Le besoin d’unification est essentiel à tous les niveaux : en juillet 1943, les organisations de Résistance juives convergent, au moins partiellement, en une seule organisation, le Comité Général de Défense des Juifs (CGD). L’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE) participe à cette organisation unitaire.
L’UJRE obtient la reconnaissance, par le CGD, de l’action des combattants armés, les FTP juifs de la M.O.I. Ils sont, dès lors, soutenus moralement et matériellement. Au mois d’août 1943, alors que beaucoup ont été arrêtés, torturés, exécutés, déportés, les FTP juifs parisiens continuent à mener des opérations efficaces, grâce aux actions de Résistance civile des militants de la section juive de la M.O.I., et d’une partie de la population française. Dans la zone sud, les groupes des FTP-M.O.I. se développent et renforcent leurs activités de Résistance.
En 1944, l’unification des mouvements juifs aboutit, avec l’adhésion du Consistoire (structure religieuse), à la création du Conseil Représentatif des Israélites de France, le CRIF. Les participants rédigent une charte qui définit, dans le cadre de la République, un programme politique restituant et garantissant aux Juifs de France des droits égaux à ceux des autres citoyens.
Les signataires de la charte professent des points de vue très différents sur le sionisme ou les choix politiques pour l’immédiat après-guerre, mais les Juifs, toutes convictions confondues, aspirent, avant tout, à la Libération et au rétablissement de la République en cette année 1944.
COMITÉ DE DÉFENSE DES JUIFS (CGD)
Un compromis aboutit à la création d’un Comité juif unique de défense puis d’un Comité général de défense, dirigé par Léo Glaeser et Henri Adam, qui se fixe pour objectif la défense des Juifs de France et la résistance aux déportations.
Le Consistoire (instance religieuse) légaliste, demeure à l’écart du CGD. Ce n’est qu’en décembre 1943, après l’arrestation de son président, qu’il accepte de rencontrer les représentants du CGD, composé essentiellement de Juifs d’Europe de l’Est. Le Consistoire entre alors dans le CGD, organisme commun de la Résistance juive. Devenu emblématique de la communauté juive de France, il prendra le nom de Conseil représentatif des Israélites de France puis de Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF).
Références
– Rayski Adam, 1992, Le Choix des Juifs sous Vichy. Ed. La Découverte.
– Adler Jacques, 1985, Face à la persécution. Les organisations juives à Paris de 1940 à 1944. Ed. Calmann-Lévy
UNION DES JUIFS POUR LA RÉSISTANCE ET L'ENTRAIDE (UJRE)
La création de l’UJRE participe de la même démarche d’élargissement. Après l’entrée des Allemands en zone sud et les déportations massives, la communauté de destin des Juifs, immigrés ou français, est désormais évidente. C’est dans ce contexte qu’au printemps 1943, se réunit clandestinement la conférence de 7 responsables des centres de Résistance des zones Nord et Sud liés à la section juive de la M.O.I. : Idel Korman, Edouard Kowalski, Adam Rayski, Sophie Schwartz, Thérèse Tennenbaum, de la direction parisienne, Charles Lederman et Jacques Ravine de la direction de la zone sud. Ils décident la création d’un organisme central clandestin de coordination, l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide, l’ UJRE, qui fédère en son sein d’autres organisations clandestines : « Solidarité » des deux zones, l’Union de la jeunesse juive, l’UJJ, l’Union des femmes juives, l’UFJ, les comités juifs du secours populaire, la commission intersyndicale juive, les groupes armés juifs des FTP-M.O.I.
Notre Parole et Droit et Liberté deviennent les organes de l’UJRE en français. Unzer Wort paraît en yiddish. L’UJRE se veut ouverte à tous les Juifs. Elle impulse aussi l’unification partielle de la Résistance juive au sein d’un Comité Général de Défense, donnant naissance en 1944 au CRIF, Conseil représentatif des Israélites de France.
Des groupes de combat existent déjà sous l’égide de « Solidarité ». Ils prennent le nom de « groupes de combat de l’UJRE » et connaissent une grande extension. À la différence des FTP-M.O.I., leurs membres gardent une activité civile. Ils agissent soit en appui des FTP-M.O.I., soit de façon autonome. Ces groupes jouent un rôle éminent dans les combats de la Libération.
Grâce à son action multiforme, l’influence de l’UJRE dans la population juive immigrée progressiste est considérable au moment de la Libération.
Références :
— Ravine Jacques, 1973, La Résistance organisée des Juifs en France, Julliard.
— Diamant David, 1971, Les Juifs dans la Résistance française, Le Pavillon.
— Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowki Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Messidor/Éditions sociales.
SECTION JUIVE DE LA M.O.I.
La section juive yiddishophone, très active, est à la tête de nombreuses institutions sociales et culturelles.
Certains permanents sont membres du Parti communiste. Ils ont, à leurs côtés, quelques centaines d’adhérents qui conservent une activité professionnelle et militent dans le milieu des Juifs immigrés, regroupés, principalement, dans les quartiers populaires du centre et de l’est de Paris.
L’instrument principal de leur influence est, depuis 1934, le journal yiddish quotidien, La Naïe Presse (La Presse Nouvelle). Ces militants agissent au sein de ce qu’on nomme des organisations « de masse », réseaux d’associations diverses qui servent de courroies de transmission pour les mots d’ordre du Parti. Ce sont des viviers d’initiation politique et de recrutement.
Ainsi, la Kultur Ligue, cœur de la vie sociale des jeunes Juifs immigrés, s’installe 10 rue de Lancry et devient en même temps qu’un organisme culturel, une sorte de Bourse du travail et de logement, un bureau de renseignement pour l’obtention de papiers d’identité et de travail. Sous son égide, se créent une bibliothèque, un théâtre yiddish, une chorale, une section de jeunes, un club sportif, un dispensaire, un patronage, des colonies de vacances, une organisation de femmes, des sociétés de villes selon les origines des immigrés… Il s’agit de l’esquisse d’une contre-société couvrant toutes sortes de besoins.
Ces Juifs internationalistes participent aux luttes du mouvement ouvrier français auquel ils sont liés organiquement.
Ils sont partie prenante des combats antifascistes et très présents lors des grandes grèves de 1936 pour soutenir le Front populaire. Ils appuient la république espagnole et beaucoup s’engagent dans les Brigades internationales.
Ils soutiennent la culture yiddish et dénoncent les mesures contre les immigrés, l’antisémitisme en France et les persécutions anti-juives dans l’Allemagne hitlérienne.
Référence
Cukier Simon, Decèze Dominique, Diamant David, Grojnowski Michel, 1987, Juifs révolutionnaires, Paris, Messidor/Éditions Sociales
CONSEIL REPRÉSENTATIF DES ISRAÉLITES DE FRANCE (CRIF)
La conscience d’un destin commun les a peu à peu rapprochés des Juifs immigrés. Dès 1943, la création clandestine du Comité général de défense des Juifs (CGD) constitue la première étape de l’unification. Avec le ralliement du Consistoire, le CGD débouche sur la fondation, toutes tendances confondues, du Conseil représentatif des Israélites de France, le CRIF.
À l’origine, le CRIF ne comprend que le Consistoire central, la Fédération des sociétés juives (de secours matériel, moral ou juridique), le Bund (socialistes) et l’UJRE (Communistes). Tous aspirent à la paix après le séisme de la barbarie nazie. Ils parviennent, jusqu’à la fin de la guerre, à surmonter leurs dissensions idéologiques sans, pour autant, renoncer à les exprimer dans leurs organes de presse respectifs.
En 1944, Droit et Liberté, par exemple, publication de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE) composée de Résistants de la section juive de la M.O. I, affirme ses positions communistes.
Le Conseil représentatif des Israélites de France rédige une charte, en 1944, qui garantit aux Juifs, dans le cadre légal de la République française, une égalité de traitement politique, économique, social et religieux avec les autres citoyens. La charte réclame, en outre, la restitution de leurs biens, spoliés par les nazis avec la complicité du régime de Vichy.
Pour la première fois dans l’Histoire des Juifs, apparaît, avec le CRIF, un organe représentatif unique dont les fondements ne sont pas religieux.
Tout en conservant le même acronyme, le CRIF, devient, après guerre, Conseil Représentatif des institutions juives de France. En 2009, l’Union des Juifs pour la Résistance et l’entraide (UJRE) suspend sa participation au Conseil. Elle condamne l’absence de représentativité pluraliste et progressiste du CRIF, en contradiction avec ses valeurs humanistes d’origine.
Référence
Vescovi Thomas, 2020, Les Juifs de France et Israël, « Le Monde diplomatique ».
SIONISME
Theodor Herzl, journaliste juif austro-hongrois, est l’un des premiers concepteurs d’un État juif autonome et le théoricien de la démocratie israélienne. Il conçoit un État dans lequel Juifs et non-Juifs disposent à égalité des droits fondamentaux. Après la déclaration Balfour, en 1917, en faveur de l’établissement d’un foyer juif en terre de Sion, des Juifs commencent à s’installer en Palestine ottomane.
Après la dislocation de l’empire ottoman, la Palestine est placée sous mandat britannique en 1920. L’extermination de 6 millions de Juifs d’Europe au cours de la deuxième guerre mondiale accélère le processus d’immigration pour les survivants.
Le plan de partage, voté par L’ONU après la guerre (un État juif, un État arabe), met fin au mandat britannique et aboutit à la création de l’État d’Israël en 1948 mais l’État arabe est rejeté par la plupart des Palestiniens qui se sentent dépossédés.
Les premiers kibboutz (kibboutzim) israéliens, communautés de production et de vie, créés par des Juifs d’origine russe ou polonaise appartenant au courant socialiste du sionisme, concrétisent un idéal révolutionnaire de partage. Sous l’emprise économique libérale israélienne, ils disparaissent peu à peu.
Par ailleurs, le conflit israélo-palestinien s’enracine, chaque partie défendant une cause qu’elle estime juste. La paix, dans cette région, n’est jamais durable.
Un sionisme dit « de gauche » milite pour 2 États dans des frontières sûres, pour l’un, comme pour l’autre.
En France, en 1944, les résistants de la section juive clandestine de la M.O.I., n’adhèrent pas au projet sioniste mais, à l’approche de la Libération, ils aspirent au rétablissement de la République et à la paix. Les militants de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE) soutiennent la création de l’État d’Israël en 1948 mais défendront, et continuent de défendre, leurs convictions universalistes démocratiques.
Le terme « sionisme » est source de confusion et recouvre plusieurs réalités.
Il est couramment employé, de nos jours, par les opposants à la politique du gouvernement israélien, dans le sens d’expansionnisme colonial, bien loin du projet sioniste d’origine.
L’antisionisme radical se concrétise par la négation de l’État d’Israël et l’appel à sa destruction.
Références
— Bensoussan Georges, 2002, Une histoire intellectuelle et politique du sionisme – 1860-1940. Ed. Fayard.
— Herzl Theodor, 1994, Journal 1895-1904. Ed. Calmann-Lévy.