Le 26 septembre 1939, Daladier dissout le Parti communiste accusé de collusion avec l’ennemi. Toutes les organisations syndicales, culturelles et sportives proches du Parti sont interdites également.
Les liaisons de la direction du Parti communiste, devenu clandestin, avec les responsables de la M.O.I. sont momentanément interrompues. La Naïe Presse paraît jusqu’à la fin septembre 1939 et est interdite à son tour. Les différentes structures du réseau associatif de la section juive de la M.O.I. mettent sans tarder leurs documents et matériels à l’abri (stocks de papier, machines de l’imprimerie, ronéos, stencils…). La pratique de la clandestinité en Europe de l’Est a créé des réflexes…
L’action clandestine de la section juive consiste, dès lors, à maintenir intacts les rangs des militants disponibles (les femmes et les hommes non mobilisables ou non engagés volontaires), à reconstituer l’organisation, à collecter des fonds et à diffuser des informations. Le premier numéro de l’Humanité clandestine paraît fin octobre 1939 ; la décision est prise par les anciens rédacteurs de La Naïe Presse de diffuser également, dès que possible, une publication clandestine : un recto-verso ronéotypé en yiddish intitulé Unzer Wort (ou Unzer Vort), Notre Parole, en français, la parole des Juifs de la M.O.I. confrontés à la guerre.
DISSOLUTION DU PCF-RÉPRESSION ANTI-COMMUNISTE
Référence
Martelli Roger, Vigreux Jean, Wolikow Serge, 2020, Le Parti rouge, une histoire du PCF 1920-2020, Éd. Fayard
INTERRUPTION DES LIAISONS ENTRE LE PCF ET LA M.O.I.
Les militants de la M.O.I. sont confrontés aux mêmes difficultés. De plus, la nouvelle ligne politique qui affirme que la guerre est guidée, des deux côtés, par des objectifs impérialistes étrangers aux intérêts des travailleurs, désoriente les immigrés qui se sont portés volontaires pour combattre dans l’armée aux côtés des Français.
Dans ces conditions, où la seule source d’information encore disponible est une presse qui condamne unanimement le Pacte et les communistes, Louis Gronowski, responsable national de la M.O.I., demande une entrevue avec la direction du Parti. Elle lui est refusée et l’envoyé de la direction, Henri Janin, lui fait savoir que « la direction ne peut pas s’occuper des immigrés et de leurs organisations ; elles doivent se débrouiller seules ». La raison invoquée : le risque d’une infiltration du milieu des immigrés par la police.
Pour ne pas inquiéter les militants qui attendent des instructions, Gronowski ne révèlera pas qu’il est désormais coupé, officiellement, de la direction du PCF. Pendant toute la durée de la « drôle de guerre » il maintient seul les contacts avec les militants immigrés, notamment ceux de la section juive.
Les liaisons entre le PCF et la M.O.I. seront rétablies en août 1940.
Références
— Gronowski-Brunot, Louis, 1980, Le dernier grand soir (pages 120 à 122 et page 126, citation p. 121) Paris, Éd. Le Seuil.
— Rayski, Adam, 1985, –Nos illusions perdues (pages 66 et 67), Paris. Éd Balland.
INTERDICTION DE LA NAÏE PRESSE
Il fallait informer, alerter, convaincre, développer l’esprit de Résistance.
En application du décret de dissolution du Parti communiste du 26 septembre 1939, la Naïe Presse, quotidien progressiste en yiddish, est interdite de publication, circulation, distribution et mise en vente. Le 2 octobre 1939, la police notifie la décision à Gaston Barrois, directeur de la publication.
En septembre 1940, la section juive de la Main-d’Oeuvre Immigrée (M.O.I.) se reconstitue. La Naïe Presse reparaît le 29 septembre 1940, clandestinement. 90 numéros sont publiés à la fois en yiddish, sous le titre de Unser Wort (ou Unzer Vort) et en français, sous le titre Notre Parole (en zone nord) et Notre Voix (en zone sud) entre 1940 et 1944. Ces journaux diffusent des consignes de sécurité, décrivent la vie dans les camps de France, les déportations, les exécutions, l’extermination, la lutte armée du peuple de France, les dernières lettres des partisans, l’épopée que fut le soulèvement du ghetto de Varsovie.
Plusieurs rédacteurs de La Naïe Presse périssent durant l’Occupation dont son rédacteur en chef, Mounié Nadler, fusillé le 11 août 1942 au Mont-Valérien.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires. Messidor/Éditions sociales
SECTION JUIVE DE LA M.O.I.
La section juive yiddishophone, très active, est à la tête de nombreuses institutions sociales et culturelles.
Certains permanents sont membres du Parti communiste. Ils ont, à leurs côtés, quelques centaines d’adhérents qui conservent une activité professionnelle et militent dans le milieu des Juifs immigrés, regroupés, principalement, dans les quartiers populaires du centre et de l’est de Paris.
L’instrument principal de leur influence est, depuis 1934, le journal yiddish quotidien, La Naïe Presse (La Presse Nouvelle). Ces militants agissent au sein de ce qu’on nomme des organisations « de masse », réseaux d’associations diverses qui servent de courroies de transmission pour les mots d’ordre du Parti. Ce sont des viviers d’initiation politique et de recrutement.
Ainsi, la Kultur Ligue, cœur de la vie sociale des jeunes Juifs immigrés, s’installe 10 rue de Lancry et devient en même temps qu’un organisme culturel, une sorte de Bourse du travail et de logement, un bureau de renseignement pour l’obtention de papiers d’identité et de travail. Sous son égide, se créent une bibliothèque, un théâtre yiddish, une chorale, une section de jeunes, un club sportif, un dispensaire, un patronage, des colonies de vacances, une organisation de femmes, des sociétés de villes selon les origines des immigrés… Il s’agit de l’esquisse d’une contre-société couvrant toutes sortes de besoins.
Ces Juifs internationalistes participent aux luttes du mouvement ouvrier français auquel ils sont liés organiquement.
Ils sont partie prenante des combats antifascistes et très présents lors des grandes grèves de 1936 pour soutenir le Front populaire. Ils appuient la république espagnole et beaucoup s’engagent dans les Brigades internationales.
Ils soutiennent la culture yiddish et dénoncent les mesures contre les immigrés, l’antisémitisme en France et les persécutions anti-juives dans l’Allemagne hitlérienne.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Paris, Messidor/Éditions Sociales
UNZER WORT
Unzer Wort reparaît, à intervalles assez réguliers, à partir du 29 septembre 1940.
Par la suite, la version française, en zone nord, a pour titre Notre Parole, la parole de l’opposition des Juifs progressistes au fascisme et à l’antisémitisme.
Principal organe de la Résistance juive sous l’Occupation, le journal dénonce (en yiddish et en français) les internements massifs de Juifs étrangers, les mesures discriminatoires prises contre les Juifs et lance des appels à la Résistance.
Fin mars 1941, les premières arrestations de Juifs communistes ont lieu à Paris. Huit militants sont appréhendés, dont Isidore Fuhrer, chez qui on découvre une machine à écrire à caractères hébraïques (utilisés en yiddish) et un stencil destiné à Unzer Wort.
Dès le 8 août 1941, un numéro de Unzer Wort exhorte « les masses populaires juives » à aller « comme toujours, main dans la main avec le peuple français dans la lutte contre le fascisme, pour une France libre » où les Juifs, seront des « citoyens libres. »
Le 24 août 1941, des intellectuels et des artistes juifs d’URSS révèlent sur les ondes de Radio Moscou les massacres de masse perpétrés contre les Juifs à l’Est et appellent les Juifs du monde entier à intensifier leur combat contre le nazisme. L’appel est publié le 1er septembre 1941 en France grâce à un numéro spécial d’Unzer Wort imprimé chez Rudolf Zeiler.
En juin 1942, à Lyon, paraissent l’édition de la zone Sud de Unzer Wort et sa version française, Notre Voix.
90 numéros de Unzer Wort sont publiés à la fois en yiddish et en français, entre 1940 et 1944.
Des militants juifs sont exécutés pour avoir propagé des idées communistes et antinazies. Les animateurs de la presse clandestine juive sont particulièrement visés : une trentaine d’entre eux sont fusillés ou déportés.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires. Messidor/Éditions sociales