Une Police aux questions juives (PQJ) est instituée à la mi-octobre en zone occupée et en zone dite libre. Dès la fin octobre 1941, elle appréhende plusieurs membres des Bataillons de la Jeunesse, dont quelques jeunes Juifs.
De nouvelles lois, en novembre 1941, restreignent davantage l’accès des Juifs aux emplois. Le 27 novembre, tous les parlementaires juifs, quelle que soit leur appartenance politique, sont déchus de leur fonction (les communistes l’ayant déjà été en 1940).
La campagne d’État anti-juive se répand avec la poursuite de l’exposition « Le Juif et la France » inaugurée en septembre.
En réponse, le Parti communiste publie, en novembre 1941, une brochure clandestine, diffusée à des milliers d’exemplaires, « L’antisémitisme, le racisme, le problème juif », rédigée par Louis Gronowski, responsable national de la M.O.I. En novembre, les attentats contre les Allemands se multiplient. De nouvelles mesures vont être prises à l’encontre des Juifs.
Sur ordre des Allemands, l’Union Générale des Israélites de France, (UGIF), est fondée le 29 novembre 1941. Des Juifs français sont nommés à sa direction.
Xavier Vallat, antisémite notoire, supervise cet organisme contrôlé par le Commissariat général aux questions juives créé quelques mois plus tôt par le gouvernement de Vichy.
Tous les biens des organisations juives sont automatiquement transférés à l’UGIF.
Tandis qu’un deuxième fichier des Juifs est établi par l’administration collaborationniste, l’Union Générale des Israélites de France élabore son propre recensement des Juifs qui réclament son assistance. En fait, l’UGIF choisit de pratiquer une stratégie du moindre mal qui consiste, estime-t-elle, à donner des gages à l’occupant et à sacrifier les Juifs étrangers pour protéger les Juifs français…
Pour les Allemands, il s’agit de mettre tous les Juifs sous surveillance et de les faire participer à leur propre extermination.
D’emblée, la section juive clandestine de la M.O.I. préconise l’engagement dans la clandestinité et l’action de défense. Elle accuse l’UGIF de « préparer le terrain à l’isolement des masses juives dans un ghetto ».
Dès le début 1941, les trois structures encore légales de la section juive de la M.O.I., le dispensaire, dirigé par Alfred Grant, les cantines populaires et Arbeter Orden (la société de secours mutuel) avaient déjà cessé leur activité. La section juive souhaitait éviter toute compromission avec l’occupant et redoutait d’éventuels pièges à arrestations.
Certains Juifs, extérieurs à la M.O.I., entrevoient le projet des nazis. Ils rejoignent alors ses organisations de Résistance comme « Solidarité » ou l’Union des Femmes Juives. D’autres organisations juives, telles l’Œuvre de Secours aux Enfants (OSE) ou les Éclaireurs Israélites de France (EIF), créent des sections clandestines de Résistance au sein à l’UGIF, à l’insu même de sa direction.
POLICE AUX QUESTION JUIVES (PQJ)
La police aux questions juives est rattachée au Commissariat général aux questions juives (CGQJ) chargé d’appliquer la politique antijuive nazie. En juillet 1942, elle en devient un service très actif, le SEC (Section d’enquête et de contrôle). Jacques Schweblin, directeur de la Police aux questions juives de la zone occupée est l’un des ordonnateurs de la rafle du Vel’d’Hiv les 16 et 17 juillet 1942.
Le régime de Vichy crée d’autres polices spécifiques (police antimaçonnique et police anticommuniste) qui visent les citoyens hostiles au régime de collaboration avec les nazis. La police anticommuniste devient, dès juin 1942, un instrument de répression contre les résistants, particulièrement violent quand il s’agit de résistants juifs.
La PQJ est représentative d’un État inféodé aux thèses raciales de l’occupant. Les tenants français de l’antisémitisme se rallient rapidement aux mesures meurtrières des Allemands, et parfois, les devancent.
La PQJ juge chaque citoyen juif comme un criminel à abattre (et à dépouiller s’il a des biens, fussent-ils modestes). Le statut des biens spoliés constitue un point vénal de friction entre PQJ et administration nazie.
Référence
Berlière Jean-Marc (préface de Patrick Modiano), 2018, Polices des temps noirs, Ed. Perrin
BATAILLONS DE LA JEUNESSE
Début août, la direction des JC (Jeunesses communistes) se consacre au recrutement de jeunes, prêts à s’engager dans la lutte armée. Dans les arrondissements populaires de l’est parisien, quelques petits groupes se forment sous la responsabilité de Pierre Georges (le futur colonel Fabien) et d’Albert Ouzoulias (futur responsable militaire national des FTP) qui donne aux groupes armés des JC le nom de Bataillons de la Jeunesse.
À la mi-août, six très jeunes volontaires sont initiés, par Pierre Georges, à l’utilisation d’explosifs et d’armes. Ils seront les auteurs des premiers attentats (dont l’attentat du métro Barbès à Paris) visant des militaires allemands à partir du 21 août 1941.
En février-mars 1942, au bout de cinq mois d’activité, les Bataillons de la Jeunesse, dont les effectifs cumulés ne dépassent jamais quelques dizaines de combattants, sont démantelés par les Brigades spéciales de la Préfecture de police de Paris. Traqués par les BS et livrés aux Allemands, les Bataillons de la Jeunesse sont décimés après deux procès en mars et avril 1942 (procès du Palais Bourbon et procès de la Maison de la Chimie) au terme desquels la quasi-totalité des accusés sont condamnés à mort et exécutés.
Oubliés après la guerre, ces pionniers de la lutte armée sont honorés par la pose d’une plaque mémorielle près de l’Assemblée Nationale, en 2003.
Parmi ces jeunes « Morts pour la France », Fernand Zalkinov (18 ans, membre des JC du 20ème arrondissement) et Acher Semaya (26 ans, JC du 11ème) sont reconnus comme combattants FTP-M.O.I. par le Ministère des Anciens Combattants.
Par ailleurs, Simone Schloss, jeune Juive condamnée lors du procès de la Maison de la Chimie, est décapitée à Cologne le 2 juillet 1942. Elle était l’agent de liaison de Conrado Miret-Muste, premier chef des groupes armés de la M.O.I., arrêté en février 1942, mort sous la torture quelques jours avant l’ouverture du procès du Palais Bourbon.
Référence
Ouzoulias Albert, 1967, Les Bataillons de la Jeunesse, Éditions Sociales.
Louis Gronowski
dit Lerman ou Brunot
(1904-1987)
Louis Gronowski naît à Wloklawek, en Pologne, dans une famille juive de petits épiciers ruinés. Lycéen révolutionnaire, il participe en 1922 à la création des Jeunesses communistes dans sa région, est arrêté en mai 1923 et emprisonné jusqu’en septembre 1924. Déchu de ses droits civiques, il décide, en 1926, après le coup d’Etat du dictateur Pilsudski, de quitter la Pologne. Il passe clandestinement en Allemagne, puis en Belgique où il milite. Il est expulsé vers la France en décembre 1929 et gagne sa vie en tant qu’ouvrier. Militant dynamique et cultivé, il est dès 1933, sur proposition du PCF, responsable de la direction de la section juive de la M.O.I. En 1934, il contribue activement à la création du quotidien yiddish La Naïe Presse, dont il deviendra rédacteur en chef. En 1935, atteint de tuberculose, il est envoyé en URSS quelques mois pour y recevoir des soins..
En 1937, il participe, à Paris, à l’organisation du Congrès international pour la défense de la culture yiddish.
En 1938, il est nommé, par le PCF, responsable national de la M.O.I. qu’il est chargé de réorganiser, dans la clandestinité, en août 1940.
En septembre 1940, il fonde, avec plusieurs militants progressistes juifs, une structure d’entraide, « Solidarité », issue de la section juive. « Solidarité » devient vite une organisation de Résistance.
Dès le mois d’octobre 1940, la M.O.I. dispose à Paris d’une direction solide. Elle est constituée d’un triangle : Louis Gronowski pour la politique, Jacques Kaminski pour l’organisation et d’Artur London pour la propagande.
Gronowski partage le contrôle des FTP-M.O.I. avec le comité militaire des FTP et doit, dorénavant, « se considérer comme membre du comité central du PCF ». La direction du Parti comprend la nécessité de regrouper toutes ses forces. Elle est consciente que la M.O.I. (et la section juive en particulier) est un réservoir de militantes et militants expérimentés et motivés.
En novembre 1941, Louis Gronowski remet à Jacques Duclos (dirigeant du PCF) le manuscrit de la brochure intitulée L’antisémitisme, le racisme, la question juive, amplement diffusée.
La guerre terminée, Louis Gronowski regagne la Pologne mais, chassé une nouvelle fois par l’antisémitisme, il revient en France et meurt à Paris en 1987.
Référence
Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1989, Le sang de l’étranger, Éd. Fayard
LA MAIN-D'OEUVRE IMMIGRÉE (M.O.I.)
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel,1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions sociales
UNION GÉNÉRALE DES ISRAÉLITES DE FRANCE (UGIF)
Cette création est condamnée, dès le départ, par la section juive clandestine de la M.O.I. car elle implique des liens dangereux avec le Commissariat général aux questions juives.
Les organisations, encore légales, liées à la section juive refusent d’adhérer à l’UGIF et entrent dans la clandestinité.
La direction de l’Union Générale des Israélites de France est composée de Juifs français, engagés, avant-guerre, dans le domaine caritatif. Dannecker y impose, en outre, deux Juifs viennois, « hommes de liaison et de contrôle personnel ».
L’UGIF a pour mission la représentation des Juifs auprès des pouvoirs publics. Elle exerce, notamment, une fonction d’assistance sociale : elle verse des allocations aux foyers privés de revenus, finance des cantines populaires et des hospices.
Après les rafles de l’été 1942, elle ouvre des centres d’accueil pour enfants juifs à Paris et en banlieue.
On peut reprocher aux dirigeants de l’UGIF d’avoir sous-estimé le rôle de Vichy et d’être restés aveugles face à la réalité de la Shoah.
On peut leur reprocher de n’avoir pas tenté de soustraire les Juifs étrangers au danger immédiat de la déportation et d’avoir entretenu les illusions des Juifs français.
On peut, enfin et surtout, leur reprocher de ne pas avoir évacué les enfants des centres, victimes de rafles massives en juillet 1944.
Cependant, à l’insu de la direction de l’UGIF, des activités de Résistance de certains des membres de l’organisme ont permis le sauvetage d’enfants, mis à l’abri dans des familles non-juives.
Le bilan de l’Union Générale des Israélites de France est très controversé. Si son rôle d’assistance a été effectif et si des opérations clandestines antinazies ont utilisé sa couverture légale, ses institutions ont souvent été de véritables souricières particulièrement vulnérables aux rafles.
La loi créant l’UGIF est abrogée à la Libération.
Références
— Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor /Éditions sociales.
— Wieviorka Annette, 1986, Ils étaient juifs, résistants, communistes. Éditions Denoël.
Xavier Vallat
(1891-1972)
Xavier Vallat, homme politique français, avocat, journaliste, député conservateur de l’Ardèche, est un catholique intégriste, ennemi de la franc-maçonnerie.
Le 6 juin 1936, en invectivant à la Chambre des députés le nouveau président du Conseil, Léon Blum, Vallat s’illustre par des propos violemment antisémites et classe les Juifs parmi les « révolutionnaires » dangereux pour la nation :
« Pour la première fois ce vieux pays gallo-romain sera gouverné par un Juif »
Après la défaite militaire de 1940, dès juillet, il siège à Vichy, auprès de Philippe Pétain.
En mars 1941, il prend la tête du Commissariat Général aux Questions Juives (CGQJ), chargé de mettre en œuvre la politique discriminatoire de Vichy à l’égard des Juifs. En novembre, sur injonction des Allemands, il fonde l’Union Générale des Israélites de France (UGIF), organisme censé représenter les Juifs auprès des pouvoirs publics.
Le 2 juin 1941, il promulgue le second statut des Juifs et ordonne leur recensement.
De nouvelles professions sont désormais interdites aux Juifs. Une limite de 2 % est imposée pour certaines professions : hommes de lois, médecins, architectes ; les établissements scolaires et universitaires ne sont autorisés à accueillir que 3 % d’élèves juifs.
C’est également Xavier Vallat qui organise l’appropriation et la liquidation des biens juifs par le régime de Vichy.
Toutefois, à la demande des Allemands, Xavier Vallat est remplacé en 1942, par Louis Darquier de Pellepoix plus déterminé encore dans la volonté d’élimination des Juifs de la vie publique.
Le 26 août 1944, Vallat est arrêté, incarcéré et condamné en 1947 à dix ans d’emprisonnement et à l’indignité nationale à vie.
Il est amnistié en 1954 et continue à affirmer ses convictions antisémites. Il meurt en 1972.
Référence
Joly Laurent, 2001, Xavier Vallat, du nationalisme chrétien à l’antisémitisme d’État. Ed. Grasset
COMMISSARIAT GÉNÉRAL AUX QUESTIONS JUIVES (CGQJ)
La loi du 29 mars en précise les fonctions :
— proposition de nouveaux textes discriminatoires envers les Juifs
— coordination de l’action des administrations françaises dans la politique anti-juive
— liquidation des biens juifs et désignation de leurs administrateurs
— supervision des mesures de la politique anti-juive.
Principal service du Commissariat, la Direction de l’aryanisation économique (DAE) exécute les mesures économiques prises contre les Juifs et supervise le Service du contrôle des administrateurs provisoires (SCAP), rattaché au CGQJ par décret du 19 juin 1941. Second service important, la Police des questions juives (PQJ) intitulée ensuite Section d’enquête et de contrôle (SEC) recherche les infractions au statut des Juifs.
Le CGQJ est officiellement fermé à la fin août 1944. Ses biens sont mis sous séquestre et confiés au Ministère des Finances.
Références
— Billig Joseph (1955-1957-1960), Le Commissariat général aux questions juives (1941-1944), vol. 1,2 et 3, Paris, Centre de documentation juive contemporaine.
— Bruttmann Tal. 2006, Au bureau des affaires juives : l’administration française et l’application de la législation antisémite (1940-1944), La Découverte, coll. « L’espace de l’histoire.
— Joly Laurent, 2006, Vichy dans la « Solution finale » : histoire du Commissariat général aux questions juives (1941-1944), Paris, Grasset.
RÉGIME DE VICHY, GOUVERNEMENT DE VICHY
Référence
Paxton Robert O., La France de Vichy 1940-1944,1973, nouvelle édition 1999, Éditions du Seuil.
FICHIER DES JUIFS
Ils se présentent dans les commissariats de police pour se faire recenser entre le 3 et le 19 octobre 1940.
Un fichier, dit fichier Tulard, du nom du haut fonctionnaire français qui l’a conçu, est ainsi constitué à partir des déclarations des Juifs français et étrangers domiciliés dans le département de la Seine.
La loi française du 2 juin 1941 prescrit le recensement des Juifs, étendu à la France entière. L’appartenance à la « race » juive est précisée dans une loi du même jour. Elle s’appuie sur la filiation liée à la religion (ascendants juifs) même en l’absence de croyance ou de pratique religieuse de la personne concernée.
La quasi-totalité des Juifs est recensée. On estime à environ dix pour cents seulement le nombre de personnes qui n’auraient pas obtempéré à l’ordre de Vichy.
Les nazis pratiquent des recensements de Juifs dans tous les pays occupés mais, en France, l’administration pétainiste se montre particulièrement zélée et les fichiers sont les instruments des rafles.
Références
— Peschanski Denis, 1997, Le fichier juif (article, gazette des archives). Éd. de la table ronde.
— Combe Sonia, 2001, Archives interdites. L’histoire confisquée. 2e édition. pp. 194-232. Éd. La Découverte,
— Joly Laurent, 2011, L’antisémitisme de bureau. Enquête au cœur de la préfecture de police de Paris et du commissariat général aux Questions juives (1940-1944). Éd. Grasset,
SECTION JUIVE DE LA M.O.I.
La section juive yiddishophone, très active, est à la tête de nombreuses institutions sociales et culturelles.
Certains permanents sont membres du Parti communiste. Ils ont, à leurs côtés, quelques centaines d’adhérents qui conservent une activité professionnelle et militent dans le milieu des Juifs immigrés, regroupés, principalement, dans les quartiers populaires du centre et de l’est de Paris.
L’instrument principal de leur influence est, depuis 1934, le journal yiddish quotidien, La Naïe Presse (La Presse Nouvelle). Ces militants agissent au sein de ce qu’on nomme des organisations « de masse », réseaux d’associations diverses qui servent de courroies de transmission pour les mots d’ordre du Parti. Ce sont des viviers d’initiation politique et de recrutement.
Ainsi, la Kultur Ligue, cœur de la vie sociale des jeunes Juifs immigrés, s’installe 10 rue de Lancry et devient en même temps qu’un organisme culturel, une sorte de Bourse du travail et de logement, un bureau de renseignement pour l’obtention de papiers d’identité et de travail. Sous son égide, se créent une bibliothèque, un théâtre yiddish, une chorale, une section de jeunes, un club sportif, un dispensaire, un patronage, des colonies de vacances, une organisation de femmes, des sociétés de villes selon les origines des immigrés… Il s’agit de l’esquisse d’une contre-société couvrant toutes sortes de besoins.
Ces Juifs internationalistes participent aux luttes du mouvement ouvrier français auquel ils sont liés organiquement.
Ils sont partie prenante des combats antifascistes et très présents lors des grandes grèves de 1936 pour soutenir le Front populaire. Ils appuient la république espagnole et beaucoup s’engagent dans les Brigades internationales.
Ils soutiennent la culture yiddish et dénoncent les mesures contre les immigrés, l’antisémitisme en France et les persécutions anti-juives dans l’Allemagne hitlérienne.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Paris, Messidor/Éditions Sociales
CLANDESTINITÉ
Il existe divers niveaux de clandestinité : ainsi, les membres des groupes de combat de l’UJRE, bien que munis de faux papiers, continuent à travailler et à vivre parfois avec les leurs alors que les FTP-M.O.I. sont soumis à une stricte clandestinité, ne doivent exercer aucune activité professionnelle, n’ont aucun contact avec leurs familles et sont rémunérés par leur organisation pour survivre.
Face à la répression, et malgré la vigilance des militants, les policiers des Brigades spéciales déployés en nombre, réussissent à infiltrer certains réseaux. Arrêtés, torturés, des résistants mourront sans révéler leur véritable identité.
Référence
Endewelt Robert, 2009, Les Juifs ont résisté en France (L’engagement dans la Résistance des jeunes juifs parisiens avec la M.O.I. 1940-1945). Ed. AACCE
Alfred Grant
né Simon Cukier
(1910-1987)
Simon Cukier naît à Radom, en Pologne, le 11 mai 1910. En 1929, il rejoint ses frères en France. Inscrit à l’Institut dentaire de Nancy, il est typographe pour gagner sa vie. Il adhère au PCF en 1930. Très engagé dans le syndicalisme étudiant, il est expulsé de Nancy par la police en 1932. Simon Cukier poursuit ses activités militantes à Paris et est engagé par la section juive de la M.O.I. en 1934, pour organiser la diffusion du quotidien communiste en yiddish, La Naïe Presse (La Presse Nouvelle).
En 1936, il est Secrétaire Général de l’organisation mutualiste Arbeter Orden (l’Ordre Ouvrier) qui vient en aide aux ouvriers juifs immigrés, sans protection sociale. Il dirige ensuite le dispensaire L’Aide Médicale de 1932 à 1938 puis devient Secrétaire général de la section juive du Secours rouge (futur Secours populaire). Engagé volontaire en août 1939, Simon Cukier est affecté à la Légion étrangère et démobilisé à la fin de la même année. Il reprend la direction du dispensaire mais la quitte rapidement, la section juive refusant que ses organisations intègrent l’Union Générale des Israélites de France (UGIF), inféodée à Vichy et à l’occupant.
En juin 1940, La Naïe Presse reparaît clandestinement sous le titre de Unzer Wort. Cukier, dit Alfred Grant, y participe et milite à « Solidarité », organisation illégale d’entraide et de Résistance créée par la section juive de la M.O.I. « Solidarité » devient, en 1943, l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE). Arrêté sur dénonciation le 18 mars 1943, il est emprisonné à la prison de la Santé mais libéré par les FTP le 17 août 1944, lors de l’insurrection parisienne. Alfred Grant reprend aussitôt sa place parmi les responsables de l’UJRE, devenue légale. Il est chargé de la reconstitution de l’Union des sociétés juives de France (USJF), créée en 1938 et démantelée sous l’Occupation.
De décembre 1944 à mars 1965, Alfred Grant occupe le poste de Secrétaire fédéral de l’USJF et administre le dispensaire L’Aide médicale reconstitué.
Dès sa création en 1962, l’organisation très active des anciens résistants progressistes juifs, l’AJAR, est présidée par Alfred Grant.
Simon Cukier-Grant meurt à Paris en juin 1987.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel. 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Editions sociales, 1987.
"SOLIDARITÉ"
L’action sociale n’y est jamais séparée de l’action politique et la mission de « Solidarité » est quadruple :
1. Aider matériellement les familles des combattants juifs, morts, prisonniers ou internés dans les camps du régime de Vichy.
2. Empêcher l’isolement de la population juive.
3. Préciser la position politique du Parti communiste en général et à l’égard des Juifs en particulier.
Selon le PCF, l’éradication de l’antisémitisme suppose l’instauration du communisme. Dans la conjoncture présente, le Parti estime que la « question juive » est du ressort de la section juive de la M.O.I. et de « Solidarité ».
4. Diffuser l’information sur l’ensemble de la situation.
L’importance de la presse n’a jamais échappé aux communistes. Les anciens rédacteurs de La Naïe Presse (dont L. Gronowski, ex-rédacteur en chef) se remobilisent.
Le journal reparaît clandestinement en septembre 1940, sous un titre yiddish, déjà utilisé brièvement en octobre 1939, Unzer Wort. Par la suite, la version française aura pour titre Notre Voix ou encore Notre Parole, la parole de l’opposition des Juifs communistes au pétainisme et à l’antisémitisme.
En novembre 1940, cinquante groupes de « Solidarité » fonctionnent à Paris.
Très rapidement, proches de « Solidarité », se créent des sections d’intellectuels juifs, d’artistes, de médecins, de juristes.
Des organisations comme l’Union des femmes juives, l’UFJ, qui, au début 1941 ou l’Union des Jeunesses Communistes juives, l’ UJCJ, vont jouer, auprès de « Solidarité » un rôle spécifique dans la lutte contre Vichy et, plus tard, contre l’occupant.
Ces organisations s’engagent précocement dans la Résistance. Dès l’été 1941, elles fournissent des combattants à la lutte armée qui débute et la soutiennent politiquement et matériellement.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions Sociales.
UNION DES FEMMES JUIVES (UFJ)
Après la rafle du Vel’ d’Hiv et celles qui suivent, l’action de l’Union des femmes juives se développe : il faut organiser le sauvetage des enfants des internés et la lutte contre la déportation. En 1942, est mise en place une “Commission de l’Enfance” appelée parfois” Comité pour l’Enfance”. Plusieurs centaines d’enfants sont ainsi sauvés. Ils sont envoyés sous de faux noms à la campagne et le règlement de leur “pension” est assuré par l’UFJ qui bénéficie de nombreux soutiens dans la population. Une telle tâche exige une coopération avec des organisations françaises. Le Mouvement national contre le racisme, le MNCR, – dont les publications jouent un rôle essentiel dans l’information sur le sort des Juifs en France et l’extermination dans les camps de la mort – sert de trait d’union entre la Commission de l’enfance et la population française.
À plusieurs reprises, les enfants “bloqués” dont les parents sont internés ou déportés sont exfiltrés par ces femmes des organismes aux ordres de l’occupant, les fichiers permettant d’organiser des déportations sont détruits. C’est ainsi que le 16 février 1943, la Commission de l’enfance réussit à faire sortir d’un foyer de l’Union générale des Israélites de France (l’UGIF fondée par Vichy sur demande des nazis) rue Lamarck, 63 enfants que les Allemands s’apprêtent à déporter. Les enfants sont cachés à la campagne grâce à l’aide de Suzanne Spaak du MNCR et du pasteur Vergara. Outre le MNCR, ces actions sont menées en concertation avec d’autres organisations juives de sauvetage comme l’œuvre de secours aux enfants, l’OSE, ou des organisations chrétiennes. L’UFJ organise également la résistance à l’occupant dans divers secteurs, services de renseignements, transport d’armes et de matériel d’explosion, imprimeries clandestines et diffusion de la presse antifasciste.
Nombre d’entre ces résistantes seront déportées et ne reviendront pas.
À la Libération, la Commission de l’Enfance, animée par l’Union des femmes juives, deviendra la Commission Centrale de l’Enfance (CCE) auprès de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE).
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires. Ed. Messidor/Éditions sociales.
ŒUVRE DE SECOURS AUX ENFANTS (OSE)
Avec l’aide de “résidents volontaires” dans les camps d’internement et de plusieurs associations caritatives françaises, américaines et suisses, l’OSE réussit à faire sortir les enfants des camps de Gurs et de Rivesaltes où règne une affreuse misère. Elle obtient ce résultat en détournant la réglementation de Vichy qui accepte des dérogations pour les enfants de moins de 15 ans.
Afin de pouvoir les accueillir, l’OSE ouvre une quinzaine de homes et d’institutions spécialisées en France. 1 600 enfants y séjournent durant la guerre.
Au début de l’année 1942, l’OSE est intégrée autoritairement à l’Union Générale des Israélites de France, l’UGIF, comme toutes les organisations juives (sauf celles de la section juive de la M.O.I. devenues clandestines).
L’OSE passe alors d’un travail d’assistance à un travail de Résistance humanitaire notamment après les rafles d’août 1942 où les premiers enfants accueillis sont ceux qui ont été sauvés du camp de Vénissieux. Le danger impose de disperser les enfants. Georges Garel organise un circuit clandestin d’enfants, le Réseau Garel qui sauvera 1500 enfants juifs.
En 1944, l’assistance médico-sociale aux familles est la seule façade légale de l’OSE, dont le reste de l’activité (fabrication de faux papiers, entretien des enfants placés, filières de passage en Suisse…) est désormais totalement clandestin.
Avec d’autres résistants, Charles Lederman, directeur de l’OSE de Lyon, un des dirigeants de la section juive de la M.O.I., coopère avec d’autres organisations, notamment l’UJRE, le Comité Amelot, les Éclaireurs israélites de France, le réseau André et le MNCR pour sauver des enfants.
Références
— Loinger Georges, 2010, Les Résistances juives pendant l’Occupation. Ed Albin Michel.
— Poznanski Renée, 2006, Dictionnaire historique de la Résistance. Ed. Robert Laffont
ÉCLAIREURS ISRAÉLITES DE FRANCE (EIF)
Elle est officiellement nommée Service social des jeunes.
Après les nombreuses rafles dans les zones Nord et Sud, la 6ème devient une organisation de Résistance clandestine chargée de cacher des adolescents juifs (les jeunes de moins de 15 ans sont pris en charge par le réseau Garel de l’OSE). Institutions religieuses, internats, familles, particuliers, planques sûres, sont cherchés et mis à disposition des sauveteurs pour des enfants munis de faux papiers. Leur fabrication devient une des principales activités des EIF. Nombre d’associations de la Résistance en bénéficient. La « 6ème » agit en zone Nord et en zone Sud où son quartier général est fixé à Moissac, dans le Tarn.
Après les grandes rafles d’août 1942 en zone dite libre, de nombreuses arrestations ont lieu dans les fermes, les maisons et les camps gérés par les EIF.
Désormais totalement clandestins, les EIF travaillent en étroite collaboration avec le réseau du MJS (Mouvement des jeunes sionistes), le réseau Garel et le réseau André de Joseph Bass.
En janvier 1943, le chef du Commissariat général aux questions juives, Darquier de Pellepoix, donne l’ordre de dissoudre les EIF. Plusieurs responsables sont exécutés.
Le passage des EIF à la Résistance armée a lieu en novembre 1943 avec la création du maquis de la Montagne noire près de Vabre dans le Tarn, leur deuxième quartier général. Les jeunes EIF y sont chargés de la réception des parachutages, très fréquents dans le secteur.
Le 19 août 1944, la compagnie Marc Haguenau (du nom du secrétaire général des EIF, responsable du Service social, assassiné par la Gestapo pendant une tentative d’évasion) participe à la prise d’un train blindé de l’armée allemande entre Mazamet et Castres. Deux jours plus tard, elle s’implique dans la libération de Castres. En septembre, elle rejoint la 1ère Armée française du général de Lattre de Tassigny et est présente dans la bataille finale en Allemagne. La « 6ème » a participé à la Libération de la France et sauvé un grand nombre d’enfants juifs de la déportation mais beaucoup de ses membres ont été torturés, fusillés, déportés.
Référence :
Hersco Tsilla, avec le concours de Lucien Lazare. 2006, Organisation juive de combat. France 1940-1945. Ed. Autrement.