L’armistice est signé le 22 juin 1940. L’espace national est fragmenté. Globalement, une ligne de démarcation sépare la zone nord occupée par les Allemands de la zone sud, dite libre. Le 11 juillet, le titre de « chef de l’État français » est conféré à Philippe Pétain par l’Assemblée Nationale. Dans les textes officiels, le mot République est aboli. L’extrême droite française anti-républicaine triomphe.
Le gouvernement s’installe en zone libre à Vichy. La Révolution nationale devient l’idéologie officielle du régime pétainiste.
Pierre Laval, nommé vice-président du Conseil, met en œuvre la politique de collaboration d’État avec l’Allemagne hitlérienne.
La responsabilité de la défaite est attribuée à l’« Anti-France » : le Front populaire, les opposants politiques, les étrangers, les Francs-Maçons et principalement les Juifs.
Un antisémitisme quotidien se répand dès juillet, à Paris comme en zone sud. Des groupes d’extrême droite s’attaquent à des magasins tenus par des Juifs. Pétain instaure des lois anti-juives en France sans pression particulière des Allemands : la loi du 22 juillet 1940 établit un processus de révision des naturalisations acquises depuis 1927. Parmi les « dénaturalisés », on compte 6000 Juifs. Une loi du 16 août réserve l’exercice de la médecine aux Français « à titre originaire ». Il en sera de même pour les avocats le mois suivant. Le 27 août, la loi Marchandeau, condamnant les articles racistes ou antisémites dans la presse, est abrogée. La haine antisémite s’affiche aussitôt dans les colonnes des journaux.
C’est la revanche des anti-dreyfusards. L’antisémitisme d’exclusion de l’État français s’intensifie. L’antisémitisme de destruction des nazis viendra plus tard.
LIGNE DE DÉMARCATION
L’Alsace-Moselle est annexée par les Allemands et deux départements du Nord passent sous l’autorité allemande basée à Bruxelles.
Le choix de l’occupation de la « zone nord » repose sur une prospérité agricole et industrielle dont les Allemands entendent profiter mais l’objectif principal consiste à rendre la zone « dite libre » dépendante de l’économie de la zone occupée.
Le passage de la ligne de démarcation implique la présentation d’un laissez-passer (Ausweis) délivré très difficilement par les occupants.
Des personnes réussissent à franchir la ligne avec l’aide de passeurs. Certains d’entre eux n’hésitent pas à dénoncer ceux qu’ils accompagnent, d’autres ne sont motivés que par l’appât du gain mais beaucoup s’engagent souvent au risque de leur vie. Après les rafles massives en zone occupée, de nombreux Juifs se réfugient en zone non occupée.
La Résistance armée s’organise : des militants de la section juive clandestine de la M.O.I. établissent des contacts au sud en franchissant secrètement la ligne.
Le démantèlement de l’administration française, bouleversée par les conséquences de la partition, aggrave la vie des habitants déjà éprouvés par la guerre.
Après le débarquement allié en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, l’armée allemande occupe, le 11 novembre, la zone, dite libre, devenue zone sud. L’occupation nazie s’étend à presque toute le France. La ligne de démarcation, entre une zone et l’autre n’a plus de raison d’être ; elle est supprimée le 1er mars 1943 mais plusieurs postes de contrôle sont néanmoins maintenus.
Références
— Alary Eric, 2003, La Ligne de démarcation : 1940-1944. Ed. Perrin
— Cointet J-P et M., 2000, Dictionnaire historique de la France sous l’Occupation, Paris, Ed. Tallandier.
RÉGIME DE VICHY, GOUVERNEMENT DE VICHY
Référence
Paxton Robert O., La France de Vichy 1940-1944,1973, nouvelle édition 1999, Éditions du Seuil.
RÉVOLUTION NATIONALE (RN)
La ruralité et la jeunesse sont exaltées, la Charte du travail, combiné de corporatisme, d’étatisme et de paternalisme, crée un syndicat unique de tous les actifs – à l’exception des paysans –, employeurs et salariés réunis. La réalisation du programme se heurte à de multiples difficultés : rivalités entre les ligues d’extrême droite, influence de la mouvance catholique, esprit corporatiste et faiblesse du socle social du régime. La Révolution nationale est perçue comme un des éléments clés de la collaboration d’État avec les nazis.
Références
— Cointet Jean-Paul, 2000, Révolution nationale dans le Dictionnaire historique de la France sous l’Occupation, 2000, Éditions Tallandier.
— Noiriel Gérard, 1999, Les origines républicaines de Vichy, 1999, Éditions Hachette Littérature.
Pierre Laval
(1883-1945)
Pierre Laval, avocat, est élu député socialiste en 1914.
À partir de 1925, il s’éloigne définitivement de la gauche et il est plusieurs fois ministre sous la IIIème République : Justice, Travail, Affaires Etrangères et président du Conseil, en 1931-1932 puis en 1935-1936.
En juillet 1940, il fait campagne auprès des parlementaires afin qu’ils votent les pleins pouvoirs à Philippe Pétain et il devient vice-président du Conseil.
Laval s’engage alors dans la collaboration d’État avec l’Occupant nazi et ce sont les Allemands qui, en 1942 imposent à Pétain de le rappeler (le maréchal avait écarté Laval, devenu un rival trop influent, du gouvernement de Vichy).
Pierre Laval se voit attribuer des pouvoirs illimités.
Il devient, avec Pétain, le personnage le plus représentatif de la France vichyste. Chef du gouvernement, il affirme :
« Je souhaite la victoire de l’Allemagne parce que, sans elle, le bolchévisme, demain, s’installerait partout. »
Il s’illustre par une politique violemment collaborationniste et antisémite : création du Service du Travail Obligatoire (STO) sur ordre des Allemands, répression farouche contre les Résistants, déportation de milliers de Juifs.
C’est Laval qui propose aux Allemands de déporter les enfants. Il s’agit, pour lui, d’« orphelins inutiles et gênants » dont les parents ont déjà pris le chemin des camps de la mort.
À l’arrivée des troupes alliées, Laval est évacué par les nazis, il gagne l’Espagne mais est remis, par le dictateur de l’État espagnol, Franco, au Gouvernement provisoire de la République française dirigé par le général de Gaulle.
Pierre Laval est condamné à mort et fusillé le 15 décembre 1945 à la prison de Fresnes.
Référence
Paxton Robert O., 1999, La France de Vichy (1940-1944), Ed. Le Seuil-Poche
COLLABORATION
Références
— Collectif, 2011, Les collabos, Éditions Pluriel.
— Lacroix-Riz Annie, 2016, Les élites françaises entre 1940 et 1944,2016, Éd. Armand Colin.
FRONT POPULAIRE
Le 6 février 1934, la journée des « Ligues » (différents mouvements d’extrême droite) a lieu devant l’Assemblée Nationale, manifestation analysée comme une tentative de coup d’état fasciste.
Le gouvernement Daladier démissionne le 7 février.
Le 9 février, à l’appel du Parti communiste, une manifestation est organisée contre le fascisme. Interdite, elle se solde par des heurts violents (neuf morts et des centaines de blessés).
En juillet 1934, un « pacte d’unité d’action » entre le Parti communiste, le Parti socialiste et le Parti radical est conclu pour un « Front populaire de la liberté, du travail et de la paix ». C’est une alliance défensive contre le fascisme et contre la misère.
Lors des élections législatives, en avril-mai 1936, le Front populaire obtient la majorité absolue. Léon Blum, leader du Parti socialiste, forme un gouvernement constitué de socialistes et de radicaux, les communistes le soutiennent sans y participer.
Un puissant mouvement de grèves aboutit à la signature des « Accords de Matignon » entre les syndicats et Léon Blum, le 7 juin 1936 : augmentation de salaire, durée du travail fixé à 40 heures hebdomadaires, obtention de 15 jours de congés payés, établissement des conventions collectives au sein des entreprises.
Des réformes de structures sont aussi réalisées : démocratisation de la Banque de France, nationalisation des chemins de fer aboutissant à la création de la SNCF.
Parallèlement, un effort important est fait en matière d’éducation et de culture.
Les militants de la section juive de la M.O.I., enthousiastes, soutiennent le Front populaire.
Mais les difficultés surgissent : la guerre civile espagnole, qui oppose le fascisme franquiste aux républicains, a éclaté en 1936. Léon Blum accepte un traité de « non-intervention » voulu par la plupart des ministres radicaux et une partie des ministres socialistes.
Cet abandon le sépare du Parti communiste.
La situation économique se dégrade : fuite des capitaux, dépenses de réarmement. Un antisémitisme virulent s’exprime, envers Léon Blum en particulier et l’ensemble des Juifs en général, notamment envers les Juifs progressistes.
À l’automne 1938, le 30 septembre, les « Accords de Munich » sont signés, Hitler a les mains libres à l’Est, la guerre se prépare et conduit à la remise en cause des avancées sociales du Front populaire.
C’en est fini du rassemblement démocratique antifasciste.
Références
— Diatkine Daniel & Gayman Jean-Marc, 1997, Histoire des faits économiques, tome2,
Croissance et crises en France de 1895 à 1974, Paris, Nathan.
— Tartakowsky Danielle, 2004, Le Front Populaire : la vie est à nous, Paris, Gallimard,
Coll. « Découvertes Gallimard.
GROUPES D'EXTRÊME DROITE
Références
— Revue Géohistoire, 2017 n° 32, L’extrême-droite en France 1870 -1984.
— Lacroix-Riz Annie, 2006, Le choix de la défaite, Éditions Armand Colin.
AFFAIRE DREYFUS
Dès le 1er novembre 1894, La Libre Parole, le quotidien d’Edouard Drumont, qui fait de l’antisémitisme son cheval de bataille, titre « Arrestation de l’officier juif Dreyfus » accusé de traîtrise au profit de l’Allemagne. Le 22 décembre 1894, Dreyfus, est condamné par un Conseil de guerre, après trois jours de procès à huis-clos, à partir de « preuves » tenues secrètes, qui s’avèreront être des faux. En janvier 1895, Alfred Dreyfus est dégradé et déporté à l’île du Diable au large de la Guyane.
La presse s’empare de l’affaire ; peu à peu, la France se divise entre dreyfusards et anti-dreyfusards, et l’antisémitisme se déchaîne.
Le 13 janvier 1898, l’écrivain Émile Zola publie dans le quotidien L’Aurore une lettre ouverte au président de la République, Félix Faure, intitulée « J’accuse », dans laquelle il entend rétablir « la vérité d’abord sur le procès et sur la condamnation de Dreyfus ».
Le 3 juin 1899, Dreyfus est renvoyé devant le Conseil de guerre de Rennes et quitte l’île du Diable. En septembre, il est à nouveau déclaré coupable et condamné à dix ans de détention. Dix jours plus tard, le président Emile Loubet signe sa grâce.
Le 12 juillet 1906, la Cour de cassation casse le verdict de 1899 et affirme* : « De l’accusation portée contre Dreyfus, rien ne reste debout ». Elle prononce l’arrêt de réhabilitation du capitaine Dreyfus.
Références
— Birnbaum Pierre, 1994, L’affaire Dreyfus, la République en péril, Gallimard, coll. « Découvertes ».
— Bredin Jean-Denis, 1981, L’Affaire, Ed. Fayard, Paris.
*Arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 1906.
Philippe Pétain
(1856-1951)
Philippe Pétain, né le 24 avril 1856, est militaire de carrière. Il s’illustre pendant la Première Guerre mondiale, notamment lors de la bataille de la Marne en septembre 1914, puis lors de la bataille de Verdun en 1916.
Il est élevé à la dignité de maréchal de France en 1918.
Commandant en chef des forces françaises, il jouit, après la guerre, d’un réel prestige.
Considéré comme un homme providentiel au début du conflit avec l’Allemagne nazie, il est appelé au gouvernement le 17 mai 1940 et rejette la responsabilité de la guerre sur les forces républicaines. Le 17 juin, Pétain, qui vient d’être nommé président du Conseil, demande l’armistice à l’Allemagne hitlérienne. En riposte, le 18, depuis Londres, de Gaulle lance son appel à la résistance.
L’armistice est signé le 22 juin 1940. Le 10 juillet, Pétain s’octroie le titre de « chef de l’État français ». La France est, globalement, séparée en 2 zones par les nazis qui occupent la zone nord. Pétain s’installe à Vichy, en zone sud, dite « libre ». La République française est remplacée par un Etat autoritaire qui prône la « révolution nationale ». Sa devise : « Travail, Famille, Patrie ». En octobre 1940, Pétain entérine, avec Hitler, la collaboration d’État avec l’Allemagne nazie.
Le gouvernement de Pétain détruit toutes les institutions républicaines. Il s’attaque aux étrangers, aux francs-maçons, aux communistes, aux résistants et aux Juifs. Il devance les exigences des Allemands et met très vite en place une législation antisémite qui se durcit, loi après loi. Le 1er statut des Juifs en octobre 1940 et le 2nd statut en juin 1941, calqués sur les lois allemandes de Nuremberg, sont des préludes à la déportation. Les Juifs sont fichés, épiés, menacés, dénoncés, dépouillés de leurs biens et privés de leur travail.
Le camp de transit de Drancy devient la plaque tournante de la politique d’extermination menée par les nazis avec la complicité du gouvernement pétainiste
Les rafles se multiplient. La police française, aux ordres de Vichy, participe activement, voire prend l’initiative des traques. La « milice française », créée par le régime de Pétain sur le modèle de la gestapo, et sur injonction d’Hitler, se spécialise dans l’élimination des résistants.
Les combattants de la section juive de la M.O.I. sont ciblés par le régime vichyste à plusieurs titres : en tant qu’étrangers, résistants, communistes et juifs.
Après le débarquement des Alliés en Normandie, Pétain est arrêté à Vichy et transféré en Allemagne jusqu’en avril 1945.
Il est reconduit en France, traduit en justice et condamné à mort pour ses crimes. Du fait de son âge (89 ans), sa peine est réduite à une détention perpétuelle.
Condamné à l’indignité nationale, il est dégradé militairement et transféré au fort de Pierre-Levée sur l’île d’Yeu.
Il meurt en 1951 en résidence surveillée.
Référence
Ferro Marc, 2014, Pétain. Ed. Fayard.