Depuis août 1942 jusqu’à la fin de l’année, les FTP-M.O.I.se signalent par de nombreuses opérations contre l’occupant (déraillements, incendies de locaux occupés par les Allemands…). Les 5 août et 19 octobre 1942, ils osent des actions contre des soldats allemands à l’exercice. La police appréhende plusieurs combattantes et combattants et cherche à remonter jusqu’à la direction des FTP-M.O.I. parisiens. Les Brigades spéciales de la police française, chargées de la lutte contre les résistants, mettent sur pied des filatures.
Le débarquement anglo-américain au Maghreb, territoire géré par le régime de Vichy, a lieu le 8 novembre 1942 avec l’opération Torch. Les alliés disposent ainsi d’une plate-forme au sud de la Méditerranée. Le débarquement est soutenu par l’action des résistants juifs d’Algérie.
Le 11 novembre, les Allemands entrent en zone sud. Ils confient aux Italiens l’occupation de Nice et de la Savoie. C’est la fin de la zone, dite libre. Les Juifs sont désormais traqués dans la France entière.
Entre 1940 et fin 1942, de nombreux Juifs s’étaient réfugiés en zone sud où, malgré la politique discriminatoire de Vichy, la répression était moins agressive qu’en zone nord occupée.
Dès l’entrée des troupes allemandes, des groupes de combat FTP-M.O.I. déjà actifs au nord, se forment au sud. La lutte armée prend de l’ampleur.
Au cours de l’année 1942, les grandes rafles se multiplient dans le pays, le nombre de Juifs déportés s’élève à 40 000 sur les 76 000 répertoriés en France pendant toute la durée de la guerre.
Dans la zone sud, en janvier 1943, les 3 mouvements de Résistance non communistes (Combat, Franc-Tireur, Libération Sud) fusionnent en une seule organisation, les MUR (Mouvements Unis de Résistance). À la fin de l’année, les MUR s’unissent à 3 mouvements de la zone nord (Défense de la France, Résistance, Lorraine). À l’instar de l’organisation « Solidarité » en zone nord, les Juifs communistes encadrent, au sud, des comités de Secours populaire qui viennent en aide aux réfugiés.
GROUPES FTP-M.O.I.
Parmi les résistants FTP-M.O.I., nombreux sont les anciens combattants des Brigades Internationales rompus au maniement des armes en Espagne et à la clandestinité dans leurs pays d’origine.
À leurs côtés, de très jeunes résistants sans expérience se portent volontaires. La répression particulière qui frappe les Juifs les rend plus rapidement combatifs.
Les Juifs d’origine immigrée sont versés dans plusieurs détachements mais le deuxième détachement est exclusivement juif. Une équipe spéciale est formée de combattants d’élite pour les opérations délicates. Des Juifs y participent.
Être FTP-M.O.I., c’est vivre en clandestin et se consacrer à plein temps à l’activité militaire. Les FTP-M.O.I. juifs sont pris en charge par la section juive de la M.O.I. et doivent couper tout contact avec leurs familles. Pour eux, à la fois résistants et juifs, la nécessité de la clandestinité est double.
Les FTP-M.O.I. sont, en France, des acteurs essentiels de la lutte armée qui commence par des actions isolées symboliques avant l’organisation d’une véritable guérilla urbaine ou de maquis en régions.
Ils ont pour responsables militaires des FTP et pour responsables politiques, des militants de la M.O.I.
Les attaques directes de ces combattants contre les objectifs militaires sont décisives : déraillements de trains ennemis transportant du matériel de guerre, lieux de commandement allemands incendiés, dépôts d’armes dévastés, camions militaires détruits, hôtels réquisitionnés par l’armée assaillis…
Les FTP. M.O.I. sont traqués dans la France entière. Les FTP-M.O.I. juifs peuvent mener des opérations concluantes grâce à l’aide de la Résistance civile de la section juive de la M.O.I. et d’une partie de la population française.
En 1944, les mouvements de Résistance se rassemblent en une structure unique, les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI). Les FTPF et les FTP-M.O.I. sont intégrés aux FFI.
Les Juives et Juifs engagés militairement dans les FTP-M.O.I. sont mus, certes, par un désir profond de lutte face à l’extermination mais ils sont portés, tout autant, par un idéal de justice et par leur amour pour la République française.
Référence
Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1989, Le Sang de l’Étranger (Les immigrés de la M.O.I. dans la Résistance), Paris. Ed. Fayard
Manessis Dimitri & Vigreux, Jean, 2024, « Avec tous tes frères étrangers. De la MOE aux FTP-MOI ». Ed. Libertalia
BRIGADES SPÉCIALES
Les Brigades spéciales travaillent en étroite collaboration avec les différents services de la police allemande, dont la Gestapo.
Les résistants, dans leur ensemble, sont les premiers visés mais les BS sont chargées, en priorité, de la répression de la Résistance communiste juive. Des sections des BS sont présentes dans toutes les grandes villes françaises.
À leur création, les BS sont composées de volontaires, généralement des policiers membres de partis collaborationnistes. Toutefois, devant les difficultés de recrutement, de jeunes policiers viennent gonfler les effectifs. L’entraînement à la filature est parfaitement maîtrisé par tous les agents. Les interrogatoires sont d’une grande brutalité (matraquages, tortures, sévices divers).
Les BS les plus importantes opèrent en région parisienne et organisent les 3 grandes traques qui ciblent la M.O.I.
La première filature commence en janvier 1943 pour se terminer le 18 mars 1943. Elle concerne l’Organisation des Jeunes communistes juifs. 57 jeunes sont arrêtés sous l’inculpation d’assassinats, menées terroristes et complicité.
Parmi ces jeunes, Henri Krasucki, Paulette Sliwka, Sam Radzinski et Roger Trugnan, sont déportés à Auschwitz comme la plupart de leurs camarades.
La seconde filature vise la branche politique et militaire de la M.O.I. Elle commence le 22 avril 1943 et se termine fin juin. 71 résistants sont arrêtés et déportés. Les membres du détachement juif sont remis directement aux Allemands par la police française. L’organisation juive est démantelée.
Enfin la troisième filature menée par les Brigades spéciales est centrée sur les FTP-M.O.I. parisiens, originaires de plusieurs détachements, et qui ont mené des actions décisives contre des responsables nazis. Commencée le 26 juillet 1943, cette 3ème filature prendra fin en novembre 1943.
63 résistants sont arrêtés dont Joseph Epstein, Missak Manouchian et Marcel Rayman qui seront fusillés et Olga Bancic qui sera décapitée.
Référence
Courtois Stéphane, Peschanski Denis, Rayski Adam, 1989, Le Sang de l’étranger. Ed. Fayard
OPÉRATION TORCH
L’ « opération Torch » est lancée le 8 novembre 1942. À Alger, 400 résistants (majoritairement Juifs) occupent, dès le petit matin, les points stratégiques et appréhendent le général Juin, commandant de l’Armée d’Afrique, et l’amiral Darlan, commandant en chef des forces de Vichy et présent alors à Alger. Ces arrestations permettent le succès du débarquement allié. Pendant trois jours, de violents combats opposent les Américains aux troupes de l’Armée d’Afrique à Oran et à Casablanca,
Les conséquences de « l’opération Torch » sont multiples :
— le 11 novembre 1942, représailles d’Hitler et occupation de la zone sud de la France, dite « libre », par les Allemands et les Italiens.
— le 27 novembre 1942, sabordage de la flotte de guerre à Toulon pour échapper à sa capture par l’armée allemande.
— ouverture d’un second front contre l’ « Afrika Korps » en Tunisie.
— À plus long terme, débarquement anglo-américain en Sicile et, en 1943, campagne d’Italie menée par les alliés (notamment britanniques américains, canadiens, australiens…) contre les fascistes. La « France libre » participe aux combats.
Après l’assassinat de Darlan, le 24 décembre 1942, le pouvoir est transféré au général d’armée Henri Giraud, soutenu par Roosevelt-l’allié américain-qui se méfie de de Gaulle.
Laissé dans l’ignorance de l ‘ « opération Torch », le général de Gaulle, chef de la Résistance extérieure – « la France libre »-gagne au plus vite Alger et contraint Giraud à former le Comité français de libération nationale (CFLN). Les colonies d’Afrique sub-saharienne encore fidèles au régime de Pétain se rallient alors à la « France libre ».
La conférence de Casablanca, du14 au 24 janvier 1943, réunit Roosevelt, Churchill -l’allié britannique-de Gaulle et Giraud et place définitivement la France dans la guerre aux côtés des Alliés. L’accord entre Giraud et le général de Gaulle conduit à la fusion des Forces françaises libres (FFL) avec l’Armée d’Afrique pour former l’Armée française de Libération (AFL), le 1er août 1943.
Référence
« L’Histoire » – Revue, n° 379,1942 : opération Torch. Les Alliés débarquent en Afrique du Nord”. Société d’Editions scientifiques.
RÉSISTANTS JUIFS D'ALGÉRIE
La salle de sport Géo-Gras à Alger devient le lieu de rencontre et de préparation des actions de plusieurs groupes de la jeunesse juive résistante.
Les frères Raphaël et Stéphane Aboulker soutiennent les efforts de ces groupes de Résistance armée dont les tâches sont multiples (protection de la population juive, sabotage des installations pro-vichystes, préparation aux combats, propagande gaulliste)
En 1941, José Aboulker, cousin de Raphaël et Stéphane, et d’autres jeunes Juifs, créent une nouvelle formation de Résistance, axée sur la lutte armée et le Renseignement.
Roger Carcassonne, de son côté, anime un autre groupe.
Tous ces groupes de jeunes Juifs se soutiennent ou coordonnent leurs activités sans jamais sacrifier leur autonomie. José Aboulker, figure majeure de cette Résistance juive d’Algérie, mobilisée et multiforme, adhèrera au Parti communiste après la guerre.
À l’annonce du débarquement allié en Algérie, les frères Aboulker sont chargés de recruter de jeunes résistants au sein des groupes de combat de la salle Géo-Gras.
José, de son côté, est opérationnel et met en place une dynamique de Résistance.
Une organisation méticuleuse permet à tous les groupes de prendre position dans différents points stratégiques d’Alger.
377 combattants volontaires, Juifs en majorité, sont à leurs postes.
Les alliés (américains et britanniques) débarquent le 8 novembre 1942. C’est l’opération Torch.
L’action de la Résistance juive intérieure contribue à la réussite de l’opération.
Référence
— Sebaoun Paul, 1994, Résistance juive en Algérie (1940-1942). Le Monde juif, N° 152.
ENTRÉE DES ALLEMANDS EN ZONE SUD
Depuis le printemps 1941, l’étau de la répression se resserre. Au nord, les rafles et les arrestations de Juifs se multiplient. Les passages clandestins seuls ou en famille, très risqués, vers la zone non occupée s’intensifient. A la merci de faux passeurs, de nombreux Juifs sont arrêtés puis déportés.
Avec l’occupation de la zone Sud, les nombreux Juifs qui s’y étaient réfugiés sont traqués comme les Juifs restés en zone nord.
De novembre 1942 à mars 1943, les passages massifs en zone sud s’interrompent tandis que s’organisent les tentatives pour rejoindre la zone d’occupation italienne. L’occupation totale de la France par l’armée allemande renforce l’engagement de Vichy dans la collaboration et la politique de déportation des Juifs vers l’Est de l’Europe.
Les actions armées contre l’occupant se développent bientôt avec ampleur et les groupes FTP-M.O.I. s’emploient, désormais, à combattre les nazis et leurs collaborateurs, au sud comme au nord.
Références
— Alary Eric, 2011, Les juifs et la ligne de démarcation, 1940-1943, n° 5. Ed. Cairn, « les cahiers de la shoah ».
— Florentin Eddy, 2010,11novembre 1942, l’invasion de la zone libre. Ed. Perrin.
RAFLES
Elles sont nombreuses et ont lieu en zone occupée en 1941 (comme la rafle du billet vert, la rafle du 11ème ou la rafle des notables), en 1942 et, après novembre 1942, dans l’ancienne zone dite libre.
Les plus importantes rafles sont :
— la rafle du Vel’ d’Hiv à Paris, les 16 et 17 juillet 1942 : près de 13 000 personnes, dont 6.000 femmes et 4.000 enfants sont arrêtées, internées puis déportées.
— des rafles par nationalités qui visent les Juifs roumains, grecs, allemands… partout en France.
— la rafle du 26 août 1942, dans toute la zone sud et sans présence allemande.
— la rafle de Lyon en février 1943, orchestrée par Klaus Barbie
— la rafle Marseille en janvier 1943
— la rafle de Villeurbanne en mars 1943
— la rafle de Bordeaux en 1944
La plupart des villes de France sont touchées par les rafles de Juifs.
Les Juifs raflés sont, pour la plupart, transférés au camp de transit de Drancy puis déportés vers les centres d’extermination.
Référence
Bensimon Doris, 1993, Les grandes rafles. Juifs en France, 1940-44, Bibliothèque historique Privat.
MOUVEMENTS UNIS DE RÉSISTANCE (MUR)
Leurs fondateurs sont Henri Frenay, pour « Combat », Emmanuel d’Astier de La Vigerie, pour « Libération » et Jean-Pierre Lévy pour « Franc-Tireur ».
Le 26 janvier 1943, la fusion est réalisée. Les Mouvements unis de Résistance (MUR), nouvellement créés, sont présidés par Jean Moulin et siègent, clandestinement, à Lyon.
Les MUR sont structurés en secteurs dont les principaux sont
— l’« Armée secrète » (AS) conçue à partir de la réunion des unités paramilitaires de « Combat », « Franc-tireur » et « Libération » sous la responsabilité d’un Directoire composé de Jean Moulin, Henri Frenay, Emmanuel d’Astier et Jean-Pierre Lévy.
— le noyautage de l’Administration publique (NAP) et la mise en place d’un service de faux papiers, recherche de planques, œuvres de solidarité…
Les différences dans le choix des stratégies opposent fortement les hommes du Directoire, les relations avec la « France libre », le groupe de Résistance extérieure du général de Gaulle, sont conflictuelles mais Jean Moulin réussit, néanmoins, à fédérer les énergies.
Moulin fonde le Conseil national de la résistance (CNR) le 27 mai 1943 et y inclut, outre les MUR, 2 syndicats (la CGT et la CFTC) et plusieurs partis politiques, des communistes à la droite républicaine ; les MUR perdent de leur ascendant.
En décembre 1943, trois mouvements de Résistance de la zone nord (« Défense de la France », « Résistance » et « Lorraine ») rejoignent les MUR. Ensemble, ils constituent le Mouvement de libération nationale (MLN).
Références
— Noguères Henri, 1972, Histoire de la Résistance en France, tome 3. Ed. Robert Laffont
— Michel Henri, 1958, Combat : Histoire d’un Mouvement de Résistance de juillet 1940 à juillet 1943. Presses Universitaires de France.
"SOLIDARITÉ"
L’action sociale n’y est jamais séparée de l’action politique et la mission de « Solidarité » est quadruple :
1. Aider matériellement les familles des combattants juifs, morts, prisonniers ou internés dans les camps du régime de Vichy.
2. Empêcher l’isolement de la population juive.
3. Préciser la position politique du Parti communiste en général et à l’égard des Juifs en particulier.
Selon le PCF, l’éradication de l’antisémitisme suppose l’instauration du communisme. Dans la conjoncture présente, le Parti estime que la « question juive » est du ressort de la section juive de la M.O.I. et de « Solidarité ».
4. Diffuser l’information sur l’ensemble de la situation.
L’importance de la presse n’a jamais échappé aux communistes. Les anciens rédacteurs de La Naïe Presse (dont L. Gronowski, ex-rédacteur en chef) se remobilisent.
Le journal reparaît clandestinement en septembre 1940, sous un titre yiddish, déjà utilisé brièvement en octobre 1939, Unzer Wort. Par la suite, la version française aura pour titre Notre Voix ou encore Notre Parole, la parole de l’opposition des Juifs communistes au pétainisme et à l’antisémitisme.
En novembre 1940, cinquante groupes de « Solidarité » fonctionnent à Paris.
Très rapidement, proches de « Solidarité », se créent des sections d’intellectuels juifs, d’artistes, de médecins, de juristes.
Des organisations comme l’Union des femmes juives, l’UFJ, qui, au début 1941 ou l’Union des Jeunesses Communistes juives, l’ UJCJ, vont jouer, auprès de « Solidarité » un rôle spécifique dans la lutte contre Vichy et, plus tard, contre l’occupant.
Ces organisations s’engagent précocement dans la Résistance. Dès l’été 1941, elles fournissent des combattants à la lutte armée qui débute et la soutiennent politiquement et matériellement.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions Sociales.