En France, au cours de cette année 1943, d’importantes vagues d’arrestations se déchaînent contre les combattants de la section juive de la M.O.I..
À Paris, trois grandes filatures vont pister les Juifs de la Main-d’Œuvre Immigrée de mars à novembre 1943. Les Brigades spéciales des Renseignements Généraux, forces de répression policière française créées dès mars 1940, sont les ordonnatrices de ces traques meurtrières.
La première filature a pour cible, en mars 1943, l’organisation politique de la jeunesse communiste juive qui compte près de 200 membres dans Paris et sa banlieue. Elle aboutit à l’arrestation et à la déportation de l’essentiel de ses militants. Parmi les 57 jeunes arrêtés et déportés à Auschwitz, 7 seulement survivront dont Henri Krasucki, Paulette Szlifke (ou Sliwka puis Sarcey) et Roger Trugnan.
De mars à juin 1943, les Brigades spéciales lancent leur grande filature numéro 2. Sur 150 militants filés, 77 sont arrêtés, torturés, exécutés ou déportés. Cette deuxième filature s’achève par l’anéantissement du deuxième détachement FTP-M.O.I., exclusivement juif, en juin 1943. L’organisation politique de la section juive de la M.O.I. est dévastée.
La troisième filature s’attaque, principalement, à des groupes très actifs, à l’origine d’une série d’actions contre l’occupant nazi. Le 17 mars 1943, un grenadage attaque un groupe de soldats allemands à Levallois-Perret. Le 28 septembre 1943, Julius Ritter, officier SS, responsable du STO en France, est exécuté en plein Paris. L’opération, organisée par Christina Boïco, responsable du service de renseignement des FTP-M.O.I., est préparée par Missak Manouchian et menée par une équipe composée de Léo Kneler, Marcel Rayman et Celestino Alfonso. Les deux derniers sont arrêtés en novembre au cours de cette filature.
La traque cible également Missak Manouchian commissaire militaire FTP-M.O.I. de la région parisienne, arrêté le 16 novembre 1943, en même temps que Joseph Epstein, responsable de l’ensemble des FTP parisiens.
Pendant le mois de novembre 1943,68 FTP-M.O.I. sont arrêtés dont 45 sont déportés en Allemagne. Boris Holban reprend la direction de la branche armée FTP-M.O.I. en décembre.
En février 1944, sur les murs de Paris, la propagande nazie fait placarder l’Affiche rouge, couleur de sang. Les résistants ciblés par la 3ème filature y sont présentés par les nazis et le gouvernement de Vichy, comme des activistes de l’ « armée du crime ». Manouchian est considéré comme le chef de ce groupe. En fait, les résistants qui l’entourent sur l’affiche sont issus de plusieurs détachements FTP-M.O.I. Le régime de Vichy et le service de propagande allemand ont choisi, parmi 23 FTP du groupe, les photos de dix combattants. Sur ces 10 résistants étrangers, 7 sont Juifs, originaires d’Europe de l’Est et désignés comme des assassins.
Les trois filatures aboutissent à l’arrestation de 196 résistants, parmi lesquels 21 femmes, et au démantèlement meurtrier des FTP-M.O.I. Le 21 février 1944,22 membres du groupe Manouchian sont exécutés au Mont-Valérien près de Paris après une mascarade de procès.
« Pourquoi ils luttent, pourquoi ils meurent », dans un tract diffusé en mars 1944 l’UJRE résume la position des Juifs de la M.O.I. : participer au combat aux côtés du peuple français.

Le Matin, journal collaborationniste, du 20 février 1944 rend compte du procès des membres du « Groupe Manouchian ».

Affiche de propagande allemande, placardée massivement en France, dénonçant les 23 membres des FTP-M.O.I. du « Groupe Manouchian », connue sous le nom de « l’Affiche rouge ».

Affiche Rouge

Avant son exécution le 21 février 1944, lettre de Missak Manouchian à sa femme Mélinée.

Cristina Boïco

Dernière lettre de Marcel Rayman (Rajman) à sa mère et son frère Simon avant son exécution le 21 février 1944.

Exécutions au Mont-Valérien le 21 fév. 1944 de résistants FTP-M.O.I. du « groupe Manouchian ». Photo prise clandestinement par un sous-officier allemand.

Fiche d’Henri Krasucki arrivé à Drancy le 21 juin 1943 et déporté le 23 du même mois à Auschwitz.

Fiche de Paulette Szlifke (Sliwka-Sarcey) arrivée à Drancy le 18 mai 1943 et déportée le 23 juin à Auschwitz.

Joseph Epstein

Les jeunes communistes juifs quittent Drancy en chantant la Marseillaise, se souvient Roger Trugnan (Trugman).

Les trois grandes filatures

Marcel Rayman

Membres du « Groupe Manouchian » : à gauche, Missak Manouchian, Arménien ; au milieu, Wolf Wasjbrot, Juif polonais ; à droite, Joseph Boczov, Juif hongrois (photo allemande, fév. 1944).

Missak Manouchian

Paulette Sarcey

Paulette Sarcey (Slifke) évoque la filature des Brigades spéciales qui a conduit à l’arrestation des membres de son groupe de jeunes résistants juifs. 57 seront déportés.

Paulette Sarcey (Slifke) rappelle l’interrogatoire qu’elle a subi à la préfecture de police de Paris en mars 1943.

Rapport policier (Brigades spéciales) de filature concernant André Terreau « Blondinet », pour juillet-août 1943.

Rapport policier (Brigades spéciales) de filature concernant Joseph Boczor « Ivry », pour septembre-octobre 1943 (3ème filature).

Rapport policier (Brigades spéciales) de filature concernant Lajlo Goldberg « Legris », pour septembre 1943.

Rapport policier (Brigades spéciales) de filature concernant Rebecca Majner, « Gamine », pour février-mars 1943. « Gamine » figure sur la gauche du schéma de la 1ère filature.

Rapport policier sur l’arrestation de Paulette Szlifke (Sliwka-Sarcey) (23 mars 1943).

Reconstitution de la 1ère filature des membres parisiens de l’organisation de la jeunesse communiste juive par les policiers des Brigades spéciales (janvier à mars 1943), d’après des rapports de police.

Reconstitution de la 2ème filature des membres parisiens de l’UJRE et du second détachement des FTP-M.O.I. par les policiers des Brigades spéciales (mars à juin 1943), d’après des rapports de police.

Reconstitution de la 3ème filature des membres parisiens des FTP-M.O.I. par les policiers des Brigades spéciales (juillet à novembre 1943), d’après des rapports de police.

Roger Trugnan

Tract de l’UJRE diffusé en mars 1944 rendant hommage aux combattants de « l’armée du crime » et honorant, parmi les fusillés de « l’Affiche rouge », les Immigrés et Juifs morts pour la France. _Extrait.

Tract, émanant de Vichy et des autorités allemandes d’occupation, reprenant au recto LʼAffiche rouge et dénonçant au verso « Le complot de lʼAnti-France », février 1944.

Transcription de la lettre manuscrite d’Olga (Golda) Bancic à sa fille Dolorès, du 9 mai 1944, après son transfert à Stuttgart où elle est guillotinée le 10 mai.


























