sur les murs, expose à tous l’obsession meurtrière judéo-communiste des nazis et des collaborateurs.
Références
— Taguieff Pierre-André, 2008, La Judéophobie des Modernes : des Lumières au Jihad, Paris, Ed. Odile Jacob.
— Winock Michel, 2004, Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France, Ed. du Seuil, 2004.
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Pour la première fois dans l’histoire, la radio s’impose comme une arme capitale. Après l’appel lancé par le général de Gaulle le 18 juin 1940, Radio Londres joue un rôle majeur, assurant un lien continu entre les Français sous occupation nazie et les Alliés qui poursuivent la guerre. Radio Londres devient le porte-parole de la France Libre.
À la mi-journée et le soir, les émissions de la radio anglaise, BBC, sont introduites par une musique extraite de la 9ème symphonie de Beethoven, suivie de la voix du speaker : « Ici Londres, les Français parlent aux Français. ». Malgré les brouillages, la surveillance stricte de la police et des mouchards et la confiscation des postes de radio (les Juifs sont dépossédés de leurs récepteurs dès 1941 par une ordonnance allemande), 70 % des Français écoutent la BBC à l’été 1944. Radio Londres sert aussi à diffuser les messages codés en direction des Résistants, par exemple ceux qui informent des parachutages (« La cuisinière tient sa cuisine propre », « Les carottes sont cuites »…) ou ceux qui annoncent les débarquements (« Les sanglots longs des violons de l’automne… », suivis de « blessent mon cœur d’une langueur monotone », ou « Le premier accroc coûte deux cents francs »), que seuls les destinataires peuvent décrypter. L’humoriste Pierre Dac, résistant juif alsacien, est un des grands noms de Radio Londres. Il s’en prend, entre autres cibles, et avec une ironie cinglante, à Philippe Henriot, la voix de la propagande vichyste.
Référence
Luneau Aurélie, 2005, Radio Londres 1940-1944 : Les voix de la liberté. Librairie académique Perrin.
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L’esprit de l’Action française, mouvement intellectuel nationaliste du début du 20ème siècle, est le socle de pensée des ligues d’extrême droite entre les deux guerres. L’anti républicanisme, la primauté nationale, la xénophobie, l’antisémitisme sont autant de marqueurs forgés à la suite de l’affaire Dreyfus. Après 1918, la crise des économies conduit le grand capital à soutenir les régimes dictatoriaux et au premier rang l’Allemagne hitlérienne. Parallèlement, les ligues d’extrême droite financées par le grand patronat et des pays étrangers comme l’Italie mussolinienne agissent. Leur manifestation à Paris le 6 février 1934, dépassant le simple rejet de la République, est d’inspiration fasciste. Pétain est alors à la tête du ministère de la guerre. Ces ligues regroupées au sein de la Cagoule, organisation clandestine paramilitaire d’extrême droite, sont à la source de l’installation du régime de Vichy. De nombreux cagoulards sont en poste et la milice de l’Etat français se constitue à partir d’éléments de la Cagoule militaire. Dès 1936, Jacques Doriot, ancien député communiste, symbole de la désintégration d’une partie de la gauche, apporte une réponse politique au mouvement : il crée la seule structure fasciste de masse à vocation populaire sous Vichy, le Parti populaire français (PPF) qui compte 300 000 membres. Pétain ne donnant pas au PPF et à son chef le rôle espéré, Doriot entre alors dans l’ultra collaboration avec la création de la Légion des volontaires français contre le bolchévisme (LVF).
Références
— Revue Géohistoire, 2017 n° 32, L’extrême-droite en France 1870 -1984.
— Lacroix-Riz Annie, 2006, Le choix de la défaite, Éditions Armand Colin.
Cristina Boïco
(1916-2002)
Cristina Boïco, de son vrai nom Bianca Marcusohn, juive roumaine, naît le 8 août 1916 à Botosani. Très jeune, elle adhère au mouvement clandestin des Jeunesses communistes. Étudiante en biologie à Bucarest, elle s’expatrie en France en 1938 pour y parfaire sa formation. À Paris, elle fréquente les milieux scientifiques progressistes et milite contre le fascisme. En 1941, elle participe à l’Organisation Spéciale (OS) créée par les communistes et s’engage dans la lutte armée au sein de la M.O.I. Elle intègre les FTP-M.O.I. à leur création, en 1942, dans le groupe roumain. Proche du responsable militaire Boris Holban, qu’elle a connu à Bucarest, elle prend la direction du Service de renseignement parisien des FTP-M.O.I. En 1943, elle conçoit et organise, notamment, l’attentat réussi contre Ritter, le dirigeant nazi du STO.
Cristina Boïco échappe à la vague d’arrestations qui décime les FTP-M.O.I. et poursuit son engagement de combattante jusqu’à la fin de la guerre.
Après la Libération, elle regagne la Roumanie où elle exerce diverses responsabilités.
Victime des « purges » du régime Ceausescu, elle quitte son pays en 1987 et s’installe en France. Elle meurt le 16 avril 2002 à Paris.
Références
— Boïco Cristina, 1994, Avec les FTP parisiens in Regards sur la mémoire, témoignage. ANACR du 18e arrondissement de Paris.
— Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1989, Le Sang de l’étranger, Paris, Éd. Fayard.
— Photo : coll. particulière (DR)
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Pour faire face aux problèmes de compréhension linguistique et pour s’implanter parmi les travailleurs étrangers, le Parti communiste français (alors SFIC, section française de l’Internationale communiste) crée, en 1924, une branche spécialisée de son appareil dirigeant, la MOE (qui devient la M.O.I. dans les années 30). Sous l’autorité du parti, la M.O.I. met en place une douzaine de sous-sections de langues : espagnole, italienne, arménienne, yiddish…
La section juive yiddishophone, très active, est à la tête de nombreuses institutions sociales et culturelles.
Certains permanents sont membres du Parti communiste. Ils ont, à leurs côtés, quelques centaines d’adhérents qui conservent une activité professionnelle et militent dans le milieu des Juifs immigrés, regroupés, principalement, dans les quartiers populaires du centre et de l’est de Paris.
L’instrument principal de leur influence est, depuis 1934, le journal yiddish quotidien, La Naïe Presse (La Presse Nouvelle). Ces militants agissent au sein de ce qu’on nomme des organisations « de masse », réseaux d’associations diverses qui servent de courroies de transmission pour les mots d’ordre du Parti. Ce sont des viviers d’initiation politique et de recrutement.
Ainsi, la Kultur Ligue, cœur de la vie sociale des jeunes Juifs immigrés, s’installe 10 rue de Lancry et devient en même temps qu’un organisme culturel, une sorte de Bourse du travail et de logement, un bureau de renseignement pour l’obtention de papiers d’identité et de travail. Sous son égide, se créent une bibliothèque, un théâtre yiddish, une chorale, une section de jeunes, un club sportif, un dispensaire, un patronage, des colonies de vacances, une organisation de femmes, des sociétés de villes selon les origines des immigrés... Il s’agit de l’esquisse d’une contre-société couvrant toutes sortes de besoins.
Ces Juifs internationalistes participent aux luttes du mouvement ouvrier français auquel ils sont liés organiquement.
Ils sont partie prenante des combats antifascistes et très présents lors des grandes grèves de 1936 pour soutenir le Front populaire. Ils appuient la république espagnole et beaucoup s’engagent dans les Brigades internationales.
Ils soutiennent la culture yiddish et dénoncent les mesures contre les immigrés, l’antisémitisme en France et les persécutions anti-juives dans l’Allemagne hitlérienne.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Paris, Messidor/Éditions Sociales
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Les FTP sont longtemps assez réticents face aux maquis, de crainte qu’ils ne se réduisent à des refuges attentistes éloignés du terrain d’action privilégié, la ville…
Mais dès l’automne 1943, et surtout dès le printemps 1944, l’hostilité au service du travail obligatoire en Allemagne (STO) et, surtout, la perspective du soulèvement général lié au débarquement amènent de nombreux combattants à la Résistance. De nouveaux maquis, toujours difficiles d’accès, sont créés.
Les FTP-M.O.I. suivent le même processus. Dès 1943, il existe un maquis M.O.I. dans la Drôme, près de Die, déplacé ensuite en Isère. Ce maquis accueille surtout des militants « grillés », en transit avant une nouvelle affectation.
À partir du débarquement, pour former les nombreux nouveaux candidats au combat et pour agir notamment, sur les voies de communication, les groupes FTP-M.O.I. « Carmagnole » et « Liberté » forment chacun un maquis. Ceux-ci jouent un rôle déterminant dans la libération de Lyon et de Grenoble. Des maquis M.O.I. sont également essentiels dans la libération des villes de Toulouse et de Marseille.
Référence
Collin Claude, 2000, Carmagnole et Liberté, Les Étrangers dans la Résistance en Rhône-Alpes, Ed. PUG
(1916-1973)
Cécile Cerf naît le 12 janvier 1916 en Lituanie, à Vilna (sous administration russe) devenue Wilno en 1920, sous domination polonaise. Cécile Cerf est la fille aînée de Moshe Shalit, co-fondateur du YIVO et président de l’association des écrivains et journalistes de langue yiddish. Elle participe très jeune à l’action révolutionnaire contre la dictature militaire polonaise.
En 1932, elle poursuit ses études à Paris. Elle abandonne les cours par conviction politique pour vivre la condition ouvrière. En 1934, elle épouse Marcel Cerf, photographe engagé, futur historien de la Commune de Paris-1871 et devient française. Le 6 février, elle s’oppose aux émeutiers fascistes.
En 1940, son mari est fait prisonnier en Allemagne. En décembre 1942, Cécile Cerf s’engage dans les rangs des Francs-tireurs et partisans (FTPF). Elle s’implique dans le sauvetage des enfants juifs, la recherche de logements pour les combattants armés et l’approvisionnement des groupes de combat. Elle prend part aux transports d’armes et de matériel qui permettent le succès de plusieurs actions contre les troupes ennemies.
En 1943, elle est l’un des jalons de la deuxième et meurtrière grande filature de résistants M.O.I.
Elle intègre la direction de l’organisation clandestine “Solidarité”.
À partir d’août 1943 jusqu’à mai 1944, Cécile Cerf est cadre FTP-M.O.I. auprès de la Résistance, zone Nord. Elle a pour mission de développer l’activité résistante parmi les femmes dans toutes les immigrations.
Elle installe une imprimerie clandestine à Châtenay-Malabry, transportant à vélo les stencils destinés à l’édition des tracts.
À partir de mai 1944, Cécile Cerf est nommée responsable FTP-M.O.I. auprès de la Résistance, zone Nord, pour la mise en place des Milices patriotiques. Elle est, en outre, chargée du contrôle des maquis.
À la Libération, Cécile Cerf cofonde la Commission Centrale de l’Enfance (CCE) dont elle devient l’une des dirigeantes. Elle est la première administratrice du journal Droit et Liberté d’après-guerre, secrétaire de rédaction du quotidien de langue yiddish, Naïe Presse, coresponsable du Centre culturel juif de l’UJRE et directrice de la librairie du Renouveau. Elle coorganise à la Sorbonne et à l’UNESCO un hommage à l’écrivain Sholem Aleikhem.
Pour la Presse Nouvelle Hebdomadaire (PNH,) elle traduit en français de nombreux textes d’autres auteurs de langue yiddish.
Elle œuvre pour le dialogue des cultures et pour la défense des opprimés, d’où qu’ils viennent, dans l’esprit de la Résistance, jusqu’à sa mort à Paris, le 29 décembre 1973.
Références
— Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor, Éditions Sociales.
— Rapports officiels du Capitaine FFI Gaston Laroche et de Louis Gronowski-Brunot, responsable national FTP-M.O.I. (Archives du Ministère chargé de la Mémoire et des Anciens combattants)
— Photo : coll. particulière (DR)
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Historiquement, le substantif « Israélite » fait référence aux habitants du royaume d’Israël établi dans le Proche-Orient, avant notre ère. Le mot apparaît dans les textes religieux monothéistes.
Le langage usuel utilise, lui, le mot « Juif » qui désigne les adeptes du judaïsme regroupés en communautés discriminées.
La Révolution française accorde la citoyenneté active aux Juifs et va contribuer à leur intégration rapide dans le tissu social.
Substantif ou adjectif, au 19ème et au début du 20ème siècle, le terme « Israélite » resurgit et désigne le Juif émancipé et citoyen. Il est alors adopté dans le vocabulaire courant et dans les institutions françaises (religieuses ou sociales) comme, par exemple, « l’Alliance Israélite Universelle » ou « Les Éclaireurs Israélites de France ». Ce terme « Israélite » se veut dégagé de la connotation négative attachée au mot « Juif » par des siècles de préjugés et de stigmatisation.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, un virage sémantique s’opère lors de la promulgation des lois anti-juives génocidaires qui visent à la fois les « Juifs » d’origine française (les « Israélites ») et les « Juifs » d’origine étrangère. Selon Robert Badinter, « le statut de 1940 a fait une victime conceptuelle : il a tué l’Israélite français, le Juif a pris sa place ».
Bien qu’il soit encore lié à certaines institutions, le terme « Israélite » est tombé en désuétude.
C’est, désormais, le mot « Juif » qui prévaut, que la personne désignée soit d’origine française ou non.
Références
— Cabanel Patrick, Bordes-Benayoun Chantal, 2005, Un modèle d’intégration : Juifs et Israélites en France et en Europe, (XIXe-XXe siècles), Berg-International.
— Rayski Adam, (1992), Le Choix des Juifs sous Vichy, La Découverte.
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Dès la fin des hostilités, le premier comité de dirigeants chargés de la prise en charge d’orphelins juifs est animé par Joseph Minc. Il est composé de quatre anciens résistants M.O.I., Cécile Cerf, Sczmulek Farber, Jeanne Pakin, Sophie Schwartz et de deux pédagogues, Isidore Bernstein et Louba Pludermacher. La nouvelle organisation, créée dès 1945, prend le nom de Commission Centrale de l’Enfance auprès de l’UJRE et de l’Union des Femmes Juives. Elle devient, plus familièrement, la CCE. En 1946, Joseph Minc, secrétaire général, sera relayé à la tête de la CCE, par Sophie Schwartz puis par Anna Vilner jusqu’à la dissolution de la Commission.
Une première Maison pour enfants de fusillés et déportés reçoit d’abord les orphelins à Montreuil-sous-Bois (en actuelle Seine Saint-Denis) mais, très vite, 8 autres maisons d’enfants, dites foyers, sont créées entre 1945 et 1956. La dernière maison fermera en 1958. La plus emblématique est le manoir de Denouval à Andrésy, dans la région parisienne.
Ces 9 foyers abritent des orphelins juifs, de la petite enfance à l’adolescence. Entre 500 et 600 enfants y sont accueillis et éduqués. Les foyers fonctionnent grâce à de nombreuses collectes et aides ponctuelles.
L’esprit progressiste anime les maisons d’enfants de la CCE : idéal révolutionnaire et laïque, pédagogie novatrice (proche des idées de Makarenko, Korczak, Montessori et du mouvement de l’Éducation Nouvelle), exaltation des héros de la Résistance, incarnée par les combattants de la section juive de la M.O.I. Des colonies de vacances sont réparties sur tout le territoire français. 2500 enfants juifs, orphelins ou non, fréquentent chaque année ces colonies où l’on fait découvrir les grands écrivains de langue yiddish et rêver aux « lendemains qui chantent ». L’une des colonies les plus représentatives est celle de Tarnos (Landes) à vocation sanitaire.
Parallèlement, la CCE organise des patronages tandis que résonne encore la langue yiddish au siège de la rue de Paradis (Paris 10ème).
Une grande kermesse est organisée chaque année au profit des œuvres sociales et solidaires. L’adhésion militante à un monde juste et démocratique va de pair, à la CCE, avec l’attachement à une judéité humaniste, exempte de tout communautarisme.
La CCE cesse son activité en 1988.
Références
— Ouvrage collectif, 2022, La Commission centrale de l'Enfance, Des larmes aux rires, Histoire et mémoire d'une organisation juive, laïque et progressiste, 1945-2020. Ed Le cherche midi-AACCE.
— Wolikow Serge et Lassignardie Isabelle, 2015, Grandir après la Shoah, Ed. de l’Atelier.
— Hazan Katy, 2003, Les orphelins de la Shoah, les maisons de l’espoir (1944-1960). Éd. Les Belles Lettres.
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En 1943, le général de Gaulle crée les Comités départementaux de la Libération (CDL) légalisés le 21 avril 1944 par une ordonnance du Comité français de Libération nationale.
L’objectif est de créer des organisations de Résistance civile aux côtés d’une structure militaire, les Forces françaises de l’intérieur (FFI).
Les CDL sont des représentants, à l’échelle départementale, du Conseil national de la Résistance. Ils sont renforcés par de nombreux comités locaux. Clandestins, les CDL sont chargés de :
— venir en aide aux résistants
— préparer la Libération du territoire, notamment en épurant et en réorganisant l’administration du pays dévoyée par l’emprise collaborationniste vichyste.
— devenir des auxiliaires des autorités après la Libération.
Toutes les composantes de la Résistance sont représentées dans les CDL, de la droite républicaine aux communistes (dont les FTP) mais le PCF domine de nombreux Comités, en particulier le Comité parisien de la Libération (CPL) animé par André Tollet. Le journal du Comité, Le Patriote parisien, diffuse 3 numéros clandestins de mars à juin 1944.
En juillet 1944, il existe quarante Comités locaux de la Libération (CLL) à Paris. Le Comité parisien joue un rôle très important dans la Libération de la capitale du 19 au 25 août 1944. Il s’emploie, ensuite, à établir de nouvelles listes électorales pour les élections municipales d’avril 1945 mais l’unité, élaborée dans la clandestinité, peine à se maintenir.
La réforme de l’État en profondeur ne peut être menée à terme. La guerre terminée, le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), conduit par Charles de Gaulle, réduit les CDL à un rôle consultatif. Le CPL n’aura plus qu’une activité mémorielle.
Référence
Riondet Charles, 2017, Le Comité parisien de la Libération : 1943-1945. Ed. Presses Universitaires de Rennes.
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143 lois et textes réglementaires (dont la majorité avant la fin novembre 1942), de 1940 à 1944, ciblent les Juifs. L’ordonnance allemande du 27 septembre 1940 ouvre la voie à la loi française du 3 octobre 1940, intitulée par les historiens “premier statut des Juifs” et point de départ de l’antisémitisme d’État. Cette loi est une initiative du gouvernement de Vichy et prend pour modèles les lois allemandes de Nuremberg de 1935.
Ce statut fait des Juifs une catégorie à part, des citoyens de seconde zone, mis au ban de la société, et introduit la notion de « race juive » Selon l’article 1, « Est regardé comme Juif, celui ou celle, appartenant ou non à une confession quelconque, qui est issu d’au moins trois grands-parents de race juive, ou de deux seulement si son conjoint est lui-même issu de deux grands-parents de race juive. Est regardé comme étant de race juive le grand parent ayant appartenu à la religion juive ». L’article 2 concerne l’accès et l’exercice des fonctions publiques et mandats. Quels que soient les titres, les postes, les services, la plupart de ces fonctions sont interdites aux Juifs. Ceux-ci sont, en outre, chassés des professions exerçant une influence sur l’opinion publique. Enfin, cet article fixe un numérus clausus pour l’accès aux professions libérales et leur exercice.
Le 4 octobre, un ajout à la loi vise les “ressortissants étrangers de race juive”. Ceux-ci, désormais, sur simple décision du préfet du département de leur résidence, peuvent être internés immédiatement dans des camps spéciaux, à Pithiviers, Beaune-la-Rolande et Drancy.
Référence
Diamant David, 1971, Les Juifs dans la Résistance française. 1940-1944. Le Pavillon, Roger Maria Éditeur.
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Après l’occupation de la Pologne par Hitler, le 1er septembre 1939, le pays devient un véritable laboratoire de l’extermination des Juifs d’Europe de l’Est.
En novembre 1939, environ 500 hommes, femmes et enfants sont exécutés dans des fosses à l’extérieur de la ville d’Ostrów Mazowiecka.
À la suite de l’opération Barbarossa, en juin 1941, les pogroms, perpétrés par une partie de la population, se multiplient en Ukraine, en Pologne, en Roumanie et en Lituanie.
Les tueries s’amplifient avec l’action intensive des Einsatzgruppen, les groupes et commandos d’intervention hitlériens. La propagande nazie affiche sa cible : le judéo-bolchevisme.
Les Einsatzgruppen sont aidés activement par les nombreuses unités locales de volontaires. Leur action constitue la première phase de la Shoah. Elle se manifeste, dans un premier temps, au travers des massacres de masse par fusillades et, dans un deuxième temps, au moyen de camions à gaz itinérants, les Gaswagen.
Au départ, ces sections militarisées de la police politique accompagnent l’armée allemande pour éliminer les bolcheviks, les opposants potentiels, les Juifs et les Tsiganes.
Dès août 1941, les Einsatzgruppen et leurs collaborateurs locaux ciblent principalement les Juifs. 23 600 Juifs, hommes, femmes et enfants, essentiellement originaires de la Transcarpatie hongroise, sont assassinés près de la ville de Kamenets-Podolski. En Ukraine, outre le massacre de Babi Yar (33771 victimes jetées dans un ravin), 50 000 Juifs de la ville d’Odessa et de sa région sont exterminés à Bogdanovka. Dans les Pays Baltes, la Biélorussie et la Crimée, les Juifs sont fusillés et ensevelis dans des fosses communes qu’ils ont souvent dû creuser eux-mêmes. En Lituanie, par exemple, les Juifs de Wilno, la Jérusalem du Nord, représentent 45 % de la population globale de la ville. Entre 1941 et 1942, dans la forêt de Ponar (ou Ponary), la quasi-totalité des Juifs de Wilno, alignés nus autour des fosses, sont tués au révolver ou à la mitrailleuse.
Parallèlement à l’activité des chambres à gaz des camps d’extermination à partir de la fin 1941, les massacres de masse par fusillades se poursuivent aussi bien en Pologne que dans les territoires soviétiques occupés.
Références
— Hilberg Raul, 2006, La Destruction des Juifs d’Europe, Paris, Ed. Gallimard.
— Minczeles Henri, 2000, Vilna, Wilno, Vilnius, Paris, Ed. La Découverte.
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Les termes de l’armistice du 22 juin 1940 découpent la France en deux zones, une zone occupée et une zone dite libre où s’installe à Vichy, le 10 juillet, un État français défini comme légal. Les pleins pouvoirs sont obtenus par le maréchal Pétain, l’homme présenté comme providentiel. Son but : la Révolution nationale impliquant l’adhésion aux objectifs de l’occupant. La pratique d’exclusion et de libertés violées constitue la base du nouveau régime. La filiation politique avec les derniers gouvernements de la IIIème République se retrouve dans la gestion de certains groupes sociaux (chômeurs, Juifs, étrangers…) avec une différence notoire : le régime de Vichy, à l’idéologie antisémite et xénophobe, répond à cette situation par une répression meurtrière. Sollicitée par Pétain auprès d’Hitler, l’entrevue de Montoire entérine, dès le 21 octobre 1940, l’acceptation du principe de collaboration. Mais la légitimité de cet État français est très vite remise en cause par la perte du peu de souveraineté restante, par l’accumulation de mesures coercitives et par la montée de l’esprit de Résistance, faisant basculer l’opinion publique. Les justifications avancées s’avèrent très vite inopérantes : le supposé bouclier de protection de l’occupant se délite face à la levée impossible des restrictions et aux concessions continuelles faites dans l’espoir d’obtenir un statut privilégié. L’argument du double jeu s’évanouit aussi vite, les finalités étant incompatibles entre l’État français inféodé aux nazis et l’Angleterre qui souhaite la reprise de la guerre par la France. La collaboration d’État devient la seule ligne de conduite pour le régime de Vichy.
Référence
Paxton Robert O., La France de Vichy 1940-1944,1973, nouvelle édition 1999, Éditions du Seuil.
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Le 10 juin 1944, un détachement de soldats allemands de la division Das Reich pénètre à Oradour-sur-Glane, un village du Limousin.
La veille, le général Heinz Lammerding vient de faire pendre 99 otages à Tulle, ville voisine de Corrèze, en représailles aux attaques des maquisards qui tentent de ralentir la progression allemande vers la Normandie.
En liaison avec la Gestapo et la Milice, un programme d’« action brutale » est décidé en juin 1944 par l’état major allemand. Ce programme met en œuvre le principe de la guerre totale appliqué sur le front de l’Est, ce qui signifie pillage, incendie, meurtres de masse. Après trois réunions de préparation, la décision est prise d’éliminer la population d’Oradour. Le commandant SS Adolf Diekmann est chargé de l’opération. 200 soldats sont sous ses ordres.
En début d’après-midi, les Allemands encerclent le village et rassemblent la population sur le champ de foire sous prétexte d’une vérification d’identité. Diekmann accuse les habitants de cacher des armes et exige que les responsables se dénoncent. Il demande au maire de désigner des otages. Refus du maire. Les SS séparent alors la population en deux groupes : d’un côté les femmes et les enfants, de l’autre les hommes.
Les hommes sont enfermés dans des granges, sous la menace d’armes automatiques. Les SS les mitraillent, recouvrent les corps de ballots de paille et y mettent le feu.
Les femmes et les enfants sont enfermés dans l’église. L’édifice est incendié avec des gaz de combat et des explosifs.
Des détachements de soldats SS pillent, incendient le village et tuent les quelques habitants retranchés dans leurs maisons.
Les jours suivants, une section SS procède à l’enterrement des cadavres dans des fosses communes pour dissimuler les traces et rendre les identifications impossibles.
Ce massacre fait 642 victimes dont 245 femmes, 207 enfants et 190 hommes. Parmi ces morts, 117 sont originaires d’autres régions de France et réfugiés à Oradour-sur-Glane.
Ce massacre constitue le plus important crime de guerre commis par les Allemands en France sur la population civile.
Références
— Leroux, Bruno in : F. Marcot (dir.) Dictionnaire historique de la Résistance (2006) : Éditions Robert Laffont.
— Le Maitron en ligne : notice par Dominique Tantin
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Dès 1925, dans son livre Mein Kampf, Hitler écrit : « La race germanique est supérieure à toutes les autres et la lutte contre l’étranger, contre le Juif, contre le Slave, contre les races inférieures est sainte. »
Pour contrôler le peuple, le régime nazi met en place un système de propagande basé sur l’idéologie de la race aryenne, une race « pure » supposée représenter la perfection absolue qu’il faut préserver de tout métissage. Les populations blanches d’Europe, en particulier nordiques et germaniques sont dites « aryennes ».
L’image est celle d’êtres « grands, forts, cheveux blonds et yeux bleus, peau claire et traits droits. ». L’idéologie nazie s’appuie sur le concept de « race » dénué de légitimité scientifique.
L’aryanisation met en place l’expulsion de la « race juive » de la vie économique. Une série de lois et d’ordonnances, à partir du premier statut des Juifs du 3 octobre 1940, leur interdit l’accès aux fonctions publiques puis, rapidement, aux autres professions.
Les commerces tenus par des Juifs sont répertoriés par des cartons jaunes « Entreprises juives » et, dès l’automne 1940, apparaissent de nouveaux placards de couleur rouge, stipulant la reprise de ces entreprises par des administrateurs provisoires ou commissaires-gérants aryens. Ces derniers sont, dans un premier temps, désignés par les autorités allemandes via le Commissariat Général aux Questions Juives (CGQJ) relayé par les préfets de police. 6057 administrateurs sont très vite nommés en zone occupée.
Dès la fin 1941, cette aryanisation-spoliation prive de tout moyen d’existence plus de 50 % de la population juive : les commerçants, les artisans, les professions liées à la presse, au cinéma, à l’art, à l’enseignement, à la magistrature…
La disparition des Juifs de la vie économique se double de leur exclusion de la vie culturelle et scientifique.
L’objectif du régime nazi, à travers l’aryanisation gérée par le régime de Vichy, aboutit à l’élimination de « toute influence juive dans l’économie nationale » avant l’élimination définitive des êtres.
Références
— Poznanski Renée, 1997, Les Juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale, Ed. Hachette Littératures.
— Laloum Jean, 1998, Les Juifs dans la banlieue parisienne des années 20 aux années 50, Paris, CNRS Éditions.
(1887-1941)
Rudolf Zeiler naît à Kletscheding, un village tchèque de l’Empire austro-hongrois, le 10 mars 1887.
À Paris, il dirige une imprimerie dans le 11ème arrondissement. Il travaille pour le PCF dès 1930.
Il imprime clandestinement, pour les organisations ouvrières, des tracts, appels et papillons.
Dès le début de l’Occupation, il se met au service de la presse clandestine juive : notamment, Unzer Wort (Notre parole). Des milliers de tracts en français et en yiddish sortent également de son imprimerie.
Après l’attaque des armées nazies contre l’Union soviétique, des intellectuels juifs soviétiques constituent un Comité antifasciste juif. Le 24 août 1941, à Radio Moscou, le poète David Bergelson lance un vibrant appel, reproduit, en yiddish, par la section juive clandestine de la M.O.I. Il a pour titre : « Le grand meeting de Moscou. Appel à tous les Juifs du monde entier. Il faut lutter contre le fascisme et être un partisan qui ne se rend jamais ».
Un millier de tracts, reproduisant ce texte et prêts à la distribution, sont découverts dans l’atelier de Rudolf Zeiler, ainsi qu’un cliché destiné au tirage de Unzer Wort. Les policiers arrêtent Zeiler le 29 octobre 1941. L’atelier est mis à la disposition des nazis.
Livré aux autorités allemandes, Rudolf Zeiler est condamné à mort par le tribunal allemand du Gross Paris le 16 décembre 1941, pour « activité en faveur de l’ennemi ».
Il est fusillé au Mont-Valérien le 19 décembre 1941.
Le journal collaborationniste Le Matin publie, le 25 décembre, un Avis annonçant l’exécution de trois hommes, dont Rudolf Zeiler.
Après la Libération, il est homologué sous-lieutenant FFI à titre posthume, par le ministère des Anciens Combattants et Victimes de guerre.
Son nom figure sur la cloche du Mémorial de la France combattante au Mont-Valérien.
Références
— Le Maitron, par Daniel Grason et Marie-Cécile Bouju.
— Diamant David, 1984, Combattants, Héros et Martyrs de la Résistance : biographies, dernières lettres, témoignages et documents : Édit. Renouveau.
(1908-2004)
Baruch Bruhman, dit Boris Holban, naît le 20 avril 1908 dans un village de Bessarabie (actuelle Moldavie), soumis à de nombreux pogroms. Après l’occupation de la région par l’armée roumaine, Holban poursuit des études scientifiques en roumain. Plus tard, il devient enseignant. Conscient des inégalités sociales ou ethniques, notamment à l’égard des Juifs, il s’engage dans le Parti communiste roumain clandestin.
Holban est emprisonné à plusieurs reprises et envoyé dans un régiment disciplinaire. En 1938, il est déchu de la nationalité roumaine en tant que Juif de Bessarabie et émigre en France où il prend contact avec des communistes roumains. Très vite, il est chargé de la direction du Comité d’aide aux volontaires roumains en Espagne.
En 1939, à la déclaration de la guerre contre l’Allemagne, il se présente comme engagé volontaire et est affecté à Barcarès. Il part au Front, est fait prisonnier par les Allemands en juin 1940 et parvient à s’évader.
En janvier 1941, il revient clandestinement à Paris et participe aux premières actions de Résistance de l’OS (Organisation spéciale) créée à l’automne 1940 par le PCF.
Rapidement, il constitue et dirige les groupes armés roumains de la M.O.I. puis il devient responsable des groupes de combattants de la M.O.I.
Fin 1941, Holban (dit aussi Roger ou Olivier) est désigné par le PCF pour opérer, avec Jacques Kaminski, dirigeant national de la M.O.I., la fusion de l’OS-M.O.I. avec les FTP. En 1942, Kaminski confie à Holban la direction militaire des FTP-M.O.I., zone nord.
Boris Holban est en désaccord avec la stratégie de la M.O.I. qui souhaite démultiplier les actions. Il juge cette option dangereuse et est remplacé, entre août et novembre 1943, par Missak Manouchian.
Mis à la disposition de la direction nationale de la M.O.I., il travaille, notamment, à la constitution des premiers maquis.
Fin 1943, après l’arrestation de Manouchian, Holban est réintégré comme chef militaire des FTP-M.O.I.
Avec Cristina Boïco, responsable du service de renseignement, il analyse les objectifs des interventions et veille à leur bon déroulement.
Le 20 septembre 1944, Boris Holban prend le commandement du bataillon 51-22, composé de participants aux combats de la Libération, notamment de résistants FTP-M.O.I.
Démobilisé en 1946, Boris Holban retourne en Roumanie mais, affecté par les purges antisémites, il émigre définitivement en France, en 1984.
Il meurt le 27 juin 2004.
Références
— Holban Boris, 1994, Après 45 ans de silence, le chef militaire des FTP-M.O.I. de Paris parle. Testament. Ed Calmann-lévy
— Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1989, Le sang de l’Étranger. Ed. Fayard.
(1902-1947)
Philippe Leclerc de Hauteclocque naît le 22 novembre 1902 à Belloy-Saint-Léonard (Somme). Sa famille est liée à l’Action française mais Leclerc rejette ce mouvement nationaliste d’extrême droite et les thèses antisémites qu’il répand. Jeune capitaine, il est fait prisonnier en 1940. Il s’évade et rejoint, à Londres, la France libre de de Gaulle. Les hommes dialoguent, le général apprécie la singularité et le sens aigu de la stratégie de Leclerc. Il lui confie une mission : rallier l’Afrique Équatoriale française à la France libre. Militaire brillant, Leclerc remplit son engagement. En 1943, sur ordre de de Gaulle, Leclerc constitue la 2ème division blindée (2ème DB). Il est désormais colonel.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, des forces antinazies combattent : la Résistance intérieure animée par des mouvements très actifs, dont les FTP et FTP-M.O.I. (intégrés aux FFI en 1944), les armées alliées et la Résistance extérieure du général de Gaulle. Toutes luttent contre l’emprise hitlérienne en Europe et en France en particulier.
La 2ème DB débarque le 1er août 1944 en Normandie et libère Alençon le 12. Le 23 août, Leclerc met au point, avec le général de Gaulle et l’assentiment des alliés américains, un plan d’action pour l’entrée de la 2ème DB dans Paris.
Les combats sont nombreux dans les rues pour la libération de la ville. Les FFI affrontent les derniers soldats allemands mais la 2ème DB, commandée par Leclerc, entre dans la capitale et, le 25 août, von Choltitz, gouverneur militaire allemand de Paris, se rend. En présence de Leclerc, la capitulation des troupes nazies est signée par le colonel communiste résistant Rol-Tanguy dont l’action, à Paris, a été décisive et reconnue rapidement comme telle. Le 26 août, de Gaulle et Leclerc descendent l’avenue des Champs-Élysées sous les ovations.
Le 23 novembre 1944, les troupes de la 2ème DB libèrent Strasbourg. En Allemagne, en 1945, les soldats de Leclerc découvrent les camps d’extermination.
Leclerc représente la France à l’étranger : le 2 septembre 1945 puis le 12 septembre, il cosigne les actes de capitulation et de reddition du Japon, allié d’Hitler.
Le 12 juillet 1946, Leclerc de Hauteclocque est nommé inspecteur des forces terrestres en Afrique du Nord et promu général d’armée le 14. C’est sous le nom de général Leclerc qu’il entre dans l’Histoire de la Seconde Guerre mondiale.
Le 28 novembre 1947, il meurt, en Algérie, dans un accident d’avion à l’âge de 45 ans. L’Assemblée nationale lui vote à l’unanimité des obsèques nationales. Compagnon de la Libération, le général Leclerc est élevé, à titre posthume, à la dignité de maréchal de France.
Références
— Levisse-Touzé Christine, 2000, Du capitaine de Hauteclocque au général Leclerc. Éditions Complexe.
— Photo : Musée de l’Ordre de la Libération
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Créé au printemps 1942 par la section juive de la M.O.I., le Mouvement national contre le racisme, le MNCR, a pour objectif d’alerter l’opinion publique sur la politique antisémite de Vichy et de l’occupant, et de provoquer un mouvement de solidarité envers ses victimes. La section juive est convaincue que, sans l’aide du peuple français, tous les Juifs sont voués à la déportation. En même temps, sa presse, en français et en yiddish, les appelle à entrer dans la clandestinité et à inscrire leur combat dans le cadre de la lutte pour la libération de la France.
Il faut cacher des enfants qui risquent la déportation, organiser des évasions et le passage des frontières, trouver des planques, fabriquer de faux papiers.
Le MNCR diffuse plusieurs journaux clandestins, dont les deux plus importants sont J’accuse en zone nord et Fraternité en zone sud. Il publie également des tracts et des brochures : par exemple, le numéro du 20 octobre 1942 de J’accuse qui évoque les assassinats de Juifs par un « nouveau gaz toxique » et Le Mensonge raciste. Ses origines, sa nature, ses méfaits, rédigé par le philosophe Vladimir Jankélévitch à Toulouse en 1943. Le MNCR développe des liens avec certains membres de l'Épiscopat et de la communauté protestante, qui permettent des actions de sauvetage comme celle de 63 enfants d’un foyer de l’UGIF à Paris, en février 1943.
En 1949, le MNCR devient le Mouvement Contre le Racisme, l’Antisémitisme et pour la Paix (MRAP).
Référence
Adler Jacques, 1985, Face à la persécution. Les organisations juives à Paris de 1940 à 1941, Éditions Calmann-Lévy.
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L’année 1941 marque un tournant inquiétant pour l’armée allemande ; d’une part, elle subit ses premiers revers militaires sur le front de l’Est, d’autre part, en France, les attaques contre ses postes et ses détachements se multiplient : incendie de camions militaires, attaques de soldats…
Les nazis, se sentant menacés, procèdent à de nombreuses arrestations et organisent trois procès à grand spectacle.
Le premier s’ouvre le 4 mars 1942, au Palais-Bourbon, lieu hautement symbolique. Sept jeunes, dont six sont membres des Bataillons de la Jeunesse, vont y être jugés pour avoir fait en trois mois plus de « dix-sept opérations de guerre ».
Pour donner plus de retentissement au procès, les actualités cinématographiques, la presse collaborationniste et les officiers de l’état-major nazis, sont présents.
Après trois jours d’audience au cours desquels les officiers nazis s’arrogent le rôle de juges, les jeunes résistants sont fusillés, le 9 mars, au Mont-Valérien « comme Francs-tireurs et pour avoir commis des actes de violence dirigés contre l’armée allemande et ses membres. »
Le second simulacre de procès s’ouvre le 15 avril 1942, à la Maison de la Chimie. Acte d’accusation : opérations de guerre et recels d’armes.
27 jeunes combattants sont concernés, le 28ème meurt sous la torture avant l’ouverture du procès.
23 de ces jeunes résistants sont condamnés à mort, 2 à une réclusion de cinq et dix ans et les deux femmes, Marie-Thérèse Lefebvre et Simone Schloss, à la déportation à vie.
En fait, Simone Schloss, juive, est guillotinée en Allemagne le 17 juillet 1942.
Le dernier procès se tient à huis clos, le 24 août, à l’hôtel Continental. Il vise principalement des résistants communistes : 33 jeunes dont 4 femmes sont jugés dans une grande salle. Un portrait d’Hitler, encadré de drapeaux à croix gammée, est installé. 18 condamnations à mort et 15 condamnations à des travaux forcés sont prononcées.
Il ne s’agit là que des procès les plus retentissants puisqu’on estime à plus de 3000 les exécutions de civils condamnés par les tribunaux militaires allemands entre juin 1940 et avril 1944.
Références
— La Lettre des Résistants et Déportés juifs. Mars 2000.
— Ouzoulias Marcel, 1968 Les Bataillons de la Jeunesse. Éd. Livre Club Diderot.
— Eisman Gaël, 2006 in Dictionnaire historique de la Résistance. Éd. Robert Laffont.
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La majorité des familles françaises disposant d’une radio, les occupants allemands considèrent la diffusion de messages de propagande comme une priorité. Ils investissent les locaux et le matériel de Radio Paris, afin de profiter du prestige de l’ancienne première radio nationale d’avant-guerre. La nouvelle Radio-Paris est, en fait, une radio allemande, dirigée par les Allemands mais elle émet en français. Elle s’installe dans les anciens studios du Poste Parisien sur les Champs-Élysées. Radio Paris détenant un émetteur de très forte puissance, sa diffusion est assurée dans toute l’Europe et en Afrique du Nord.
Disposant de moyens financiers importants, cette radio allemande en langue française recrute de nombreux journalistes collaborationnistes et antisémites. La Résistance extérieure s’organise et riposte par le fameux air « Radio-Paris-ment-Radio-Paris-ment-Radio-Paris est-allemand » sur la mélodie de La Cucaracha (un chant révolutionnaire d’Amérique latine) diffusé dans les émissions françaises de la BBC à Londres.
Les locaux de la station sont libérés le soir du 15 août 1944 par un commando formé de policiers du mouvement Résistance Police et d’employés de la station, après plus de 4 ans d’occupation.
Référence
Romon François, 2017, Les écoutes radio dans la Résistance française : 1940-1945. Nouveau monde Ed.
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En mai 1941, à Paris, 6694 Juifs étrangers (Polonais principalement) reçoivent une convocation, de couleur verte, les invitant à se présenter le 14 mai dans divers lieux de rassemblement (dont le gymnase Japy dans le 11ème arrondissement de Paris) « pour examen de situation ». La liste des Juifs convoqués a été établie grâce au fichier du recensement effectué à partir de septembre 1940 par les autorités françaises, sur ordre de l’occupant allemand. Cette rafle qui ne dit pas son nom sera appelée ultérieurement rafle du billet vert. Ces Juifs doivent être accompagnés d’un membre de leur famille ou d’un ami. Beaucoup ne répondent pas à la convocation mais, persuadés qu’il s’agit d’une simple formalité, 3747 Juifs se rendent, cependant, sur les lieux de rassemblement. Ils y sont retenus, tandis que la personne qui les accompagne est priée d’aller chercher pour eux quelques vêtements et vivres. Ces Juifs, arrêtés, sont conduits à la gare d’Austerlitz en autobus, transférés le jour même en train vers le Loiret, à une centaine de kilomètres au sud de la capitale. 1700 d’entre eux sont internés à Pithiviers, 2000 à Beaune-la-Rolande. Ils vont y rester pendant plus d’un an, dans l’ignorance totale du sort qui leur est réservé. 289 d’entre eux sont transférés, le 8 mai 1942, au camp de Compiègne-Royallieu, d’où ils sont déportés, majoritairement vers le centre de mise à mort d’Auschwitz, par le convoi 2, le 5 juin 1942. Les autres vont connaître le même sort, qu’ils partent de Pithiviers ou de Beaune-la-Rolande.
Référence
Diamant David, 1977, Le Billet Vert, Ed. du Renouveau
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En 1912, des médecins juifs créent à Saint-Pétersbourg, une Société pour la protection sanitaire de la population juive (OZE en russe). En 1923, l’OSE s’établit à Berlin sous la présidence honoraire d’Albert Einstein. En 1933, l’organisation fuit le nazisme et se réfugie à Paris où elle devient l’Œuvre de Secours aux Enfants, l’OSE. Elle se spécialise dans la médecine infantile et l’action médico-sociale familiale. Après le début de la Seconde Guerre mondiale, elle vient en aide à une population juive sans ressources. Elle met à l’abri 300 enfants recueillis depuis 1939 dont les parents ont été internés comme ressortissants ennemis puis, après 1940, comme Juifs étrangers.
Avec l’aide de “résidents volontaires” dans les camps d’internement et de plusieurs associations caritatives françaises, américaines et suisses, l’OSE réussit à faire sortir les enfants des camps de Gurs et de Rivesaltes où règne une affreuse misère. Elle obtient ce résultat en détournant la réglementation de Vichy qui accepte des dérogations pour les enfants de moins de 15 ans.
Afin de pouvoir les accueillir, l’OSE ouvre une quinzaine de homes et d’institutions spécialisées en France. 1 600 enfants y séjournent durant la guerre.
Au début de l’année 1942, l’OSE est intégrée autoritairement à l’Union Générale des Israélites de France, l’UGIF, comme toutes les organisations juives (sauf celles de la section juive de la M.O.I. devenues clandestines).
L’OSE passe alors d’un travail d’assistance à un travail de Résistance humanitaire notamment après les rafles d’août 1942 où les premiers enfants accueillis sont ceux qui ont été sauvés du camp de Vénissieux. Le danger impose de disperser les enfants. Georges Garel organise un circuit clandestin d’enfants, le Réseau Garel qui sauvera 1500 enfants juifs.
En 1944, l’assistance médico-sociale aux familles est la seule façade légale de l’OSE, dont le reste de l’activité (fabrication de faux papiers, entretien des enfants placés, filières de passage en Suisse…) est désormais totalement clandestin.
Avec d’autres résistants, Charles Lederman, directeur de l’OSE de Lyon, un des dirigeants de la section juive de la M.O.I., coopère avec d’autres organisations, notamment l’UJRE, le Comité Amelot, les Éclaireurs israélites de France, le réseau André et le MNCR pour sauver des enfants.
Références
— Loinger Georges, 2010, Les Résistances juives pendant l’Occupation. Ed Albin Michel.
— Poznanski Renée, 2006, Dictionnaire historique de la Résistance. Ed. Robert Laffont
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La guérilla urbaine menée avec succès à Paris par les FTP-M.O.I. installe un sentiment d’insécurité parmi les troupes d’Occupation et ranime le moral de la population.
Dès 1942, les Brigades spéciales de la Préfecture de Police (BS), en collaboration avec les services de sécurité allemands, prennent pour cible les organisations de Résistance politique et militaire de la M.O.I.
La troisième filature des BS (juillet-novembre 1943) aboutit à 68 arrestations. Ces 68 résistants sont remis par les policiers français aux autorités d’Occupation. 45 sont déportés en Allemagne. Pour les 23 autres, les Allemands décident d’organiser un procès à grand spectacle.
La chute des FTP-M.O.I. s’étend aussi aux FTPF. 40 résistants français sont arrêtés en décembre 1943. Leur procès est séparé de celui de la M.O.I. afin de monter une campagne xénophobe et antisémite qui aura pour centre l’«Affiche rouge». La presse annonce le procès de «23 terroristes juifs et étrangers» à l’hôtel Continental. Ce procès ne dure qu’une journée (une seule audience) le 19 février 1944 mais de longs comptes rendus sont publiés quatre jours consécutifs jusqu’au mardi 23 février, deux jours après l’exécution des condamnés.
La Propagandastaffel (le service allemand de propagande) de concert avec les services de Vichy, veut faire croire à l’existence d’un vrai et long procès au cours duquel tous les accusés ont la possibilité de s’exprimer.
Le tribunal militaire allemand prononce la condamnation à mort des “23”. Une affiche rouge est placardée sur tous les murs des grandes villes de France. Déclinée en tracts et en brochures, elle est destinée à discréditer la Résistance désignée comme une armée “de terroristes juifs et immigrés à la solde de l’Angleterre et des bolchéviks russes». Sur les 23 résistants, la moitié sont Juifs et présentés comme tels ; les photos de 7 d’entre eux figurent sur l’affiche qui devient le symbole de la Résistance des étrangers au nazisme : Grywacz, Juif polonais, Elek, Juif hongrois, Wasjbrot, Juif polonais, Witchitz, Juif hongrois, Fingerweig, Juif polonais, Boczov, Juif hongrois, Rajman, Juif polonais.
Les 23 hommes sont fusillés le 21 février 1944 au Mont-Valérien. Golda (Olga Bancic) transférée à Stuttgart est décapitée le 10 mai, le jour de son 32ème anniversaire.
En 1955, est inaugurée, à Paris, dans le 20ème arrondissement, une «rue du groupe Manouchian», du nom du responsable militaire (Arménien) des FTP-M.O.I. de Paris-dont le portrait figure sur l’«Affiche-rouge ».
Le poète Louis Aragon écrit “Strophes pour se souvenir” publiées en première page de l’Humanité, le 6 mars 1955. Le poème s’achève par ces vers :
23 étrangers et nos frères pourtant
23 amoureux de vivre à en mourir
23 qui criaient : La France en s’abattant.
Référence
Rayski Adam, 2009, “L’Affiche Rouge”. Ed. Mairie de Paris.
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Franco intègre rapidement l’armée, et participe à la guerre du Rif entre 1912 et 1916, ainsi qu’à la répression des violentes grèves aux Asturies pendant l’été 1917. Alors que l’Espagne proclame la République en 1931, Franco est nommé gouverneur militaire puis commandant général aux Baléares, et intervient à nouveau contre la révolte fomentée aux Asturies. En 1935, il devient chef d’état-major des armées, mais le « Frente popular » (Front populaire espagnol) nouvellement élu en 1936, l’envoie en mission sur les îles Canaries. Le général Franco fonde la « Phalange espagnole traditionaliste » et les « Juntes d’offensive nationale-syndicaliste ». Il souhaite ainsi unifier la totalité des partis qui le soutiennent dans la guerre civile espagnole (Phalange espagnole, Carlistes, Traditionalistes) et former un parti unique national en Espagne. Il organise la rébellion qui va mener à la guerre civile espagnole. S’il est soutenu, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, par l’Allemagne d’Hitler et l’Italie de Mussolini, Franco bénéficie également des positions non interventionnistes de la France et de l’Angleterre. En 1939, celui qui se fait désormais appeler le « Caudillo » en souvenir des chevaliers espagnols ayant repoussé les Arabes hors d’Espagne au Moyen Âge, marche sur Barcelone puis Madrid, et renverse le régime en place. Il instaure une dictature totalitaire, l’État franquiste, jusqu’en 1975, période néfaste au développement économique espagnol. À son décès en novembre 1975, Juan Carlos 1er accède au trône d’Espagne et rétablit un régime démocratique ouvert sur l’extérieur avec une monarchie constitutionnelle.
Référence
Preston Paul, 2016, Une guerre d’extermination Espagne 1936-1945, traduit de l’anglais par Laurent Bury et Patrick Hersant. Édition Belin
(1924-2020)
Paulette Szlifke naît à Paris en 1924 dans une famille juive polonaise yiddishophone. Son père, communiste, milite au syndicat CGT des Cuirs et Peaux et dans le groupe de langue yiddish créé par le Parti Communiste. Paulette fréquente les patronages liés à la section juive de la M.O.I., participe à leur activité militante et est informée du sort des Juifs sous le régime nazi.
Membre des Jeunesses communistes juives créées par la section juive de la M.O.I., elle s’engage très tôt dans la lutte contre Vichy et la barbarie hitlérienne. Avec ses amis du patronage, elle tapisse les murs de Paris avec des affichettes, distribue des tracts sur les marchés, dans les cinémas de quartier, dans les usines et dans le métro. Ensemble, ils incendient les poteaux indicateurs destinés à l’armée allemande et organisent des manifestations avec les Jeunes communistes de Paris. Avant la rafle du Vel’ d’Hiv, informés par l’organisation « Solidarité », ils alertent de nombreux Juifs pour qu’ils cherchent des abris sûrs. En 1943, ces jeunes sont arrêtés par les Brigades Spéciales, envoyés à Drancy et déportés à Auschwitz-Birkenau en 1943. Paulette a 19 ans.
Arrivés dans le camp après trois jours de voyage en wagons plombés, hommes et femmes sont séparés, la majorité est gazée immédiatement. Paulette et plusieurs de ses camarades sont affectées à des commandos de travail. Témoin des horreurs quotidiennes, elle racontera notamment la pendaison des quatre jeunes femmes impliquées dans la révolte du Sonderkommando qui a détruit deux des quatre fours crématoires en septembre 1944.
Paulette doit sa survie à la Résistance intérieure du camp organisée par le Comité international clandestin qui assure une solidarité permanente aux déportés. Son principal contact y est Marie-Claude Vaillant-Couturier.
Après une “marche de la mort” qui les conduit à Ravensbruck et à Neustadt, les déportées rescapées sont libérées par les Soviétiques au début de mai 1945.
De retour en France, Paulette se consacre aux enfants de déportés et fusillés et milite à la CCE (Commission Centrale de l’Enfance) auprès de l’UJRE à laquelle elle est viscéralement attachée.
Elle a témoigné tout au long de sa vie pour honorer le serment fait à son arrivée à Auschwitz : « […] si l’une d’entre nous survit, elle devra raconter pour que le monde sache… J’ai tenu parole : j’ai raconté, parlé, témoigné ma vie durant…”
En 2015, paraît Paula, survivre obstinément, le récit d’une Juive, communiste, résistante.
Paulette Szlifke, plus connue sous le nom de Paulette Sarcey, meurt à Montreuil le 4 mai 2020.
Références
— Sarcey Paulette avec Karen Taïeb, 2015, Paula, survivre obstinément. Éd Tallandier.
— Lebel Jean-Patrick : 1986, La cité de la Muette (film)
— Photo : © Préfecture de Police
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L’impérialisme désigne une domination exercée sur plusieurs territoires, en référence à l’empire romain. Dans le sens marxiste utilisé par l’URSS, l’impérialisme allie expansion territoriale et système de production économique capitaliste.
Depuis 1934 et son entrée à la Société des Nations (SDN), l’URSS, ralliée à l’idée de sécurité collective, dénonce les puissances fascistes agressives. L’Internationale communiste considère que la guerre, déclarée le 3 septembre 1939 à l’Allemagne, principalement par la France et le Royaume Uni, est un conflit entre pays capitalistes. Cette guerre est alors qualifiée d’ « impérialiste ».
L’adjectif impérialiste constitue une justification du Pacte de non-agression entre l’URSS et l’Allemagne, signé le 23 août 1939, et censé préserver la paix en Europe. Cette alliance avec Hitler suscite une interrogation générale et du désarroi chez les communistes car l’URSS apparaissait comme le rempart le plus résolu contre le nazisme.
La lutte antifasciste, jusque-là prioritaire pour le PCF, est, désormais, considérée comme caduque. Elle est remplacée par le combat anti-impérialiste qui renvoie dos à dos les belligérants et défend la politique pacifiste de l’URSS.
Cependant, devant l’accumulation des menaces et des destructions hitlériennes, l’URSS et l’Internationale communiste vont infléchir leur ligne. Dès avril 1941, le conflit n’est plus présenté comme une guerre impérialiste. Après la rupture du pacte germano-soviétique et l’invasion de l’URSS par l’Allemagne, les communistes et les militants de la section juive de la M.O.I. vont poursuivre avec une détermination accrue leur lutte frontale contre le fascisme et, très précisément, contre le fascisme vichyste et hitlérien.
Références
— Martelli Roger, Vigreux Jean, Wolikow Serge, 2020, Le parti rouge. Une histoire du PCF, 1920-2020. Éd. Armand Colin.
— Gronowski Brunot Louis, 1980, Le dernier grand soir (Un Juif de Pologne) Éd. du Seuil.
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Les élections de mai 1936 permettent aux Juifs immigrés, récemment naturalisés, de participer directement à la vie du pays. Les Juifs du 4ème arrondissement de Paris, votent pour le candidat communiste. 10 députés du Front populaire sont élus dans la capitale grâce à l’apport des voix juives.
La victoire du Front populaire galvanise les Juifs progressistes et ils défilent en masse au cimetière du Père Lachaise, en souvenir des communards assassinés, sous une banderole inédite « Contre tous les nationalismes, pour l’union des travailleurs immigrés et français ».
La formule est reprise dans tous les journaux.
La Naïe Presse, journal progressiste juif en yiddish, émanation de la section juive de la M.O.I., gagne encore de nouveaux lecteurs.
Des grèves éclatent un peu partout en France.
Les 22 sections juives qui comptent 13000 syndiqués s’investissent dans le mouvement social.
Les ouvriers juifs sont partie prenante des deux millions de grévistes, ils occupent les usines aux côtés de leurs camarades. Dans tous les secteurs d’activité, les progrès sont considérables : salaires, horaires, conventions collectives et, bien sûr, congés payés.
Pour les travailleurs juifs, le rapprochement avec les ouvriers français est une victoire à la fois morale, sociale et politique.
Mais les immigrés non naturalisés se sentent en insécurité et en novembre 1936, La Naïe Presse appelle à l’union des juifs immigrés avec les Juifs « autochtones » dans la lutte contre le fanatisme et le sectarisme.
Une commission de juristes juifs propose un « statut juridique de l’immigré » pour protéger les travailleurs car la situation générale du pays est inquiétante.
Une pause dans les réformes sociales est officiellement déclarée.
Le « Mouvement populaire juif » (qui regroupe plusieurs tendances), créé en 1935 à l’initiative de la section juive de la M.O.I. et de la Ligue Internationale Contre l’Antisémitisme (LICA), s’inscrit toujours vigoureusement dans la lutte antifasciste.
Le marasme économique va conduire à la démission du chef du gouvernement, Léon Blum (qui n’obtient pas les pleins pouvoirs pour sa réforme), et à la fin du Front populaire en avril 1938. L’espoir démocratique est anéanti avec le triomphe des nationalistes franquistes en Espagne.
La victoire du fascisme annonce le pire pour l’Europe, pour la France...
Références
— Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions sociales.
— Diamant David, 1979, Combattants juifs dans l’armée républicaine espagnole 1936-1939, Éditions du Renouveau.
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Après l’attaque de l’URSS par les nazis en 1941, le Parti communiste est le premier à prôner l’utilisation de la lutte armée sur le territoire de la France occupée. Contrairement à Charles de Gaulle, qui ne juge pas les attentats contre l’occupant opportuns, le PCF estime qu’il ne faut pas attendre un éventuel débarquement des Alliés pour porter des coups à l’ennemi. Il s’agit de lutter aux côtés de l’URSS, patrie du socialisme agressée, selon le PCF, de fixer à l’Ouest une partie des forces allemandes et de détruire l’image d’une occupation tranquille et correcte.
Les attentats représentent l’une des formes de cette lutte armée, ponctuée par des actions de harcèlement en attendant une insurrection générale.
Les attentats ne font pas partie de la tradition communiste qui privilégie une « lutte de masse ». Beaucoup de militants éprouvent des réticences devant la consigne de descendre des militaires allemands
Le premier attentat public, réalisé pour montrer l’exemple, est l’exécution, à Paris, de l’aspirant Moser, à la station de métro, très fréquentée, Barbès-Rochechouart, le 21 août 1941. L’opération est préparée et exécutée par Pierre Georges (le futur colonel Fabien) en compagnie de Gilbert Brustlein, Fernand Zalkinow et Albert Gueusquin.
Le coût humain de la violente répression contre les résistants communistes est assumé. Selon les dirigeants du Parti, il ne peut que favoriser l’hostilité envers les occupants et accroître le nombre des combattants.
L’attentat de Barbès donne le signal de la lutte armée. Les étrangers, et parmi eux les Juifs immigrés, s’y engagent dès le début et prennent leur part dans le combat, au sein notamment des FTP-M.O.I., tout particulièrement dans la première phase, de 1941 à 1943.
Référence
Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1989, Le sang de l’Étranger, Paris, Éd. Fayard.
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L’armistice du 22 juin 1940, signé en forêt de Compiègne, dans le wagon-musée de l’armistice de novembre 1918, entre le Troisième Reich allemand et la Troisième République française, suspend les hostilités après l’effondrement de l’armée française (mai à juin 1940).
La convention d’armistice comprend, notamment, la formation de 2 zones.
La zone occupée s’étend sur la moitié nord et la côte atlantique. Le reste du territoire constitue la « zone libre ». Les deux zones seront séparées par une ligne de démarcation. Dans la zone nord, l’Allemagne exercera « les droits de la puissance occupante », ce qui impliquera la collaboration de l’administration française.
Dans la zone « libre », l’Armée française sera limitée à 100 000 hommes. L’Empire colonial français demeurera sous l’autorité du Gouvernement français. La France livrera à l’Allemagne les réfugiés politiques allemands ou autrichiens présents sur son sol. Les prisonniers de guerre (plus de 1,5 million d’hommes) resteront en captivité jusqu’à la signature d’un accord de paix. La France financera l’entretien de l’armée d’occupation, soit 400 millions de francs par jour.
Ce dernier point aura pour effet le pillage économique du pays, la généralisation de la disette, l’hostilité grandissante des Français à l’égard de l’Allemagne et le point de départ d’un esprit de Résistance qui ne cessera de s’amplifier tout au long du conflit. La section juive de la M.O.I. vigilante dès le début de l’Occupation, s’engage dans un combat qui ne prendra fin qu’avec la Libération.
Références
— Ferro Marc, 1987 et 2008, Pétain, Paris, Éd. Fayard
— Miquel Pierre, 1986 La Seconde Guerre mondiale, Paris, Fayard et 1987, Club France Loisirs.
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Le 1er septembre 1939, Hitler envahit la Pologne. En riposte, la France et le Royaume-Uni, qui ont signé des traités d’alliance avec la Pologne, déclarent la guerre à l’Allemagne. Dès les premiers jours, l’armée française lance une offensive limitée avant de se replier derrière la ligne Maginot (suite de fortifications édifiées par la France le long de ses frontières à l’est).
La drôle de guerre est la période de huit mois qui s’écoule entre le 3 septembre 1939 et l’offensive allemande du 10 mai 1940. Elle doit son nom à l’inaction des armées française et anglaise qui se contentent d’assister à l’écrasement de la Pologne.
Cette inaction aura des conséquences négatives sur le moral des soldats et permettra à l’Allemagne de consolider ses troupes.
Les causes de l’attentisme de la « drôle de guerre » sont diverses :
— Au plan stratégique, la crainte des nouveautés militaires offensives et la domination de conceptions héritées de la Première Guerre mondiale (guerre défensive).
— Sur le plan idéologique et politique, la persistance d’un esprit pacifiste « munichois » (le renoncement des démocraties face au fascisme triomphant), l’antisoviétisme (le soutien à la Finlande en guerre contre l’URSS) et l’anticommunisme de certains milieux dirigeants (Plutôt Hitler que le Front populaire).
Du 30 novembre 1939 au 13 mars 1940, la France et le Royaume-Uni soutiennent la Finlande, en guerre contre l’URSS, par l’envoi d’armements. Les Alliés débarquent en Norvège, à Narvik, pour priver l’Allemagne de son approvisionnement en minerai de fer. C’est la première victoire militaire des alliés contre l’Allemagne mais les nazis envahissent le Danemark et la Norvège le 9 avril, obligeant les troupes franco-polonaises à évacuer Narvik.
La « drôle de guerre » s’achève le 10 mai 1940 quand l’armée allemande (la Wehrmacht) passe à l’offensive générale à l’ouest contre les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et la France.
Références :
— Bloch Marc, 1940, éd. 1990, L’étrange défaite, Paris, Histoire Folio.
— Dorgelès Roland, 1957, La Drôle de guerre : 1939-1940, Paris, Albin Michel.
— Grenier Fernand (1969), Journal de la drôle de guerre : septembre 1939-juillet 1940. Paris, Éditions sociales.
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Le matin du 20 août 1941, des policiers municipaux parisiens, secondés par des militaires allemands, déferlent dans les rues du 11ème arrondissement de Paris. Cette opération est décidée à la suite de manifestations organisées par le Parti communiste contre l’occupant et auxquelles ont participé de très nombreux jeunes Juifs du quartier. La plupart des stations de métro sont bouclées.
Les hommes juifs enregistrés au commissariat, conformément à l’ordonnance allemande du 27 septembre 1940, sont appréhendés directement chez eux.
Le même sort est réservé à ceux, non enregistrés, connus comme appartenant à des familles juives de l’arrondissement. Cette rafle prend les Juifs par surprise et, contrairement à la rafle, dite du billet vert, du 14 mai 1941, elle prétexte un simple contrôle d’identité à la Préfecture de police.
Les 4232 hommes arrêtés dans le 11ème arrondissement, étrangers et français, sont conduits, dans des autobus parisiens, au camp d’internement de Drancy.
La rafle se poursuit les jours suivants dans d’autres arrondissements à forte implantation juive, et en banlieue proche, jusqu’au 25 août.. Elle s’inscrit dans la lutte d’Hitler contre le judéo-bolchévisme.
Les Juifs sont destinés à fournir de la main-d'œuvre aux nazis, pense-t-on.
L’action d’une police pétainiste zélée, pressée de complaire à l’occupant, permet de transférer plusieurs milliers Juifs à Drancy dans l’indifférence quasi générale.
Cette rafle est le prélude à la rafle du Vel’d’Hiv de juillet 1942 au cours de laquelle plus de 13000 Juifs, enfants, vieillards, femmes, hommes seront promis à l’extermination par la police française et les nazis.
Références
— Klarsfeld Serge, 1983, Vichy-Auschwitz, Fayard Tome 1,
— Berlière Jean-Marc, 2018, Polices des temps noirs, France 1939-1945, Perrin.
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La collaboration avec l’occupant allemand est une requête immédiate du gouvernement de Vichy. Cette volonté de collaboration est ancrée dans l’esprit des élites françaises et du haut patronat depuis les années 30, inspirés par les variantes fascistes allemandes et italiennes. L’entrevue de Montoire, le 24 octobre 1940, entre Pétain, solliciteur, et Hitler scelle le début assumé de cette collaboration. L’objectif : bâtir un nouvel ordre social. Bien que Pétain ait trouvé un accord avec l’occupant pour l’installation d’un gouvernement à Vichy en zone dite libre, jamais l’Allemagne n’envisage une discussion d’État à État. La France est considérée comme un simple réservoir de richesses et de main-d’œuvre. La collaboration économique se traduit par un pillage des matières premières et des productions du pays ainsi que par la participation de grandes entreprises à l’effort de guerre allemand. La collaboration policière prend le relais avec l’exclusion de groupes dits « asociaux », Juifs et étrangers, l’État français devançant même les injonctions allemandes. Les lois antijuives de Vichy s’inscrivent dans la droite ligne de l’idéologie nazie et la collaboration se met au service de l’occupant contre la Résistance. L’occupant allemand dresse par intérêt les différents hommes de Vichy les uns contre les autres. À la fin du conflit, malgré l’épuration, nombre de collaborateurs économiques ne sont pas (ou peu) inquiétés ; quant aux collaborateurs politiques, administratifs ou policiers, plusieurs ressurgissent dès l’immédiat après-guerre.
Références
— Collectif, 2011, Les collabos, Éditions Pluriel.
— Lacroix-Riz Annie, 2016, Les élites françaises entre 1940 et 1944,2016, Éd. Armand Colin.
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À Drancy (région parisienne) dès 1941, la cité de la Muette en construction est transformée en centre d’internement et en lieu de représailles. Le 20 août, à la suite de la grande rafle menée à Paris, 4 230 hommes sont transférés à Drancy. Le camp, placé sous le contrôle de la Gestapo, est gardé par des gendarmes français. Les conditions de vie y sont désastreuses. Les installations sont rudimentaires et la faim constante. L’absence de visites, les vexations et la brutalité permanente de nombreux gardes accroissent le désarroi des internés. Les conditions d’hygiène, dangereuses, et la sous-alimentation provoquent des maladies, notamment la dysenterie aiguë.
La situation sanitaire devient vite incontrôlable et les Allemands libèrent en novembre 1941 plus de 1 000 internés malades, adultes et enfants. Ils sont tous transférés à l’hôpital Rothschild. Une filière d’évasion, organisée par le personnel médical et avec l’aide d’un prêtre, permettra de sauver un certain nombre de ces enfants.
De décembre 1941 jusqu’en mars 1942, des otages juifs, principalement des résistants communistes d’origine immigrée, sont extraits du camp pour être fusillés au Mont-Valérien ou déportés.
Après la rafle du Vel’d’Hiv, le 16 juillet 1942, les couples sans enfants et les célibataires sont conduits directement à Drancy. Les familles, y compris les vieillards et les enfants, vont suivre.
La cité de la Muette devient la plaque tournante de la déportation des Juifs de France vers les camps de la mort.
En avril 1944, les 44 enfants juifs d’Izieu (Ain) regroupés dans une maison d’accueil, sont expédiés à Drancy par le nazi Klaus Barbie avant d’être assassinés à Auschwitz.
Au début de l’été suivant, devant la progression des forces alliées, les nazis accélèrent la déportation de milliers de Juifs acheminés vers le camp depuis la zone sud.
Le dernier convoi part de Drancy le 17 août 1944. Les déportés sont emmenés à pied à la gare de Bobigny par le nazi Aloïs Brunner, dernier chef du camp.
La quasi-totalité des Juifs de France déportés ont transité par Drancy sur ordre des nazis et de leurs collaborateurs français. Au total, environ 63 000 Juifs, répartis dans une soixantaine de convois, ont quitté la gare du Bourget-Drancy puis la gare de Bobigny, principalement à destination d’Auschwitz-Birkenau.
Le camp de Drancy, libéré le 20 août 1944 par la Résistance, reste le lieu emblématique de la persécution antisémite en France.
Références
— Rajsfus Maurice, 2012, Drancy, un camp de concentration très ordinaire 1941-1944. Ed. du Cherche-Midi
— Portes Jean-Christophe et Bénichou Rémi, 2015, Les Enfants juifs sauvés de l’hôpital Rothschild, Documentaire TV. Diffusion sur France 5.
(dit Marcel)
(1914 – 2008)
Adam Rayski, de son vrai nom Abraham Rajgrodski, naît à Bialystok (Pologne) dans une famille juive de petits commerçants. Engagé dès 16 ans dans l’action révolutionnaire, à l’exemple de son oncle, dirigeant du PC polonais, il adhère aux Jeunesses communistes et en devient le responsable. Exclu du lycée pour son activité politique, repéré par la police et menacé d’être arrêté, il quitte la Pologne en septembre 1932, à 18 ans.
À Paris, il devient apprenti dans la confection. Il se forme comme journaliste et suit des cours à l’Institut d’études politiques et à l’École pratique des hautes études. Il milite au sein de la section juive de la M.O.I. et débute à La Naïe Presse, le quotidien en langue yiddish de la section juive ; parallèlement, il est stagiaire à L’Humanité.
À l’automne 1938, Louis Gronowski, dirigeant national de la M.O.I., lui confie la direction de La Naïe Presse, en tandem avec G. Kenig.
En septembre 1939, le journal est interdit comme toutes les publications communistes, mais reparaît clandestinement dès octobre, sous le titre de Unzer Wort (Notre Parole). Rayski reste à son poste jusqu’à sa mobilisation le 20 mai 1940 dans l’armée polonaise. Fait prisonnier, il s’évade et rentre à Paris le 14 juillet. Membre de la direction clandestine de la M.O.I., il se consacre à la reconstitution de la section juive.
En avril 1941, Rayski est envoyé en zone sud pour mettre en œuvre l’évasion des communistes étrangers internés dans les camps de Gurs et du Vernet. Revenu à Paris, il assure la direction politique de tous les organes de presse de la section juive de la M.O.I. et du Mouvement national contre le racisme (MNCR). Il supervise les diverses structures de Résistance : Union des femmes, mouvements de jeunes, groupes de sauvetage d’enfants…
Pour rendre hommage à l’insurrection du ghetto de Varsovie, il écrit deux articles : l’un pour Notre Voix et l’autre pour J’accuse et Fraternité, journaux du MNCR.
Il est chargé de sélectionner les combattants pour le 2ème Détachement juif des FTP-M.O.I. parisiens démantelé par la police en juin 1943 : de nombreux militants de la section juive sont arrêtés, torturés, déportés. Rayski, identifié par les services de police, est recherché mais réussit à s’échapper et rejoint Lyon.
À l’hiver 1943-1944, Rayski joue un rôle essentiel dans les négociations aboutissant à la création du Comité Général de défense des Juifs qui devient dès janvier 1944, le Conseil représentatif des israélites de France (CRIF).
En 1949, il retourne en Pologne où il exerce d’importantes responsabilités. En raison de la campagne antisémite qui y sévit, il regagne la France en 1957.
Il se consacre, désormais, à un travail d’Histoire et de Mémoire.
Il meurt à Paris le 11 mars 2008.
Références
— Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam,1989, Le Sang de l’étranger, Fayard.
— Rayski Adam, 1985, Nos illusions perdues. Balland
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En 1943, le Conseil représentatif des Israélites de France scelle l’union des mouvements juifs, de mouvances variées, pour faire face aux persécutions. Le terme « israélite », tombé en désuétude après 1945, désigne les Juifs de citoyenneté française.
La conscience d’un destin commun les a peu à peu rapprochés des Juifs immigrés. Dès 1943, la création clandestine du Comité général de défense des Juifs (CGD) constitue la première étape de l’unification. Avec le ralliement du Consistoire, le CGD débouche sur la fondation, toutes tendances confondues, du Conseil représentatif des Israélites de France, le CRIF.
À l’origine, le CRIF ne comprend que le Consistoire central, la Fédération des sociétés juives (de secours matériel, moral ou juridique), le Bund (socialistes) et l’UJRE (Communistes). Tous aspirent à la paix après le séisme de la barbarie nazie. Ils parviennent, jusqu’à la fin de la guerre, à surmonter leurs dissensions idéologiques sans, pour autant, renoncer à les exprimer dans leurs organes de presse respectifs.
En 1944, Droit et Liberté, par exemple, publication de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE) composée de Résistants de la section juive de la M.O. I, affirme ses positions communistes.
Le Conseil représentatif des Israélites de France rédige une charte, en 1944, qui garantit aux Juifs, dans le cadre légal de la République française, une égalité de traitement politique, économique, social et religieux avec les autres citoyens. La charte réclame, en outre, la restitution de leurs biens, spoliés par les nazis avec la complicité du régime de Vichy.
Pour la première fois dans l’Histoire des Juifs, apparaît, avec le CRIF, un organe représentatif unique dont les fondements ne sont pas religieux.
Tout en conservant le même acronyme, le CRIF, devient, après guerre, Conseil Représentatif des institutions juives de France. En 2009, l’Union des Juifs pour la Résistance et l’entraide (UJRE) suspend sa participation au Conseil. Elle condamne l’absence de représentativité pluraliste et progressiste du CRIF, en contradiction avec ses valeurs humanistes d’origine.
Référence
Vescovi Thomas, 2020, Les Juifs de France et Israël, « Le Monde diplomatique ».
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Dès mars-avril 1942, le Parti communiste français rend opérationnelle une force de Résistance armée très structurée : les Francs-Tireurs et Partisans français, les FTPF ou FTP. Au printemps 1942, des groupes de Francs-Tireurs et Partisans M.O.I., les FTP-M.O.I., se mettent en place à Paris sous la direction militaire de Boris Holban. Ils sont issus des groupes M.O.I., très entraînés, de l’Organisation spéciale du PCF.
Parmi les résistants FTP-M.O.I., nombreux sont les anciens combattants des Brigades Internationales rompus au maniement des armes en Espagne et à la clandestinité dans leurs pays d’origine.
À leurs côtés, de très jeunes résistants sans expérience se portent volontaires. La répression particulière qui frappe les Juifs les rend plus rapidement combatifs.
Les Juifs d’origine immigrée sont versés dans plusieurs détachements mais le deuxième détachement est exclusivement juif. Une équipe spéciale est formée de combattants d’élite pour les opérations délicates. Des Juifs y participent.
Être FTP-M.O.I., c’est vivre en clandestin et se consacrer à plein temps à l’activité militaire. Les FTP-M.O.I. juifs sont pris en charge par la section juive de la M.O.I. et doivent couper tout contact avec leurs familles. Pour eux, à la fois résistants et juifs, la nécessité de la clandestinité est double.
Les FTP-M.O.I. sont, en France, des acteurs essentiels de la lutte armée qui commence par des actions isolées symboliques avant l’organisation d’une véritable guérilla urbaine ou de maquis en régions.
Ils ont pour responsables militaires des FTP et pour responsables politiques, des militants de la M.O.I.
Les attaques directes de ces combattants contre les objectifs militaires sont décisives : déraillements de trains ennemis transportant du matériel de guerre, lieux de commandement allemands incendiés, dépôts d’armes dévastés, camions militaires détruits, hôtels réquisitionnés par l’armée assaillis...
Les FTP. M.O.I. sont traqués dans la France entière. Les FTP-M.O.I. juifs peuvent mener des opérations concluantes grâce à l’aide de la Résistance civile de la section juive de la M.O.I. et d’une partie de la population française.
En 1944, les mouvements de Résistance se rassemblent en une structure unique, les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI). Les FTPF et les FTP-M.O.I. sont intégrés aux FFI.
Les Juives et Juifs engagés militairement dans les FTP-M.O.I. sont mus, certes, par un désir profond de lutte face à l’extermination mais ils sont portés, tout autant, par un idéal de justice et par leur amour pour la République française.
Référence
Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1989, Le Sang de l’Étranger (Les immigrés de la M.O.I. dans la Résistance), Paris. Ed. Fayard
Manessis Dimitri & Vigreux, Jean, 2024, « Avec tous tes frères étrangers. De la MOE aux FTP-MOI ». Ed. Libertalia
En savoir plus :
Les « Brigades Spéciales », service des Renseignements Généraux de la police, sont créées dès mars 1940 mais elles ne se développent réellement qu’en 1941 et 1942. Leur mission : traquer les ” ennemis intérieurs de la France ” (les résistants).
En priorité, les BS sont chargées de la répression de la Résistance communiste. Des sections des BS sont présentes dans toutes les grandes villes françaises.
Elles sont d’abord constituées de volontaires, en général des policiers membres de partis collaborationnistes. Devant les difficultés de recrutement, de jeunes policiers viennent gonfler les effectifs.
Les unités des BS les plus importantes opèrent en région parisienne et sont responsables des 3 grandes filatures qui dévastent la section juive de la M.O.I.
La première filature débute en janvier 1943 pour se terminer le 18 mars 1943. Elle vise l’organisation des jeunes communistes juifs. 57 jeunes sont arrêtés et déportés à Auschwitz dont Henri Krasucki, Paulette Sliwka, Sam Radzinski, Rogerr Trugnan.
La seconde filature s’attaque à la branche politique de la M.O.I. qu’elle démantèle et anéantit. La traque commence le 22 avril 1943 et s’achève fin juin. 71 résistants sont arrêtés, torturés, exécutés ou déportés dont pratiquement tous les membres du détachement juif.
Parmi les déportés :
Idl Korman (convoi 60)
Alfred Besserman (convoi 60)
Chana Eva Goldgevicht (convoi 58)
Riwka Régine Grynberg (convoi 58)
Perla Paulette Kwater (convoi 58)
Enfin, la troisième filature est centrée sur les FTP-M.O.I. parisiens. Commencée le 26 juillet 1943, elle prend fin en novembre. Les arrestations s’élèvent officiellement à 56 combattants, dont Joseph Epstein, Missak Manouchian, Marcel Rayman, Olga Bancic.
Les trois grandes filatures menées par les « Brigades Spéciales » aboutissent à l’arrestation de 196 résistants, parmi lesquels 21 femmes, et à la dislocation meurtrière des FTP-M.O.I. En février 1944, une « affiche rouge » placardée sur les murs de Paris y présente des résistants de la 3ème filature, majoritairement Juifs immigrés, comme des assassins.
Missak Manouchian, Arménien, est considéré comme le chef du « groupe ».
Cette triple action a pour objectif la destruction totale et irrémédiable de la section juive de la M.O.I., et de tous les résistants communistes, Juifs ou non, mais dans un tract diffusé en mars 1944, l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (l’UJRE) réaffirme sa position : malgré la torture et malgré la mort, continuer le combat aux côtés du peuple français.
Références
— Rayski Adam : L’Affiche Rouge Mairie de Paris
— Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam,1989, Le sang de l’étrange, Fayard.
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Dès l’été 1940, se met en place l’organisation juive clandestine de Résistance « Solidarité ». Nombre de jeunes communistes, issus de l’immigration d’Europe de l’Est, rejoignent la Jeunesse communiste juive pour mener un combat spécifique et passent peu à peu dans la clandestinité. Ils doivent observer des règles de sécurité très strictes. Des résistants déjà impliqués dans des actions contre les autorités allemandes et les collaborateurs, vont, surtout à partir de 1942, entrer en clandestinité, munis de fausses cartes d’identité et logés dans des planques sous des noms d’emprunt. Ils s’engagent grâce à l’organisation de la Résistance, grâce à des proches et grâce à une partie de la population française qui désire aider les résistants malgré les risques encourus. Respecter des consignes strictes est parfois difficile surtout pour des jeunes militants, éloignés de leur famille. Pour ces résistants clandestins, il est essentiel de passer inaperçus, de se fondre dans la masse, d’être vêtus comme tout le monde. L’organisation clandestine permet d’assurer quelques subsides à ceux qui deviennent permanents. Elle les met en contact avec des filières de faux-papiers qui fournissent des cartes d’alimentation, des permis de travail, de voyager, des exemptions au STO… diffusés par les imprimeries clandestines.
Il existe divers niveaux de clandestinité : ainsi, les membres des groupes de combat de l’UJRE, bien que munis de faux papiers, continuent à travailler et à vivre parfois avec les leurs alors que les FTP-M.O.I. sont soumis à une stricte clandestinité, ne doivent exercer aucune activité professionnelle, n’ont aucun contact avec leurs familles et sont rémunérés par leur organisation pour survivre.
Face à la répression, et malgré la vigilance des militants, les policiers des Brigades spéciales déployés en nombre, réussissent à infiltrer certains réseaux. Arrêtés, torturés, des résistants mourront sans révéler leur véritable identité.
Référence
Endewelt Robert, 2009, Les Juifs ont résisté en France (L’engagement dans la Résistance des jeunes juifs parisiens avec la M.O.I. 1940-1945). Ed. AACCE
(1908-2002)
Né à Morlaix le 12 juin 1908, Henri Tanguy devient, à 14 ans, ouvrier métallurgiste dans la région parisienne et adhère aux Jeunesses communistes. Il rejoint les rangs des Brigades internationales antifascistes en 1937, lors de la guerre civile espagnole. Commissaire politique de brigade, il développe, sur le terrain, une maîtrise militaire indiscutable. Lors de la bataille de l’Èbre, il est blessé.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, en 1940, il contribue à la création de l’Organisation spéciale (OS) clandestine du Parti communiste et organise, dans la région parisienne, des sabotages contre les troupes allemandes. Remarqué par le PCF pour ses compétences militaires, il se consacre, désormais, à la lutte armée contre l’Occupant. Henri Tanguy est un des responsables militaires des premiers groupes armés qui deviennent les Francs-tireurs et partisans français (FTPF ou FTP), forces de Résistance opérationnelles dès 1942. Il dirige, en outre, avec sa femme, Cécile, la publication clandestine Le Franc-tireur parisien.
En 1944, les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI), qui regroupent les principaux mouvements de Résistance, sont constituées. Henri Tanguy y représente les FTP.
Il est responsable de la capitale et de la région parisienne et adopte alors le pseudonyme de Rol, emprunté à l’un de ses compagnons des brigades internationales tué lors de la guerre civile en Espagne.
Henri Rol-Tanguy est officiellement élu chef régional FFI le 5 juin 1944 avec le grade de Colonel. Il est secondé par un état-major très efficace.
Rol-Tanguy met en œuvre la tactique des FTP et FTP-M.O.I. (notamment la guérilla urbaine) et l’applique avec une extrême rigueur.
Le 18 août, Rol lance l’ordre de mobilisation générale en accord avec le Comité parisien de Libération (CPL). Le 19, il dirige l’insurrection parisienne. La Deuxième division blindée (2ème DB) commandée par le général Leclerc entre dans Paris, la « Nueve » en tête (les républicains espagnols de la 9ème compagnie, rattachée à la 2ème DB).
Le 25 août, à la gare Montparnasse, il signe aux côtés du général Leclerc, l’acte de reddition du général von Choltitz.
Il participe en 1945, à la campagne d’Allemagne qui marque la fin du conflit mondial.
Le 18 juin 1945, il est fait Compagnon de la Libération par le général de Gaulle.
Bien que reconnu comme un excellent officier, Rol-Tanguy est victime de la guerre froide, parce que communiste.
Sans emploi, il est mis à la retraite d’office en 1962.
Le Musée de la Libération de Paris, ouvert en 2019, place Denfert-Rochereau dans le 14ème arrondissement, lui rend hommage avec la visite de son poste de commandement souterrain.
Références
— Bourderon Roger, 2004, Rol-Tanguy : Un héros clandestin de la Seconde Guerre mondiale. Ed. Tallandier.
— Photo : Musée de l’Ordre de la Libération
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Plusieurs groupes FTP-M.O.I. se forment en zone sud mais certains sont particulièrement mobilisés.
À Lyon, à l’été 1942, quelques anciens brigadistes de la guerre d’Espagne et des militants de la Jeunesse communiste se regroupent. Tous sont des Juifs étrangers. Ils forment le détachement « Carmagnole ».
En sus de « Carmagnole », se forme un second détachement, dit « Simon-Frid », du nom d’un combattant guillotiné en décembre 1943 mais ce détachement ne sera jamais au complet.
À Grenoble, le détachement « Liberté » (30 hommes) est constitué au printemps 1943.
Les actions sont nombreuses, dans les régions lyonnaise et grenobloise, contre l’occupant et le régime de Vichy.
À partir du Débarquement, « Carmagnole » et « Liberté » vont créer chacun un maquis, chaque structure réunissant plus d’une centaine de combattants et intégrant des Italiens, des mineurs polonais, et de jeunes Français fuyant le STO.
La liste de la centaine de morts de Carmagnole » et « Liberté » de 1942 à 1944 révèle que l’organisation repose essentiellement sur les immigrés juifs d’Europe de l’est.
À Toulouse, la 35e Brigade, dite « Brigade Marcel Langer » porte le nom de son commandant, juif polonais, ancien brigadiste, assassiné par Vichy. C’est une unité mixte. Elle est composée de 60 membres, principalement des Juifs d’Europe de l’est.
Les femmes, très impliquées, transportent les armes, filent les cibles et fabriquent les bombes.
Le bilan de la « Brigade » est impressionnant : sabotages de voies ferrées, d’usines, de dépôts de matériel allemand, attaques de convois allemands, exécutions de magistrats collaborateurs, de miliciens… Les combattants réussissent à créer un climat d’insécurité permanente pour l’ennemi.
À Marseille, le détachement Marat, devenu plus tard la compagnie Maurice Korsec, du nom de son jeune commandant juif, assassiné par les nazis à l’âge de 19 ans, est également très dynamique. Le 11 novembre 1942, lors de l’entrée des troupes allemandes à Marseille, une bombe détruit un camion allemand en plein centre de la ville. De très nombreuses autres actions vont suivre.
D’une manière générale, malgré leur faible effectif, les résistants FTP-M.O.I., à Paris comme au Sud, sont très efficaces dans leur lutte contre le nazisme et pour la liberté. Ils participent tous aux combats pour la Libération.
Références
— Collin, Claude in : F. Marcot (dir.) 2006, Dictionnaire historique de la Résistance : Ed. Robert Laffont.
— Ravine, Jacques (1973) La Résistance organisée des Juifs en France 1940 1944 : Ed. Julliard
(Mosche ou Moïse)
(1896 –1941)
Né le 7 janvier 1896 à Varsovie dans une famille juive polonaise de huit enfants, Israël Bursztyn commence très jeune à travailler comme apprenti chez un ébéniste de Varsovie.
Au début de la guerre de 1914, les Allemands l’envoient dans les mines d’Essen, où il participe aux grèves revendicatives de 1916-1917 aux côtés des ouvriers allemands. Après la paix de Brest-Litovsk (signée par le gouvernement russe, l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie), il retourne à Varsovie, adhère au Parti social-démocrate et est aussitôt arrêté et incarcéré. Une fois libéré, il retourne en Allemagne, à Essen, où il adhère à l’Union Spartakus, organise ses camarades immigrés et crée le mouvement culturel juif Lumière, Il est condamné à six ans de réclusion pour sa participation au soulèvement Spartakus de novembre 1918, mais il réussit à s’évader et regagne la Pologne où il est mobilisé en 1919.
Arrivé en France en avril 1922, il s’installe dans le 20ème arrondissement de Paris avec sa femme, Yochwet Brand, dont il a deux fils.
En 1927, il s’installe dans le 11ème arrondissement comme tourneur sur bois.
Il obtient la nationalité française par naturalisation en août 1930.
La crise de 1930 le contraint à devenir vendeur en bonneterie sur les marchés.
Militant syndicaliste, trésorier de l’Union des travailleurs artisans et marchands forains de la CGTU, il est président de l’Amicale des marchands forains et petits commerçants juifs. Membre de la section juive de la M.O.I., il est administrateur du journal en langue yiddish, La Naïe Presse dès sa création en 1934 et de la Société des éditions ouvrières juives qui publie aussi des livres et des brochures.
À la déclaration de la guerre, il est mobilisé mais rentre rapidement à Paris. Militant de « Solidarité », organisation clandestine issue de la section juive de la M.O.I., il participe dans son appartement, à la confection de colis pour les internés de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande. Au cours de la première rafle de Juifs opérée dans le 11ème arrondissement, le 20 août 1941, il est arrêté par la police française et interné au camp de Drancy. En représailles aux attentats de novembre 1941, les autorités allemandes ordonnent l’exécution de cent otages communistes, juifs, dont 53 juifs extraits de Drancy.
Israël Bursztyn est l’un des 95 otages fusillés par les Allemands au Mont-Valérien, le 15 décembre 1941.
Références
— Le Maitron, par Lynda Khayat
— Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires. Éd. Messidor. Éditions sociales.
— Diamant David, 1971, Les Juifs dans la Résistance française 1940-1944 (Avec ou sans armes). Le Pavillon Roger Maria éditeur.
—Photo : CDJC (DR)
(1897-1980)
Louis Darquier de Pellepoix esr un homme politique français né en 1897 à Cahors.
Après une jeunesse désœuvrée et trouble, il rejoint les « Croix – de – Feu, » organisation d’extrême droite, et il adhère, dans les années 1930, à l’ « Action française », mouvement politique nationaliste et royaliste.
Il s’illustre à l’arrivée de Léon Blum au pouvoir par un antisémitisme virulent.
Début 1937, il fonde le « Rassemblement antijuif de France » et lance le journal L’Antijuif.
Au cours d’un meeting, cette année-là, il déclare : « nous devons résoudre de toute urgence le problème juif, soit par l ‘expulsion soit par le massacre ».
Partisan très tôt de l’Allemagne nazie, il collabore activement avec l’occupant, prône la destitution des Juifs de la nationalité française et est nommé, en 1942, par Pierre Laval, antisémite forcené, à la tête du Commissariat général aux questions juives (CGQJ), en remplacement de Xavier Vallat jugé trop modéré.
Darquier est directement impliqué dans de nombreuses mesures antijuives criminelles dont la « rafle du Vel d’Hiv ».
En décembre 1947, Il est condamné par contumace à la peine de mort, à la dégradation nationale et à la confiscation de ses biens.
En 1978, depuis sa résidence espagnole, il nie, avec cynisme, la réalité de la Shoah « Je vais vous dire, moi, ce qui s’est exactement passé. On a gazé à Auschwitz. Oui, c’est vrai. Mais on a gazé les poux » (déclaration au journal français l’Express).
Sans être inquiété, il meurt, en 1980, dans l’Espagne franquiste où il a trouvé refuge comme nombre d’autres collaborateurs des nazis.
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Au début de la guerre, le PCF, contraint à la clandestinité, est sérieusement affaibli par les défections de militants à la suite du pacte germano-soviétique, par les arrestations de communistes et par la mobilisation de nombreux hommes sous les drapeaux.
Le Parti entreprend une réorganisation. La tentative de reparution légale de L’Humanité, négociée avec les Allemands, est rapidement abandonnée et condamnée par la direction en exil en URSS.
L’adversaire dénoncé est, avant tout, le gouvernement de Vichy qui pourchasse et arrête les militants.
En fait, dès juin et début juillet, plusieurs textes élaborés par des dirigeants du Parti mettent l’accent sur l’indépendance nationale. C’est le cas de l’appel lancé par Charles Tillon, un des dirigeants du PCF, à Bordeaux. La déclaration, signée, entre le 17 et le 19 juin 1940 à Moscou, par Maurice Thorez et André Marty (autres dirigeants du PCF) précise que « désormais, il s’agit de l’existence même de notre peuple comme nation souveraine, de la France comme État indépendant ». Quelques semaines plus tard, au moment où les deux Chambres votent à Vichy les pleins pouvoirs à Pétain, le PCF adopte un Appel au Peuple de France, que l’on retiendra après-guerre sous le nom d’Appel du 10 juillet 1940, signé de Jacques Duclos et de Maurice Thorez. L’appel ne nomme pas l’occupant mais cible avant tout « les traîtres de Vichy », fustige « l’humiliation de l’occupation » et invoque à plusieurs reprises le « droit à l’indépendance ». De diffusion relativement limitée, ce texte n’est même pas évoqué par L’Humanité clandestine qui évoque le sort des veuves et des orphelins, l’absence d’un million et demi de prisonniers et les pénuries liées aux prélèvements effectués par les occupants.
La lutte contre les nazis n’est pas, au début, l’axe principal de l’action communiste. L’adversaire de premier plan est, en 1940, Philippe Pétain « marionnette des Allemands ».
Référence
Martelli Roger, Vigreux Jean, Wolikow Serge, 2020. Le Parti rouge. Une histoire du PCF 1920-2020. Ed Armand Colin
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Consciente que la déportation menaçait tous les Juifs, français ou immigrés, communiste ou non, l’UJRE s’était adressée à plusieurs reprises – sans succès – aux divers courants de la Résistance juive. Mais, en été 1943, une rencontre a lieu à Grenoble entre la Résistance communiste juive et les autres structures juives de Résistance. Malgré un désaccord lié à l’organisation commune de la lutte armée, l’unité se fait sur tout ce qui touche à l’aide et à la protection des Juifs.
Un compromis aboutit à la création d’un Comité juif unique de défense puis d’un Comité général de défense, dirigé par Léo Glaeser et Henri Adam, qui se fixe pour objectif la défense des Juifs de France et la résistance aux déportations.
Le Consistoire (instance religieuse) légaliste, demeure à l’écart du CGD. Ce n’est qu’en décembre 1943, après l’arrestation de son président, qu’il accepte de rencontrer les représentants du CGD, composé essentiellement de Juifs d’Europe de l’Est. Le Consistoire entre alors dans le CGD, organisme commun de la Résistance juive. Devenu emblématique de la communauté juive de France, il prendra le nom de Conseil représentatif des Israélites de France puis de Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF).
Références
- Rayski Adam, 1992, Le Choix des Juifs sous Vichy. Ed. La Découverte.
- Adler Jacques, 1985, Face à la persécution. Les organisations juives à Paris de 1940 à 1944. Ed. Calmann-Lévy
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Témoignage chrétien est une publication fondée à Lyon en 1941. Le principal animateur des Cahiers du témoignage chrétien est le jésuite Pierre Chaillet, fondateur de l’ Amitié chrétienne. Le R.P de Lubac participe activement à la rédaction.
Pierre Chaillet s’inquiète de la montée du nazisme. Après la défaite de la France, c’est au cours d’une rencontre avec, notamment, Henri Frenay, catholique pratiquant et chef du réseau de Résistance, Combat, que naît le projet d’une publication chrétienne clandestine. Elle est animée par des catholiques, rapidement rejoints par des protestants.
Les premiers Cahiers du Témoignage chrétien paraissent à Lyon le 16 novembre 1941.
Le sous-titre, ouvertement antinazi, « France, prends garde de perdre ton âme » est éloquent. 14 des 53 cahiers sont consacrés à la dénonciation du nazisme.
Citons, à titre d’exemples, quelques titres de ces dossiers :
-Notre combat : décembre 1941
-Antisémites : avril-mai 1942
-Les voiles se déchirent : cahier saisi et détruit par la police mais qui paraît finalement en août 1943
-Où allons-nous ? Message de Georges Bernanos, août-septembre 1943
Grâce à l’implication des animateurs du Témoignage chrétien, des enfants juifs sont cachés et sauvés.
Georges Montaron, après-guerre, poursuit le combat progressiste du Témoignage chrétien.
Référence
Bédarida Renée et François, 2001, La Résistance spirituelle 1941-1944 : les cahiers clandestins du Témoignage chrétien, Paris Ed. Albin Michel.
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Après l’attaque de l’URSS, le 22 juin 1941, par l’armée allemande, le Parti communiste français, conformément aux directives de l’Internationale communiste, se donne pour objectif de désorganiser le fonctionnement de l’armée d’occupation allemande en France.
Début août, la direction des JC (Jeunesses communistes) se consacre au recrutement de jeunes, prêts à s’engager dans la lutte armée. Dans les arrondissements populaires de l’est parisien, quelques petits groupes se forment sous la responsabilité de Pierre Georges (le futur colonel Fabien) et d’Albert Ouzoulias (futur responsable militaire national des FTP) qui donne aux groupes armés des JC le nom de Bataillons de la Jeunesse.
À la mi-août, six très jeunes volontaires sont initiés, par Pierre Georges, à l’utilisation d’explosifs et d’armes. Ils seront les auteurs des premiers attentats (dont l’attentat du métro Barbès à Paris) visant des militaires allemands à partir du 21 août 1941.
En février-mars 1942, au bout de cinq mois d’activité, les Bataillons de la Jeunesse, dont les effectifs cumulés ne dépassent jamais quelques dizaines de combattants, sont démantelés par les Brigades spéciales de la Préfecture de police de Paris. Traqués par les BS et livrés aux Allemands, les Bataillons de la Jeunesse sont décimés après deux procès en mars et avril 1942 (procès du Palais Bourbon et procès de la Maison de la Chimie) au terme desquels la quasi-totalité des accusés sont condamnés à mort et exécutés.
Oubliés après la guerre, ces pionniers de la lutte armée sont honorés par la pose d’une plaque mémorielle près de l’Assemblée Nationale, en 2003.
Parmi ces jeunes « Morts pour la France », Fernand Zalkinov (18 ans, membre des JC du 20ème arrondissement) et Acher Semaya (26 ans, JC du 11ème) sont reconnus comme combattants FTP-M.O.I. par le Ministère des Anciens Combattants.
Par ailleurs, Simone Schloss, jeune Juive condamnée lors du procès de la Maison de la Chimie, est décapitée à Cologne le 2 juillet 1942. Elle était l’agent de liaison de Conrado Miret-Muste, premier chef des groupes armés de la M.O.I., arrêté en février 1942, mort sous la torture quelques jours avant l’ouverture du procès du Palais Bourbon.
Référence
Ouzoulias Albert, 1967, Les Bataillons de la Jeunesse, Éditions Sociales.
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En France, dès juillet 1936, les Yaskistes (issus du Yask, association sportive de Juifs immigrés progressistes), décident de rejoindre l’armée républicaine espagnole.
Le premier groupe organisé de volontaires juifs part de Paris le 8 août 1936.
Le 22 octobre, à l’initiative des communistes, des Brigades internationales sont créées. Les volontaires, venus de nombreux pays, sont enrôlés en France. Les antifascistes juifs, français ou étrangers, comptent parmi les premiers recrutés. Un Comité juif pour l’aide à l’Espagne républicaine est fondé à Paris. Il prend en charge les nouveaux arrivants.
Le recrutement et le convoiement des volontaires s’effectuent sous l’égide de la M.O.I. (Main-d’Oeuvre Immigrée) qui informe politiquement les futurs combattants sur la lutte antifasciste grâce à l’expérience des Juifs immigrés d’Europe de l’Est.
Pendant toute la durée de la guerre civile espagnole, les organisations juives progressistes en France viennent régulièrement en aide aux combattants juifs par l’envoi de ravitaillement, de vêtements ou d’argent.
Le 7 août 1937, paraît, en yiddish, le premier numéro du journal du front Les combattants de la liberté.
La compagnie Botwin, spécifiquement juive, est créée le 12 décembre 1937. Les Juifs souhaitent montrer qu’ils savent combattre, eux aussi, quand il s’agit de défendre la liberté et la démocratie. Le 30 décembre, paraît le premier numéro d’un deuxième journal du front en yiddish, Botwin. 5 autres numéros suivront.
La Naïe Presse manifeste sa solidarité avec le peuple espagnol.
La participation des Juifs (environ 8000 répartis dans différentes brigades) à la guerre civile espagnole contre les forces fascistes participe de leur attachement à l’idéal révolutionnaire universaliste et laïque qui les anime. Beaucoup sont tués. La guerre s’achève en avril 1939 avec la victoire des fascistes. Les combattants républicains qui se sont réfugiés en France, sont parqués dans des camps d’internement par le gouvernement français et seront bientôt livrés aux nazis.
Références
— Diamant, David, 1979, Combattants juifs dans l’armée républicaine espagnole, 1936-1939, Paris, Éditions du Renouveau.
— Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions sociales.
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L’Humanité est interdite depuis le 26 août 1939 par le gouvernement Daladier mais La Naïe Presse paraît jusqu’à la fin septembre avant d’être interdite à son tour. Adam Rayski, ancien rédacteur en chef de la Naïe Presse, fortement mobilisé, décide de diffuser, dès que possible, une publication clandestine. Un premier numéro en yiddish, intitulé Unzer Wort (ou Unzer Vort), paraît le 15 juillet 1940.
Unzer Wort reparaît, à intervalles assez réguliers, à partir du 29 septembre 1940.
Par la suite, la version française, en zone nord, a pour titre Notre Parole, la parole de l’opposition des Juifs progressistes au fascisme et à l’antisémitisme.
Principal organe de la Résistance juive sous l’Occupation, le journal dénonce (en yiddish et en français) les internements massifs de Juifs étrangers, les mesures discriminatoires prises contre les Juifs et lance des appels à la Résistance.
Fin mars 1941, les premières arrestations de Juifs communistes ont lieu à Paris. Huit militants sont appréhendés, dont Isidore Fuhrer, chez qui on découvre une machine à écrire à caractères hébraïques (utilisés en yiddish) et un stencil destiné à Unzer Wort.
Dès le 8 août 1941, un numéro de Unzer Wort exhorte « les masses populaires juives » à aller « comme toujours, main dans la main avec le peuple français dans la lutte contre le fascisme, pour une France libre » où les Juifs, seront des « citoyens libres. »
Le 24 août 1941, des intellectuels et des artistes juifs d’URSS révèlent sur les ondes de Radio Moscou les massacres de masse perpétrés contre les Juifs à l’Est et appellent les Juifs du monde entier à intensifier leur combat contre le nazisme. L’appel est publié le 1er septembre 1941 en France grâce à un numéro spécial d’Unzer Wort imprimé chez Rudolf Zeiler.
En juin 1942, à Lyon, paraissent l’édition de la zone Sud de Unzer Wort et sa version française, Notre Voix.
90 numéros de Unzer Wort sont publiés à la fois en yiddish et en français, entre 1940 et 1944.
Des militants juifs sont exécutés pour avoir propagé des idées communistes et antinazies. Les animateurs de la presse clandestine juive sont particulièrement visés : une trentaine d’entre eux sont fusillés ou déportés.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires. Messidor/Éditions sociales
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Le Commissariat Général aux Questions juives, créé en mars 1941, concrétise la dimension administrative et juridique de l’antisémitisme d’État français. Son premier commissaire général est Xavier Vallat, remplacé, à la demande des nazis, par Louis Darquier de Pellepoix en mai 1942. Le CGQJ est aussi chargé des Tziganes.
La loi du 29 mars en précise les fonctions :
— proposition de nouveaux textes discriminatoires envers les Juifs
— coordination de l’action des administrations françaises dans la politique anti-juive
— liquidation des biens juifs et désignation de leurs administrateurs
— supervision des mesures de la politique anti-juive.
Principal service du Commissariat, la Direction de l’aryanisation économique (DAE) exécute les mesures économiques prises contre les Juifs et supervise le Service du contrôle des administrateurs provisoires (SCAP), rattaché au CGQJ par décret du 19 juin 1941. Second service important, la Police des questions juives (PQJ) intitulée ensuite Section d’enquête et de contrôle (SEC) recherche les infractions au statut des Juifs.
Le CGQJ est officiellement fermé à la fin août 1944. Ses biens sont mis sous séquestre et confiés au Ministère des Finances.
Références
— Billig Joseph (1955-1957-1960), Le Commissariat général aux questions juives (1941-1944), vol. 1,2 et 3, Paris, Centre de documentation juive contemporaine.
— Bruttmann Tal. 2006, Au bureau des affaires juives : l’administration française et l’application de la législation antisémite (1940-1944), La Découverte, coll. « L’espace de l’histoire.
— Joly Laurent, 2006, Vichy dans la « Solution finale » : histoire du Commissariat général aux questions juives (1941-1944), Paris, Grasset.
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Plus d’un mois sépare l’interdiction de l’Humanité (le 26 août 1939) de celle de La Naïe Presse. Le journal continue à paraître, ce qui permet à Adam Rayski de signer le 4 septembre un éditorial dans lequel il proclame, en contradiction avec de l’Internationale communiste : « Nous, juifs, avons un compte à régler avec Hitler… l’heure a sonné, le moment est venu, une guerre sans pitié commence ».
Il fallait informer, alerter, convaincre, développer l’esprit de Résistance.
En application du décret de dissolution du Parti communiste du 26 septembre 1939, la Naïe Presse, quotidien progressiste en yiddish, est interdite de publication, circulation, distribution et mise en vente. Le 2 octobre 1939, la police notifie la décision à Gaston Barrois, directeur de la publication.
En septembre 1940, la section juive de la Main-d’Oeuvre Immigrée (M.O.I.) se reconstitue. La Naïe Presse reparaît le 29 septembre 1940, clandestinement. 90 numéros sont publiés à la fois en yiddish, sous le titre de Unser Wort (ou Unzer Vort) et en français, sous le titre Notre Parole (en zone nord) et Notre Voix (en zone sud) entre 1940 et 1944. Ces journaux diffusent des consignes de sécurité, décrivent la vie dans les camps de France, les déportations, les exécutions, l’extermination, la lutte armée du peuple de France, les dernières lettres des partisans, l’épopée que fut le soulèvement du ghetto de Varsovie.
Plusieurs rédacteurs de La Naïe Presse périssent durant l’Occupation dont son rédacteur en chef, Mounié Nadler, fusillé le 11 août 1942 au Mont-Valérien.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires. Messidor/Éditions sociales
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Lorsque la France entre en guerre contre l’Allemagne nazie, le 3 septembre 1939, des dizaines de milliers d’étrangers affluent dans les bureaux de recrutement ouverts pour les étrangers qui souhaitent combattre dans l’armée française (parmi eux, des réfugiés allemands et autrichiens).
À Paris, ils peuvent s’inscrire au ministère de la Guerre rue Saint-Dominique, auprès des casernes de Reuilly et Vincennes, ou, également, pour plus de 10000 d’entre eux, à la permanence de la LICA (Ligue Internationale Contre l’Antisémitisme).
Les étrangers enrôlés sont versés dans des corps spéciaux créés à partir de la fin septembre 1939, comme les RMVE (Régiments de marche des volontaires étrangers). G. Kenig, par exemple, rédacteur à La Naïe Presse ou Boris Holban, futur chef militaire des FTP-M.O.I. de la région parisienne, intègrent les RMVE. D’autres unités accueillent les étrangers tels les REI (Régiments étrangers d’infanterie) rejoints, par exemple, par Marceau Vilner. Les Bataillons de marche des pionniers volontaires étrangers et deux bataillons de la Légion étrangère complètent ces corps spéciaux. Au total, on compte cinq régiments et cinq bataillons.
Par ailleurs, les citoyens polonais, parmi lesquels un certain nombre de Juifs polonais, sont mobilisés dans les rangs de l’armée polonaise en France (comme Adam Rayski, Simon Frid ou Joseph Epstein).
La plupart de ces formations se battent sur les fronts de 1940, en Norvège à Narvik, en Belgique, sur le front d’Alsace, lors de la bataille de la Somme et de la Marne… où elles subissent de lourdes pertes.
Rendus à la vie civile après la défaite, les anciens combattants juifs engagés volontaires sont transférés par centaines, un an plus tard, en tant que Juifs étrangers, dans les camps du Loiret ou de Drancy. Destination : Auschwitz…
Quant à ceux qui sont faits prisonniers par les Allemands, ils peuvent survivre dans des camps de prisonniers de guerre en Allemagne (les stalags) sous la relative protection de la Convention de Genève (définissant le statut des prisonniers de guerre).
Référence
Collectif, 1971, Le Combattant volontaire juif 1939-1945. Abexpress.
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Les Brigades spéciales (BS) de la Préfecture de Police de Paris forment un service spécialisé au sein des Renseignements Généraux. Leurs premiers agents sont affectés dès mars 1940 mais les BS ne se développent réellement qu’à partir de l’été 1941 et, principalement, au début de l’année 1942. Leur mission consiste à traquer les « ennemis intérieurs » de la France.
Les Brigades spéciales travaillent en étroite collaboration avec les différents services de la police allemande, dont la Gestapo.
Les résistants, dans leur ensemble, sont les premiers visés mais les BS sont chargées, en priorité, de la répression de la Résistance communiste juive. Des sections des BS sont présentes dans toutes les grandes villes françaises.
À leur création, les BS sont composées de volontaires, généralement des policiers membres de partis collaborationnistes. Toutefois, devant les difficultés de recrutement, de jeunes policiers viennent gonfler les effectifs. L’entraînement à la filature est parfaitement maîtrisé par tous les agents. Les interrogatoires sont d’une grande brutalité (matraquages, tortures, sévices divers).
Les BS les plus importantes opèrent en région parisienne et organisent les 3 grandes traques qui ciblent la M.O.I.
La première filature commence en janvier 1943 pour se terminer le 18 mars 1943. Elle concerne l’Organisation des Jeunes communistes juifs. 57 jeunes sont arrêtés sous l’inculpation d’assassinats, menées terroristes et complicité.
Parmi ces jeunes, Henri Krasucki, Paulette Sliwka, Sam Radzinski et Roger Trugnan, sont déportés à Auschwitz comme la plupart de leurs camarades.
La seconde filature vise la branche politique et militaire de la M.O.I. Elle commence le 22 avril 1943 et se termine fin juin. 71 résistants sont arrêtés et déportés. Les membres du détachement juif sont remis directement aux Allemands par la police française. L’organisation juive est démantelée.
Enfin la troisième filature menée par les Brigades spéciales est centrée sur les FTP-M.O.I. parisiens, originaires de plusieurs détachements, et qui ont mené des actions décisives contre des responsables nazis. Commencée le 26 juillet 1943, cette 3ème filature prendra fin en novembre 1943.
63 résistants sont arrêtés dont Joseph Epstein, Missak Manouchian et Marcel Rayman qui seront fusillés et Olga Bancic qui sera décapitée.
Référence
Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1989, Le Sang de l’étranger. Ed. Fayard
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Jean Moulin, préfet d’Eure-et-Loir, conscient de la force de la Résistance intérieure, en informe le Général de Gaulle, chef de la Résistance extérieure, basé en Angleterre.
L’idée d’une unification des différents mouvements de Résistance, pour une plus grande efficacité, est avancée car seuls les FTPF et FTP-M.O.I., proches des communistes, sont conçus en structures militaires.
En outre, l’unification de la Résistance, voulue par de Gaulle, répond à son désir d’asseoir son autorité auprès des alliés. À Paris, le 27 mai 1943, a lieu la première réunion du Conseil national de la Résistance (CNR), présidée par Jean Moulin, délégué de Charles de Gaulle en France. Les obstacles sont nombreux mais, autour de la table, sont présents les représentants de huit grands mouvements de la Résistance intérieure, de six partis politiques et de deux syndicats, de la droite républicaine aux communistes.
Jean Moulin est arrêté par la gestapo le 21 juin 1943. Il mourra le mois suivant après avoir été torturé. Georges Bidault deviendra le second président du CNR.
Le Programme du CNR, « Les Jours Heureux », paraît le 15 mars 1944 après un long cheminement et plusieurs moutures. Peu diffusé à sa parution, ce programme prend toute sa place durant les années 1944-45. Son premier volet souligne l’importance de l’action immédiate avec la mise en place des milices patriotiques qui œuvrent à la libération de la France, le second volet présente des mesures économiques et sociales démocratiques inspirées des valeurs communistes.
Les mesures à appliquer promeuvent la suppression de toutes les discriminations dont les Juifs ont été victimes, la restitution de leurs biens, le respect de la personne humaine pour tous, la justice sociale, le retour à la nation des grands moyens de production, le droit au travail, à la retraite, à l’instruction, à la sécurité sociale…
Le poids des interventions des nombreux résistant (e) s et des débats à l’Assemblée consultative provisoire qui siège à partir de 1943 à Alger puis à Paris, permet l’adoption d’ordonnances aux contenus progressistes portant les idées du Programme du CNR.
Les divergences d’idées au sein des différentes sensibilités du CNR expliquent en grande partie les absences de référence à la laïcité, au vote des femmes ou aux colonies.
Références
— CNR, 1944, « Les Jours Heureux » Paris.
— Andrieu Claire, 1984, « Le Programme commun de la Résistance » Paris Ed. de l’Érudit.
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L’Organisation spéciale (OS) est créée dès 1940 par le Parti communiste, clandestin depuis sa dissolution en septembre 1939. Formée d’éléments aguerris, elle a d’abord pour tâche de protéger les dirigeants et de sécuriser les militants lors des manifestations, des prises de paroles sur les marchés, des distributions de tracts. Elle s’emploie aussi à constituer des stocks d’armes. Des Juifs immigrés y participent.
Le PCF prend la décision de se lancer dans la lutte armée contre l’occupant allemand après l’invasion de l’URSS et en accord avec les directives reçues de l’Internationale communiste. Ce sont les membres de l’OS., renforcés par le recrutement de jeunes communistes (les futurs Bataillons de la jeunesse) qui perpètrent les premiers attentats contre les forces d’occupation au cours desquels des officiers allemands sont abattus : attentat parisien de Barbès réalisé par Pierre Georges (le futur colonel Fabien) le 21 août 1941, attentat de Nantes effectué par trois membres de l’OS venus de Paris, Gilbert Brustlein, Marcel Bourdarias et Spartaco Guisco, 20 octobre 1941, attentat de Bordeaux mené par Pierre Rebière, le 21 octobre 1941.
Devant l’ampleur des représailles allemandes avec l’exécution de nombreux otages et les réactions négatives qu’elles provoquent dans l’opinion, la direction communiste ne revendique pas alors publiquement ces actions de l’OS.
Cependant, la lutte armée continue et se renforce. Une étape est franchie en avril 1942 avec la fusion de l’OS, des Bataillons de la jeunesse et des groupes armés de la M.O.I. dans une nouvelle organisation armée : les Francs-tireurs et partisans (FTP et FTP-M.O.I.) ouverts à tous les résistants.
Références
— Guérin Alain, 2000 Chronique de la Résistance, Éditions Omnibus (également éditée en 1972-1976 par le Livre-Club Diderot).
— Daix Pierre, 2013, Les Combattants de l’impossible. La tragédie occultée des premiers résistants communistes, Paris, Robert Laffont.
(1908-1942)
Samuel Mounié Nadler naît le 27 octobre 1908 en Pologne, à Gliniany, dans une famille juive très pratiquante.
Il fréquente l’école rabbinique, devient secrétaire du rabbin Shapiro, député du parlement polonais, et publie des textes poétiques dans le journal Der Yud, émanation du parti religieux Agouda.
À partir de 1932, Nadler se détache de son milieu et adhère au groupe d’écrivains progressistes de Varsovie Di literariche tribune (La Tribune littéraire).
Les difficultés économiques et l’antisémitisme le poussent à s’exiler en France. Après avoir obtenu un diplôme d’ingénieur en électronique, il est de nouveau tenté par le journalisme.
Membre de la section juive de la M.O.I., il devient l’un des rédacteurs les plus marquants du journal progressiste de langue yiddish, La Naïe Presse, créé en 1934. Il occupe à la fois les postes de secrétaire de rédaction, reporter, critique ou polémiste sous différentes signatures.
En 1934, Nadler publie en yiddish un poème prémonitoire dont suit un extrait :
« Qu’ils posent cent scellés
Qu’ils mettent des serrures aux portes
Et confisquent mille fois.
Tant qu’il y aura du sang dans nos veines
Et du papier,
Ta voix, ma presse révolutionnaire
Ne se taira pas
On imprimera, on imprimera, sans relâche
Partout.
Sur les presses, sur les machines à écrire, sur les pierres
À lithographier et à polycopier.
Dans les réduits, les caves, les greniers.
Dans les forêts, dans les granges et dans les terrains
vagues.
Et demain notre journal de nouveau paraîtra. »
En septembre 1940, il est l’un des cofondateurs de l’organisation illégale d’entraide puis de Résistance, « Solidarité ». Il s’emploie à organiser les intellectuels juifs immigrés dans la clandestinité et il poursuit ses activités de journaliste en qualité de rédacteur en chef de Unzer Wort, l’édition clandestine de La Naïe Presse interdite ; il écrit également dans la version française Notre Voix.
C’est lui qui a la charge du premier numéro du bulletin clandestin J’accuse qui révèle au plus grand nombre les crimes dont les Juifs sont les victimes.
En mai 1942, deux membres de l’Organisation spéciale du Parti communiste (l’OS) sont tués lors d’une manipulation accidentelle d’explosifs. La Gestapo, alertée, redouble sa traque contre les résistants, juifs et communistes, et ses attaques contre la presse juive clandestine. Nadler est arrêté, incarcéré à la Santé, puis au camp de Compiègne. Il est exécuté comme otage le 11 août 1942 au Mont-Valérien.
Référence
Diamant David, 1962, Héros juifs de la Résistance française. Éd. Renouveau.
dit Tcharny
(1904-1991)
Edouard Kowalski, de son vrai nom Samuel Goldziuk, naît le 16 avril 1904 à Szczuczyn en Pologne. Entre 1926 et 1929, il étudie les mathématiques et la physique à l’université Jagellon à Cracovie. Il adhère au Parti communiste polonais (KPP) en 1925. Il fait déjà partie de l’organisation étudiante “Zycie”.
En 1928-1929, il est membre du comité régional du Parti communiste à Cracovie. En 1929, il est arrêté par le pouvoir et relâché au bout d’un mois pour absence de preuves. Plus tard, il est recherché par la police, le parti l’envoie alors en Tchécoslovaquie puis à Berlin où il reste six mois en tant que réfugié politique avec l’aide du Secours Rouge international. Arrêté à Berlin durant le congrès européen de la paysannerie, il est relâché. Le Parti communiste allemand l’envoie en France à l’été 1930.
En France, il s’installe d’abord à Paris puis à Toulouse au début de l’année 1932. Il rejoint les rangs du PCF. Il travaille pendant un an dans une entreprise comme manutentionnaire. Recherché par la police pour activité militante, il se réfugie à Paris en 1934 où il dirige “l’Entraide Ouvrière” et participe au lancement de La Naïe Presse, le quotidien en yiddish de la section juive de la M.O.I.
En 1935, avec l’avocat Henri Lewin, vice-président de la LICA (Ligue Internationale Contre l’Antisémitisme), il travaille à un projet de statut juridique pour les immigrés ; il est en même temps Secrétaire général du rassemblement mondial contre le racisme. Excellent orateur, il impressionne les militants qui assistent le mercredi soir aux rencontres de la Kultur Ligue (organisation culturelle de la section juive de la M.O.I.), rue de Lancry.
Kowalski est, de 1937 à 1939, le porte-parole de la section juive de la M.O.I. à la tête de laquelle, à partir de la fin de 1938, il seconde Jacques Kaminski. Pendant l’Occupation, il assure la direction de la section juive clandestine puis dirige le MNCR (Mouvement National Contre le Racisme) dont il est l’un des fondateurs à l’été 1942.
Adjoint à la direction de la M.O.I., responsable des groupes armés, il devient en juin 1943 le responsable de la M.O.I. pour la zone sud.
Après la Libération, il revient à Paris et devient Secrétaire général du CADI (Centre d’Action et de Défense des Immigrés) qui revendique un statut juridique pour les immigrés.
Après son retour en Pologne en 1948, Edouard Kowalski travaille dans l’édition, il est l’un des trois secrétaires nationaux de la FIR (Fédération Internationale des Résistants) et représente la Pologne au bureau international de cette organisation.
Il meurt à Varsovie le 5 avril 1991.
Référence
Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1989, Le sang de l’étranger, Fayard.
En savoir plus
Dès août 1943, la direction du Parti communiste français (PCF) réclame l’instauration de milices ouvrières dans les entreprises, les villages et les villes. Le 15 mars 1944, le Conseil national de la Résistance charge les Comités départementaux de la Libération de créer des « milices patriotiques » en accord avec les FFI qui regroupent toutes les structures de la Résistance, y compris les FTP-M.O.I.
La libération de Paris, le 25 août 1944, galvanise les forces combattantes. Davantage que les groupes de FTP, les milices patriotiques (MP) ont vocation à devenir des organisations de masse ouvertes à tous les patriotes. Leur objectif majeur est sans ambiguïté : « participer à l’insurrection nationale contre l’occupant allemand, protéger la vie et les biens des Français « contre la terreur et la provocation […] ».
La mission prioritaire des FFI est essentielle dans le fonctionnement des « MP » :
« Combattre dès maintenant l’ennemi en harcelant ses troupes ».
Les Juifs sont nombreux au sein des milices patriotiques mais de jeunes Juifs, issus de l’UJJ (Union de la jeunesse Juive), constituent des milices spécifiquement juives avec pour double objectif de récupérer des armes et détruire les panneaux indicateurs qui servent à la circulation des convois militaires allemands. Jean Tancerman, détaché de la zone Sud, encadre militairement la Milice patriotique juive de Paris.
Le fonctionnement des MP, contrôlées principalement par le PCF, pose souvent des problèmes logistiques (pénurie d’armes, manque de responsables et de combattants formés à ce type d’action). Le 28 octobre 1944, le gouvernement provisoire de la République française ordonne, par décret, le désarmement des milices patriotiques. Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, préside à leur dissolution sur ordre du Général de Gaulle. Après l’incorporation des FFI dans l’armée régulière, Charles de Gaulle entend affirmer le rétablissement d’un ordre républicain sous son seul commandement.
Références
— Rapport d’inspection manuscrit inédit de Cécile Cerf, cadre FTP-M.O.I. au maquis de la « milice patriotique » de Saône et Loire, août 1944.
— AACCE (Amis de la Commission centrale de l’enfance), 2009, Les Juifs ont résisté en France (1940-1945. Témoignage de Robert Endewelt, Éd. AACCE.