Les Juifs engagés dans la section juive de la M.O.I. ont disposé d’organisations particulièrement solides comme « Solidarité » ou l’UJRE qui ont structuré politiquement, techniquement et logistiquement leur combat contre le nazisme et ses collaborateurs. En raison de la clandestinité de leur lutte, le nombre des résistants n’est pas connu précisément. Ces Juifs immigrés ont mené, dès la déclaration de la guerre et, en particulier à partir de septembre 1940, une action efficace : aide aux illégaux et aux familles les plus éprouvées, diffusion de tracts, de journaux clandestins et protection des enfants juifs. Ils ont appelé la population française à réagir et, tout au long du conflit, se sont engagés dans des actions de Résistance.
La Résistance juive n’est pas uniquement représentée par la M.O.I.. D’autres mouvements juifs ont montré leur détermination : les Éclaireurs Israélites de France (EIF) et le groupe de la rue Amelot (dit Comité Amelot, ont combattu les forces ennemies et caché des enfants juifs, de même que l’Œuvre de Secours aux Enfants (OSE).
Plusieurs réseaux très actifs (Garel, André, Marcel…) et la Women’s International Zionist Organization (WIZO), ont également organisé le sauvetage d’enfants.
Les FTP-M.O.I., forces combattantes créées par le Parti communiste français (PCF) en 1941, et mises en place en 1942, se sont manifestées, à l’instar de « Solidarité », très tôt. La lutte armée a commencé par des actions isolées symboliques avant l’organisation d’une véritable guérilla urbaine ou de maquis. Les attaques directes contre les objectifs militaires ont été nombreuses : déraillements de trains ennemis transportant du matériel de guerre, lieux de commandement occupés par les Allemands incendiés, dépôts d’armes détruits, hôtels réquisitionnés par l’armée assaillis…
Ces femmes et ces hommes étaient mus, par un idéal de justice et de liberté, par leur amour pour la République française, mais aussi par leur détermination à lutter contre le fascisme et le nazisme.
SECTION JUIVE DE LA M.O.I.
La section juive yiddishophone, très active, est à la tête de nombreuses institutions sociales et culturelles.
Certains permanents sont membres du Parti communiste. Ils ont, à leurs côtés, quelques centaines d’adhérents qui conservent une activité professionnelle et militent dans le milieu des Juifs immigrés, regroupés, principalement, dans les quartiers populaires du centre et de l’est de Paris.
L’instrument principal de leur influence est, depuis 1934, le journal yiddish quotidien, La Naïe Presse (La Presse Nouvelle). Ces militants agissent au sein de ce qu’on nomme des organisations « de masse », réseaux d’associations diverses qui servent de courroies de transmission pour les mots d’ordre du Parti. Ce sont des viviers d’initiation politique et de recrutement.
Ainsi, la Kultur Ligue, cœur de la vie sociale des jeunes Juifs immigrés, s’installe 10 rue de Lancry et devient en même temps qu’un organisme culturel, une sorte de Bourse du travail et de logement, un bureau de renseignement pour l’obtention de papiers d’identité et de travail. Sous son égide, se créent une bibliothèque, un théâtre yiddish, une chorale, une section de jeunes, un club sportif, un dispensaire, un patronage, des colonies de vacances, une organisation de femmes, des sociétés de villes selon les origines des immigrés… Il s’agit de l’esquisse d’une contre-société couvrant toutes sortes de besoins.
Ces Juifs internationalistes participent aux luttes du mouvement ouvrier français auquel ils sont liés organiquement.
Ils sont partie prenante des combats antifascistes et très présents lors des grandes grèves de 1936 pour soutenir le Front populaire. Ils appuient la république espagnole et beaucoup s’engagent dans les Brigades internationales.
Ils soutiennent la culture yiddish et dénoncent les mesures contre les immigrés, l’antisémitisme en France et les persécutions anti-juives dans l’Allemagne hitlérienne.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Paris, Messidor/Éditions Sociales
"SOLIDARITÉ"
L’action sociale n’y est jamais séparée de l’action politique et la mission de « Solidarité » est quadruple :
1. Aider matériellement les familles des combattants juifs, morts, prisonniers ou internés dans les camps du régime de Vichy.
2. Empêcher l’isolement de la population juive.
3. Préciser la position politique du Parti communiste en général et à l’égard des Juifs en particulier.
Selon le PCF, l’éradication de l’antisémitisme suppose l’instauration du communisme. Dans la conjoncture présente, le Parti estime que la « question juive » est du ressort de la section juive de la M.O.I. et de « Solidarité ».
4. Diffuser l’information sur l’ensemble de la situation.
L’importance de la presse n’a jamais échappé aux communistes. Les anciens rédacteurs de La Naïe Presse (dont L. Gronowski, ex-rédacteur en chef) se remobilisent.
Le journal reparaît clandestinement en septembre 1940, sous un titre yiddish, déjà utilisé brièvement en octobre 1939, Unzer Wort. Par la suite, la version française aura pour titre Notre Voix ou encore Notre Parole, la parole de l’opposition des Juifs communistes au pétainisme et à l’antisémitisme.
En novembre 1940, cinquante groupes de « Solidarité » fonctionnent à Paris.
Très rapidement, proches de « Solidarité », se créent des sections d’intellectuels juifs, d’artistes, de médecins, de juristes.
Des organisations comme l’Union des femmes juives, l’UFJ, qui, au début 1941 ou l’Union des Jeunesses Communistes juives, l’ UJCJ, vont jouer, auprès de « Solidarité » un rôle spécifique dans la lutte contre Vichy et, plus tard, contre l’occupant.
Ces organisations s’engagent précocement dans la Résistance. Dès l’été 1941, elles fournissent des combattants à la lutte armée qui débute et la soutiennent politiquement et matériellement.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions Sociales.
LA MAIN-D'OEUVRE IMMIGRÉE (M.O.I.)
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel,1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions sociales
ÉCLAIREURS ISRAÉLITES DE FRANCE (EIF)
Elle est officiellement nommée Service social des jeunes.
Après les nombreuses rafles dans les zones Nord et Sud, la 6ème devient une organisation de Résistance clandestine chargée de cacher des adolescents juifs (les jeunes de moins de 15 ans sont pris en charge par le réseau Garel de l’OSE). Institutions religieuses, internats, familles, particuliers, planques sûres, sont cherchés et mis à disposition des sauveteurs pour des enfants munis de faux papiers. Leur fabrication devient une des principales activités des EIF. Nombre d’associations de la Résistance en bénéficient. La « 6ème » agit en zone Nord et en zone Sud où son quartier général est fixé à Moissac, dans le Tarn.
Après les grandes rafles d’août 1942 en zone dite libre, de nombreuses arrestations ont lieu dans les fermes, les maisons et les camps gérés par les EIF.
Désormais totalement clandestins, les EIF travaillent en étroite collaboration avec le réseau du MJS (Mouvement des jeunes sionistes), le réseau Garel et le réseau André de Joseph Bass.
En janvier 1943, le chef du Commissariat général aux questions juives, Darquier de Pellepoix, donne l’ordre de dissoudre les EIF. Plusieurs responsables sont exécutés.
Le passage des EIF à la Résistance armée a lieu en novembre 1943 avec la création du maquis de la Montagne noire près de Vabre dans le Tarn, leur deuxième quartier général. Les jeunes EIF y sont chargés de la réception des parachutages, très fréquents dans le secteur.
Le 19 août 1944, la compagnie Marc Haguenau (du nom du secrétaire général des EIF, responsable du Service social, assassiné par la Gestapo pendant une tentative d’évasion) participe à la prise d’un train blindé de l’armée allemande entre Mazamet et Castres. Deux jours plus tard, elle s’implique dans la libération de Castres. En septembre, elle rejoint la 1ère Armée française du général de Lattre de Tassigny et est présente dans la bataille finale en Allemagne. La « 6ème » a participé à la Libération de la France et sauvé un grand nombre d’enfants juifs de la déportation mais beaucoup de ses membres ont été torturés, fusillés, déportés.
Référence :
Hersco Tsilla, avec le concours de Lucien Lazare. 2006, Organisation juive de combat. France 1940-1945. Ed. Autrement.
COMITÉ AMELOT
Ces organisations développent leurs activités d’assistance et d’entraide communautaires. Elles informeront assez rapidement les Juifs immigrés du péril qui les menace et participeront souvent, avec les organisations de la section juive de la M.O.I., à des actions de Résistance.
Le dispensaire “La mère et l’enfant”, situé aussi au 36 de la rue Amelot, sert de couverture aux activités clandestines qui concernent surtout, au début de l’occupation, l’aide au franchissement de la ligne de démarcation et la fourniture de faux papiers. Le Comité Amelot vient également en aide aux internés des camps de Pithiviers, Beaune-la-Rolande et Drancy. Henri Bulawko, jeune sioniste de gauche, fabricant de faux papiers, est en relation avec Roger Trugnan, membre des Jeunesses communistes juives qui lui remet de nombreux tracts annonçant une grande rafle (dite plus tard rafle du Vel’d’Hiv) quelques jours avant le 16 juillet 1942. Le Comité Amelot déploie une intense activité pour cacher le plus grand nombre de Juifs. Après chaque rafle, il se porte au secours des enfants dont les parents ont été arrêtés.
Dès la fin de l’année 1942, le Comité subit de lourdes pertes. Nombre de ses membres sont fusillés ou déportés. Henri Bulawko est arrêté en 1942 déporté et rapatrié en France après avoir survécu aux “marches de la mort”. Léo Glaeser, membre fondateur du Comité Amelot, appréhendé par la Gestapo à Lyon, est fusillé en juin 1944 par la milice française dirigée par Paul Touvier. David Rapoport, le secrétaire général du Comité, arrêté le 1er juin 1943 pour avoir distribué de fausses cartes est déporté à Auschwitz dont il ne reviendra pas.
Le Comité continue néanmoins de fonctionner grâce aux responsables restés en liberté.
Références
— Collectif, 2006, Organisation juive de combat. France. 1940-1945. Collection Mémoire. Ed Autrement.
— Poznanski Renée, 2006, Dictionnaire historique de la Résistance, Ed. Robert Laffont.
ŒUVRE DE SECOURS AUX ENFANTS (OSE)
Avec l’aide de “résidents volontaires” dans les camps d’internement et de plusieurs associations caritatives françaises, américaines et suisses, l’OSE réussit à faire sortir les enfants des camps de Gurs et de Rivesaltes où règne une affreuse misère. Elle obtient ce résultat en détournant la réglementation de Vichy qui accepte des dérogations pour les enfants de moins de 15 ans.
Afin de pouvoir les accueillir, l’OSE ouvre une quinzaine de homes et d’institutions spécialisées en France. 1 600 enfants y séjournent durant la guerre.
Au début de l’année 1942, l’OSE est intégrée autoritairement à l’Union Générale des Israélites de France, l’UGIF, comme toutes les organisations juives (sauf celles de la section juive de la M.O.I. devenues clandestines).
L’OSE passe alors d’un travail d’assistance à un travail de Résistance humanitaire notamment après les rafles d’août 1942 où les premiers enfants accueillis sont ceux qui ont été sauvés du camp de Vénissieux. Le danger impose de disperser les enfants. Georges Garel organise un circuit clandestin d’enfants, le Réseau Garel qui sauvera 1500 enfants juifs.
En 1944, l’assistance médico-sociale aux familles est la seule façade légale de l’OSE, dont le reste de l’activité (fabrication de faux papiers, entretien des enfants placés, filières de passage en Suisse…) est désormais totalement clandestin.
Avec d’autres résistants, Charles Lederman, directeur de l’OSE de Lyon, un des dirigeants de la section juive de la M.O.I., coopère avec d’autres organisations, notamment l’UJRE, le Comité Amelot, les Éclaireurs israélites de France, le réseau André et le MNCR pour sauver des enfants.
Références
— Loinger Georges, 2010, Les Résistances juives pendant l’Occupation. Ed Albin Michel.
— Poznanski Renée, 2006, Dictionnaire historique de la Résistance. Ed. Robert Laffont
WOMEN'S INTERNATIONAL ZIONIST ORGANISATION (WIZO)
Dans les années suivantes, de nombreuses branches de la WIZO sont créées à travers le monde. En France, Juliette Stern devient responsable de la section française.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la WIZO, dont Juliette Stern est la représentante française, est rattachée à l’Union générale des israélites de France (UGIF), organisme contrôlé par les Allemands.
Des enfants juifs, promis à une mort certaine, sont répartis dans plusieurs centres de l’UGIF à Paris. Juliette Stern commence à les exfiltrer et les fait cacher dans des familles non juives ou dans des Institutions antinazies. Elle finance clandestinement l’opération grâce aux fonds de l’UGIF.
Juliette Stern échappe à la Gestapo, rapidement alertée, mais nombre de ses collègues de la WIZO sont déportées.
La Wizo aura réussi, néanmoins, avec l’aide de nombreuses Institutions laïques et religieuses, d’élus municipaux, du Secours national, de la Croix rouge… à sauver plus de 1000 enfants juifs. Elle a opéré dans le plus grand secret grâce au service 42B, plus connu sous le nom de code SF, un service clandestin au sein de l’UGIF.
Le siège de la Wizo est installé en Israël. Son objectif affiché est la promotion d’une « société civile de solidarité et d’éducation autour de valeurs égalitaires et humanistes ».
Référence
Lazare Lucien, 2001, La Résistance juive : un combat pour la survie, Paris, éd. du Nardi.
GROUPES FTP-M.O.I.
Parmi les résistants FTP-M.O.I., nombreux sont les anciens combattants des Brigades Internationales rompus au maniement des armes en Espagne et à la clandestinité dans leurs pays d’origine.
À leurs côtés, de très jeunes résistants sans expérience se portent volontaires. La répression particulière qui frappe les Juifs les rend plus rapidement combatifs.
Les Juifs d’origine immigrée sont versés dans plusieurs détachements mais le deuxième détachement est exclusivement juif. Une équipe spéciale est formée de combattants d’élite pour les opérations délicates. Des Juifs y participent.
Être FTP-M.O.I., c’est vivre en clandestin et se consacrer à plein temps à l’activité militaire. Les FTP-M.O.I. juifs sont pris en charge par la section juive de la M.O.I. et doivent couper tout contact avec leurs familles. Pour eux, à la fois résistants et juifs, la nécessité de la clandestinité est double.
Les FTP-M.O.I. sont, en France, des acteurs essentiels de la lutte armée qui commence par des actions isolées symboliques avant l’organisation d’une véritable guérilla urbaine ou de maquis en régions.
Ils ont pour responsables militaires des FTP et pour responsables politiques, des militants de la M.O.I.
Les attaques directes de ces combattants contre les objectifs militaires sont décisives : déraillements de trains ennemis transportant du matériel de guerre, lieux de commandement allemands incendiés, dépôts d’armes dévastés, camions militaires détruits, hôtels réquisitionnés par l’armée assaillis…
Les FTP. M.O.I. sont traqués dans la France entière. Les FTP-M.O.I. juifs peuvent mener des opérations concluantes grâce à l’aide de la Résistance civile de la section juive de la M.O.I. et d’une partie de la population française.
En 1944, les mouvements de Résistance se rassemblent en une structure unique, les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI). Les FTPF et les FTP-M.O.I. sont intégrés aux FFI.
Les Juives et Juifs engagés militairement dans les FTP-M.O.I. sont mus, certes, par un désir profond de lutte face à l’extermination mais ils sont portés, tout autant, par un idéal de justice et par leur amour pour la République française.
Référence
Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1989, Le Sang de l’Étranger (Les immigrés de la M.O.I. dans la Résistance), Paris. Ed. Fayard
Manessis Dimitri & Vigreux, Jean, 2024, « Avec tous tes frères étrangers. De la MOE aux FTP-MOI ». Ed. Libertalia
PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS (PCF)
Mais l’aggravation de la situation internationale, la poussée de l’extrême droite en Allemagne, l’affirmation du pouvoir mussolinien en Italie, préoccupent de plus en plus le PC soviétique et l’Internationale communiste (Komintern en russe) qui oriente la politique de tous les partis communistes.
À l’été 1934, le PCF lance une politique d’ouverture nouvelle et opte pour la mise en avant de la « nation française » identifiée à la Révolution de 1789-1793 et au Front populaire, vite divisé lors de la guerre civile espagnole. En France dans un climat de violence sociale exacerbée, l’anticommunisme se mêle à l’antisémitisme et à la xénophobie. Le PCF tente cependant d’incarner la pérennité du Front populaire. Mais à la fin de 1939, le Parti, isolé et contraint à l’illégalité, est désarçonné par la signature du pacte germano-soviétique.
Le PCF prône, dans un premier temps, la poursuite de la « lutte antifasciste contre les agresseurs et surtout le fascisme allemand », mais début septembre 1939, le Komintern impose la nouvelle ligne officielle d’une guerre entre puissances « impérialistes » qui ne concerne pas les peuples. Le PCF diffuse cette ligne auprès de ses militants.
En juillet 1940, le Parti, désormais clandestin, met l’accent sur l’indépendance nationale et publie l’appel au « Peuple de France ! ». Un an plus tard, il souhaite que se constitue « un large front national » contre l’occupant.
Après la rupture du pacte germano-soviétique, en juin 1941, le PCF avec ses groupes « Organisation spéciale » (groupes OS) et les Jeunesses communistes, se lance dans la lutte armée contre les nazis. En 1942, ses détachements FTPF et FTP-M.O.I. développent un combat armé très structuré.
Le PCF s’engage dans une politique d’union de la Résistance intérieure, des communistes à la droite républicaine, lors de la création, en 1943, du Conseil National de la Résistance, le CNR.
Le Parti communiste clandestin est, tout au long de la lutte contre les nazis, au cœur de l’action résistante, il exprime à la fois la dimension sociale du combat et les revendications nationales. Après l’occupation nazie, le PCF participe à la reconstruction démocratique et sociale de la France et occupe, à la fin de la guerre, une place centrale dans la société française.
Références
— Peschanski Denis in : F. Marcot (dir.) 2006, Dictionnaire historique de la Résistance. Éditions Robert Laffont.
— Martelli Roger, Vigreux Jean, Wolikow Serge, 2020, Le Parti Rouge, une histoire du PCF 1920-2020. Editions Armand Colin
GUÉRILLA URBAINE
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la « guérilla urbaine », caractérisée par le harcèlement de l’ennemi (nazi et vichyste), s’exerce en ville (notamment à Paris, Lyon, Toulouse, Marseille et Grenoble). Elle est le fait, très principalement, des communistes. Depuis l’invasion de l’URSS, en été 1941, l’objectif assigné par l’Internationale communiste (organisation qui représente les pays communistes alignés sur l’Union soviétique) est la démoralisation de l’ennemi par une pression incessante. Coups de main, attaques et opérations armées imprévisibles empêchent le départ de troupes allemandes sur le front russe.
En France, la guérilla urbaine montre la détermination de la Résistance communiste à répondre aux exécutions d’otages, aux arrestations arbitraires, aux traitements inhumains, xénophobes et antisémites, perpétrés par l’occupant et le régime pétainiste de collaboration. Elle vise, en particulier, tous les lieux où se regroupent des soldats allemands (hôtels, garages, restaurants, lieux de spectacle…).
La conception de la « guérilla urbaine »en France est le fait de Joseph Epstein (dit « Colonel Gilles »), Juif polonais, stratège, désigné par le Parti communiste français, en février 1943, pour diriger les FTP de la région parisienne. Les « groupes de 3 » sont alors la règle mais Epstein préconise des groupes de combat de 12 à 24 hommes, divisés en plusieurs sous-groupes qui se relaient. L’objectif est d’amplifier l’action et de limiter les pertes. Le nombre d’hommes impliqués dans ces actions est limité du fait des compétences requises et des risques encourus.
Les opérations de « guérilla urbaine » sont encadrées militairement par les FTPF et FTP-M.O.I. qui opèrent sous forme de « détachements ». Les combattants sont peu nombreux (65 à Paris, 80 à Toulouse, 55 à Marseille). Ce sont, majoritairement, des Juifs immigrés d’Europe de l’Est, souvent anciens brigadistes défenseurs de la République pendant la guerre civile en Espagne (1936-1938). En outre, dans leurs pays d’origine (Pologne, Hongrie, Roumanie…), déjà fortement politisés, ils ont acquis l’expérience de la clandestinité et de la lutte contre le fascisme. Ils n’hésitent pas à se mettre en danger.
La police française dévouée aux Allemands, et l’occupant nazi, préoccupé de sa sécurité, exercent une répression terrible (peines de mort, tortures et déportations) sur les combattants de la guérilla mais les résistants gagnent peu à peu la bataille de l’opinion.
Références :
— Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1989, Le Sang de l’étranger. Ed. Fayard
— Diamant David, 1971, Les Juifs dans la Résistance française, Ed. Le Pavillon, Roger Maria.
MAQUIS
Les maquis sont nés dans l’hiver 1942-1943, créés par des réfractaires ayant décidé de fuir le départ en Allemagne au titre de la Relève, puis, en février 1943, pour échapper au Service du travail obligatoire (STO).
Les hommes arrivent tout au long de l’été 1943. Un peu partout, des anciens des Brigades internationales, combattants de la M.O.I. (Main-d’œuvre immigrée) et allemands antifascistes forment des maquis ou se mêlent à ceux existants.
Ces volontaires, engagés dans l’action clandestine à partir du printemps 1943, constituent un phénomène imprévu qui place les dirigeants de la Résistance devant le fait accompli. Il devient nécessaire de les rassembler, de les organiser, de les encadrer, de les nourrir et de les armer. Dans les massifs montagneux de zone sud, certains maquis s’engagent dans l’action immédiate (sabotages, attaques contre les collaborateurs et les services de Vichy, recueil et transmissions d’informations). Les maquisards sont quelques centaines au début de l’année 1943 et près de 100 000 en juin 1944. À partir de mai 1944, des maquis des Milices Patriotiques sont mis en place par les FTP-M.O.I., notamment le maquis de Montceau les mines en Saône et Loire.
Les maquisards vont être intégrés aux F.F.I. (Forces Françaises de l’Intérieur) et placés sous les ordres du général Kœnig, qui reçoit lui-même ses instructions de Londres. La répression menée par Vichy puis par les Allemands contre les maquisards et les populations considérées comme complices, est terrible.
En juin 1944, les maquisards participent aux combats de la Libération et contribuent à retarder les troupes allemandes au moment du débarquement.
Références
— Marcot François, 2006, “Les maquis”, Dictionnaire historique de la Résistance, Bouquins, Robert Laffont.
— Canaud Jacques, 2011 Le Temps des maquis, Éditions de Borée.
— Simonnet Stéphane, 2015, Maquis et maquisards. La Résistance en armes 1942-1944,
Belin.
FASCISME
Au pouvoir, après la marche sur Rome du 27 octobre 1922, Mussolini et ses Faisceaux italiens de combat (« fasci » en italien) usent de la violence et suppriment toute vie démocratique (lois fascistissimes de 1925).
Le fascisme est un mode de contrôle politique qui émerge dans les sociétés industrielles capitalistes : il s’appuie sur les couches sociales frappées par la crise et se prétend la solution historique face à un système capitaliste en déroute.
Ce régime, à parti unique, entend dépasser la lutte des classes en instaurant des structures verticales réunissant en même temps patrons et ouvriers et en supprimant les structures horizontales, comme les syndicats.
Plusieurs variantes de régimes fascistes sont apparues en fonction des conditions politiques, économiques et matérielles de chaque pays.
Dans sa forme nazie, le fascisme, outre une politique des boucs émissaires, s’accompagne de xénophobie, de racisme et d’antisémitisme. Le génocide dont les Juifs ont été principalement les victimes, pendant la Seconde Guerre mondiale, en est la démonstration.
Références
— Portis Larry,2010, Qu’est-ce que le fascisme ? Éditions d’Alternative Libertaire.
— Paxton Robert O., 2004, Le Fascisme en action, Éditions du Seuil.
NAZISME
Le nazisme a pour but de créer une communauté nationale fondée sur la race épurée des Allemands (la race aryenne). Elle doit aussi être « améliorée » : par exemple, les opposants politiques et les individus qui manifestent des « comportements asociaux », tels les homosexuels, doivent être rééduqués dans des camps de concentration. Ceux qui sont biologiquement indésirables (handicapés, malades mentaux) doivent être expulsés de la communauté. Les “sous-hommes”, tels les Slaves, les Asiatiques, Arabes et Noirs peuvent être dominés. Les Tziganes, aryens supposés corrompus par des mélanges raciaux qui leur ont fait perdre leur aryanité, sont déportés et exterminés. On estime à 200.000 le nombre de Tziganes victimes de cette politique génocidaire.
Selon la doctrine nazie, les Juifs sont situés hors de la « sous-humanité » et constituent une menace permanente pour la pureté aryenne ; élément d’anéantissement de la communauté, la « souillure juive » doit être combattue, au regard d’Hitler et de ses adeptes, par tous les moyens jusqu’à la disparition de tous les Juifs.
Les mesures antijuives sont toujours présentées comme une réponse au « danger » venant des Juifs « agresseurs ». Pour détruire cette « race », les nazis mettent en œuvre la « solution finale de la question juive ».
Cette politique criminelle d’extermination des Juifs, systématique, programmée et à grande échelle, sur l’ensemble du continent européen, entraîne la mort de près de 6 millions d’êtres humains.
Au lendemain de la chute du régime nazi, ses principaux dirigeants sont jugés lors du procès de Nuremberg (novembre 1945-octobre 1946) et condamnés pour crimes de guerre et crimes contre l’Humanité.
Référence
Benbassa Esther (collectif), 2010, Dictionnaire des racismes, de l’exclusion et des discriminations. Larousse À présent.
TRACTS -"PAPILLONS"
Les jeunes Juifs communistes sont nombreux à lancer des tracts à la sortie des cinémas, à l’intérieur des salles depuis les balcons, sur des marchés, aux entrées et sorties d’usines, depuis le métro aérien à Paris, dans les tramways de Lyon ou Villeurbanne et dans d’autres régions.
Lors d’une action à Lyon, des tracts en allemand sont projetés par-dessus les murs de la caserne de la Part-Dieu pour démoraliser l’ennemi.
Les passants qui ramassent les tracts, dans la rue ou ailleurs, les cachent rapidement.
Il est extrêmement dangereux de les transporter et nombre de diffuseurs sont arrêtés et déportés pour faits de propagande anti-hitlérienne.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions sociales